La lettre juridique n°123 du 3 juin 2004

La lettre juridique - Édition n°123

Table des matières

Investissements d'aujourd'hui et croissance de demain

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N1815ABT

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 07 Octobre 2010


La situation française en matière de recherche et développement se caractérise depuis plusieurs années par un relatif désengagement de l'Etat. Depuis 1995, l'effort de recherche n'est plus financé majoritairement par l'Etat, mais par les entreprises. Or, le constat d'un retard d'investissement français invite à réfléchir aux mesures de soutien que les pouvoirs publics seraient susceptibles d'adopter pour y remédier. L'instauration d'un crédit d'impôt recherche depuis 1983 est l'un des instruments de pérennisation de cet investissement. A côté de ce crédit d'impôt, existent des mesures d'aide finalisées : des projets ou des entreprises sélectionnées bénéficient d'une assistance, sous forme d'une subvention ou de prêts à des conditions favorables. Mais, quelle est l'efficacité de ces dispositifs ? On peut observer un accroissement de l'effort de recherche accompli par les entreprises françaises : depuis une vingtaine d'années, la dépense de recherche-développement des entreprises françaises, rapportée au PIB, a progressé. Elle représentait 1,22 points de PIB en 1999 (1 point de PIB pour les dépenses financées par l'Etat), contre 0,92 point en 1984. Ce bon résultat peut s'expliquer, notamment, par le fait que le crédit d'impôt recherche est accordé à toutes les entreprises qui se dotent d'une capacité de recherche et développement, même minime (moins d'un chercheur à temps plein par an). Mais pour 2010, le Gouvernement veut porter le taux des dépenses françaises de recherche et de développement au niveau de celui de nos partenaires européens, soit 10 % du PIB (dépenses financées par l'Etat et les entreprises confondues). Cet objectif, qui impose aux entreprises privées un lourd effort de recherche en 6 ans semble difficile à atteindre. En effet, malgré la récente réforme du régime du crédit d'impôt recherche, sa difficile mise en oeuvre et la méfiance qu'il inspire semblent nuire à son efficacité. En fait, les entreprises innovantes sont confrontées à deux problèmes majeurs : d'une part, le contrôle systématique des entreprises demandant à bénéficier du crédit d'impôt, accentué par la difficulté à justifier les opérations de recherche, et d'autre part l'impossibilité de bénéficier immédiatement du crédit d'impôt. Pourtant, "un investissement plus important en recherche et développement (R&D) est la clé des innovations et de la croissance de demain" - rapport d'information du Sénat sur les déterminants de l'investissement, 29 octobre 2002, M. Joseph Kergueris.

newsid:11815

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Reconnaissance judiciaire d'une UES : mise en place des institutions représentatives du personnel appropriées et cessation des mandats en cours

Réf. : Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, Union générale des syndicats FO Vivendi et filiales et autres c/ Fédération Interco-CFDT et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2482DCW)

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N1765ABY

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par Gilles Auzero, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La constitution de l'unité économique et sociale (UES) "Compagnie générale des eaux" aura été à l'origine d'un véritable feuilleton, dans lequel la Cour de cassation aura occupé un rôle de premier plan, rendant plusieurs arrêts, parfois d'une importance considérable (1). La décision commentée mérite à son tour de retenir l'attention, s'agissant cette fois des conséquences de la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale sur la mise en place des institutions représentatives du personnel à ce niveau. Dans cet arrêt, la Cour de cassation décide en effet que "la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale, quelle que soit l'échéance de leur terme". Il est donc nullement nécessaire d'attendre l'échéance du terme des mandats en cours pour procéder à leur renouvellement : une décision logique, qui s'inscrit parfaitement dans la jurisprudence classique de la Chambre sociale.  

Décision :

Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, Union générale des syndicats FO Vivendi et filiales et autres c/ Fédération Interco-CFDT et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2482DCW)

Cassation partielle sans renvoi de TI Paris (8ème arr.), 16 décembre 2002

Texte visé : article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM)

Unité économique et sociale ; reconnaissance judiciaire, mise en place des institutions représentatives appropriées, cessation des mandats en cours.

Liens base : ; ;

Faits

1. Saisi le 6 juin 2002 par requête de cinq organisations syndicales, le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris avait, par jugement rendu le 16 décembre suivant, constaté l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Compagnie générale des eaux et 45 de ses filiales.

2. Après avoir constaté l'existence de l'unité économique et sociale "Générale des eaux", le tribunal saisi avait jugé que les élections dans le cadre de cette unité économique et sociale devaient avoir lieu, pour le renouvellement des mandats actuellement en cours, à l'échéance de leur terme.

Solution

1. "La reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale, quelle que soit l'échéance de leur terme".

2. Cassation partielle sans renvoi de TI Paris (8e arrondissement) 16 décembre 2002.

Commentaire

Avant d'aborder la question des conséquences de la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale sur la mise en place des institutions représentatives du personnel à ce niveau, question constituant l'apport véritable de l'arrêt, on peut relever que la Cour de cassation approuve par ailleurs les juges du fond d'avoir retenu l'existence d'une unité économique et sociale, sur le fondement de critères désormais classiques. Du point de vue de l'unité économique, le tribunal d'instance a ainsi constaté la concentration des pouvoirs et la complémentarité des sociétés qui concourent toutes, par la distribution ou l'assainissement, à la gestion des contrats d'exploitation de l'eau. En outre, les ressources humaines sont gérées par les directions régionales soumises à la direction nationale. S'agissant de l'unité sociale, les juges du fond ont relevé que "les salariés qui contribuent à l'activité identifiée comme celle du "Pôle eau Générale des eaux" sont mobiles entre les sociétés en cause, relèvent de la même convention collective, du même accord d'intéressement, du même accord prévoyance obligatoire" (2).

Au vu de ces éléments de fait, l'existence d'une unité économique et sociale ne faisait aucun doute. Toutefois, après en avoir fait la constatation, les juges du fond avaient décidé que les élections dans ce cadre devaient avoir lieu, pour le renouvellement des mandats actuellement en cours, à l'échéance de leur terme. Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui affirme, au visa de l'article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM), que "la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et que les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale quelle qu'en soit l'échéance de leur terme".

Cette solution, qui doit être approuvée, conduit une nouvelle fois la Cour de cassation a préciser les conséquences qui doivent être attachées au jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale. L'arrêt commenté trouve, par suite, parfaitement sa place dans la jurisprudence de la Chambre sociale.

Il convient d'abord de souligner que tant que l'existence de l'unité économique et sociale n'a pas été reconnue par décision de justice ou accord unanime, les élections doivent être organisées au sein de chacune des entreprises, comme si l'UES n'existait pas (Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60.282, FS-P N° Lexbase : A6125AYI ; Cass. soc., 18 février 2004, n° 03-60.051, F-D N° Lexbase : A3326DBS). Seul un accord unanime de tous les partenaires sociaux de l'entreprise peut proroger les mandats venus à expiration (Cass. soc., 27 mai 1999, n° 98-60.327, M. Melani c/ Société SBI France et autre, publié N° Lexbase : A8177AGX). Pour être logique, cette solution n'en présente pas moins un inconvénient majeur, qui incite à rechercher un tel accord. En effet, on sait que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES est déclaratif à la date de la requête introductive d'instance (Cass. soc., 21 janvier 1997, n° 95-60.992, Syndicat CGT Michelin et autres c/ Manufacture française des pneumatiques Michelin et Cie et autres, publié N° Lexbase : A2155ACS). Le tribunal d'instance constate l'existence de l'UES, il ne la crée pas. Le jugement revêt ainsi un caractère rétroactif à la date de la saisine du juge, avec pour conséquence que les élections organisées dans chacune des personnes morales qui composent l'UES, entre la date d'introduction de la requête et celle du jugement ayant reconnu son existence, pourront être annulées (Cass. soc., 21 janv. 1997, préc. ; Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 97-60.292, Société générale Asset management (SGAM) et autres c/ M. Mamadou Savanne et autres, inédit N° Lexbase : A3506CPK ; sur les difficultés suscitées par cette solution, v. J. Savatier, Problèmes posés par la reconnaissance d'une unité économique et sociale : Dr. soc., 1997, p. 347).

A défaut d'annulation ou lorsque les élections dans les différentes composantes de l'UES ont eu lieu avant la saisine du juge, les mandats en cours devront impérativement cesser au jour des élections organisées au sein de l'UES. Sauf à se contredire, les juges du fond ne peuvent à la fois constater l'existence d'une UES et décider que la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées devra attendre l'échéance des mandats en cours. Ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, la reconnaissance d'une UES impose cette mise en place et entraîne, par suite, la cessation des mandats en cours au jour des élections organisées au sein de celle-ci. L'UES permet en effet, au-delà notamment des divisions sociétaires, de reconstituer et d'identifier l'entreprise qui va servir de cadre à la mise en place des institutions représentatives du personnel. Sa constatation ne saurait dès lors laisser perdurer les mandats des représentants du personnel élus dans un autre cadre.

On doit cependant souligner, pour terminer, que la Cour de cassation réserve la solution qu'elle énonce à l'hypothèse d'une reconnaissance judiciaire de l'UES. Par conséquent, les partenaires sociaux peuvent, lorsqu'ils créent une UES par accord unanime, décider que l'élection des institutions représentatives du personnel à ce niveau n'aura lieu qu'à l'échéance des mandats en cours. Il semble, de même, que la reconnaissance judiciaire d'une UES n'interdise pas à ces mêmes partenaires sociaux de prévoir, là encore par accord unanime, un tel report. Il reste qu'un tel accord, exigeant la signature de l'ensemble des organisations syndicales dans l'entreprise, sera bien difficile à obtenir.


(1) On se souvient ainsi de la décision du 7 mai 2002, dans laquelle la Chambre sociale a affirmé qu'"il ne peut y avoir d'unité économique et sociale reconnue par convention ou par décision de justice qu'entre des personnes juridiquement distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leurs personnels" (Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60.424, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6130AYP).

(2) Sur l'ensemble de ces critères et, plus généralement, sur la notion d'unité économique et sociale, v. B. Boubli, L'unité économique et sociale à l'époque des voeux. Etat des lieux et souhaits de réforme : Sem. soc. Lamy n° 1156 et 1157.

newsid:11765

Fiscalité financière

[Jurisprudence] Les produits financiers accessoires exclus du calcul du droit à déduction de la TVA

Réf. : CJCE, 29 avril 2004, aff. C-77/01, Empresa de Desenvolvimento Mineir o SGPS SA (EDM) (N° Lexbase : A9953DBA)

Lecture: 8 min

N1766ABZ

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010


Dans quelle mesure des produits financiers peuvent-ils influencer l'étendue du droit à déduction de la TVA ? Telle était la question soulevée devant la CJCE par l'affaire EDM. La réponse nécessitait une interprétation de l'article 19 § 2 de la 6ème directive TVA (N° Lexbase : L9279AU9), lequel exclut du calcul du pourcentage de droit à déduction de la TVA les opérations immobilières ou financières accessoires. Après avoir dit que des intérêts constituant "le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable" ne sont pas accessoires (CJCE, 11 juillet 1996, aff. C-306/94, Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest SARL c/ Ministre du Budget N° Lexbase : A7255AH8, Dr. fisc.1996, n° 45-46, chron. J. Turot, p. 1384), le juge communautaire devait préciser la notion d'opérations accessoires. L'arrêt "EDM" définit ces opérations comme celles qui "n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ; quoique l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive 77/388 puisse constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de ladite disposition, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci 'd'opérations accessoires'".

L'arrêt "EDM" indique clairement les critères d'identification des opérations financières accessoires hors du calcul du pourcentage de droit à déduction : des opérations dans le champ (1) utilisant peu de biens ou de services grevés de TVA (2).

1. Des opérations financières dans le champ d'application de la TVA

La société EDM est une holding du secteur minier. A la suite d'une demande de remboursement d'un crédit de TVA, EDM a fait l'objet d'un contrôle par l'administration fiscale portugaise. Cette dernière a estimé qu'EDM réalisait des opérations exonérées lui conférant la qualité d'assujetti mixte dont les droits à déduction devaient être calculés selon la méthode du prorata. Il est vrai que l'article 17 § 2 a de la 6ème directive subordonne la récupération de la TVA à l'affectation des dépenses en cause à la réalisation d'opérations taxées. En son paragraphe 5, le même texte prévoit une déduction en proportion des opérations effectivement soumises à la TVA si l'entreprise réalise par ailleurs des opérations exonérées. Cette qualité de redevable partiel renvoie au système du prorata organisé par l'article 19 de la 6ème directive TVA. Ce système consiste à calculer un pourcentage de droit à déduction en divisant le montant hors TVA des opérations soumises à la TVA augmenté des opérations de commerce extérieur par le total hors TVA des opérations dans le champ d'application de la TVA, taxées ou exonérées. Il est toutefois fait abstraction des opérations immobilières et financières accessoires (art. 19 préc.) ainsi que des produits hors du champ d'application de la TVA (CJCE, 22 juin 1993, aff. C-333/91, Sofitam SA (anciennement Satam SA) c/ Ministre chargé du Budget N° Lexbase : A7257AHA ; CJCE, 14 novembre 2000, aff. C-142/99, Floridienne SA et Berginvest SA c/ Etat belge N° Lexbase : A2001AIX ; CJCE, 27 septembre 2001, aff. C-16/00, Cibo Participations SA c/ Directeur régional des impôts du Nord-Pas-de-Calais N° Lexbase : A5734AWB). Ce quotient permet de déterminer la fraction de TVA déductible sur toutes les dépenses affectées à des opérations taxables et à des opérations exonérées.

L'administration fiscale portugaise prétendait que les produits financiers dépassant ceux des autres activités, il s'agissait de la véritable activité principale et non d'opérations accessoires exclues du dénominateur du prorata. Dans la mesure où les activités hors champ sont également hors prorata depuis l'arrêt "Satam" précité, la première question soulevée concernait le champ d'application de la TVA. Avant l'arrêt "EDM", la CJCE excluait déjà du champ d'application de la TVA, aux motifs qu'ils ne constituent ni une activité économique ni des opérations à titre onéreux les dividendes (arrêt "Satam" préc.), les intérêts d'obligations perçus par une entreprise n'ayant pas pour objet le commerce de l'argent et des valeurs (CJCE, 6 février 1997, aff. C-80/95, Harnas & Helm CV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A2997AUK) et les cessions de parts ou d'actions dans le cadre d'une gestion de patrimoine (CJCE, 20 juin 1996, aff. C-155/94, Wellcome Trust Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise N° Lexbase : A7243AHQ). Très logiquement, la CJCE constate que "des activités qui consistent en la simple vente d'actions et d'autres titres négociables, tels que des participations dans des fonds d'investissement, ne constituent pas des activités économiques au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la sixième directive et, partant, elles ne relèvent pas du champ d'application de cette directive" (§ 62). Les prises de participation et les cessions d'EDM demeurent hors du champ d'application de la TVA (§ 64), quelle que soit leur ampleur (§61) et hors du calcul de son pourcentage de droit à déduction. Il en irait autrement si une entreprise avait pour activité habituelle le commerce des valeurs (§ 59). La précision est importante car, s'agissant d'une activité exonérée (§ 59), elle viendrait au dénominateur du prorata et partant, diminuerait l'étendue du droit à déduction de l'exploitant. La CJCE rappelle ainsi la solution "Enkler" (CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-230/94, Renate Enkler c/ Finanzamt Homburg N° Lexbase : A0096AWH).

La CJCE raisonne pareillement à propos des intérêts perçus par une holding en rémunération des prêts accordés annuellement aux sociétés dans lesquelles elle détient des participations et des intérêts versés à une entreprise en rémunération de dépôts bancaires ou de placements dans des titres, tels que des bons du Trésor ou des certificats de dépôt (§ 65 à 70). Ces intérêts rémunèrent une mise à disposition de capitaux. Cette exploitation habituelle de biens en vue d'en retirer des recettes à caractère de permanence constitue une activité économique dans le champ d'application de la TVA (6ème directive, art. 4). L'arrêt "EDM" innove néanmoins en ce qu'il ne paraît plus, en matière d'intérêts de placement, lier la question du champ d'application de la TVA au lien avec l'activité principale. Le libellé du paragraphe 70 de l'arrêt "EDM" permet d'identifier des placements dans le champ d'application de la TVA à partir de la seule exploitation de sommes d'argent en vue d'en retirer des revenus. Le placement unique ou aléatoire tel ne suffit pas. Il faut une répétition des mises à disposition de capitaux moyennant rémunération certaine.

Etant dans la plupart des cas exonérée (6ème directive, art. 13), l'activité financière dans le champ soulève un autre problème : procure t-elle des produits accessoires exclus du calcul du prorata ? Selon l'arrêt "EDM", les opérations financières accessoires sont des opérations financières utilisant peu de biens et services grevés de TVA.

2. Des opérations financières dans le champ d'application de la TVA utilisant peu de biens et services grevés de TVA

Le redevable partiel doit calculer un prorata de déduction conformément à l'article 19 ci-dessus exposé. Ce texte excluant du prorata les opérations immobilières et financières accessoires, il faut vérifier si les intérêts rémunérant des prêts ou /et des placements dans le champ d'application de la TVA et exonérés constituent des produits accessoires.

Un exemple simple en illustrera l'enjeu. Supposons qu'une entreprise réalise des opérations imposables pour 1000, des opérations exonérées autres que financières ou immobilières pour 100 et perçoive des intérêts de placements pour 500. Si les produits financiers figurent au dénominateur, son prorata est de 63 % (1000/1600). Si la notion d'opérations accessoires joue en faveur des produits financiers, le prorata atteint 91 % (1000/1100). L'étendue du droit à déduction de la TVA sur les dépenses affectées à toutes les opérations dans le champ peut diminuer de 28 points. Dans la mesure où le principe de neutralité commande la récupération de toute TVA ayant grevé des opérations imposables, il semble impossible d'inclure au dénominateur du prorata des sommes liées à des opérations accessoires au coût de revient allégé en TVA (§ 75 et 76).

La CJCE revient ainsi sur l'arrêt "Régie Dauphinoise" (préc.) et en profite pour exposer son analyse quant à l'importance des produits financiers. En son point 77, l'arrêt "EDM" relève que "l'ampleur des revenus générés par les opérations financières relevant du champ d'application de la sixième directive peut constituer un indice de ce que ces opérations ne doivent pas être considérées comme accessoires au sens de l'article 19, paragraphe 2, deuxième phrase, de la sixième directive. Toutefois, le fait que des revenus supérieurs à ceux produits par l'activité indiquée comme principale par l'entreprise concernée sont générés par de telles opérations ne saurait à lui seul exclure la qualification de celles-ci 'd'opérations accessoires' au sens de ladite disposition".

En conséquence, les opérations financières dans le champ d'application de la TVA mais exonérées "doivent être considérées comme opérations accessoires [...] dans la mesure où ces opérations n'impliquent qu'une utilisation très limitée de biens ou de services pour lesquels la TVA est due" (§ 78). Cette affirmation écarte définitivement le critère quantitatif fixé par la France à l'article 212-2-b de l'annexe II au CGI . Comparé à l'arrêt "Régie Dauphinoise", l'arrêt "EDM" propose un critère général de qualification des opérations financières et immobilières. La CJCE semble abandonner la notion de "produits financiers" dans le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité imposable. Ces éventuelles conséquences auraient pu s'avérer néfastes pour les entreprises ayant des activités financières ou immobilières importantes et différentes de l'activité principale. En effet, une lecture a contrario de l'arrêt "Régie Dauphinoise" laissait penser que les opérations accessoires devaient avoir un lien avec l'activité principale sans en être le prolongement direct, permanent et nécessaire. S'agissant des produits financiers résultant d'opérations distinctes de l'activité principale, la question se posait de savoir s'ils figuraient obligatoirement au dénominateur du prorata. Désormais, qu'il existe ou non un lien entre les opérations financières et l'activité principale, il peut suffire que lesdites opérations soient réalisées de manière habituelle et à titre onéreux en utilisant peu de biens et services grevés de TVA pour être considérées comme accessoires et ne pas diminuer le prorata.

Si l'arrêt "EDM" clarifie incontestablement la situation, il ne clôt pas toute discussion. Il reste à définir les opérations financières utilisant de façon très limitée des biens et services grevés de TVA. La CJCE s'en remet aux juridictions internes (§79). A priori, le placement habituel de la trésorerie moyennant contrepartie n'exige guère de frais de production ou de commercialisation. Il ne s'agit que de dépenses d'utilisation d'appareils de nature informatique, électronique et téléphonique n'occasionnant qu'un très faible coût de TVA. Toutefois, si l'entrepreneur ne se borne pas à gérer sa trésorerie et se livre à une véritable exploitation de ses capitaux, il doit investir en moyens immobiliers et mobiliers et s'entourer de conseils. Il s'ensuit parfois un fort coût de revient grevé de TVA pour des opérations exonérées n'autorisant pas l'exercice du droit à déduction. L'arrêt "EDM" permet de distinguer selon les cas.

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Concurrence

[Jurisprudence] Une application par le Conseil de la concurrence du principe d'orientation des prix vers les coûts : le cas de la société 9 Télécom Réseau c/ France Télécom

Réf. : Décision n° 04-D-18, 13 mai 2004, concernant l'exécution de la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau (N° Lexbase : L2084DYT)

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N1784ABP

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par André-Paul Weber, Professeur d'économie, Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence

Le 07 Octobre 2010

A l'occasion de la décision n° 04-D-18 du 13 mai 2004, concernant l'exécution de la décision n° 00-MC-01 du 18 février 2000 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société 9 Télécom Réseau, le Conseil de la concurrence vient de faire une nouvelle application du principe voulant, qu'en certaines circonstances, des entreprises soient invitées à orienter leurs tarifs vers les coûts : ce faisant, le Conseil adopte des solutions qui dérogent au principe de la libre détermination des prix par le jeu de la concurrence tel qu'institué par l'article L. 410-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L6582AIM). En effet, d'une façon générale, les prix s'établissent à un niveau concurrentiel en fonction à la fois des coûts des entreprises mais aussi de la demande qui leur est adressée. La politique invitant des entreprises à orienter leurs tarifs vers les coûts trouve son origine dans les directives communautaires fixant le cadre de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications ; si son adoption ne constitue pas un instrument approprié pour remédier à des problèmes de concurrence, il demeure qu'elle peut favoriser l'émergence de nouveaux marchés et accompagner positivement le processus de libéralisation de secteurs anciennement sous monopole.
  • Le rappel des faits

L'opérateur de réseau de télécommunication 9 Télécom Réseau souhaite, courant 1999, offrir aux fournisseurs d'accès à Internet un service de collecte du trafic généré par leurs abonnements ADSL, concurrent du service proposé par France Télécom. La société 9 Télécom Réseau, ne pouvant alors accéder à la boucle locale et donc desservir directement les abonnés, demande à France Télécom de pouvoir accéder au "circuit virtuel", solution qui consiste en la fourniture de transport de données à haut débit entre l'abonné et un point de présence de l'opérateur, un "circuit virtuel" étant dédié à chaque raccordement à haut débit. La mise en oeuvre de cette option permet à l'abonné d'être le client du nouvel opérateur, pour un service de transport de données à haut débit, tout en demeurant le client de France Télécom pour le service téléphonique.

En novembre 1999, France Télécom devait informer le demandeur de l'élaboration "d'une offre de vente en gros de ses services, destinée aux opérateurs tiers pour leur permettre d'offrir des services équivalents à ceux de France Télécom". Mais, faute d'obtenir une réponse précise, le demandeur devait saisir le Conseil de la concurrence le 29 novembre 1999 : des mesures conservatoires étaient prononcées le 18 février 2000 et il était fait injonction à France Télécom de "proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines [...], une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet par la technologie ADSL ou tout autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs d'exercer une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes".

  • L'examen par le Conseil de la concurrence de la nouvelle plainte formée par la société 9 Télécom Réseau

Le 15 février 2001, la société 9 Télécom Réseau a, à nouveau, saisi le Conseil de la concurrence pour non-respect de l'injonction antérieurement formulée. Elle devait alors faire valoir que si France Télécom a effectivement transmis en avril 2000 une offre aux opérateurs tiers, cette offre contenait de multiples restrictions techniques et tarifaires non conformes à l'injonction.

Dans sa décision du 13 mai 2004 le Conseil de la concurrence va rappeler que la condition posée par l'injonction - la possibilité pour des tiers d'exercer une concurrence effective - implique de s'assurer que les conditions techniques et commerciales proposées par France Télécom sont d'une nature telle qu'elles permettent à des opérateurs tiers de fournir aux fournisseurs d'accès Internet des prestations équivalentes à celles proposées par France Télécom. En d'autres termes, le Conseil, recourant à de nombreux exercices de simulation, va chercher à vérifier en quoi un opérateur efficace achetant à France Télécom les prestations correspondant au "circuit virtuel" pour revendre un service équivalent à celui offert par ailleurs par France Télécom parvient ou non à dégager une marge suffisante pour faire face à ses coûts. Parce que tous les tests ont révélé l'existence d'un ciseau tarifaire, le Conseil de la concurrence a considéré que France Télécom ne s'était pas conformée à l'injonction prononcée le 18 février 2000.

Ainsi, pour le Conseil, les pratiques tarifaires de France Télécom ont eu pour effet de verrouiller le marché au détriment des opérateurs concurrents. Ce n'est qu'à partir du moment où l'Autorité de régulation des télécommunications a obtenu, fin 2002, de la part de France Télécom, un ensemble de baisses de prix que la situation a pu se débloquer ; à partir de 2003, les souscriptions à l'offre ADSL sur la base du "circuit virtuel" ont enfin pu démarrer.

Subséquemment, tout au long des années 2000 à 2002, les opérateurs tiers ont été exclus du marché naissant de la fourniture en gros des accès ADSL et, dans le même temps, les fournisseurs d'accès Internet ont dû faire face à un fournisseur - France Télécom- se maintenant artificiellement en situation de quasi-monopole pour des prestations qui représentent une part importante de leurs charges et conditionnent étroitement leur rentabilité ou les prix qu'ils sont en mesure de proposer aux consommateurs.

Au total, une sanction pécuniaire de 20 millions d'euros a été infligée à France Télécom.

newsid:11784

Entreprises en difficulté

[Manifestations à venir] Actualité des aspects procéduraux des procédures collectives

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N1764ABX

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Le 07 Octobre 2010

Les éditions du Juris-Classeur organisent, le 24 juin prochain, une journée d'étude consacrée à l'actualité des aspects procéduraux des procédures collectives. Le droit des entreprises en difficulté demeure un droit fondamentalement procédural qui soulève de très nombreuses questions liées à la recevabilité des actions, à leur mise en oeuvre et à leurs effets tant sur la situation juridique du débiteur que sur celle de ses créanciers. L'objet de cette journée est, à la fois d'exposer les décisions les plus récentes intervenues en matière procédurale, dans le domaine des actions en justice, des voies de recours, des procédures civiles d'exécution, des sanctions civiles et pénales encourues par les dirigeants, et d'indiquer les apports du projet de réforme du livre VI du Code de commerce tendant à la sauvegarde des entreprises.
  • Thèmes abordés

Les actions en extension de la procédure collective :

  • L'action en extension fondée sur la confusion des patrimoines et la fictivité des sociétés

    - Notions de confusion des patrimoines et de fictivité
    - Régime de l'action
    - Sort des créanciers

  • L'ouverture de la procédure collective contre les dirigeants

    - Cas d'ouverture
    - Régime de l'action
    - Projet de réforme

  • L'ouverture de la procédure collective contre les associés

    - Cas
    - Procédure
    - Projet de réforme

Les sanctions encourues par le débiteur en procédure collective :

  • Les sanctions civiles

    - Comblement de l'insuffisance d'actif
    - Faillite personnelle et interdiction de gérer
    - Projet de réforme

  • Les sanctions pénales

    - Banqueroute
    - Délits assimilés

Les actions en responsabilité contre les tiers :

  • Recevabilité de l'action
  • Conditions de fond
  • Résultat de l'action

L'arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution des créanciers antérieurs :

  • Le domaine de l'arrêt des poursuites (obligations de faire, saisies-attribution) et de la déclaration des créances
  • La reprise des poursuites aux divers stades de la procédure

Les droits propres du débiteur en liquidation judiciaire et les actions des mandataires :

  • La portée du dessaisissement et la représentation du débiteur par les mandataires
  • Les droits extra-patrimoniaux et les droits propres du débiteur dans la procédure
  • La représentation en justice de la société dissoute
  • Intervenants

Françoise Aubert, Haut Conseiller à la Chambre commerciale de la Cour de Cassation
Corinne Saint-Alary-Houin, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse (Toulouse I), Directrice du Centre de droit des affaires
Corinne Mascala, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse (Toulouse I)
Martine Behar-Touchais, Professeur à l'Université René Descartes (Paris V), Directeur du CEDAG (Centre de Droit des Affaires et de Gestion)
Marie-Hélène Monsérié-Bon, Professeur à l'Université des Sciences sociales de Toulouse (Toulouse I)

  • Date

Jeudi 24 juin 2004
9h00 - 17h45

  • Lieu

Paris

  • Tarifs

690 euros HT

  • Renseignements

Les journées d'étude du Juris-Classeur
Reed Business Information
2, rue Maurice Hartmann, BP62
92133 Issy Les Moulineaux
Tél: 01 46 29 23 15
Fax: 01 46 29 68 29
formation@juris-classeur.com

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Fiscalité des entreprises

[Focus] Le crédit d'impôt recherche : un avantage fiscal mal maîtrisé

Lecture: 4 min

N1806ABI

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Le 07 Octobre 2010

A l'horizon 2010, un ambitieux objectif doit être atteint, celui de porter le taux des dépenses françaises de recherche et de développement au niveau de celui de nos partenaires européens, soit 10 % du produit intérieur brut (PIB). Cet objectif, qui impose aux entreprises privées de pratiquement doubler leur effort de recherche en 6 ans (aujourd'hui, les dépenses françaises de recherche et de développement représentent 2,2 % du PIB, dont 1 % est financé par l'Etat et 1,2 % par les entreprises), ne semble réalisable qu'avec le concours des pouvoirs publics. L'instrument adéquat est le crédit d'impôt recherche, dont le régime a été rénové par la dernière loi de finances, afin de stimuler l'innovation. Toutefois, au-delà des avantages certains qu'il procure, sa difficile mise en oeuvre et, surtout, la méfiance qu'il inspire nuisent à son efficacité.


1. La difficile accessibilité des entreprises au crédit d'impôt recherche

L'encouragement de l'innovation et de la recherche dans les entreprises commence par la mise en oeuvre des dispositions concernant le CIR, ce qui suppose résolu le problème de leur accessibilité.

Or, en pratique, les entreprises ont beaucoup de mal à appréhender le crédit d'impôt recherche, en raison, notamment, de l'opacité de son régime qui ne cesse d'être modifié. En effet, né en 1982, il a été remanié 7 fois en 15 ans !

S'ajoutent à cela des soucis administratifs, qui ne sont pas des moindres pour des entreprises qui ne sont guère habituées à considérer les innovations comme des investissements, même si une récente enquête menée sur 250 sociétés de haute technologie contredit l'image d'Epinal du "savant dans les nuages". En effet, la plupart de ces entreprises sont "bien gérées, économiquement viables et réussissent à l'international" (Le succès entrepreneurial des chercheurs français, Les Echos.fr, 2004).

Toutefois, le crédit d'impôt est et demeure un système optionnel. Ainsi, même si la loi de finances pour 2004 a pérennisé ce mécanisme, les entreprises sont contraintes de déposer chaque année la déclaration spéciale n° 2069 A en annexe de la déclaration annuelle de leurs résultats et cela indépendamment de leur situation au regard du crédit d'impôt au titre des années antérieures.

Si cette formalité a été accomplie dans les formes et délais requis, il reste, néanmoins, un obstacle de taille : l'acceptation du dossier par l'administration fiscale. En effet, chaque année, quelques milliers d'entreprises déposent une déclaration CIR (en 2002, 7 000 entreprises avaient souscrit une déclaration de crédit d'impôt au titre de 2001), et pourtant moins de la moitié a le droit d'en profiter. La raison invoquée est que l'administration rencontre des difficultés à définir une dépense éligible, à identifier ce qu'est une "recherche", qui, de plus, doit être "innovante". Finalement, règne une incertitude inquiétante et décourageante concernant la mise en oeuvre du CIR.

2. Une application décourageante du crédit d'impôt recherche

En fait, les entreprises innovantes sont confrontées à deux problèmes majeurs : d'une part, le contrôle systématique des entreprises demandant à bénéficier du CIR, accentué par la difficulté à justifier les opérations de recherche, et d'autre part l'impossibilité de bénéficier immédiatement du CIR.

Ces deux obstacles répondent aux craintes permanentes de l'administration fiscale de voir se développer des montages frauduleux destinés à détourner le dispositif du crédit d'impôt de son objet.

Selon les entrepreneurs, l'utilisation du crédit d'impôt pour financer la recherche et le développement conduit, presque systématiquement, à un contrôle fiscal se finissant souvent par un redressement, ce qui décourage les entreprises.

Pour s'en protéger, ces dernières doivent constituer des dossiers importants justifiant les caractères de recherche et d'innovation. Il convient de remarquer que la difficulté de cet exercice varie en fonction du secteur d'activité. En effet, il est plus facile aux entreprises des secteurs de la défense ou de la pharmacie, qui disposent de personnel diplômé de titre de "docteur" ou d'"ingénieur" d'obtenir ce CIR, qu'aux entreprises du secteur bancaire ou du BTP, qui certes sont innovantes, mais qui ont du mal à recenser et documenter leurs travaux de recherche éligibles au CIR.

Pourtant, aux termes de l'article L. 80 B, alinéa 3, du LPF (N° Lexbase : L1387DP3), les entreprises peuvent se protéger de cet abus de contentieux en demandant à l'administration si son projet de recherche est éligible au bénéfice du crédit d'impôt recherche. Dans cette hypothèse, l'entreprise constitue un dossier CIR "a priori" sur la base du questionnaire du livre des procédures fiscales et le soumet à la direction des services fiscaux. Cette dernière le transmet au service de la Délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) compétent qui le fait expertiser. Son avis sera alors notifié à l'entreprise directement par la direction des services fiscaux. Cet avis engage l'administration fiscale et permet à l'entreprise de se prévaloir pour l'avenir d'une prise de position formelle du service fiscal.

Si l'avis émis par la DRRT est défavorable, l'entreprise a le droit de le contester auprès de l'administration centrale du ministère de la recherche.

Une autre difficulté relevée lors de contrôles fiscaux est l'évaluation correcte des dépenses liées à l'innovation, en particulier les frais de personnel. C'est pourquoi, il est recommandé de mettre en place une "traçabilité" des dossiers techniques, avec notamment des relevés précis des heures consacrées à la recherche et de constituer des équipes stables sur les projets susceptibles d'être contrôlés.

Enfin, un nombre important d'entreprises innovantes hésite à investir dans le domaine de la recherche en raison des modalités de déblocage du CIR. En effet, aux termes des articles 199 ter B et 220 B du CGI , le remboursement du crédit d'impôt à l'entreprise s'effectue soit par imputation sur l'impôt sur le revenu ou sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'année au cours de laquelle elle a accru ses dépenses de recherche, et, en cas d'excédent, sur l'impôt des trois années suivantes. A l'expiration de cette période, la fraction non utilisée est remboursée. Or, ces modalités d'imputation et de remboursement du crédit d'impôt sont de nature à créer des difficultés de trésorerie pour les entreprises, qui, en général, ont engagé un programme pluriannuel de recherche, mais qui ne peuvent pas bénéficier immédiatement de ces avantages fiscaux du fait du blocage pendant trois ans de cette somme imputable sur l'impôt, même si, il est vrai, la fraction non imputée sur l'impôt peut être transformée en créance mobilisable auprès des établissements financiers (QE n° 70657 de M. Hillmeyer Francis, JOANQ 17 décembre 2001 p. 7180, min. Eco., réponse publ. 11 février 2002 p. 725, 11e législature N° Lexbase : L6808BEU).

Ainsi, pour prétendre au bénéfice de la réduction d'impôt, la mise en place du CIR doit être suffisamment justifiée tant sur le plan de la forme que du fond. Des textes législatifs clairs et précis et une jurisprudence explicite pourrait restaurer la confiance dans le dispositif et, en conséquence, provoquer un élan d'investissement dans la recherche et l'innovation.

Sabine Dubost
DESS de fiscalité internationale, Université de Paris II Panthéon-Assas
DEA de droit fiscal, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne


Lire également :

- Le crédit d'impôt recherche rénové pour stimuler l'innovation, Sophie Duval, Lexbase Hebdo n° 104 du 21 janvier 2004 - édition Lettre Juridique (N° Lexbase : N0163ABN) ;

- Consultation nationale sur l'avenir de la recherche : premiers axes de réflexion, rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) et du MEDEF du 18 mars 2004 ;

- La complexité du crédit d'impôt recherche nuit à son efficacité, Yan de Kerorguen, La Tribune du 13 avril 2004.

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Bancaire

[Le point sur...] La conclusion des transactions financières et bancaires en ligne... à l'européenne !

Lecture: 6 min

N1801ABC

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Le 07 Octobre 2010

La Commission des opérations de bourse et le Conseil des marchés financiers devenu l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'instar de certains organismes internationaux tels que le Comité de Bâle et l'Organisation Internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV) (1), se sont préoccupés du cadre juridique à créer en vue de sécuriser la diffusion d'informations financières sur Internet (2), l'exécution des opérations de bourse (3) et la transmission et réception d'ordres via Internet (4). Toutefois, l'essentiel de la réglementation des transactions bancaires ou financières en ligne (5) trouve sa source dans la législation communautaire en cours de transposition en droit français. A l'aune de la promulgation du projet de loi définitif sur l'économie numérique adopté le 13 mai 2004 en deuxième lecture par le Sénat, le cadre juridique des contrats en ligne et plus spécifiquement des transactions bancaires et financières se concrétise. Le "plan d'action pour les services financiers" (PASF), lancé en 1999 par les instances communautaires, n'est pas resté lettre morte. En témoigne l'adoption, le 23 septembre dernier, de la directive européenne 2002/65/CE concernant la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs (6), texte qui vient compléter le droit commun des transactions en ligne issu de la directive européenne 2000/31/CE du commerce électronique du 8 juin 2000 (7) et en cours de transposition en droit français via le projet de loi n° 528 du 15 janvier 2003 pour la confiance dans l'économie numérique adopté en deuxième lecture par le Sénat le 13 mai 2004.

Ces nouveaux textes, à l'aube du développement des transactions en ligne, doivent appréhender une situation complexe. La relation contractuelle en ligne naît de l'acceptation d'une offre sur un site Internet, se conclue puis s'exécute par le biais de ce site. Le contrat est donc "virtuel" et se réalise exclusivement à distance.

Dans ce contexte de dématérialisation et de délocalisation des transactions, quel peut être l'apport en droit français du droit européen des services bancaires ou financiers à distance ? Celui-ci diffère suivant la nature du contrat en cause :

Les contrats "B to B" sont ceux qui sont conclus uniquement entre professionnels. Ils relèvent du droit commun des transactions en ligne, et en l'occurrence, de la directive européenne 2000/31/CE du commerce électronique du 8 juin 2000 et, par conséquent, du projet de loi n° 528 du 15 janvier 2003. La validité des transactions en ligne est enfin reconnue (futur article 1108-1 du Code civil). Celles-ci sont réputées conclues au moment où le prestataire accuse réception de l'acceptation du client via Internet - technique du double-clic - (futur article 1369 du Code civil). Le projet de loi impose cependant aux différents prestataires un certain nombre d'obligations : identification du prestataire, mention d'informations obligatoires lors de la phase pré-contractuelle et contractuelle. Ces obligations seront donc celles à respecter par le fournisseur de services bancaires ou financiers cocontractant d'un contrat "B to B".

Les contrats "B to C" sont les transactions conclues entre professionnels et consommateurs. Ils sont régis par la directive 2002/65/CE qui répond en droit français à un besoin urgent : la vente à distance portant sur les services financiers est, en effet, exclue de l'article L. 121-16 du Code de la consommation ([LxB=L6580ABC]). Cette directive protectrice des intérêts du consommateur concerne tous les services financiers c'est-à-dire "tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements" (article 2 (b) de la directive). Notre droit ne saurait, dès lors, diverger dans le futur des exigences communautaires. Ces dernières pèsent à nouveau sur le prestataire de services bancaires ou financiers qui est tenu de transmettre en temps utile et, avant la conclusion définitive de la transaction, les informations suivantes : identité complète du fournisseur, de l'intermédiaire, principales caractéristiques et prix du service financier proposé, droit applicable au contrat et recours possibles (article 3 à 5 de la directive). Ces informations seront communiquées sur un support papier ou sur tout support durable (disquette informatique, CD-ROM, DVD, disque dur...) et en "temps utile" de manière à ce que le consommateur prenne parfaitement connaissance de ses engagements, et ce, avant la conclusion du contrat (article 5 § 1 de la directive). Il est à craindre que ces différentes dispositions soient peu ou pas appliquées en droit français. Le Code de la consommation impose bien souvent un écrit indiquant les informations pré-contractuelles. A titre d'exemple, l'offre préalable de crédit mobilier ou immobilier est impérativement requise par écrit, sans exception possible et dotée de ses mentions obligatoires informatives (C. consom., art. L.311-8 [LxB=L6733ABY]).

La protection du consommateur atteint son paroxysme après la conclusion du contrat : le droit de rétractation lui est offert sans pénalité et sans indication de motif. Le délai est de quatorze jours à compter de la conclusion du contrat ou du jour où le consommateur reçoit les informations contractuelles préalables si elles lui sont communiquées après cette date de conclusion. Il est nettement plus long que celui de sept jours francs prévu pour les prestations de services à distance de droit commun (C. consom., art. L.121-20 alinéa 1er [LxB=L6584ABH]). L'allongement du délai rassure les consommateurs et renforce leur confiance lors des transactions à distance portant sur les services financiers. Lorsque le droit de rétractation est exercé, les titulaires de ce droit seront remboursés de l'indu par le fournisseur du service (article 7 § 4 de la directive) qui est néanmoins payé pour la prestation réellement fournie avant la rétractation et ce depuis la conclusion du contrat (article 7 § 1 de la directive).

Un cadre juridique est donc en construction. Même si de nombreuses questions subsistent, la commercialisation des produits et des services financiers en ligne est une réalité économique et juridique : les ordres de bourse se transmettent et s'exécutent en ligne, la monnaie devient électronique (8), le e-crédit et l'ouverture d'un compte via Internet sont une réalité, la publicité des produits d'assurance se fait en ligne... Demeurent posées les questions inhérentes au droit applicable et à la juridiction compétente. Elles ne sont abordées ni par la directive sur les services financiers, ni par la directive commerce électronique, ni par la future loi sur l'économie numérique mais par d'autres textes de droit dérivé.

Les règles de conflit de juridictions sont fixées par le règlement du Conseil "Bruxelles I" du 22 décembre 2000 entré en vigueur le 1er mars 2002 ([LxB=L7541A8S]). Si le contrat est "B to B", le tribunal compétent est au choix du demandeur, à savoir celui du domicile du défendeur (article 2 du règlement) ou celui du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; étant présumé qu'il s'agit du tribunal du lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis (article 5 du règlement). Lorsque le contrat est "B to C", le consommateur a la possibilité d'attraire le professionnel devant les juridictions de son domicile ou de celui du professionnel (article 15 à 17 du règlement).

La loi applicable à la transaction sera celle dictée par les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ([LxB=L6798BHAJ]) entrée en vigueur en France le 1er avril 1991. La loi applicable est celle choisie par les parties (article 3 de la Convention). En l'absence de choix, c'est la loi du pays du débiteur de la prestation caractéristique qui sera compétente pour régir la prestation en ligne (article 4 de la Convention) et donc la loi du prestataire du service financier. Enfin, lorsque le contrat est "B to C", le consommateur pourra bénéficier des dispositions protectrices de sa résidence habituelle (article 5 de la Convention).

Marie-Elisabeth Mathieu
Maître de conférences à l'Université d'Evry, Val d'Essonne
Membre du Centre de recherche Etat et concurrence de l'Université d'Evry
Membre du Centre de formation professionnelle notariale de Paris,
Jeantet Associés, 
Directeur scientifique de la base Droit bancaire.


Actualité

Démarchage financier : la loi de sécurité financière unifie la définition du démarchage bancaire et financier : "constitue un acte de démarchage bancaire ou financier, toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord" sur un certain nombre de services et d'opérations.

Sont ainsi visées :"(1°) La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'une opération sur un des instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1; (2°) La réalisation par une des personnes mentionnées au 1 ° de l'article L. 341-3 d'une opération de banque ou d'une opération connexe définie aux articles L. 311-1 et L. 311-2; (3°) La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service d'investissement ou d'un service connexe définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2; (4°) La réalisation d'une opération sur biens divers mentionnée à l'article L. 550-1; (5°) La fourniture par une des personnes mentionnées au 3° de l'article L. 341-3 d'une prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 541-1.Constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins" (Projet de loi., art. L. 341-1).

Cette nouvelle définition du démarchage se veut extensive : la notion centrale est celle de prise de contact non sollicitée et tous les moyens de démarchage sont envisagés (et donc implicitement Internet). Cette nouvelle approche du démarchage prend uniquement en compte la finalité de celui-ci, ce qui permet de lever l'incertitude antérieure sur la différence entre simple conseil et offre véritable de services.


(1) V. pour le Comité de Bâle, Rapp. CRBF 1999, p.217 et http://www.bis.org. V. aussi le site de l'OICV, http://www.iosco.org.
(2) Recommandation COB n° 2000-02, relative à la diffusion d'informations financières sur les forums de discussion et les sites Internet dédiés à l'information ou au conseil financier, Bull. COB. n°351, nov. 2000, ([LxB=L4156ALI]).
(3) Recommandation COB n° 99-02, relative à la promotion ou la vente de produits de placement collectif ou de services de gestion sous mandat via Internet, Bull. COB, n° 337, juillet-août 1999, ([LxB=L1183ASM]).
(4) Décision CMF n° 99-07, relative aux prescriptions et recommandations pour les prestataires de services d'investissement offrant un service de réception-transmission ou d'exécution d'ordres de bourse emportant une réception des ordres via Internet, ([LxB=L0054ASS]).
(5) V. en cours de parution, M.-E. Mathieu, Transactions bancaires et financières à distance, droit communautaire et droit français, J.-CL. (Banque-Crédit-Bourse), Fasc. 125, février 2004. V. aussi J. C.Trichet, "Internet : quelles conséquences prudentiels ?" : Livre Blanc, 30 janvier 2001.
(6) JOCE n° L 271 du 09 octobre 2002, p.16 ([LxB=L9628A4D]).
(7) JOCE n° L 178 du 17 juillet 2000, p.1 ([LxB=L8018AUI]).
(8) Arrêté du 10 janvier 2003 portant homologation du règlement n° 2002-13 du Comité de la réglementation bancaire et financière,relatif à la monnaie électronique et aux établissements de monnaie électronique, JO n° 27 du 1er février 2003, p. 2003 ([LxB=L1919A9X]).

newsid:11801

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Décompte des effectifs : la Cour de cassation exclut certains salariés mis à disposition !

Réf. : Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.125, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2483DCX) ; Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.358, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2484DCY)

Lecture: 7 min

N1751ABH

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par Aurélie Garat
SGR Droit social

Le 07 Octobre 2010

La question des effectifs est déterminante en matière d'élections professionnelles, puisqu'elle conditionne à la fois la mise en place des institutions représentatives du personnel et, éventuellement, leur nombre dans l'entreprise. L'importance du contentieux rendu en la matière révèle d'ailleurs l'importance des enjeux pratiques de cette question.





Décision :

1. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.125, Syndicat CGT Renault Grand couronne et autre c/ Société Renault Grand couronne et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2483DCX).
Cassation du jugement du Tribunal d'instance de Rouen du 10 février 2003.

2. Cass. soc., 26 mai 2004, n° 03-60.358, publié, Société Renault SAS c/ Syndicat CGT ouvriers de Renault et autres, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A2484DCY)
Rejet du pourvoi formé contre le jugement du tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt du 15 juillet 2003.

Textes visés : C. trav., art. L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et C. trav., art. L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ)

Liens base : ; ;

Faits :

1. Pourvoi n° 03-60.125 :
Après échec des négociations d'un protocole préélectoral, la société Renault a organisé les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement Grand Couronne, qui se sont déroulées le 21 janvier 2003. Les syndicats CGT et Sud Renault, qui avaient saisi le tribunal d'instance préalablement aux élections ont, postérieurement à celles-ci, sollicité leur annulation. Le tribunal d'instance valide le décompte de la société Renault au titre des salariés mis à disposition par les sociétés prestataires de services au motif que "seuls les salariés des sociétés des métiers de l'automobile et de maintenance industrielle et informatique qui participent directement au processus de production doivent être pris en compte dans l'effectif". Le syndicat CGT se pourvoit alors en cassation.

2. Pourvoi n° 03-60.358 :
Le tribunal d'instance annule les élections des délégués du personnel et des membres du comité de l'établissement Renault siège en date du 13 mars et du 3 avril 2003. La société SA Renault se pourvoit en cassation au motif que "la mise à disposition de travailleurs et leur participation au "processus de travail" des entreprises qui les occupent, sont des conditions nécessaires pour que les travailleurs des entreprises extérieures soient pris en compte au prorata de leur temps de présence".

Solution :

1. Pourvoi n° 03-60.125 :
"Pour valider le décompte de la société Renault au titre des salariés mis à disposition par les sociétés prestataires de services, le tribunal d'instance énonce que seuls les salariés des sociétés des métiers de l'automobile et de maintenance industrielle et informatique qui participent directement au processus de production doivent être pris en compte dans l'effectif ;
En statuant ainsi, le tribunal d'instance a ajouté une condition à la loi et ainsi violé les textes susvisés".

2. Pourvoi n° 03-60.358 :
"[...] le protocole préélectoral ne retenait, pour décompter les effectifs, que les salariés des entreprises prestataires dont l'activité relève des métiers de l'automobile et, en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement, à l'exclusion des autres salariés mis à disposition, ce dont il résultait que les élections s'étaient déroulées sur la base de dispositions portant atteinte aux règles légales de détermination des effectifs de l'entreprise.
Le tribunal d'instance a par ce seul motif légalement justifié sa décision et le moyen n'est pas fondé".

Commentaire

Nombreux sont les salariés que certains employeurs ont souhaité exclure du décompte des effectifs afin d'échapper, dans la mesure du possible, à des élections professionnelles mettant en place des institutions représentatives : salariés exécutant leur contrat de travail à l'étranger (Cass. soc., 4 mai 1994, n° 91-60.008, Syndicat CFTC des activités d'armement c/ Société Cofras et autre, publié N° Lexbase : A1918AAB ; Cass. soc., 29 janvier 1992, n° 90-60.526, Banque Sudameris c/ Syndicat CFDT du personnel des banques et sociétés financières de la Région parisienne et autre, publié N° Lexbase : A5240ABP), salariés effectuant un préavis (Cass. soc., 13 mars 1985, n° 84-60.731, Société Matra Manurhin Défense c/ USTM CGT du Haut-Rhin, publié N° Lexbase : A3305AAN), salariés non soumis à un horaire de travail (Cass. soc., 4 juin 2003, n° 02-60.630, Syndicat national de Presse-Edition-Publicité FO c/ Société Delta Diffusion, inédit N° Lexbase : A9405C7H), titulaires de contrats emploi-consolidé et emploi-solidarité (Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 00-60.287, Etablissement La Fondation Casip-Cojasor c/ Syndicat CGT santé privée, publié N° Lexbase : A7945AXK), cadres qui représentent le chef d'entreprise auprès du personnel (Cass. soc., 3 juillet 1985, n° 84-61.020, Société des Avions Marcel Dassault-Bréguet Aviation c/ Gilles et autre, publié N° Lexbase : A4923AAL ; Cass. soc., 30 mai 2001, n° 99-60.564, M. Jean-Luc Aubagnac c/ M. Recena Emmanuel, publié N° Lexbase : A5673ATB), mandataires sociaux (Cass. soc., 29 mai 1979, n° 78-60.768, Société Hadel, Société RES, Société Brevitas c/ Union locale CGT Bagneux, publié N° Lexbase : A1695ABE), salariés absents ou dont le contrat est suspendu (Cass. soc., 18 février 1988, n° 87-60.043, Société anonyme Libon c/ M Boyon, publié N° Lexbase : A7193AAN), salariés en contrat à durée déterminée (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, Syndicat SCE-CFDT Artois Val-de-Lys et autres c/ Syndicat CFTC Société Stora Corbehem et autres, publié N° Lexbase : A6306AGN) ou à temps partiel... La liste est trop longue pour être exhaustive.

Dans les deux arrêts en date du 26 mai 2004, le litige concernait la prise en compte des salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice dans les effectifs pour les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement. En vertu des articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail, "les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des douze mois précédents".

La jurisprudence déduit de ces dispositions -à juste titre- que les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise externe doivent être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, Syndicat SCE-CFDT Artois Val-de-Lys et autres c/ Syndicat CFTC Société Stora Corbehem et autres, publié N° Lexbase : A6306AGN). Sur ce point, le texte légal semble on ne peut plus clair. Pourtant, ces articles du Code du travail ne précisent pas si tous les salariés mis à disposition doivent être, sans distinction, pris en compte dans le décompte des effectifs. C'est ainsi que la Cour de cassation a eu se prononcer, par exemple, sur la prise en compte des salariés mis à la disposition d'une entreprise et qui ne sont pas dans un état de subordination à son égard. La solution est désormais clairement établie (Cass. soc., 28 mars 2000, n° 98-60.440, F-P N° Lexbase : A7939AYP).

C'est également dans cette brèche juridique que s'est faufilée la société Renault en soutenant que "la mise à disposition de travailleurs et leur participation au "processus de travail" des entreprises qui les occupent, sont des conditions nécessaires pour que les travailleurs des entreprises extérieures soient pris en compte au prorata de leur temps de présence". En pratique, la société Renault souhaitait n'inclure dans les effectifs que "les salariés des entreprises prestataires dont l'activité relève des métiers de l'automobile et, en tout état de cause, de l'activité principale de l'établissement à l'exclusion des autres salariés mis à disposition". Le raisonnement était audacieux. Peut être un peu trop puisqu'il revenait, peu ou prou, à ajouter à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas. C'est en tout cas l'avis de la Cour de cassation qui rejette le raisonnement de la société Renault. Selon la Cour Suprême, tous les salariés mis à disposition entrent dans le décompte des effectifs de l'entreprise utilisatrice au prorata de leur temps de travail dès lors qu'ils participent aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice. En conséquence, la prise en compte dans l'effectif des seuls salariés mis à disposition qui "participent directement au processus de production" viole les articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail.

A première vue, cette solution est logique et doit être approuvée. D'une part, en censurant le raisonnement de la société Renault tendant à restreindre le champ des salariés susceptibles d'être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise, la Cour suprême semble contribuer à l'implantation d'institutions représentatives du personnel. D'autre part, sur un plan théorique, elle est conforme aux exigences légales. En effet, en application de l'adage "ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus", dans le silence de la loi sur un cas spécifique -en l'espèce, les salariés mis à disposition qui ne participent pas directement au processus de production- le principe général, et lui seul, doit trouver pleine application. Or, les articles L. 421-2 (N° Lexbase : L6353ACB) et L. 431-2 (N° Lexbase : L6392ACQ) du Code du travail qui disposent que "les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci au cours des douze mois précédents" ne prévoient pas d'exclure les salariés qui ne participent pas directement au processus de production.

A y regarder de plus près, on peut toutefois s'interroger sur la volonté réelle de la Cour de cassation et sur la pertinence de la formulation utilisée. En effet, en excluant l'exigence de "participation directe au processus de production", la Cour de cassation n'a-t-elle pas introduit la condition de "participation aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice", certes moins contraignante mais néanmoins restrictive ? En d'autres termes, la Cour de cassation n'a-t-elle pas finalement contrevenu à l'adage "ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus" ? Pour mesurer la portée de cette nouvelle condition, il faudra attendre les précisions des juges quant à l'appréciation de la notion de participation aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice...

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