Réf. : CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T. T. et BAJI Trans N° Lexbase : B1511BCX
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par Clément Margaine, Professeur à l'Université de Poitiers, Directeur du DU de sciences criminelles, Institut de Sciences criminelles
le 29 Octobre 2025
Mots-clés : article 49, paragraphe 1 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne • principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable (lex mitior) • sanctions administratives de nature pénale
Saisie de plusieurs questions préjudicielles posées par la Cour suprême de l’ordre administratif de la République slovaque, la Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre une décision importante lui permettant de préciser les contours et la portée du principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce consacré à l'article 49, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la Cour, ce principe a vocation à s’appliquer à une sanction administrative de nature pénale, infligée sur le fondement d’une règle qui en cours de procédure a été modifiée dans un sens favorable à la personne sanctionnée, et ce, indépendamment du fait que la décision de condamnation soit considérée comme définitive selon le droit national.
Le conducteur d’une bétonnière avait été condamné au paiement d’une amende administrative de 200 euros au motif que le tachygraphe de son véhicule n’avait pas fait l’objet d’un contrôle périodique obligatoire, obligation découlant du droit slovaque et du droit de l’Union européenne (Règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l’appareil de contrôle dans les domaines des transports par route N° Lexbase : L8756AUT, modifié par le Règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006 N° Lexbase : L3600HI8).
Le conducteur et la société BAJI Trans, à laquelle appartenait la bétonnière, avaient alors interjeté appel et la Cour régionale de Bratislava avait confirmé cette amende en 2019. Un pourvoi en cassation avait alors été formé par le conducteur et BAJI Trans contre cette décision. Par la suite, le droit de l’Union a été modifié, permettant désormais aux États membres de dispenser de l’obligation d’être munis d’un tachygraphe les véhicules de transport de béton prêt à l’emploi. Le droit slovaque a alors dispensé ce type de véhicule de cette obligation avant que la Cour administrative suprême slovaque ne se soit prononcée. Cette dernière a alors choisi d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si ce changement de législation en cours de procédure pouvait bénéficier à des personnes poursuivies et condamnées désormais exclues du champ de l’incrimination [1]. Juridiquement, il s’agissait de savoir si cette situation particulière de lex mitior [2] entre dans le champ de l’article 49, § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui consacre le principe de non-rétroactivité de la loi pénale et son corolaire, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus douce. Cela suppose de résoudre deux difficultés [3]. La première (et principale) difficulté était de savoir si la sanction infligée – en l’espèce une amende administrative – relevait de la matière pénale, le principe de rétroactivité in mitius ne s’appliquant qu’aux lois pénales plus douces (I). Une fois répondu (positivement) à cette première question, il fallait, dans un second temps, se demander si le fait que le changement de législation soit intervenu après une décision ayant définitivement rejeté le recours exercé par le conducteur et BAJI Trans contre leur condamnation était susceptible de mettre en échec le principe de la lex mitior (II).
I. La caractérisation possible de la nature pénale de l’amende administrative prévue en droit slovaque
Régulièrement amenée à s’interroger sur le caractère répressif ou non de certaines mesures adoptées en droit interne, la Cour de justice de l’Union européenne s’est alignée [4] sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme relative à la notion de matière pénale. Cette dernière a fixé depuis le célèbre arrêt « Engel et autres c. Pays-Bas » [5] trois critères permettant de délimiter le champ d’application de la notion de matière pénale à laquelle fait référence l’article 6 de la Convention N° Lexbase : L7558AIR, critères qui ont ensuite été repris par la Cour de justice de l’Union européenne [6]. Si le premier, relatif à la qualification juridique de la mesure en droit interne, n’est, en pratique, pas déterminant (A), les deux autres – tenant à la nature de l’infraction, d’une part, et au degré de sévérité de la sanction encourue, d’autre part – ont conduit la Cour à reconnaître aux dispositions litigieuses un caractère répressif (B).
A. L’indifférence du critère tenant à la qualification en droit interne
Le premier critère est celui de la qualification de la mesure concernée en droit interne. La Cour analyse comment le droit national qualifie le comportement incriminé. Toutefois, ce premier critère reste en réalité assez peu déterminant dans l’appréciation des juridictions européennes [7]. La CJUE comme la CEDH n’hésitent pas à se départir de la qualification retenue en droit interne pour développer une appréciation autonome de la notion de peine afin d’éviter que les garanties reconnues en matière pénale ne soient subordonnées à la seule volonté des États. L’arrêt du 1er août 2025 en est une nouvelle illustration [8] puisque la Cour, après avoir rappelé que le manquement à l’obligation d’être équipé d’un tachygraphe est bien considéré en droit slovaque comme une infraction administrative, considère que cette qualification interne n’exclut pas la possibilité d’analyser la mesure comme une mesure répressive au regard des deux autres critères. Ce faisant, la CJUE ne fait que s’aligner sur la jurisprudence de la CEDH qui a pu retenir la qualification de peine pour des sanctions administratives [9] ou fiscales [10]. Si ce premier critère a donc été écarté, la Cour va tout de même parvenir à reconnaitre le caractère répressif de l’amende administrative prononcée contre le conducteur et BAJI Trans, démontrant une nouvelle fois que les deux autres critères sont déterminants.
B. L’importance des critères tenant à la nature de la mesure et à la sévérité de la sanction encourue
À la qualification juridique de l’infraction en droit interne s’ajoute un deuxième critère qui tient à la nature même de l’infraction. Ce critère implique de vérifier si la mesure en cause poursuit notamment une finalité répressive. La Cour est ainsi amenée à examiner plusieurs éléments parmi lesquels la finalité poursuivie par la mesure et/ou son domaine d’application. Est ainsi analysée comme une peine, toute mesure présentant un caractère répressif, c’est-à-dire visant à punir l’auteur du manquement. Toutefois, le fait qu’une mesure poursuive également une finalité préventive en plus d’un objectif dissuasif ne conduira pas à écarter ipso facto la qualité de mesure répressive. En effet, le droit pénal est susceptible d’adopter des mesures cherchant aussi bien à prévenir qu’à punir. Ce qui est certain en revanche, c’est que ne présentera pas un caractère pénal la mesure visant à réparer le préjudice causé par une infraction [11]. Un autre élément mobilisé par la Cour de justice de l’Union européenne, comme d’ailleurs la Cour européenne, tient au domaine de la mesure litigieuse. Est ainsi refusé le caractère pénal lorsque la mesure ne vise qu’une catégorie particulière d’individus qui, parce qu’ils exercent une activité réglementée, sont soumis à certaines obligations, dont le manquement est susceptible d’être sanctionné par la privation de certaines prérogatives spécifiques [12]. Dans l’arrêt commenté, la CJUE conclut au caractère pénal de l’amende administrative prévue en cas de violation des obligations relatives à la présence et au contrôle d’un tachygraphe, d’une part, puisque cette sanction poursuit un objectif tant de dissuasion que de répression et qu’elle n’a pas vocation à réparer le préjudice d’autrui et puisque, d’autre part, l’amende administrative ne vise pas à sanctionner une catégorie particulière d’individus exerçant une activité réglementée.
Quant au troisième critère mis en œuvre par les juges européens, il s’agit de la gravité de la sanction encourue. À ce titre, il faut noter que c’est bien la peine maximale encourue qui doit servir de référence, non celle qui a pu être prononcée en l’espèce. Dans cette affaire, le défaut de tachygraphe est sanctionné par une amende dont le montant maximum peut atteindre 1699 euros, à laquelle peut s’ajouter une déchéance du droit de conduire pendant deux ans maximum. Si la Cour préfère ne pas trancher de manière trop absolue cette question, laissant à la juridiction slovaque le soin d’apprécier si ces sanctions lui apparaissent suffisamment sévères pour pouvoir être qualifiées de sanctions répressives, elle tient tout de même à rappeler que le droit européen juge le défaut de contrôle d’un tachygraphe comme un manquement très grave et qu’il appartient aux États membres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives et non discriminatoires, ce qui laisse penser que le critère de sévérité pourrait, en l’espèce, être rempli.
La juridiction slovaque compétente devra donc, suite à la décision de la CJUE, s’interroger sur la nature pénale ou non des sanctions administratives prévues en application du droit européen. Il restait toutefois à voir si le fait qu’une condamnation définitive soit intervenue avant le changement de législation pouvait faire obstacle au principe de rétroactivité de la loi plus douce. Autrement dit, après avoir déterminé le champ d’application rationae materiae de l’article 49, § 1, il fallait ensuite en déterminer la portée rationae temporis.
II. L’applicabilité de la lex mitior après une décision définitive
Le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce est reconnu par la Cour comme un principe général du droit de l’Union que le juge national doit respecter lorsqu’il applique le droit national [13]. Il est expressément consacré à la dernière phrase de l’alinéa 1er de l’article 49 de la Charte de l’Union, qui reste toutefois silencieux quant aux limites temporelles de ce principe. Aucune précision n’est faite quant à l’applicabilité de cette règle dans le cas où une décision définitive serait intervenue avant le changement de législation in favorem. C’est donc de manière jurisprudentielle qu’a été posée une limite temporelle importante : la rétroactivité n’a vocation à s’appliquer que si aucune condamnation définitive n'a été prononcée [14]. Si l’intervention d’une juridiction nationale qui se serait définitivement prononcée sur les faits peut donc faire obstacle à l’application du principe de rétroactivité in mitius, la Cour de justice de l’Union européenne se reconnait tout de même un certain pouvoir d’appréciation du caractère définitif de la décision de condamnation (A) lui permettant d’adopter une solution assez cohérente avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme et de certains droits nationaux (B).
A. L’appréciation du caractère définitif d’une décision de condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne
Ainsi, après avoir précisé que le caractère définitif d’une décision juridictionnelle doit se faire sur la base du droit de l’État membre ayant rendu la décision, la Cour rappelle dans l’arrêt commenté ce qu’il faut entendre par décision définitive. Selon elle, est une décision définitive au sens de l’article 49 [15], toute décision qui ne peut plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire, c’est-à-dire une voie de recours qui « fait partie du cours normal d’un procès » [16].
Or en l’espèce, le pourvoi en cassation est considéré en droit slovaque comme une voie de recours extraordinaire, ce qui devrait conduire à analyser la décision de la Cour régionale de Bratislava ayant rejeté le recours exercé par le condamné comme ayant mis fin à la procédure. Ce n’est pourtant pas la solution préconisée par la CJUE qui considère au contraire que la décision des juges du fond n’est pas définitive puisqu’un pourvoi en cassation a été introduit avant le changement de législation. L’existence d’un pourvoi en cassation, même qualifié par le droit slovaque de voie de recours extraordinaire, est susceptible de conduire la Cour suprême slovaque à réformer ou annuler la décision des juges du fond qui ne peut par conséquent pas être considérée comme définitive. On peut se demander si une telle solution ne présente pas le risque d’inciter les justiciables à introduire de manière préventive un recours lorsque les textes qui fondent les poursuites sont susceptibles d’être modifiés à brève échéance. En outre, en cas de modification intervenue entre la décision des juges du fond et la décision d’une Cour suprême, cette dernière sera amenée à censurer la décision des juges du fond n’ayant pourtant fait qu’appliquer le droit positif au moment du jugement, ce qui pourrait apparaître comme une façon de leur reprocher de ne pas avoir pris en compte (de ne pas avoir anticipé ?) un changement de législation postérieur à leur décision.
Même si elle n’est pas exempte de défaut [17], cette solution se fonde en réalité sur des exigences d’utilité sociale et de justice. L’adoption d’une loi plus douce rend, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme [18], l’application du droit positif antérieur, plus sévère, inutile. Pire, à l’inutilité de la survie de la loi ancienne s’ajouterait l’injustice consistant à ne pas faire bénéficier un individu d’un texte plus favorable. En effet, comme cela a pu être parfaitement démontré par un auteur [19], il est assez courant de lire sous la plume de la doctrine pénaliste que la rétroactivité in mitius se justifierait moins par des arguments juridiques que par des considérations axiologiques tenant à l’équité [20], l’humanité [21] ou à la justice [22]. Un document informatif édité par la Cour de justice en mai 2023 [23] précise ainsi que même si certains pays rattachent le principe de rétroactivité au principe de légalité (dont il ne serait qu’un corollaire), d’autres en font une condition essentielle de l’administration de la Justice. Ainsi de l’Espagne pour qui le principe répond à une exigence suprême de justice reconnue par la Constitution [24] ou de la Pologne pour qui le principe de la lex mitior repose sur la présomption selon laquelle la loi nouvelle est davantage conforme aux besoins sociaux, mais également aux préférences axiologiques [25].
B. Une solution cohérente avec le droit européen des droits de l’Homme et certains droits nationaux
Quel qu’en soit le fondement, cette solution semble cohérente avec celle adoptée en droit européen des droits de l’Homme. Rappelons que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce n’est pas explicitement consacré à l’article 7 de la Convention européenne N° Lexbase : L4797AQQ, contrairement à d’autres textes internationaux [26]. Toutefois, après avoir jugé que la Convention ne garantit pas le droit de se voir appliquer une loi pénale plus favorable [27], la Cour a fini par changer son fusil d’épaule en 2009 [28] en reconnaissant dans l’arrêt « Scoppola c. Italie » le principe de rétroactivité in mitius comme un principe fondamental du droit pénal rattaché à l’article 7 de la Convention [29]. La rétroactivité de la loi pénale plus clémente apparaît donc en droit européen comme un corolaire, une conséquence découlant directement du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. Les juges de Strasbourg veillent donc à ce qu’un changement de législation pénale favorable au prévenu lui bénéficie, en tout cas, lorsqu’aucune décision définitive n’est intervenue [30]. Une décision de 2016 avait néanmoins pu laisser croire que le principe pourrait s’appliquer à la situation dans laquelle un individu avait été définitivement condamné [31]. Il semble en réalité que cette application extrême de la lex mitior s’explique surtout par les faits de l’espèce [32]. En effet, dans cette affaire, le droit national prévoyait expressément un réexamen des condamnations définitives intervenues avant le changement de législation, ce qui ouvrait la voie à une rétroactivité in mitius à la portée maximale puisque pouvant éventuellement remettre en cause l’autorité de la chose jugée [33].
Compatible avec le droit européen, la solution consacrée par la CJUE l’est aussi avec le droit français. Si la Cour de cassation refuse le jeu de l’application immédiate d’un texte plus favorable lorsqu’une décision sur le fond a été rendue en dernier ressort [34], elle a, en revanche, admis l’application d’une loi ayant créé une nouvelle cause d’irresponsabilité dans une procédure en cours n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée [35]. Quant au Conseil d’État, une décision récente du 7 octobre 2022 [36] a admis l’application immédiate d’un texte plus favorable adopté après une décision d’une cour administrative frappée de pourvoi. Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que le principe de rétroactivité in mitius découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1372A9P oblige les juges du fond à faire application, même d'office, d'une loi répressive nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue [37] et va même plus loin en affirmant, ensuite, qu’il en va de même pour le juge de cassation dès lors que la loi nouvelle est entrée en vigueur postérieurement à la décision frappée de pourvoi [38].
Les juridictions nationales, comme européennes, paraissent donc s’entendre pour reconnaître et pleinement garantir le principe de rétroactivité in mitius au point que l’on puisse se demander si l’on n’est pas face à un mouvement d’alignement des planètes favorable à une extension du champ de ce principe ? [39]
| À retenir : Le principe de rétroactivité in mitius a vocation à s’appliquer à une sanction administrative de nature pénale au sens du droit de l’Union qui a été prononcée sur le fondement d’une règle modifiée en cours de procédure dans un sens favorable à la personne sanctionnée, indépendamment du fait que la décision de condamnation soit considérée comme définitive selon le droit national. |
[1] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans N° Lexbase : B1511BCX.
[2] Contrairement aux hypothèses classiques de dépénalisation qui résultent de la suppression d’une incrimination par le législateur, ici c’est une extension du domaine des personnes exonérées de cette obligation qui constitue un changement de législation favorable aux personnes concernées.
[3] On laissera de côté une autre difficulté qui constitue d’ailleurs la première question préjudicielle posée aux juges luxembourgeois. Le choix de sanctionner, d’une part, et de faire application, d’autre part, de la possibilité de dispenser certains véhicules de transport routier de l’obligation de détenir un tachygraphe peut-il être considéré comme la mise en œuvre du droit de l’Union ? La Cour ayant répondu positivement à cette question (§ 58 de la décision).
[4] Même si la CJUE développe une jurisprudence un peu différente de celle de la Cour européenne. V. R. Ollard, Pot-pourri autour de la notion de peine, Lexbase Droit privé, juin 2012, n°491 N° Lexbase : N2688BTQ, l’auteur qualifiant de « convergence partielle » les jurisprudences des deux juridictions européennes.
[5] CEDH, 8 juin 1976, Req. 5100/71, Engel et autres c/ Pays-Bas, § 80 à 82 N° Lexbase : A5111AYX. V. plus récemment CEDH, 10 février 2009, Req. 14939/03, Zolotoukhine c/ Russie, § 52 et 53 N° Lexbase : A0804ED7.
[6] V. en ce sens les arrêts de la CJUE du 5 juin 2012 (aff. C-489/10, Bonda, § 37 N° Lexbase : A1022IN8), du 20 mars 2018 (aff. C-537/16, Garlsson Real Estate et autres, § 28 N° Lexbase : A2863XHI) ou plus récemment la décision du 2 février 2021 (aff. C-481/19, Consob, § 42 N° Lexbase : A23374EB).
[7] V. par ex. CEDH, 22 décembre 2020, Req. 68273/14, Gestur Jónsson et Ragnar Halldór Hall c/ Islande, § 85 N° Lexbase : A97404AY : « Le premier critère Engel est toutefois d’un poids relatif et ne sert que de point de départ ».
[8] V. en ce sens les précédents cités par la Cour : CJUE, 22 juin 2021, aff. C-439/19, Latvijas Republikas Saeima, spéc. § 88 N° Lexbase : A76594WL ou pour une sanction financière et le retrait d’une licence d’exploitation d’un entrepôt fiscal prévue par une loi sur les accises et les entrepôts fiscaux : CJUE, 14 septembre 2023, aff. C-820/21, Vinal, spéc. § 49 N° Lexbase : A22331H8.
[9] Pour des infractions à la circulation routière passibles d’amende ou de restrictions liées au permis de conduire : CEDH, 10 juillet 2014, Req. 40820/12, Marčan c/ Croatia [en ligne] ou CEDH, 30 août 2016, Req. 25555/10, Igor Pascari c/ Moldova [en ligne] ; pour une amende administrative infligée pour manipulation du marché financier : CEDH, 28 mai 2020, Req. 44612/13 et 45831/13, Georgouleas and Nestoras c/ Greece [en ligne].
[10] Pour des majorations d’impôts : CEDH, 23 novembre 2006, Req. 73053/01, Jussila c/ Finlande N° Lexbase : A5011DSE ; CEDH, 14 décembre 2021, Req. 11200/19, Melgarejo Martinez de Abellanosa c/ Espagne [en ligne].
[11] V. CEDH, 24 février 1994, Req. 12547/86, Bendenoun c/ France, § 47 N° Lexbase : A0346ND8 : « les majorations d’impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d’un préjudice, mais visent pour l’essentiel à punir pour empêcher la réitération d’agissements semblables » ; par conséquent, elles présentent une finalité à la fois préventive et répressive ce qui conduit à les analyser comme relevant de la matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne.
[12] CJUE, 14 septembre 2023, aff. C-820/21, Vinal, § 53, précitée ; CJUE, 23 mars 2023, aff. C-412/21, Dual Prod, § 33 N° Lexbase : A39349KW.
[13] V. CJUE, 6 octobre 2016, aff. C-218/15, Paoletti et autres, § 25 N° Lexbase : A9899R4E ; CJUE, 7 août 2018, aff. C-115/17, Clergeau et autres, § 26 N° Lexbase : A0030X3I : « le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce, tel que consacré à l’article 49, paragraphe 1, de la Charte, fait partie du droit primaire de l’Union […] la Cour a jugé que ce principe découlait des traditions constitutionnelles communes aux États membres et, partant, devait être considéré comme faisant partie des principes généraux du droit de l’Union »
[14] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans, § 107, précitée : « il appartient à toute juridiction de faire bénéficier l’auteur d’une infraction de la loi pénale qui lui est plus favorable, tant que sa condamnation n’est pas définitive » (nous soulignons). V. toutefois CJUE, 6 octobre 2015, aff. C-650/13, Delvigne N° Lexbase : A7255NSI, qui admet, sous certaines conditions, la possibilité pour les États membres de déroger au principe de rétroactivité in mitius. La portée de cette solution ne doit toutefois pas être exagérée puisqu’en l’espèce le droit national avait expressément prévu d’écarter l’application des dispositions nouvelles aux personnes définitivement condamnées tout en leur reconnaissant la possibilité de demander le relèvement de leur peine. En outre, le droit français prévoit expressément que le principe de rétroactivité in mitius ne peut remettre en cause une condamnation passée en force de chose jugée (C. pén., art. 112-1, al. 3 N° Lexbase : L2215AMY), exception faite de l’hypothèse prévue à l’article 112-4, alinéa 2 du même code N° Lexbase : L2044AMN qui dispose que la peine cesse de recevoir exécution en cas de suppression d’une incrimination.
[15] Bien que cette expression ne figure pas expressément au sein de cet article, contrairement par exemple à l’article 50 de la Charte qui fait de l’existence d’une décision définitive une condition d’application du principe non bis in idem.
[16] CJUE, 1er août 2025, n° C-544/23, T.T. et BAJI Trans, § 102, précitée.
[17] Une telle solution conduit par exemple à distinguer la situation de deux condamnés selon qu’ils aient ou non formé un recours contre leur condamnation.
[18] Refuser l'application rétroactive d'une norme pénale plus douce conduirait selon la Cour ainsi « à infliger des peines que l'État, et la collectivité qu'il représente, considèrent désormais comme excessives » ; CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, § 109 N° Lexbase : A0692EL9. V. également P. Roubier, Le droit transitoire. Conflits des lois dans le temps, Dalloz et Sirey, 1960, 2e éd., p. 453, pour qui « la loi nouvelle plus douce prouve que la rigueur ancienne n'est plus nécessaire ».
[19] N. Bareït, Rhétorique de la faveur en droit transitoire, RTD civ., 2025 p. 27
[20] Pour Georges Levasseur, il s’agirait « d’une solution d'équité plutôt qu'une déduction juridique » (G. Levasseur, Opinions hétérodoxes sur les conflits de lois répressives dans le temps, En hommage à Jean Constant, Faculté de droit de Liège, 1971, p. 201).
[21] « On considère qu'un sentiment d'humanité exige l'application de la loi nouvelle plus douce au prévenu qui a commis une infraction avant la mise en vigueur de cette loi » (A. Vitu, Des conflits de lois dans le temps en droit pénal, Société d'impressions typographiques, 1945, p. 46). V. également Louis Bach qui y voit une solution fondée d'équité et d'humanité (L. Bach, Conflits de lois dans le temps, Rép. civ. Dalloz, mai 2006, n° 232).
[22] N. Bareït préférant parler de « sentiment de justice », op. cit.
[23] CJUE, Note de recherche de la Direction de la recherche et documentation. Applicabilité du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce (lex mitior) aux condamnations pénales définitives et effets de l'invalidation de dispositions pénales sur l'application de ce principe, mai 2023 [en ligne].
[24] Une décision du 21 décembre 2022 rendue par le Tribunal Supremo (la Cour suprême espagnole) a ainsi jugé que la justification du principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable repose sur des raisons de justice, car il est contraire aux critères fondamentaux de justice de continuer à appliquer une loi jugée trop sévère. Notons que ce pays reconnait au principe de rétroactivité in mitius un domaine très étendu puisqu’il s’applique même post sententiam, après une décision irrévocable, voire pendant l’exécution de la peine par le condamné (art. 2, § 2 du Code pénal espagnol).
[25] Arrêt du 12 mai 2021 rendu par la Sąd Najwyższy (Cour suprême de Pologne).
[26] V. notamment l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou à l’article 9 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme.
[27] CEDH, 5 décembre 2000, Le Petit c/ Royaume-Uni ; CEDH, 6 mars 2003, Req. 41171/98, Zaprianov c/ Bulgarie [en ligne].
[28] La Cour justifie ce revirement par le fait qu’un consensus se serait progressivement formé au niveau européen et même international pour admettre l'application rétroactive d’une loi pénale plus douce adoptée après la commission de l'infraction.
[29] CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, spéc. § 109, précitée : « l’art. 7§ 1 ne garantit pas seulement le principe de rétroactivité des lois pénales plus sévères, mais aussi, et implicitement, le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce ». V. plus récemment : CEDH, 18 février 2020, Req. 45776/16, Jidic c/ Roumanie, § 80 [en ligne] ; CEDH, 4 juillet 2023, Req. 13451/15, Tristan c/ Moldova, §49 N° Lexbase : A442899U.
[30] « Si la loi pénale en vigueur au moment de la commission de l'infraction et les lois pénales postérieures adoptées avant le prononcé d'un jugement définitif sont différentes, le juge doit appliquer celle dont les dispositions sont les plus favorables au prévenu » (nous soulignons) (CEDH, 17 septembre 2009, Req. 10249/03, Scoppola c/ Italie, § 109, précitée).
[31] CEDH, 12 janvier 2016, Req. 33427/10, Gouarré Patte c/ Andorre N° Lexbase : A5136N3M : Dr. pén., 2017, n° 4, p. 23, note E. Dreyer.
[32] La Cour le précise d’ailleurs expressément dans sa décision : « cette spécificité du droit interne andorran confère un caractère particulier à la présente affaire » (§ 105)
[33] Pour une analyse similaire de cet arrêt, voir S. Detraz, Quel futur pour la rétroactivité in mitius de la loi pénale nouvelle ?, in P. Beauvais, D. Chilstein, E. Dreyer (dir.), Le droit pénal de l'avenir, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2024, p. 101 et s., pour qui « c’est donc uniquement en raison de l’existence de cette règle nationale que les juges européens ont conclu à la violation de l’article 7 ».
[34] Cass. crim., 19 octobre 1976, n° 75-92.852 N° Lexbase : A9326ATL.
[35] Cass. crim., 17 octobre 2018, n° 17-80.485, F-D N° Lexbase : A9859YGA appliquant la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6340MSM qui a inséré à l'article 122-9 du Code pénal N° Lexbase : L0902MCE le dispositif applicable aux lanceurs d’alerte.
[36] CE, sect., 7 octobre 2022, n° 443476 N° Lexbase : A92178MC.
[37] Solution déjà consacrée s’agissant d’une sanction fiscale : CE, ass., 16 février 2009, n° 274000 N° Lexbase : A2581EDX.
[38] Rappelons qu’en matière administrative, le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif, contrairement à la matière pénale, ce qui rend la décision des juges du fond définitive malgré l’existence d’un pourvoi en cassation administrative.
[39] S’interrogeant sur l’avenir de la rétroactivité in mitius, un auteur a récemment fait le constat d’une extension de ce principe qui est susceptible d’avoir des effets de plus en plus loin dans le temps, non sans risque d’ailleurs (S. Detraz, Quel futur pour la rétroactivité in mitius de la loi pénale nouvelle ?, in P. Beauvais, D. Chilstein, E. Dreyer (dir.), Le droit pénal de l'avenir, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2024, p. 101 et s.).
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