4. - LES GRANDS CHANTIERS
4.1. Education et formation
Le Plan se fixe comme grand chantier prioritaire le fort développement quantitatif et qualitatif de l'ensemble éducation et formation.
La reconquête d'un haut niveau d'emploi, inséparable de la compétitivité de nos entreprises, requiert un tel développement. De nombreux secteurs de l'économie, la recherche, l'enseignement lui-même manquent dès aujourd'hui d'hommes et de femmes compétents ; ils risquent d'en manquer encore davantage demain. L'impératif économique rejoint une attente sociale qui se traduit par une demande sans cesse croissante de formation. D'une part, chacun, jeune ou adulte, salarié, non salarié ou chômeur, sait que la meilleure garantie de trouver sa place dans la société reste l'acquisition d'une qualification par la formation. D'autre part, chacun sent le besoin de développer au mieux ses aptitudes intellectuelles et humaines. C'est une condition de l'épanouissement personnel et de la participation à la vie sociale, civique et culturelle.
Une troisième exigence pèse sur notre système de formation : la mondialisation des échanges économiques et culturels. La formation a un rôle essentiel à jouer pour permettre à notre pays, tout en restant fidèle à sa propre culture, de s'insérer dans une vie internationale en rapide évolution. Il faut notamment former des professionnels capables de travailler à et avec l'étranger.
Relever ces défis doit être l'affaire de la nation tout entière et non des seuls ministères compétents. Les collectivités territoriales, les entreprises, les organisations professionnelles et syndicales et les familles concourent aujourd'hui de façon décisive à la définition des objectifs de la formation comme à sa mise en oeuvre.
C'est pourquoi il est indispensable d'améliorer de façon significative le niveau de connaissance et de qualification des hommes, tant dans le cadre de la formation initiale que par le biais de la formation continue.
Améliorer la formation initiale de l'école à l'université
Une offre moderne de formation doit intégrer trois éléments : la motivation des jeunes, gage d'une formation réussie, les besoins prévisibles de l'économie qui se modifient rapidement et la place des techniques nouvelles de communication, notamment l'audiovisuel. Le niveau du baccalauréat deviendra vraisemblablement d'ici dix à quinze ans le niveau d'embauche minimum pour une majorité d'emplois.
Dans ce contexte, l'allongement des délais d'apprentissage et la permanence d'un taux d'exclusion élevé - près d'un jeune sur six quitte encore chaque année l'appareil de formation initiale sans avoir bénéficié d'une formation professionnelle ou d'un apprentissage - ne peuvent plus être tolérés.
Le Plan s'inscrit dans une perspective à atteindre avant l'entrée dans le XXIe siècle, et qui repose sur les objectifs fondamentaux suivants :
- tout jeune sort du système éducatif avec un niveau de formation reconnu (de type C.A.P./B.E.P.) ;
- quatre élèves sur cinq sont conduits au niveau du baccalauréat général, technologique ou professionnel ;
- tous les bacheliers qui le demandent doivent être admis à poursuivre des études supérieures.
Il importe, dans cette perspective, que tous les efforts nécessaires soient conduits pendant la durée du Plan pour satisfaire simultanément d'ici la rentrée 1993 cinq priorités :
- diminuer au moins de moitié le taux d'exclusion ;
- réduire le redoublement par la mise en place de rythmes différenciés de progression ;
- conduire trois élèves sur cinq au niveau du baccalauréat ;
- assurer l'accueil de 20 p. 100 d'étudiants supplémentaires dans l'enseignement supérieur ;
- atténuer les fortes disparités régionales qui subsistent.
a) L'effort qui s'impose à tous les stades de la formation initiale doit être orienté vers trois directions essentielles :
- Adapter la formation à la diversité des publics :
L'amélioration du niveau de formation de la population ne doit pas créer d'exclusion. On voit déjà apparaître des fractures socialement dangereuses entre des jeunes très formés et d'autres qui ne le sont pas du tout, entre des adultes n'ayant pas bénéficié des moyens d'adaptation nécessaires et des jeunes ou des moins jeunes beaucoup mieux formés.
Il faut donc adapter le système éducatif à la diversité des jeunes et veiller à la répartition des efforts entre formation initiale et formation continue.
La reconnaissance d'une " pluralité des formes d'excellence ", de l'importance non seulement des savoirs mais également des capacités d'initiative, de responsabilité, d'innovation conduit à rechercher une diversification plus grande des parcours de formation et des modes de reconnaissance des savoirs.
- Accompagner le développement quantitatif d'une transformation qualitative :
Les objectifs quantitatifs en matière d'élévation des niveaux de formation ne sont pas suffisants. Il faut notamment se garder de confondre élévation des niveaux de formation et allongement de la durée des études, quand celle-ci résulte en partie d'un accroissement des redoublements. Pour une même durée d'étude, une formation de meilleure qualité, bénéficiant des apports de la recherche, améliore le niveau de formation. C'est le cas lorsque l'on est assuré que les jeunes quittant l'école disposent d'acquis fondamentaux qu'ils pourront utiliser au long de leur vie.
- Développer l'innovation tout en accroissant les moyens :
Répondre à la demande croissante de formation et rattraper les retards pris dans certains secteurs exigera des ressources humaines et financières fortement accrues.
L'engagement est pris d'accroître, pendant la période du Plan, d'au moins quatre milliards par an au-delà de son évolution normale le budget de l'éducation.
Mais les besoins sont tels qu'ils ne pourront être satisfaits sans un effort permanent de réallocation des ressources et sans des innovations en matière d'efficacité des méthodes de formation et de financement de cette formation. De nouvelles manières de réaliser la formation, répondant mieux aux besoins et mobilisant des moyens variés, doivent être recherchées. C'est dire qu'il faut programmer simultanément les efforts supplémentaires et les changements nécessaires.
b) Ces principes se traduisent pour les différentes composantes du système éducatif par des orientations claires :
- L'enseignement scolaire :
Dans les écoles, la priorité est d'assurer à tous les élèves les acquisitions fondamentales (lecture efficace, écriture, calcul) et d'éviter les redoublements précoces qui sont annonciateurs, pour la quasi-totalité des élèves concernés, d'une sortie prématurée du système de formation sans aucune qualification. Dans les collèges et lycées, l'effort doit être à la fois quantitatif et qualitatif. Il faut en effet faire face, dans les lycées, à un accroissement d'effectifs d'environ 170 000 élèves répartis entre les deux prochaines rentrées, et réduire la surcharge des classes qui atteint, en bien des endroits, un point critique : au terme du Plan, aucune classe ne devra plus avoir un effectif dépassant 35 élèves.
Mais il faut surtout ne pas viser l'extension à l'identique de l'enseignement secondaire actuel et, au contraire, le transformer pour substituer au redoublement et à l'orientation par l'échec des méthodes qui ouvrent des voies diverses de réussite.
Les processus d'orientation seront aménagés pour permettre aux jeunes de construire leur orientation plutôt que de la subir. En particulier, l'information sur les emplois, l'élaboration d'un projet personnel et le dialogue régulier entre élèves, familles et enseignants seront développés tout au long de la scolarité. Progresser réellement dans ces directions ne sera possible que si les méthodes pédagogiques et les contenus évoluent. Chaque élève doit pouvoir, à son rythme, acquérir des savoir-faire suffisants sans que le critère de l'âge joue un rôle aussi déterminant. Mettre fin à l'accumulation encyclopédique du savoir est un objectif reconnu aujourd'hui par tous : il ne pourra être atteint que si la méthode actuelle de définition des programmes est modifiée afin que l'avis des spécialistes soit soumis à une confrontation interdisciplinaire et à une concertation plus large. Les programmes doivent devenir essentiellement des cadres nationaux de référence, supports de l'innovation pédagogique et de l'action différenciée des enseignants.
A condition qu'il soit accompagné d'un élargissement effectif des débouchés ouverts aux bons élèves des autres sections (en direction par exemple des écoles de commerce), cet effort devrait permettre d'atténuer la rigidité des filières, leur hiérarchisation anormale et de mettre fin à la sélection stérilisante de la section C dont les effets se font sentir dès le niveau du collège.
Le réaménagement et l'allégement des programmes doivent permettre de donner une place plus importante au développement physique et sportif des jeunes, à leur éducation artistique ainsi qu'à l'apprentissage des langues vivantes, pour lesquelles un effort tout particulier s'impose.
Des expériences auront lieu dès le début du Plan en vue d'introduire l'enseignement des langues étrangères dès l'école primaire et chaque élève pourra faire au terme du Plan l'apprentissage de deux langues vivantes dans le second degré.
L'amélioration nécessaire de l'efficacité de l'enseignement des langues imposera, outre un indispensable effort de recherche et d'innovation en ce domaine, une meilleure formation des enseignants, un recours accru aux moyens pédagogiques audiovisuels et le développement des programmes d'échanges dans le cadre européen.
Cette mise à jour des enseignements doit conduire à développer la culture technique. La dimension technologique et scientifique de la culture moderne sera initiée dès l'école élémentaire, renforcée au collège et élargie dans tout le second cycle.
L'enseignement technologique et professionnel représente le point d'appui essentiel pour la diversification des parcours de réussite et l'élévation du niveau de compétence. A elles seules, les deux années de baccalauréat professionnel devront accueillir 230 000 élèves en l'an 2000 contre 50 000 aujourd'hui. A cette fin, sur la base du développement de la culture technique, il convient de poursuivre les efforts de modernisation des savoirs généraux et professionnels enseignés, comme des équipements. L'école ne pouvant seule préparer à l'ensemble des professions ni à la totalité des exigences de chaque profession, une place plus large doit être faite au principe de l'alternance. La formation en alternance doit donc être renforcée et améliorée dans le cadre des formations de type scolaire, par le développement des périodes de formation en entreprise et leur pleine intégration au cursus des élèves. De façon générale, les actions en faveur de l'enseignement technique prendront appui sur le partenariat et la contractualisation entre les acteurs concernés. L'effort entrepris par l'enseignement technique agricole devra aussi être renforcé.
Il faut enfin s'attaquer au problème des rythmes scolaires français, caractérisés par la longueur de la journée et la brièveté de l'année, dont les inconvénients ont été maintes fois dénoncés. Il est indispensable d'agir pour que l'année ne soit plus écourtée en raison soit des examens, soit du calendrier des conseils de classe, et pour que les horaires excessifs des élèves soient réduits, tant dans le premier que dans le second degré. La remise en ordre des examens permettra de combiner le contrôle en cours de formation et des épreuves écrites et orales organisées sans perturber le cours de l'année scolaire. Le rééquilibrage sera également obtenu par un effort tendant à développer les activités périscolaires en assurant mieux l'accueil des élèves avant et après l'école et en leur proposant davantage d'activités sportives, artistiques et plastiques. Ce développement imposera la conclusion de conventions avec les partenaires locaux, collectivités locales, associations qui souhaiteront participer à l'organisation de ces activités. L'éducation artistique sera notamment un moyen privilégié pour l'établissement des relations entre les enseignants et les partenaires extérieurs professionnels des arts et de la culture.
Toutes ces évolutions doivent permettre aux enseignants de travailler autrement, en concertation, en interdisciplinarité, au sein d'un projet comportant des objectifs clairs, en dispensant des cours traditionnels devant des classes, mais aussi des enseignements plus adaptés à des groupes plus restreints, en assurant du soutien, du suivi, des séances de travail assisté, en établissant des relations avec les partenaires extérieurs (parents, entreprises, environnement social et culturel).
La valorisation de la fonction des enseignants exige que leur formation initiale et continue soit améliorée, assurée dans le cadre de l'enseignement supérieur et qu'elle ait une vocation professionnelle plus marquée. Elle suppose aussi qu'une gestion qualitative soit instaurée, ce qui implique que soient revus les critères de mutation et de promotion et que soit ouverte une voie de mobilité vers d'autres fonctions du secteur public.
Ces transformations ne produiront leur plein effet que si l'autonomie des établissements est développée avec son corollaire logique, l'évaluation.
La politique de l'établissement doit s'articuler autour d'un projet.
Les écoles, collèges, lycées doivent élaborer dans le cadre des objectifs nationaux un projet d'établissement avec l'ensemble des partenaires concernés, et notamment les collectivités territoriales dans le cadre des compétences dévolues à ces dernières par les lois de décentralisation. Ce projet doit comporter des objectifs précis tenant compte des spécificités du public scolarisé, de ses besoins scolaires, culturels, sportifs et artistiques, et des particularités de son développement. Il doit permettre de proposer à chaque jeune un contrat de réussite. L'éventail, la souplesse, la cohérence des cursus, qui doivent être conçus à l'échelle du bassin de formation ou du district et en collaboration avec les autres établissements, ainsi que la réalisation du projet, sont des éléments de l'évaluation de l'établissement. Elle doit être pratiquée, à partir d'indicateurs adaptés, à l'intérieur et à l'extérieur de celui-ci ; cette évaluation externe devrait être menée sur la base d'une méthodologie acceptée ; la technique de l'inspection individuelle devrait perdre de son importance, au bénéfice de la méthode d'évaluation globale des établissements.
Cette évolution d'ensemble suppose toutefois que la communauté scolaire, sous la responsabilité d'un chef d'établissement garant de ses performances, jouisse pour l'utilisation de ses moyens et son organisation d'une réelle autonomie, fondée sur un contrat passé avec l'instance administrative la plus proche.
- L'enseignement supérieur :
De larges secteurs de l'université ne sont pas en mesure d'accueillir dans des conditions décentes le flux supplémentaire d'étudiants attendu : 200 000 entre les rentrées 1989 et 1993 pour les seules universités. Qu'il s'agisse du taux d'encadrement, de locaux, de laboratoires, de bibliothèques, de logement des étudiants, un gros effort de rattrapage est nécessaire.
Un objectif s'impose avec urgence : restaurer des taux d'encadrement convenables et porter remède au délabrement matériel qui affecte le fonctionnement de larges secteurs de l'université.
L'afflux prévisible des candidats à des études supérieures exige également une meilleure articulation entre l'enseignement du second degré et le premier cycle de l'université. La forme de sélection consistant à donner des places à ceux qui se présentent les premiers aux inscriptions n'est pas admissible. A ce stade comme en amont du système éducatif, il faut mettre en place un dispositif d'orientation personnalisé permettant à chaque élève de trouver sa voie en fonction de ses aptitudes.
Un effort très précoce d'information sur les différentes filières peut contribuer à réduire les difficultés qui surgissent lors du passage du secondaire au supérieur. En outre, les différentes composantes des enseignements post-baccalauréat, des classes préparatoires jusqu'à la formation continue, doivent être conçues dans une perspective globale et inscrites dans une carte cohérente. Les " schémas concertés de développement des formations post-baccalauréat " en cours d'élaboration aideront à la réalisation de cet objectif. Ils doivent permettre de réduire la discontinuité secondaire-supérieur et d'offrir aux étudiants des lieux d'accueil, de mise à niveau et d'orientation vers des voies correspondant à leurs aptitudes. Ils doivent par ailleurs conduire à l'établissement d'une carte universitaire cohérente, par région, tenant compte des demandes de l'économie et évitant les implantations excessivement dispersées et sans environnement culturel et scientifique suffisant.
Les enseignants du premier cycle doivent donner aux étudiants à la fois les conseils d'orientation, les méthodes de travail et les fondements disciplinaires nécessaires. Cela exige que s'y impliquent en priorité des enseignants dont la fonction de synthèse et de transmission des connaissances n'est pas moins essentielle que la recherche et qui doit être prise en compte dans leur évaluation.
La rénovation de notre enseignement supérieur est inséparable de la recherche d'une plus grande autonomie pour les établissements. L'encouragement à l'exercice d'une plus grande autonomie par les établissements se concrétisera par la conclusion avec l'Etat de contrats dans le cadre desquels seront définis les axes de développement retenus d'un commun accord et attribués les moyens correspondants. Ces contrats se mettront en place progressivement :
ils concerneront tous les établissements au terme du Plan.
Accroître l'efficacité de la formation professionnelle initiale et continue
La présence dans la population active d'un trop grand nombre de travailleurs dépourvus de toute qualification fait peser sur le développement de notre économie une hypothèque que l'amélioration des formations initiales ne permet pas à elle seule de lever. Le problème est encore accru par le maintien, sinon l'accélération d'un flux d'innovations technologiques très élevé qui conduit à une refonte de l'ensemble des métiers, au sein de toutes les catégories professionnelles.
Ce constat implique que la formation initiale réponde aux besoins de l'économie, tout en satisfaisant aux objectifs de formation générale et d'ouverture sur la vie active sous toutes ses formes. Certains exemples étrangers montrent que l'apprentissage et la formation par alternance sont des points stratégiques. Dans ce domaine, des formules très prometteuses ont été mises en place depuis quelques années, en particulier les contrats de qualification. Il faut les développer avec les partenaires sociaux, et autant que possible avec l'éducation nationale.
Une autre réponse est apportée par le développement de la formation continue au sein des entreprises. L'Etat soutiendra résolument les branches et les entreprises qui développeront la formation de leurs salariés, par exemple par extension des engagements de développement de la formation et le soutien accru au congé individuel de formation. Cet effort doit s'accompagner de mesures qualitatives visant à adapter en permanence l'offre de formation aux besoins des entreprises et des salariés et à évaluer de façon rigoureuse l'impact des actions menées. L'amélioration du rapport coût-efficacité des dépenses de formation permettra aux organismes de formation de mieux faire face à la concurrence européenne, tant en termes d'actions proprement dites que de produits et de méthodes pédagogiques.
Les liens entre formation continue et formation scolaire professionnelle sont à renforcer. Des moyens peuvent être mis plus fréquemment en commun, qu'il s'agisse des enseignements, des enseignants, des équipements et des locaux. La confrontation des méthodes pédagogiques propres aux formations initiales et continue devrait les enrichir. Les certifications pourraient être rapprochées en facilitant par exemple l'accès par la formation continue aux certifications de la formation initiale.
Enfin, toutes les conséquences de la décentralisation des compétences en matière de formation professionnelle intervenue en 1983 doivent être tirées, afin de déboucher partout sur la mise en place de véritables politiques régionales de la formation professionnelle.
Mais la formation continue dans le cadre des entreprises ne suffit pas. Elle ne permet pas d'assurer la qualification des jeunes sortis prématurément des systèmes scolaires ni celle des chômeurs. Elle ne débouche pas normalement sur une certification. Elle obéit légitimement aux besoins des entreprises, non des individus. Or, dans le monde où nous vivons, il est nécessaire de poser le droit de tout individu, quels que soient son âge ou son statut, de pouvoir suivre une formation débouchant sur une véritable qualification.
La création du crédit-formation au cours de la période d'exécution du présent Plan répond à cette exigence.
Il s'agit de remédier partiellement aux inégalités devant la formation en donnant à ceux qui n'ont pu acquérir dans le cadre de leur formation initiale une qualification minimale (C.A.P. ou B.E.P.) de niveau V, et d'abord aux jeunes qui ont quitté l'école sans cette qualification, une seconde chance de l'acquérir. Ce droit individuel, que les négociations avec les partenaires sociaux devraient permettre d'étendre progressivement aux chômeurs adultes et à l'ensemble des salariés, n'aboutit pas à ajouter des dispositifs de formation nouveaux à ceux qui existent. Il s'agit de mieux utiliser ceux qui fonctionnent déjà en leur apportant deux améliorations :
- d'une part, l'individualisation de la démarche : initiée par un bilan individuel de formation, elle doit déboucher sur un projet de formation élaboré avec le concours d'un consultant au sein d'un organisme conventionné. Ce projet individuel, d'une durée plus ou moins longue suivant l'ampleur de la qualification à acquérir, peut s'analyser comme la mise en continuité de stages ou de formations déjà disponibles mais qui ne sont pas articulés les uns aux autres,
- d'autre part, la certification de la qualification acquise :
c'est la seconde amélioration. La plupart des stages donnent lieu actuellement au mieux à des certificats de stage, non à des qualifications reconnues sur le marché du travail au même titre qu'un diplôme de l'éducation nationale ou de l'A.F.P.A. Le crédit-formation oblige à mettre au point une certification qui puisse être reconnue par tous au terme du parcours individuel de formation, grâce à la mise en équivalence ou au renforcement des certifications actuellement délivrées par les diverses instances de formation. Cela implique d'aménager des certifications modulaires nouvelles pour évaluer les acquis de chaque séquence de formation.
Par son approche individuelle et son souci de certification, le crédit-formation sera beaucoup plus qu'une simple réforme des dispositifs de formation.
Il consiste à réaménager, dans la perspective d'une formation qualifiante, des dispositifs de formation permanente que les circonstances ont tendu à transformer en dispositifs de " stagification " des chômeurs. En même temps que l'outil d'une requalification des franges les moins qualifiées de la population active, celles qui bénéficient le moins actuellement de la formation permanente, il réalise une première traduction concrète du devoir que doit s'imposer une démocratie moderne de permettre à chaque individu d'acquérir une qualification minimale.