Directive communautaire
DIRECTIVE 97/33/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL
du 30 juin 1997
relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP)
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 100 A,
vu la proposition de la Commission (1),
vu l'avis du Comité économique et social (2),
statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 B du traité (3), au vu du projet commun approuvé le 19 mars 1997 par le comité de conciliation,
(1) considérant que, à partir du 1er janvier 1998, avec des périodes de transition pour certains États membres, la fourniture des services et infrastructures de télécommunications sera libéralisée dans la Communauté; que la résolution du Conseil, du 7 février 1994, sur les principes en matière de service universel dans le secteur des télécommunications (4) reconnaît que, pour promouvoir les services de télécommunications à l'échelle de la Communauté, il faut instaurer l'interconnexion des réseaux publics et, dans l'environnement concurrentiel futur, assurer l'interconnexion entre les différents opérateurs nationaux et communautaires; que la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l'établissement du marché intérieur des services de télécommunication par la mise en oeuvre de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunication (5) fixe des principes harmonisés en ce qui concerne l'accès ouvert et efficace aux réseaux publics de télécommunications et, le cas échéant, aux services de télécommunications accessibles au public, ainsi que l'utilisation de ceux-ci; que la résolution du Conseil, du 22 juillet 1993, sur le réexamen de la situation du secteur des télécommunications et de la nécessité de nouveaux développements sur ce marché (6) reconnaît que les mesures de fourniture d'un réseau ouvert offrent un cadre approprié pour l'harmonisation des conditions d'interconnexion; que cette harmonisation est indispensable à l'établissement et au bon fonctionnement du marché intérieur des services de télécommunications; que la résolution du Conseil, du 18 septembre 1995, sur la mise en place du futur cadre réglementaire des télécommunications (7) reconnaît comme éléments clés de ce futur cadre réglementaire le maintien et le développement d'un service universel ainsi qu'une réglementation spécifique de l'interconnexion, et trace quelques lignes directrices en la matière;
(2) considérant qu'un cadre général d'interconnexion aux réseaux publics de télécommunications et aux services de télécommunications accessibles au public, quelles que soient les technologies employées sur lesquelles ils s'appuient, est nécessaire en vue d'assurer l'interopérabilité des services de bout en bout pour les utilisateurs communautaires; que des conditions équitables, proportionnelles et non discriminatoires d'interconnexion et d'interopérabilité sont des facteurs clés pour favoriser le développement de marchés ouverts et compétitifs;
(3) considérant que l'abolition des droits spéciaux et exclusifs dans le secteur des télécommunications suppose que certaines définitions en vigueur soient révisées; qu'aux fins de la présente directive, les services de télécommunications n'englobent pas les services de radiodiffusion et de télévision; que les conditions techniques, les tarifs, les conditions d'utilisation et de fourniture qui s'appliquent en matière d'interconnexion peuvent différer des conditions qui s'appliquent aux interfaces utilisateur final/réseau;
(4) considérant que le cadre réglementaire d'interconnexion prévoit les cas où les réseaux interconnectés sont utilisés pour la fourniture commerciale de services de télécommunications accessibles au public; que le cadre réglementaire d'interconnexion ne prévoit pas le cas où un réseau de télécommunications est utilisé pour la fourniture de services de télécommunications accessibles uniquement à un utilisateur final déterminé ou à un groupe fermé d'utilisateurs, mais prévoit seulement le cas où un réseau de télécommunications est utilisé pour la fourniture de services accessibles au public; que les réseaux de télécommunications interconnectés peuvent être la propriété des parties concernées ou peuvent être basées sur des lignes louées et/ou sur une capacité de transmission qui n'est pas la propriété des parties concernées;
(5) considérant que, après la suppression des droits spéciaux et exclusifs accordés pour les services et infrastructures de télécommunications dans la Communauté, la fourniture des réseaux ou services de télécommunications peut nécessiter une forme d'autorisation des États membres; que les organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications accessibles au public sur l'ensemble ou sur une partie du territoire de la Communauté doivent être libres de négocier des accords d'interconnexion sur une base commerciale dans le respect du droit communautaire, sous réserve de la supervision et, le cas échéant, de l'intervention des autorités réglementaires nationales; qu'il est nécessaire d'assurer dans la Communauté l'interconnexion appropriée de certains réseaux et l'interopérabilité des services essentiels pour le bien-être social et économique des utilisateurs communautaires, notamment les réseaux et services téléphoniques publics fixes ou mobiles et les lignes louées; que, aux fins de la présente directive, le terme "public" ne renvoie pas à la propriété ni à un ensemble restreint d'offres désignées par les termes "réseaux publics" ou "services publics", mais signifie tout réseau ou service mis à la disposition du public et accessible à des tiers;
(6) considérant qu'il est nécessaire de déterminer les organismes qui ont des droits et des obligations en matière d'interconnexion; que, en vue de favoriser le développement de nouveaux types de services de télécommunications, il importe d'encourager de nouvelles formes d'interconnexion et d'accès spécial au réseau en des points autres que les points de terminaison proposés à la majorité des utilisateurs finals; que la puissance d'un organisme sur le marché dépend de plusieurs facteurs, dont la part qu'il détient sur le marché du produit ou service en cause dans la zone géographique concernée, son chiffre d'affaires par rapport à la taille du marché, sa capacité d'influencer les conditions du marché, sa maîtrise des moyens d'accès à l'utilisateur final, ses liens internationaux, son accès aux ressources financières, son expérience dans la fourniture de produits et de services sur le marché; qu'il doit revenir aux autorités réglementaires nationales de déterminer quels organismes sont puissants sur le marché compte tenu de la situation de celui-ci;
(7) considérant que la notion de service universel doit évoluer en suivant les progrès de la technologie, le développement du marché et l'évolution de la demande des utilisateurs; qu'il conviendra d'étudier les nouvelles conditions de fourniture du service universel lors du prochain réexamen de la présente directive;
(8) considérant que l'obligation de fournir un service universel contribue à la réalisation de l'objectif de cohésion économique et sociale et d'équité territoriale poursuivi par la Communauté; que plusieurs organismes peuvent avoir des obligations de service universel dans un État membre; que les États membres devraient encourager l'introduction rapide, de la manière la plus large possible, de nouvelles technologies comme le réseau numérique à intégration de services (RNIS); que, au stade actuel de son développement dans la Communauté, le RNIS n'est pas accessible à tous les utilisateurs et ne relève pas des dispositions de la présente directive en matière de service universel; qu'il pourrait être utile d'examiner en temps opportun si le RNIS doit faire partie du service universel; que le calcul du coût net du service universel doit tenir dûment compte des dépenses et des recettes, ainsi que des effets économiques induits et des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel, mais ne devrait pas gêner le processus actuel de rééquilibrage des tarifs; que les coûts des obligations de service universel doivent être calculés selon des procédures transparentes; que les contributions financières liées au partage des obligations de service universel doivent être dissociées des redevances d'interconnexion; que, lorsqu'une obligation de service universel représente une charge inéquitable pour un organisme, il convient de permettre aux États membres de mettre en place un mécanisme de partage du coût net de la fourniture universelle d'un réseau téléphonique public fixe ou d'un service téléphonique public fixe avec d'autres organismes exploitant des réseaux publics de télécommunications et/ou des services de téléphonie vocale accessibles au public; que cela devrait se faire dans le respect des principes du droit communautaire, en particulier ceux de non-discrimination et de proportionnalité, et sans préjudice de l'article 100 A paragraphe 2 du traité;
(9) considérant qu'il importe de fixer des principes garantissant la transparence, l'accès à l'information, la non-discrimination et l'égalité d'accès, en particulier pour les organismes puissants sur le marché;
(10) considérant que la fixation des tarifs d'interconnexion est déterminante pour la structure et l'intensité de la concurrence lors du passage à un marché libéralisé; que les organismes puissants sur le marché doivent être en mesure de prouver que leurs redevances d'interconnexion sont déterminées selon des critères objectifs, respectent les principes de transparence et d'orientation en fonction des coûts, et sont suffisamment diversifiées en fonction des éléments de réseaux et de services offerts; que la publication d'une liste de services, de tarifs et de modalités d'interconnexion accroît la transparence nécessaire et favorise la non-discrimination; que les méthodes de tarification du trafic d'interconnexion doivent être souples et comprendre notamment une tarification fondée sur la capacité; que les tarifs doivent stimuler la productivité et favoriser l'entrée sur le marché d'opérateurs efficaces et viables et ne doivent pas être inférieurs à un seuil fixé en fonction des coûts marginaux à long terme et selon des méthodes de répartition et d'attribution des coûts fondées sur les coûts réels, ni supérieurs à un plafond fixé par le coût propre de la fourniture de l'interconnexion en question; que des tarifs d'interconnexion fondés sur un niveau de prix étroitement lié aux coûts marginaux à long terme de la fourniture de l'accès à l'interconnexion sont propres à favoriser le développement rapide d'un marché ouvert et compétitif;
(11) considérant que, dans le cas où un organisme jouissant de droits spéciaux ou exclusifs dans un domaine étranger aux télécommunications fournit également des services de télécommunications, la séparation comptable ou la séparation structurelle sont des moyens propres à décourager les subventions croisées abusives, du moins au-dessus d'un certain chiffre d'affaires réalisé dans les activités de télécommunications; que, dans le cas des organismes puissants sur le marché, une séparation comptable adéquate entre les activités d'interconnexion et les autres activités en matière de télécommunications, de manière à identifier tous les éléments de dépenses et de recettes liés à ces activités, garantit la transparence des transferts internes de coût;
(12) considérant que les autorités réglementaires nationales ont un rôle important à jouer pour encourager le développement d'un marché compétitif dans l'intérêt des utilisateurs communautaires et pour assurer l'interconnexion adéquate des réseaux et l'interopérabilité des services; qu'une interconnexion adéquate prend en compte les demandes de l'opérateur qui souhaite obtenir l'interconnexion, notamment en ce qui concerne les points d'interconnexion les plus appropriés, chaque opérateur ayant la responsabilité de l'acheminement réciproque des communications et de la fixation des redevances dues l'un à l'autre jusqu'au point d'interconnexion; que la négociation d'accords d'interconnexion peut être facilitée si les autorités réglementaires nationales fixent préalablement certaines conditions, conformément au droit communautaire, en tenant compte des recommandations définies par la Commission en vue de faciliter le développement d'un véritable "marché domestique" européen et déterminent quels autres domaines doivent être couverts par les accords d'interconnexion; que dans le cas d'un litige en matière d'interconnexion entre parties dans un même État membre, la partie lésée doit pouvoir faire appel à l'autorité réglementaire nationale pour régler le litige; que les autorités réglementaires nationales doivent pouvoir demander à des organismes d'interconnecter leurs installations lorsqu'il peut être prouvé qu'il y va de l'intérêt des utilisateurs;
(13) considérant que, conformément à la directive 90/387/CEE, les exigences essentielles justifiant une restriction de l'accès aux réseaux ou services publics de télécommunications et de leur utilisation se limitent à la sécurité du fonctionnement du réseau, au maintien de l'intégrité du réseau, à l'interopérabilité des services dans les cas justifiés et à la protection des données, le cas échéant; que les motifs justifiant ces restrictions doivent être rendus publics; que les dispositions de la présente directive ne s'opposent pas à ce qu'un État membre prenne des mesures justifiées par les raisons énoncées aux articles 36 et 56 du traité, et en particulier les raisons touchant à la sécurité publique, à l'ordre public et à la moralité publique;
(14) considérant que le partage des installations peut présenter des avantages pour des raisons urbanistiques, environnementales, économiques ou autres et qu'il doit être encouragé par les autorités réglementaires nationales sur la base d'accords volontaires; que le partage obligatoire des installations peut s'avérer approprié dans certaines circonstances, mais qu'il ne doit être imposé à des organismes qu'après une procédure complète de consultation publique;
(15) considérant que la numérotation est un élément clé de l'égalité d'accès; que les autorités réglementaires nationales devraient être chargées d'administrer et de contrôler les plans nationaux de numérotation ainsi que les questions d'appellation et d'adressage qui sont liées aux services de télécommunications et exigent une coordination au niveau national, de façon à garantir une concurrence effective; que, en exerçant cette responsabilité, les autorités réglementaires nationales doivent tenir compte du principe de proportionnalité, en particulier quant aux effets des mesures éventuelles sur les opérateurs, revendeurs et utilisateurs de réseaux; que la portabilité du numéro représente un service important pour les utilisateurs, et doit être réalisée dès que possible; que des plans de numérotation doivent être élaborés en parfaite consultation avec toutes les parties concernées et en harmonie avec le plan de numérotation à long terme à l'échelle européenne et les plans internationaux de numérotation envisagés dans le cadre de la Conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT); que les exigences de numérotation en Europe, les besoins de nouveaux services et de services paneuropéens ainsi que la mondialisation et la synergie du marché des télécommunications rendent nécessaire une coordination des positions nationales conformément au traité dans les organismes et enceintes internationaux où sont prises les décisions en matière de numérotation;