Directive (CE) n° 2003/124 de la Commission du 22-12-2003, portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché

Directive (CE) n° 2003/124 de la Commission du 22-12-2003, portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché

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Directive 2003/124/CE de la Commission

du 22 décembre 2003

portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marché

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne,

vu la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (1), et notamment son article 1er, paragraphe 2, et son article 6, paragraphe 10, premier, deuxième et troisième tirets,
(1) JO L 96 du 12.4.2003, p. 16.

après avoir consulté pour avis technique le comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (CERVM) (2),
(2) Le CERVM a été créé par la décision de la Commission 2001/527/CE du 6 juin 2001 (JO L 191 du 13.7.2001, p. 43).

considérant ce qui suit :

(1) Les investisseurs raisonnables fondent leurs décisions d'investissement sur les informations dont ils disposent déjà ("informations disponibles ex ante"). En conséquence, la question de savoir si un investisseur raisonnable serait susceptible, au moment de prendre une décision d'investissement, de tenir compte d'une information donnée doit être appréciée sur la base des informations disponibles ex ante. Cette appréciation doit prendre en considération l'impact anticipé de l'information en question compte tenu de l'ensemble de l'activité de l'émetteur concerné, de la fiabilité de la source d'information et de toutes autres variables de marché susceptibles d'exercer en l'occurrence une influence sur l'instrument financier concerné ou tout instrument financier dérivé qui lui est lié.

(2) Les informations disponibles ex post peuvent servir à vérifier l'hypothèse de sensibilité des cours à l'information disponible ex ante, mais elles ne peuvent être utilisées pour poursuivre une personne qui aurait tiré des conclusions raisonnables des informations dont elle disposait ex ante.

(3) La sécurité juridique devrait être renforcée pour les participants au marché grâce à une définition plus fine de deux des éléments essentiels de la définition de l'information privilégiée, à savoir le caractère précis de cette information et l'ampleur de son impact potentiel sur les cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés.

(4) La protection des investisseurs n'impose pas seulement aux émetteurs de publier en temps voulu les informations privilégiées. Elle exige aussi que cette publication soit aussi rapide et aussi synchronisée que possible entre toutes les catégories d'investisseurs dans tous les États membres dans lesquels l'émetteur a demandé ou accepté l'admission de ses instruments financiers à la négociation sur un marché réglementé, afin de garantir aux investisseurs l'égalité d'accès à ces informations au niveau communautaire et de prévenir les opérations d'initiés. Dans ce but, les États membres peuvent désigner officiellement les mécanismes à utiliser pour cette publication.

(5) Afin de préserver les intérêts légitimes des émetteurs, il devrait être permis, dans des circonstances particulières bien définies, de différer la publication d'informations privilégiées. Cependant, la protection des investisseurs exige que, dans de tels cas, ces informations soient gardées confidentielles afin d'empêcher les opérations d'initiés.

(6) Afin de guider à la fois les participants au marché et les autorités compétentes, un certain nombre de signaux doivent être pris en considération quand ils examinent des comportements potentiellement constitutifs de manipulation de marché.

(7) Les mesures prévues par la présente directive sont conformes à l'avis du comité européen des valeurs mobilières,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE :

Article 1er : Information privilégiée

1. Aux fins de l'application de l'article 1er, point 1, de la directive 2003/6/CE, une information est réputée "à caractère précis" si elle fait mention d'un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu'il existera ou d'un événement qui s'est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu'il se produira, et si elle est suffisamment précise pour que l'on puisse en tirer une conclusion quant à l'effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur les cours des instruments financiers concernés ou d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés.

2. Aux fins de l'application de l'article 1er, point 1, de la directive 2003/6/CE, on entend par " information qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés ", une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser en tant que faisant partie des fondements de ses décisions d'investissement.

Article 2 : Modes et délais de publication des informations privilégiées

1. Aux fins de l'application de l'article 6, paragraphe 1, de la directive 2003/6/CE, les articles 102, paragraphe 1, et 103 de la directive 2001/34/CE du Parlement européen et du Conseil (3) sont applicables.
(3) JO L 184 du 6.7.2001, p. 1.

En outre, les États membres veillent à ce que l'information privilégiée soit rendue publique par l'émetteur d'une manière qui permette au public d'y accéder rapidement et de procéder à son évaluation complète et correcte en temps voulu.

Les États membres s'assurent également que l'émetteur ne combine pas, d'une manière susceptible d'induire en erreur, la fourniture d'informations privilégiées au public et le marketing de ses activités.

2. Les États membres veillent à ce que les émetteurs soient réputés avoir agi conformément à l'article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2003/6/CE si, lorsqu'un ensemble de circonstances s'est créé ou qu'un événement s'est produit, bien que non encore formalisé, ils en ont informé rapidement le public.

3. Tout changement significatif concernant des informations privilégiées déjà rendues publiques doit être divulgué au public rapidement après qu'il s'est produit, par le même canal que celui qui a été utilisé pour rendre publiques les informations initiales.

4. Les États membres exigent des émetteurs qu'ils veillent, avec une attention raisonnable, à synchroniser le mieux possible la divulgation d'informations privilégiées entre toutes les catégories d'investisseurs, dans tous les États membres où ils ont demandé ou accepté l'admission de leurs instruments financiers à la négociation sur un marché réglementé.

Article 3 : Intérêts légitimes justifiant le report de l'information du public et confidentialité

1. Aux fins de l'application de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/6/CE, les intérêts légitimes peuvent en particulier avoir trait aux situations suivantes, qui ne constituent pas une liste exhaustive :

a) négociations en cours, ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d'affecter l'issue ou le cours normal de ces négociations. En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur, mais n'entrant pas dans le champ des dispositions applicables en matière de droit des faillites, la divulgation d'informations au public peut être différée durant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants et potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l'émetteur;

b) décisions prises ou contrats passés par l'organe de direction d'un émetteur, qui nécessitent l'approbation d'un autre organe de l'émetteur pour devenir effectifs, lorsque la structure dudit émetteur requiert une séparation entre les deux organes, à la condition que la publication de ces informations avant leur approbation, combinée à l'annonce simultanée que cette approbation doit encore être donnée, fausserait leur correcte appréciation par le public.

2. Aux fins de l'application de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 2003/6/CE, les États membres exigent que l'émetteur, afin d'être en mesure d'assurer la confidentialité d'une information privilégiée, contrôle l'accès à cette information et, en particulier :

a) qu'il ait mis en place des dispositions efficaces pour empêcher l'accès à cette information aux personnes autres que celles qui en ont besoin pour exercer leurs fonctions au sein de l'émetteur;

b) qu'il ait pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que toute personne ayant accès à cette information reconnaisse les obligations légales et réglementaires liées à cet accès et soit avertie des sanctions prévues en cas d'utilisation ou de diffusion indue de cette information;

c) qu'il ait mis en place les dispositions nécessaires permettant une publication immédiate de ladite information privilégiée dans le cas où il n'aurait pas été en mesure d'assurer sa confidentialité, sans préjudice de l'article 6, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 2003/6/CE.

Article 4 : Manipulations consistant à donner des indications fausses ou trompeuses ou à fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel

Aux fins de l'application de l'article 1er, point 2 a), de la directive 2003/6/CE, et sans préjudice des exemples cités au deuxième alinéa de ce point 2, les États membres veillent à ce que les autorités compétentes et les participants au marché, lorsqu'ils examinent des opérations ou des ordres, prennent en considération les signaux suivants, qui ne forment pas une liste exhaustive et ne doivent pas être considérés comme constituant en eux-mêmes une manipulation de marché :

a) la mesure dans laquelle les ordres émis ou les opérations effectuées représentent une proportion importante du volume quotidien d'opérations réalisé sur le marché réglementé de l'instrument financier concerné, en particulier lorsque ces activités entraînent une variation sensible du cours de cet instrument;

b) la mesure dans laquelle les ordres émis ou les opérations effectuées par des personnes détenant une position vendeuse ou acheteuse marquée sur un instrument financier entraînent une variation sensible du cours de cet instrument ou de l'instrument sous-jacent ou dérivé correspondant admis à la négociation sur un marché réglementé;

c) si les opérations effectuées n'entraînent aucun changement de propriétaire bénéficiaire d'un instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé;

d) la mesure dans laquelle les ordres émis ou les opérations effectuées se traduisent par des renversements de positions sur une courte période et représentent une proportion importante du volume quotidien d'opérations réalisé sur le marché réglementé de l'instrument financier concerné, et pourraient être associés à des variations sensibles du cours d'un instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé;

e) la mesure dans laquelle les ordres émis ou les opérations effectuées sont concentrés sur un bref laps de temps durant la séance de négociation et entraînent une variation de cours qui est ensuite inversée;

f) la mesure dans laquelle les ordres émis modifient les meilleurs prix affichés à l'offre et à la demande d'un instrument financier admis à la négociation sur un marché réglementé, ou plus généralement la représentation du carnet d'ordres auquel ont accès les participants au marché, et sont annulés avant leur exécution;

g) la mesure dans laquelle les ordres sont émis ou les opérations effectuées au moment précis où sont calculés les cours de référence, les cours de compensation et les évaluations, ou aux alentours de ce moment, et entraînent des variations de cours qui ont un effet sur ces cours et ces évaluations.

Article 5 : Manipulations consistant à recourir à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice

Aux fins de l'application de l'article 1er, point 2 b), de la directive 2003/6/CE, et sans préjudice des exemples cités au deuxième alinéa de ce point 2, les États membres veillent à ce que les autorités compétentes et les participants au marché, lorsqu'ils examinent des opérations ou des ordres, prennent en considération les signaux suivants, qui ne forment pas une liste exhaustive et ne doivent pas être considérés comme constituant en eux-mêmes une manipulation de marché :

a) si les ordres émis ou les opérations effectuées par des personnes sont précédés ou suivis de la diffusion d'informations fausses ou trompeuses par ces mêmes personnes ou des personnes qui leur sont liées;

b) si les ordres sont émis, ou les opérations effectuées, par des personnes avant ou après que celles-ci, ou des personnes qui leur sont liées, produisent ou diffusent des travaux de recherche ou des recommandations d'investissement qui sont faux ou biaisés ou manifestement influencés par un intérêt significatif.

Article 6 : Transposition

1. Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 12 octobre 2004. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions ainsi qu'un tableau de concordance entre ces dernières et la présente directive.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des principales dispositions de droit national qu'ils adoptent dans le domaine couvert par la présente directive.

Article 7 : Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Article 8 : Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Bruxelles, le 22 décembre 2003.

Par la Commission :

Frederik Bolkestein, Membre de la Commission

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