La lettre juridique n°123 du 3 juin 2004 : Bancaire

[Le point sur...] La conclusion des transactions financières et bancaires en ligne... à l'européenne !

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N1801ABC

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le 07 Octobre 2010

La Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers devenu l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'instar de certains organismes internationaux tels que le Comité de Bâle et l'Organisation Internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV) (1), se sont préoccupés du cadre juridique à créer en vue de sécuriser la diffusion d'informations financières sur Internet (2), l'exécution des opérations de bourse (3) et la transmission et réception d'ordres via Internet (4). Toutefois, l'essentiel de la réglementation des transactions bancaires ou financières en ligne (5) trouve sa source dans la législation communautaire en cours de transposition en droit français. A l'aune de la promulgation du projet de loi définitif sur l'économie numérique adopté le 13 mai 2004 en deuxième lecture par le Sénat, le cadre juridique des contrats en ligne et plus spécifiquement des transactions bancaires et financières se concrétise. Le "plan d'action pour les services financiers" (PASF), lancé en 1999 par les instances communautaires, n'est pas resté lettre morte. En témoigne l'adoption, le 23 septembre dernier, de la directive européenne 2002/65/CE concernant la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs (6), texte qui vient compléter le droit commun des transactions en ligne issu de la directive européenne 2000/31/CE du commerce électronique du 8 juin 2000 (7) et en cours de transposition en droit français via le projet de loi n° 528 du 15 janvier 2003 pour la confiance dans l'économie numérique adopté en deuxième lecture par le Sénat le 13 mai 2004.

Ces nouveaux textes, à l'aube du développement des transactions en ligne, doivent appréhender une situation complexe. La relation contractuelle en ligne naît de l'acceptation d'une offre sur un site Internet, se conclue puis s'exécute par le biais de ce site. Le contrat est donc "virtuel" et se réalise exclusivement à distance.

Dans ce contexte de dématérialisation et de délocalisation des transactions, quel peut être l'apport en droit français du droit européen des services bancaires ou financiers à distance ? Celui-ci diffère suivant la nature du contrat en cause :

Les contrats "B to B" sont ceux qui sont conclus uniquement entre professionnels. Ils relèvent du droit commun des transactions en ligne, et en l'occurrence, de la directive européenne 2000/31/CE du commerce électronique du 8 juin 2000 et, par conséquent, du projet de loi n° 528 du 15 janvier 2003. La validité des transactions en ligne est enfin reconnue (futur article 1108-1 du Code civil). Celles-ci sont réputées conclues au moment où le prestataire accuse réception de l'acceptation du client via Internet - technique du double-clic - (futur article 1369 du Code civil). Le projet de loi impose cependant aux différents prestataires un certain nombre d'obligations : identification du prestataire, mention d'informations obligatoires lors de la phase pré-contractuelle et contractuelle. Ces obligations seront donc celles à respecter par le fournisseur de services bancaires ou financiers cocontractant d'un contrat "B to B".

Les contrats "B to C" sont les transactions conclues entre professionnels et consommateurs. Ils sont régis par la directive 2002/65/CE qui répond en droit français à un besoin urgent : la vente à distance portant sur les services financiers est, en effet, exclue de l'article L. 121-16 du Code de la consommation ([LxB=L6580ABC]). Cette directive protectrice des intérêts du consommateur concerne tous les services financiers c'est-à-dire "tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements" (article 2 (b) de la directive). Notre droit ne saurait, dès lors, diverger dans le futur des exigences communautaires. Ces dernières pèsent à nouveau sur le prestataire de services bancaires ou financiers qui est tenu de transmettre en temps utile et, avant la conclusion définitive de la transaction, les informations suivantes : identité complète du fournisseur, de l'intermédiaire, principales caractéristiques et prix du service financier proposé, droit applicable au contrat et recours possibles (article 3 à 5 de la directive). Ces informations seront communiquées sur un support papier ou sur tout support durable (disquette informatique, CD-ROM, DVD, disque dur...) et en "temps utile" de manière à ce que le consommateur prenne parfaitement connaissance de ses engagements, et ce, avant la conclusion du contrat (article 5 § 1 de la directive). Il est à craindre que ces différentes dispositions soient peu ou pas appliquées en droit français. Le Code de la consommation impose bien souvent un écrit indiquant les informations pré-contractuelles. A titre d'exemple, l'offre préalable de crédit mobilier ou immobilier est impérativement requise par écrit, sans exception possible et dotée de ses mentions obligatoires informatives (C. consom., art. L.311-8 [LxB=L6733ABY]).

La protection du consommateur atteint son paroxysme après la conclusion du contrat : le droit de rétractation lui est offert sans pénalité et sans indication de motif. Le délai est de quatorze jours à compter de la conclusion du contrat ou du jour où le consommateur reçoit les informations contractuelles préalables si elles lui sont communiquées après cette date de conclusion. Il est nettement plus long que celui de sept jours francs prévu pour les prestations de services à distance de droit commun (C. consom., art. L.121-20 alinéa 1er [LxB=L6584ABH]). L'allongement du délai rassure les consommateurs et renforce leur confiance lors des transactions à distance portant sur les services financiers. Lorsque le droit de rétractation est exercé, les titulaires de ce droit seront remboursés de l'indu par le fournisseur du service (article 7 § 4 de la directive) qui est néanmoins payé pour la prestation réellement fournie avant la rétractation et ce depuis la conclusion du contrat (article 7 § 1 de la directive).

Un cadre juridique est donc en construction. Même si de nombreuses questions subsistent, la commercialisation des produits et des services financiers en ligne est une réalité économique et juridique : les ordres de bourse se transmettent et s'exécutent en ligne, la monnaie devient électronique (8), le e-crédit et l'ouverture d'un compte via Internet sont une réalité, la publicité des produits d'assurance se fait en ligne... Demeurent posées les questions inhérentes au droit applicable et à la juridiction compétente. Elles ne sont abordées ni par la directive sur les services financiers, ni par la directive commerce électronique, ni par la future loi sur l'économie numérique mais par d'autres textes de droit dérivé.

Les règles de conflit de juridictions sont fixées par le règlement du Conseil "Bruxelles I" du 22 décembre 2000 entré en vigueur le 1er mars 2002 ([LxB=L7541A8S]). Si le contrat est "B to B", le tribunal compétent est au choix du demandeur, à savoir celui du domicile du défendeur (article 2 du règlement) ou celui du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; étant présumé qu'il s'agit du tribunal du lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis (article 5 du règlement). Lorsque le contrat est "B to C", le consommateur a la possibilité d'attraire le professionnel devant les juridictions de son domicile ou de celui du professionnel (article 15 à 17 du règlement).

La loi applicable à la transaction sera celle dictée par les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ([LxB=L6798BHAJ]) entrée en vigueur en France le 1er avril 1991. La loi applicable est celle choisie par les parties (article 3 de la Convention). En l'absence de choix, c'est la loi du pays du débiteur de la prestation caractéristique qui sera compétente pour régir la prestation en ligne (article 4 de la Convention) et donc la loi du prestataire du service financier. Enfin, lorsque le contrat est "B to C", le consommateur pourra bénéficier des dispositions protectrices de sa résidence habituelle (article 5 de la Convention).

Marie-Elisabeth Mathieu
Maître de conférences à l'Université d'Evry, Val d'Essonne
Membre du Centre de recherche Etat et concurrence de l'Université d'Evry
Membre du Centre de formation professionnelle notariale de Paris,
Jeantet Associés, 
Directeur scientifique de la base Droit bancaire.


Actualité

Démarchage financier : la loi de sécurité financière unifie la définition du démarchage bancaire et financier : "constitue un acte de démarchage bancaire ou financier, toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord" sur un certain nombre de services et d'opérations.

Sont ainsi visées :"(1°) La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'une opération sur un des instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1; (2°) La réalisation par une des personnes mentionnées au 1 ° de l'article L. 341-3 d'une opération de banque ou d'une opération connexe définie aux articles L. 311-1 et L. 311-2; (3°) La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service d'investissement ou d'un service connexe définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2; (4°) La réalisation d'une opération sur biens divers mentionnée à l'article L. 550-1; (5°) La fourniture par une des personnes mentionnées au 3° de l'article L. 341-3 d'une prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 541-1.Constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins" (Projet de loi., art. L. 341-1).

Cette nouvelle définition du démarchage se veut extensive : la notion centrale est celle de prise de contact non sollicitée et tous les moyens de démarchage sont envisagés (et donc implicitement Internet). Cette nouvelle approche du démarchage prend uniquement en compte la finalité de celui-ci, ce qui permet de lever l'incertitude antérieure sur la différence entre simple conseil et offre véritable de services.


(1) V. pour le Comité de Bâle, Rapp. CRBF 1999, p.217 et http://www.bis.org. V. aussi le site de l'OICV, http://www.iosco.org.
(2) Recommandation COB n° 2000-02, relative à la diffusion d'informations financières sur les forums de discussion et les sites Internet dédiés à l'information ou au conseil financier, Bull. COB. n°351, nov. 2000, ([LxB=L4156ALI]).
(3) Recommandation COB n° 99-02, relative à la promotion ou la vente de produits de placement collectif ou de services de gestion sous mandat via Internet, Bull. COB, n° 337, juillet-août 1999, ([LxB=L1183ASM]).
(4) Décision CMF n° 99-07, relative aux prescriptions et recommandations pour les prestataires de services d'investissement offrant un service de réception-transmission ou d'exécution d'ordres de bourse emportant une réception des ordres via Internet, ([LxB=L0054ASS]).
(5) V. en cours de parution, M.-E. Mathieu, Transactions bancaires et financières à distance, droit communautaire et droit français, J.-CL. (Banque-Crédit-Bourse), Fasc. 125, février 2004. V. aussi J. C.Trichet, "Internet : quelles conséquences prudentiels ?" : Livre Blanc, 30 janvier 2001.
(6) JOCE n° L 271 du 09 octobre 2002, p.16 ([LxB=L9628A4D]).
(7) JOCE n° L 178 du 17 juillet 2000, p.1 ([LxB=L8018AUI]).
(8) Arrêté du 10 janvier 2003 portant homologation du règlement n° 2002-13 du Comité de la réglementation bancaire et financière,relatif à la monnaie électronique et aux établissements de monnaie électronique, JO n° 27 du 1er février 2003, p. 2003 ([LxB=L1919A9X]).

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