La lettre juridique n°193 du 8 décembre 2005 : Social général

[Jurisprudence] La mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2005-892 relative aux seuils d'effectifs fortement compromise

Réf. : CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 286440, Confédération générale du travail - Force ouvrière (N° Lexbase : A7291DLM)

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le 07 Octobre 2010

Alors que le Conseil d'Etat a pleinement validé la mesure phare (la plus médiatisée) des ordonnances sur l'emploi de cet été 2005, le contrat nouvelles embauches, l'ordonnance n° 2005-892 excluant les jeunes de moins de 26 ans du calcul des seuils d'effectifs (ordonnance du 2 août 2005, n° 2005-892, relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises N° Lexbase : L0757HBN) connaît, au contraire, un sort judiciaire qui en compromet définitivement la mise en place. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat avait, en effet, prononcé un sursis à statuer sur les requêtes déposées par les principaux syndicats de salariés demandant l'annulation de cette ordonnance, jusqu'à ce que la CJCE se soient prononcée sur des difficultés sérieuses d'interprétation (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération Générale du Travail et autres N° Lexbase : A9978DKR, lire nos obs., Seuils d'effectifs : un arrêt du Conseil d'Etat en demi-teinte, Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0047AKX). Puis, moins d'un mois plus tard, le Conseil d'Etat statue à nouveau, cette fois-ci sur une demande tendant à la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892, parce que l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Des l'origine, cette ordonnance avait été très discutée, en raison de ses postulats de depart (1) ; sa remise en cause par le Conseil d'Etat n'est pas très surprenante (2).
Décision

CE 1° et 6° s-s-r., 23 novembre 2005, n° 286440, Confédération générale du travail - Force ouvrière (N° Lexbase : A7291DLM)

Textes applicables : Loi 26 juillet 2005, n° 2005-846, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (N° Lexbase : L8804G9X) ; Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatifs aux licenciements collectifs (N° Lexbase : L9997AUS) ; Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (N° Lexbase : L7543A8U).

Lien bases :

Résumé

L'ordonnance n° 2005-892 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises est suspendue par le Conseil d'Etat.

Faits

Requête de la CGT-FO : demande la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises ; à titre subsidiaire, la suspension de l'exécution de cette ordonnance en tant qu'elle s'applique aux établissements comportant plus de 20 travailleurs.

Solution

1. Au nombre des dispositions dont l'application peut se trouver écartée ou différée par l'ordonnance n° 2005-892, figurent celles qui imposent aux entreprises la mise en place d'institutions représentatives du personnel appelées, notamment, à intervenir dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique : l'application de cette mesure porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la CGT-FO.

La condition tenant à l'urgence doit être considérée comme remplie.

2. Par décision en date du 19 octobre 2005, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur les questions suivantes : compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002, qui est le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette Directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ? Ces moyens sont propres à faire naître un doute serieux sur la légalité de l'ordonnance n° 2005-892.

3. Le Conseil d'Etat prononce la suspension de l'ordonnance n° 2005-892.

Commentaire

1. Un constat de départ : la référence très discutée à l'"effet de seuil"

1.1. La notion d'effet de seuil

La notion d'effet de seuils doit être entendue comme l'influence exercée sur l'emploi par les différents seuils, constituant par là-même un frein à la croissance des entreprises. Les entreprises hésiteraient à procéder à des recrutements supplémentaires lorsque leur effectif approche ces seuils légaux. Mais, les travaux publiés par les économistes et statisticiens ne sont pas unanimes sur ces prétendus effets de seuil (1), et les juristes sont très partagés (2).

Pourtant, le pouvoir réglementaire et certains parlementaires ont repris à leur compte cette notion d'effet de seuils, en relevant que les entreprises renoncent souvent à créer de nouveaux emplois en raison des obligations qui résulteraient pour elles du franchissement des seuils, ce qui expliquerait que le nombre d'entreprises de 9 salariés soit deux fois plus élevé que celui des entreprises de 10 salariés ou qu'un effet de seuil encore plus marqué soit observé pour le nombre d'entreprises de 49 et de 50 salariés.

Le Conseil constitutionnel (opinion exprimée par la voie des cahiers du Conseil constitutionnel, et non dans sa décision DC 2005/521 rendue le 22 juillet 2005 N° Lexbase : A1642DKZ), paraît partager cette analyse, en estimant "que la crainte des conséquences du franchissement des seuils influe de façon dissuasive sur les décisions d'embauche. Comment expliquer que l'évolution de l'emploi dans les entreprises se situant juste en dessous du seuil de 50 salariés apparaisse aussi ralentie ? Il s'agit là d'un constat statistique et non d'un présupposé arbitraire" (3).

1.2. Une réponse juridique inadaptée

La dimension désincitative des seuils d'effectifs, qui n'a pas convaincu les économistes et les statisticiens, a pourtant influencé directement le legislateur (loi d'habilitation n° 2005-846 du 26 juillet 2005) et le pouvoir reglementaire (ordonnance n° 2005-892) dans une nouvelle mesure pour l'emploi, dispensant les employeurs d'intégrer dans le calcul des effectifs les jeunes de moins de 26 ans.

Cette ordonnance a été critiquée sur la portée juridique de cette neutralisation des jeunes sur le calcul des effectifs (dimension juridique), d'une part, et sur l'intérêt réel que l'employeur pouvait trouver dans cette mesure (dimension financière), d'autre part.

  • Dimension juridique

En excluant du calcul des effectifs de l'entreprise les jeunes de moins de 26 ans, l'ordonnance n° 2005-892 permet, par exception au principe général défini par l'article L. 620-10 du Code du travail (N° Lexbase : L7732HBY), une non-prise en compte des jeunes de moins de 26 ans dans le calcul des effectifs dans toutes les dispositions du Code du travail qui font intervenir la variable seuil d'effectifs : seuil de déclenchement de la mise en place des institutions représentatives du personnel, seuil de déclenchement d'un régime propre dans le droit des licenciements, dispositions liant l'obtention de certains droits des salariés à des seuils (procédures de licenciement, participation, congés, formation...) ainsi que celles qui sont relatives à l'hygiène et à la sécurité (locaux de premiers secours, CHSCT...).

Ni le pouvoir législatif (loi d'habilitation du 26 juillet 2005), ni le pouvoir réglementaire (ordonnance n° 2005-892), n'ont exclu cette nouvelle règle de décompte des effectifs dans le droit de la représentation du personnel. Le Conseil constitutionnel les a soutenus, alors que les requérants invoquaient le fait que cette loi d'habilitation permettrait au Gouvernement de dispenser les petites entreprises du respect de certaines exigences constitutionnelles destinées à protéger les salariés, sur la base d'une violation des alinéas 8 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 (N° Lexbase : L6815BHU).

Il y aurait disproportion entre incitation à l'emploi (au profit des employeurs) et renonciation (au détriment des salariés) à une représentation du personnel du fait de l'application de l'ordonnance n° 2005-892. Permettre aux entreprises de contourner les seuils sociaux pour ne pas avoir à organiser des élections de délégués du personnel pour celles employant plus de 10 salariés, ou à désigner un délégué syndical pour celle ayant plus de 50 salariés, serait indifférent au regard de l'objet de la loi, selon ces parlementaires.

Mais, selon le Conseil constitutionnel, l'article 1-5° de la loi d'habilitation n° 2005-846 du 26 juillet 2005 n'autorise qu'un aménagement des règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, et non du contenu desdites dispositions ou obligations (Conseil constitutionnel, déc. DC 2005/521, 22 juillet 2005)

  • Dimension financière

En application de l'ordonnance n° 2005-892, les jeunes de moins de 26 ans ne sont pas décomptés dans les effectifs de l'entreprise, pour le calcul du seuil à partir duquel sont dues certaines charges sociales : versement transports ; versement Fnal (art. 3 de l'ordonnance, modifiant l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7564HBR : taux 0,10 % pour toutes les entreprises, quels que soient les effectifs ; pour les entreprises de plus de 9 salariés, taux portée à 0,40 %, calculé sur la totalité du salaire) ; participation à la construction (art. 4 de l'ordonnance, modifiant le septième alinéa de l'article L. 313-1 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L7556DK3).

Or, l'ordonnance n° 2005-892, qui organise une exonération sur le versement Fnal, doit être analysée dans une mise en confrontation avec d'autres dispositions prises par le pouvoir réglementaires le même jour (ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005 relevant certains seuils de prélèvements obligatoires et tendant à favoriser l'exercice d'une activité salariée dans des secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement N° Lexbase : L0753HBI) ou quelques semaines plus tôt (ordonnance 8 juin 2005, n° 2005-655, relative au logement et à la construction N° Lexbase : L8527G8C).

En effet, l'ordonnance n° 2005-895 du 2 août 2005 avait déjà relevé certains seuils de prélèvements obligatoires, dans le but de favoriser l'exercice d'une activité salariée dans des secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement. L'ordonnance n° 2005-895 a, dès lors, modifié l'article L. 834-1 du Code de la Sécurité sociale, permettant ainsi de relever le seuil des employeurs dispensés de la contribution au Fnal.

Désormais, les employeurs occupant moins de 20 salariés (contre 10 salariés précédemment) sont dispensés de la contribution. Seuls les employeurs occupant plus de 20 salariés seront désormais assujettis à cette cotisation supplémentaire de 0,4 % due sur la totalité des salaires. Tous les employeurs employant entre 10 et 19 salariés cessent donc d'être redevables de cette cotisation. Cette suppression ne vaut que pour la part supplémentaire de cotisation.

De plus, de nombreux salariés sont déjà exclus du calcul des effectifs. La loi du 26 juillet 1985 avait déjà prévu que les apprentis ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'effectif du personnel des entreprises dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives ou réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum de salariés, exception faite de celles qui concernent la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 117-11-1 N° Lexbase : L5421ACR).

Les bénéficiaires des CIE n'étaient pas non plus pris en compte dans le calcul de l'effectif de l'entreprise dont ils relèvent pour l'application à ces entreprises des dispositions législatives et réglementaires qui se réfèrent à une condition d'effectif minimum de salariés, exception faite de celles qui concernent la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles (C. trav., art. L. 322-4-5 N° Lexbase : L3108DC4). Le nouveau CIE, tel que mis en place par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, reproduit à l'identique cette règle (C. trav., art. L. 322-4-8 N° Lexbase : L8937G77), pourtant très critiquée par la doctrine (4). Enfin, s'agissant du contrat de professionnalisation (C. trav., art. L. 981-1 et s. N° Lexbase : L4799DZR), le législateur applique cette règle de non-déclenchement d'un seuil d'effectif par l'embauche d'un jeune (C. trav., art. L. 981-8 N° Lexbase : L4806DZZ).

2. A l'arrivée : remise en cause de l'ordonnance n° 2005-892 par le Conseil d'Etat

2.1. Arrêt du Conseil d'Etat, 19 octobre 2005 : renvoi préjudiciel devant la CJCE

Le Conseil d'Etat n'avait pas désavoué le pouvoir réglementaire ni la decision rendue quelques semaines plus tôt par le Conseil constitutionnel, mais avait tout de même prononcé un renvoi prejudiciel devant la CJCE. On se souvient, en effet, que le Conseil d'Etat, dans cet arrêt rendu le 19 octobre 2005, avait prononcé un sursis à statuer jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur deux questions (CE Contentieux, 19 octobre 2005, n° 283892, Confédération Générale du Travail et autres N° Lexbase : A9978DKR).

Compte tenu de l'objet de la Directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 (N° Lexbase : L7543A8U), le renvoi aux Etats membres du soin de déterminer le mode de calcul des seuils de travailleurs employés que cette directive énonce, doit-il être regardé comme permettant à ces Etats de procéder à la prise en compte différée de certaines catégories de travailleurs pour l'application de ces seuils ?

Dans quelle mesure la Directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 (N° Lexbase : L9997AUS) peut-elle être interprétée comme autorisant un dispositif ayant pour effet que certains établissements occupant habituellement plus de 20 travailleurs se trouvent dispensés, fût-ce temporairement, de l'obligation de créer une structure de représentation des travailleurs en raison de règles de décompte des effectifs excluant la prise en compte de certaines catégories de salariés pour l'application des dispositions organisant cette représentation ?

Il était demandé à la CJCE que ces questions, dont la réponse, eu égard au caractère limité dans le temps du dispositif litigieux qui doit cesser de produire effet au 31 décembre 2007, présente un caractère exceptionnellement urgent, soient examinées conformément à la procédure prévue à l'article 104 bis de son règlement de procédure. Bref, selon le Conseil d'Etat, il paraissait clair que l'ordonnance n° 2005-892 n'était pas (ne paraissait pas) conforme au droit de la consultation des représentants du personnel au titre de la réglementation communautaire sur le licenciement.

2.2. La suspension immediate de l'exécution de l'ordonnance n° 2005-892

Le juge des référés, saisi d'une demande en annulation ou reformation, peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative (ou de certains de ses effets), lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Le Conseil d'Etat, saisi en tant que juridicition de référé, ordonne la suspension de l'ordonnance, parce qu'il considère que ces deux conditions sont remplies.

  • Sur la condition d'urgence

Le Conseil d'Etat rappelle que la condition d'urgence, qui subordonne le prononcé d'une mesure de suspension, est remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre.

Or, l'ordonnance n° 2005-892 permet, pour l'application des dispositions du Code du travail subordonnant leur application à une condition d'effectif, d'exclure les salariés âgés de moins de 26 ans du décompte de cet effectif. Au nombre des dispositions dont l'application peut ainsi se trouver écartée ou différée, figurent celles qui imposent aux entreprises la mise en place d'institutions représentatives du personnel appelées, notamment, à intervenir dans les procédures de licenciement collectif pour motif économique.

L'application de cette mesure porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts de la CGT-FO, selon le Conseil d'Etat (arrêt rapporté). Même si le ministre de l'Emploi fait valoir que l'ordonnance n° 2005-892 a été inspirée par l'objectif de favoriser l'emploi, le Conseil d'Etat conclut que la condition tenant à l'urgence doit être regardée comme remplie.

  • Sur l'existence d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision

Le Conseil d'Etat a, comme on le sait, sursis à statuer sur les requêtes tendant à l'annulation de l'ordonnance du 2 août 2005 jusqu'à ce que la CJCE se soit prononcée sur les difficultés sérieuses d'interprétation que posent ces deux directives, et dont dépend la légalité de cette ordonnance n° 2005-892. Or, selon le Conseil d'Etat, pour des motifs de la même nature que ceux ayant conduit à prononcer ce renvoi préjudiciel, ces moyens sont, en l'état de l'instruction, propres à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance contestée.

C'est la première fois, à notre connaissance, qu'une haute juridiction française intervient à visage si découvert, dans le débat sur les contrats aidés et les aides à l'emploi. Le Conseil constitutionnel s'était déjà exprimé à plusieurs reprises sur certaines lois dont l'objet était l'emploi : mais, la plupart du temps, les décisions rendues ne prononçaient pas la censure.

L'arrêt rapporté par le Conseil d'Etat n'en a que plus d'importance et de poids. Jusqu'à présent, il existait, en effet, en France, un consensus général, le plus souvent exprimé seulement au niveau de l'inconscient, selon lequel l'emploi (les contrats aidés, les aides à l'emploi) constituait la priorité absolue, fût-ce au prix de sacrifices par les salariés (ou les employeurs), qui pouvaient être sollicités pour renoncer à certaines dispositions du Code du travail. Le Conseil d'Etat brise ce tabou d'un arbitrage systématiquement favorable à l'emploi, et rétablit un rééquilibrage entre emploi et renonciation aux prérogatives juridiques nées du Code du travail.

Christophe Willmann
Professeur à l'université de Haute Alsace


(1) P. Cahuc, F. Kramarz et S. Perez-Duarte, La question des seuils de taille d'entreprise, Dr. soc. 2005, p. 1139.

(2) C. Sachs-Durand, Les seuils d'effectif en droit du travail, préc. ; J. Prieur et P. Goyard (dir.), Seuils légaux et dimensions de l'entreprise Droits commercial, fiscal, social et économique, Avant-propos de A. Sayag, LITEC, 1990 ; P. Bourguignon, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981], Ass. nat. n° 567, 1re session ord. 1981-1982 ; CNPF, Les effets des seuils d'effectif de l'entreprise, doc. ronéoté, Direction générale des Affaires sociales, Paris, 1984 ; M. Coffineau, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983], Ass. nat., n° 1451, 2e session ord. 1982-1983 ; E. Dailly, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981], Sénat, n° 20, 1re session ord. 1981-1982 ; J. Roger-Machart, Rapport [en vue de l'adoption de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984], Ass. nat., n° 1526, 2e session ord. 1982-1983 ; M.-C.Boutard-Labarde et R. Saint-Esteben, Réflexions sur le seuil de sensibilité en droit de la concurrence, JCP éd. E. 1989, II, 15406 ; M. Kalika, La structure organisationnelle et la taille de l'entreprise, Les Petites Affiches 1er déc. 1989, p. 11 ; G. Lang et C. Thelot, Taille des établissements et effets de seuil, Economie et statistique janv. 1985, n° 173, p. 3 ; (C. Willmann, L'exclusion du calcul des effectifs des jeunes de moins de 26 ans (Ord. 2005-892 du 2 août 2005), Dr. soc. 2005 ; V. enfin, pour une lecture critique de cette ord., B. Gauriau, Commentaire de l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 relative à l'aménagement des règles de décompte des effectifs des entreprises, JCP-S 6 sept. 2005, étude n° 1121, p. 41.

(3) Toutes ces données sont accessibles sur site internet du Conseil constitutionnel.

(4) L. Gamet, Les contrats de travail conclus au titre des dispositifs publics de mise à l'emploi, prec.

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