La lettre juridique n°605 du 19 mars 2015 : Contrôle fiscal

[Chronique] Chronique de contrôle fiscal - Mars 2015

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N6449BUE

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par Christian Lopez, Maître de conférences HDR à l'Université de Cergy-Pontoise

le 19 Mars 2015

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Christian Lopez, Maître de conférences HDR à l'Université de Cergy-Pontoise, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de contrôle fiscal. Les deux décisions de la présente chronique permettent d'aborder des aspects très différents de la procédure fiscale. Le Conseil d'Etat, dans une décision du 4 février 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2015, n° 365180, mentionné aux tables du recueil Lebon), vient éclaircir la notion de présomption de transfert de sommes non-déclarées à l'étranger. Ensuite, dans un arrêt rendu le même jour (CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2015, n° 364708, mentionné aux tables du recueil Lebon), les Hauts magistrats ont précisé les modalités d'exercice du droit de communication après achèvement de la procédure de redressement.
  • Transfert de sommes depuis ou vers l'étranger en méconnaissance des obligations déclaratives particulières applicables : des revenus imposables en vertu des articles 1649 A et 1649 quater A du CGI, relatifs aux sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger en méconnaissance des obligations déclaratives particulières applicables, ne peuvent, par nature, qu'être qualifiés de revenus d'origine indéterminée, dès lors que le fait générateur de l'imposition est constitué par la constatation du transfert et non par la perception ou par l'origine de ces sommes (CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2015, n° 365180, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1416NB3, cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E3407E4X)

La jurisprudence s'agissant des articles 1649 A (N° Lexbase : L1746HMM) et 1649 quater A (N° Lexbase : L4680ICC) du CGI, relative aux sommes transférées vers ou en provenance de l'étranger, est de plus en plus fréquente, le Conseil d'Etat ayant à trancher les questions concernant la qualification du revenu imposable et à la preuve éventuelle que ces sommes ont déjà fait l'objet d'une imposition ou sont exonérées.

En l'espèce, au cours de l'année 1999, un contribuable avait déposé les 9 septembre et 11 octobre 1999 deux chèques d'un montant de 30 500 euros chacun, sur un compte bancaire ouvert à son nom en Suisse. Ultérieurement, ce contribuable a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Au cours de ce contrôle, il a expliqué à l'administration fiscale que le versement du 11 octobre 1999 d'un montant de 200 000 francs provenait d'un compte courant d'associé qu'il détenait. Cette somme correspondant à un remboursement d'une créance ne revêtait donc pas un caractère imposable. L'administration a alors constaté que les sommes transférées vers la Suisse avaient été déposées sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré, en contravention de l'article 1649 A du CGI dans sa rédaction applicable à l'année 1999 : "Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. [...] Les somme, titre ou valeurs à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables".

De plus, aucune déclaration relative aux fonds transférés n'avait été produite, en contravention cette fois-ci de l'article 1649 quater A du CGI selon lequel " Les personnes physiques qui transfèrent à l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit (N° Lexbase : L7223AGM), ou d'un organisme cité à l'article 8 modifié de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixée par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 7 620 euros. Les sommes, titres, ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéas".

En conséquence, les services fiscaux ont notifié un rehaussement de bases d'imposition de 60 700 euros dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Le requérant a contesté les suppléments d'impôts et les pénalités sans succès devant l'administration fiscale, puis le tribunal administratif de Dijon (TA Dijon, 1er mars 2005, n° 0301630) qui a rejeté sa demande. Il s'est alors tourné vers la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon, 13 novembre 2012, n° 12LY00909 N° Lexbase : A6619IYS) qui a annulé le jugement et prononcé la décharge des impôts et pénalités en raison de la qualification du revenu imposé. Le Conseil d'Etat a ensuite annulé cet arrêt tendant à la décharge des impositions, en renvoyant devant la cour administrative d'appel qui, après avoir procédé à une substitution de base légale pour retenir la qualification de revenus d'origine indéterminée à la place de bénéfices non commerciaux, a annulé le jugement de la cour administrative d'appel de Lyon qui avait rejeté la demande du contribuable. Le ministre de l'Economie demandant l'annulation de ce dernier arrêt, le Conseil d'Etat avait donc obligation de régler au fond le litige en raison du second recours en cassation exercé dans la même affaire (1).

Le problème posé dans cette affaire relève à la fois de la détermination du revenu imposable en cas de transfert de fonds vers un compte ouvert à l'étranger en infraction des articles 1649 A et 1649 quater A du CGI, et de la possibilité pour le contribuable de prouver que les fonds transférés ont déjà fait l'objet d'une imposition ou ne sont pas imposables. Plus précisément, le remboursement au bénéficiaire d'une somme inscrite au crédit du compte courant d'associé est elle, en soi, suffisante pour apporter la preuve que les sommes transférées sur un compte ouvert à l'étranger non déclaré ont déjà fait l'objet d'une imposition ?

Les paragraphes 2, 4 et 6 de l'article 98 de la loi 89-935 du 29 décembre 1989, de finances pour 1990 (N° Lexbase : L1102I8C), codifiés aux deuxième et troisième alinéas de l'article 1649 A du CGI, prévoient l'obligation déclarative des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger par les personnes physiques et certaines personnes morales, domiciliées ou établies en France ainsi que les sanctions applicables en cas de défaut de déclaration (2). L'obligation déclarative concerne tous les comptes ouverts, clôturés ou mouvementés depuis cette date. Le texte prévoit que les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables.

Ces revenus sont donc soumis, selon le cas, à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au nom de la personne physique, de l'association ou de la société à forme non commerciale n'ayant pas effectué la déclaration à laquelle elle était tenue en qualité de titulaire de compte ou de bénéficiaire de la procuration.

Le second alinéa de l'article 1649 quater A du CGI relatif à la déclaration des transferts de fonds institue également une présomption de revenus en cas de défaut de déclaration. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables, lorsque le contribuable n'a pas rempli ses obligations déclaratives. Dans ce cas, les sommes, titres ou valeurs sont soumis à l'impôt sur le revenu, au nom de la personne physique qui n'a pas effectué la déclaration à laquelle elle était tenue en tant que bénéficiaire des transferts ou mandataire pour le compte d'autrui.

Concernant tout d'abord la qualification juridique des revenus en cause, les articles 1649 A et 1649 quater A du CGI, qui instituent une présomption de revenus, ne prévoient pas dans quelle catégorie ces derniers doivent être imposés.

Dans un avis n° 358557 du 6 février 1996, le Conseil d'Etat a précisé que l'article 1649 A du CGI doit être interprété comme instituant une présomption légale spécifique d'existence de revenus d'origine indéterminée. Mais il s'agit toutefois d'une présomption réfragable. Il en résulte que, lorsque l'origine des revenus est connue, ceux-ci doivent être imposés dans la catégorie leur correspondant. En l'espèce, aucune origine n'était avancée par le contribuable. Cette solution est dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de taxation d'office selon laquelle les revenus sont taxés comme revenus d'origine indéterminée seulement lorsqu'aucun élément ne permet de les rattacher à une catégorie précise de revenus (3).

Par ailleurs, le contribuable peut éviter la taxation en apportant la preuve que les transferts ne constituent pas des revenus imposables. En effet, la présomption édictée par le troisième alinéa de l'article 1649 A du CGI n'est pas irréfragable.

Le contribuable peut apporter la preuve que les transferts effectués, par l'intermédiaire d'un compte non déclaré, en provenance de l'étranger ou vers l'étranger, ne constituent pas des revenus imposables lorsque les sommes constituent des revenus qui ont déjà été soumis à l'impôt, ou bien qu'elles correspondent à des sommes exonérées ou n'entrant pas dans le champ d'application de l'impôt (4).

Il appartenait donc au requérant, qui n'avait pas révélé à l'administration fiscale l'existence d'un compte ouvert à son nom dans un établissement bancaire à l'étranger, pour faire échec à la présomption de revenus prévue par l'article 1649 A du CGI, d'apporter la preuve que les sommes transférées sur ce compte n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou en étaient exonérées ou qu'elles constituaient des revenus qui avaient déjà été soumis à l'impôt.

Sur ce problème de preuve, il a déjà été jugé lors d'un premier versement correspondant à l'encaissement d'un chèque sur un compte non déclaré en Suisse, que le contribuable apporte la preuve, par les mentions portées par son auteur sur ce chèque et par les sommes versées par lui-même en retour à l'auteur du chèque, que la somme en litige correspondait à un prêt qu'il avait commencé à rembourser avant le début du contrôle. Par contre, concernant comme en l'espèce un versement sur un compte d'un organisme financier suisse résultant d'un transfert effectué depuis un compte bancaire ouvert en France par le contribuable, le fait que l'intéressé ait fourni des justifications sur l'origine des sommes portées sur son compte en France et provenant du remboursement d'un compte courant ouvert à son nom dans les écritures d'une société, ne suffit pas à établir le caractère non imposable des sommes en cause (5). En effet, dans l'affaire qui nous occupe, le Conseil d'Etat précise qu'il ne suffit pas de démontrer que cette somme revêtait la nature d'un remboursement de créance par l'utilisation du compte courant d'associé, mais il convient également de rechercher si "les ressources ayant contribué à constituer ce compte courant créditeur avaient elles mêmes déjà été imposées, ou ne devaient ou ne pouvaient pas l'être". Le contribuable invoquait que la somme inscrite au crédit du compte courant d'associé qu'il a employé pour transférer des fonds à l'étranger, résultait de ressources imposables ou non, trouvait son origine en période prescrite. Pour le Conseil d'Etat, cet argument est sans incidence sur l'obligation qui lui incombe de justifier que cette somme a déjà été imposée ou ne devait pas l'être. La Haute juridiction précise que le contribuable "n'apporte aucune précision, ni aucun commencement de justification sur la nature des ressources ayant servi à constituer cette somme, ni sur la circonstance que ces ressources auraient déjà été imposées ou n'auraient pas été imposables, il ne fait pas échec à la présomption qui résulte des articles 1649 A et 1649 quater A du CGI". C'est donc "à bon droit que l'administration fiscale a regardé les sommes litigieuses, qui ne pouvaient d'ailleurs, par nature, qu'être qualifiées de revenus d'origine indéterminée, dès lors que le fait générateur de l'imposition est constitué par la constatation du transfert et non par la perception ou par l'origine de ces sommes, comme revenus imposables".

Ainsi, il est précisé que le fait générateur de l'impôt sur le revenu dû au titre des sommes transférées vers l'étranger ou en provenance de l'étranger sans déclaration, est constitué par le transfert des fonds et non par la perception initiale du revenu. La cour administrative d'appel de Bordeaux avait eu l'occasion de préciser la date du fait générateur (6). Dans cette affaire, les contribuables soutenaient que les fonds importés en 1993 provenaient d'un compte en Suisse alimenté en 1990 et que le revenu correspondant à ces apports en banque était donc prescrit lors de la notification de redressement adressée en 1995. Toutefois, le transfert ayant été constaté en 1993, les droits n'étaient donc pas prescrits lors de la notification de redressement envoyée en 1995 (7). Le fait générateur de l'impôt dû, en vertu de l'article 1649 quater A du CGI, au titre des sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger sans déclaration, est constitué par la constatation du transfert et non par la perception de ces sommes, titres ou valeurs. Le moyen soulevé devant la cour par le contribuable, tiré de ce qu'il avait transféré sur un compte suisse les sommes provenant d'un compte courant d'associé dont le crédit provenait d'une période dont le délai de reprise prévu par l'article L. 169 du LPF (N° Lexbase : L9777I3I) était nécessairement expiré, est par conséquent inopérant (8).

  • Exercice du droit de communication après achèvement de la procédure de redressement : règle de non déductibilité des sommes versées dans un but de corruption (CE 9° et 10° s-s-r., 4 février 2015, n° 364708, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1415NBZ, cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E3381E4Y)

Dans sa décision du 4 février 2015, le Conseil d'Etat aborde deux points essentiels des opérations de contrôle fiscal : l'exercice du droit de communication dans le cadre d'une vérification de comptabilité et la non-déductibilité de sommes versées dans un but de corruption. Selon la Haute juridiction, l'administration avait pu, postérieurement à la procédure de redressement, obtenir, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires, non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, elle n'a pas procédé à une substitution de motifs. Par ailleurs, concernant les sommes versées à des agents publics dans le but de les corrompre, celles-ci ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. La circonstance que ces sommes versées pour le compte de la société auraient été détournées de leur objet à son insu et que celle-ci ne pourrait, ainsi, pas être regardée comme ayant eu, par elle-même, une intention de corruption, est sans incidence sur l'application de la règle de non-déductibilité.

L'arrêt commenté rappelle dans un premier temps clairement le cadre procédural des opérations de vérification de comptabilité, en précisant que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. La proposition de rectification fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification (9). Il est rappelé que la proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations. Après avoir écarté l'argumentation de la société requérante, qui invoquait l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification basée sur des coupures de presses, en considérant que la régularité de la proposition de rectification ne dépendait pas du bien-fondé de ses motifs, la Haute juridiction devait se demander si les dispositions de l'article L. 57 du LPF imposant à l'administration fiscale de faire connaître au contribuable les éléments de fait et de droit motivant la proposition de rectification, s'opposaient à l'obtention de renseignements complémentaires postérieurement à l'achèvement de la procédure de rectification afin de corroborer ceux déjà portés à la connaissance du contribuable ?

Selon le Conseil d'Etat, l'administration peut "postérieurement à la procédure de redressement, obtenir, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, procédé à une substitution de motifs".

Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut, sous réserve de certaines exceptions, procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. L'administration fiscale considère qu'une vérification de comptabilité est achevée à la date de la dernière intervention sur place du vérificateur (10). Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de préciser qu'une vérification de comptabilité est achevée à la date à laquelle le vérificateur a notifié une proposition de rectification (11). Ainsi, l'administration ne peut en principe procéder à une nouvelle vérification sur les mêmes années et les mêmes impôts après achèvement des opérations de contrôle. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs précisé que l'administration pouvait procéder à un examen complémentaire des documents comptables pour vérifier les éléments fournis par le contribuable en réponse à la proposition de rectification (12). Ainsi, toute opération de recherche d'informations postérieurement à l'achèvement des opérations de vérification de comptabilité tend à la constatation de l'irrégularité de la procédure. En revanche, lorsque les redressements procèdent de l'exploitation par l'administration de renseignements qui lui ont été communiqués à la suite d'investigations chez des tiers, le contribuable ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 51 du LPF (N° Lexbase : L9778I3K) prohibant les doubles vérifications de comptabilité (13).

De même, il a été jugé que ne constituait pas une nouvelle vérification, l'intervention sur place du vérificateur précédée d'un avis de passage et comportant la demande de communication des pièces justificatives d'un emploi des fonds de la société, alors même que ces pièces ont le caractère de documents comptables, dès lors que cette intervention se rattachait aux investigations menées dans les comptes bancaires de l'associé gérant pour les besoins de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle (14).

On peut partager ces positions lorsqu'il s'agit de vérifier des éléments avancés par le contribuable dans le cadre de ces observations suite à une proposition de rectification ou encore dans le cadre de l'exploitation d'informations obtenues de tiers. Mais en donnant la possibilité au service vérificateur d'intervenir postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle, même sans procéder à une substitution des motifs de la proposition de rectification, le Conseil d'Etat ne procède-t-il pas à une autorisation contra legem de continuité des opérations de vérification de comptabilité, malgré la constatation de l'achèvement des opérations de contrôle ? Quoi qu'il en soit, en jugeant que l'administration avait pu obtenir postérieurement à la procédure de redressement, par l'exercice de son droit de communication, des éléments de fait complémentaires non mentionnés dans la proposition de rectification, dès lors que, ce faisant, l'administration n'a pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, procédé à une substitution de motifs, on peut en conclure que l'exercice du droit de communication postérieurement à l'achèvement des opérations de contrôle entraînant une substitution de motifs ou des rehaussements nouveaux entrainera une irrégularité de la procédure de contrôle.

En dernier lieu, les services fiscaux ont remis en cause des commissions versées à un agent public étranger. En effet, aux termes de l'article 39, 2 bis du CGI (N° Lexbase : L3894IAH), en principe, dans le respect des conditions générales énoncées par ce même article 39, les entreprises françaises exportatrices peuvent déduire de leurs résultats imposables les commissions et autres frais commerciaux. Toutefois, sous l'influence des textes internationaux en vue de lutter contre la corruption, le législateur français a instauré à l'article 39 un 2 bis, concernant une interdiction pour les entreprises de déduire de leurs résultats imposables les sommes versées ou les avantages octroyés directement ou indirectement à un agent public en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le cadre de transactions commerciales internationales. Cette interdiction s'inscrit conformément aux prescriptions relevant de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée le 17 décembre 1997. Avec cette décision, le Conseil d'Etat se livre à une lecture stricte de l'instruction administrative du 7 novembre 2000 (15). L'administration a remis en cause la déduction des commissions versées par une société imposable en France à des sociétés étrangères au motif que les sommes versées à ces sociétés ont été transférées à des agents publics d'une entreprise publique en charge de l'attribution de marchés publics et que ces versements étaient en rapport direct avec les marchés obtenus par la société imposable en France en se prévalant non seulement d'une déclaration faite sous serment par un agent spécial du Federal Bureau of Investigation (FBI) dans le cadre d'une procédure judiciaire ouverte aux Etats-Unis à l'encontre d'un ancien dirigeant de la société imposable en France, mais également d'un accord du "plaider coupable" de ce même dirigeant, qui indique que l'intéressé a effectué ou fait effectuer des paiements illicites à un agent public étranger et a autorisé des virements internationaux pour verser les dessous-de-table, afin d'obtenir des contrats. En outre, une enquête interne diligentée par la société imposable en France à l'encontre de certains de ses responsables en poste dans l'Etat concerné ainsi que par l'engagement d'une procédure pénale à l'encontre de cette même société par les autorités de cet Etat avait permis de corroborer les faits.

La circonstance que les sommes versées auraient été détournées de leur objet à l'insu de la société imposable en France et qu'ainsi, celle-ci n'aurait eu aucune intention de corruption, demeure sans incidence sur l'application des dispositions du 2 bis de l'article 39 du CGI, qui ont pour objet de faire obstacle à la déduction de sommes versées pour corrompre des agents publics, indépendamment de l'identité de la personne physique ou morale responsable de la corruption.

Enfin, le Conseil d'Etat confirme la position de la cour d'appel administrative de Versailles (CAA Versailles, 3ème ch., 16 octobre 2012, n° 10VE01908 N° Lexbase : A1341IWL) précisant que l'instruction administrative référencée 4 C-4-00, publiée le 7 novembre 2000 qui énonce que "la Convention OCDE vise le fait intentionnel pour toute personne, d'offrir, de promettre ou d'octroyer un avantage indu, pécuniaire ou autre, directement ou par des intermédiaires, à un agent public, à son profit ou au profit d'un tiers, pour que cet agent agisse ou s'abstienne d'agir dans l'exécution de fonctions officielles, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le cadre de transactions commerciales internationales" ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale dont le contribuable pourrait se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du LPF (N° Lexbase : L4634ICM).


(1) CJA, art. L. 821-2 (N° Lexbase : L3298ALQ) : lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire.
(2) Les modalités d'application de cette disposition ont été fixées par le décret n° 91-150 du 7 février 1991 (N° Lexbase : L1101I8B), codifié aux articles 344 A (N° Lexbase : L3569HM7) et 344 B (N° Lexbase : L3570HM8) de l'annexe III au CGI. Les dispositions de l'article 1649 A du CGI s'appliquent depuis le 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi 89-935 du 29 décembre 1989, de finances pour 1990.
(3) CE 9° et 10° s-s-r., 13 mars 2006, n° 249895, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5907DN4), RJF, 06/06, n° 656, concl. C. Verot, BCDF, 6/06, n° 69.
(4) BOI-CF-CPF-30-20, n° 240 (N° Lexbase : X5113ALX).
(5) Voir également CE 9° et 10° s-s-r., 20 février 2012, n° 325217, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3373IDB).
(6) CAA Bordeaux, 8 décembre 2005, n° 02BX00360 (N° Lexbase : A5108DM7).
(7) En ce sens, CAA Marseille, 15 décembre 2010, n° 08MA00981 (N° Lexbase : A7918GS3).
(8) Voir également, CE 3° et 8° s-s-r., 26 juillet 2011, n° 327033, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8317HWX), RJF, 11/11, n° 1121.
(9) LPF, art. L.57 (N° Lexbase : L0638IH4) et R. 57-1 (N° Lexbase : L2033IBW).
(10) BOI-CF-PGR-20-40, n° 10 (N° Lexbase : X5865ALS).
(11) Voir notamment CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2011, n° 330851, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0265HWQ), RJF,11/11, n° 1175.
(12) CE 9° et 10° s-s-r., 13 juillet 2011, n° 330851, mentionné aux tables du recueil Lebon, RJF, 10/92, n° 1344.
(13) CE Ass. plén., 9 avril 1986, n° 22691, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3776AMS), RJF, 6/86, concl. O. Fouquet.
(14) CE 7° et 9° s-s-r., 12 juin 1992, n° 89590, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6882ARC), RJF, 8-9/92, n° 1200.
(15) Instruction du 7 novembre 2000, BOI 4 C-4-00 (N° Lexbase : X0353AAC).

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