Décision n° 2025-885 DC du 12 juin 2025

Décision n° 2025-885 DC du 12 juin 2025

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Z349376I

(LOI VISANT À SORTIR LA FRANCE DU PIÈGE DU NARCOTRAFIC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, sous le n° 2025-885 DC, le 12 mai 2025, par Mmes Mathilde PANOT, Nadège ABOMANGOLI, MM. Laurent ALEXANDRE, Gabriel AMARD, Mmes Ségolène AMIOT, Farida AMRANI, MM. Rodrigo ARENAS, Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, MM. Ugo BERNALICIS, Christophe BEX, Carlos Martens BILONGO, Manuel BOMPARD, Idir BOUMERTIT, Louis BOYARD, Pierre-Yves CADALEN, Aymeric CARON, Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, MM. Hadrien CLOUET, Éric COQUEREL, Jean-François COULOMME, Sébastien DELOGU, Aly DIOUARA, Mmes Alma DUFOUR, Karen ERODI, Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, MM. Andy KERBRAT, Bastien LACHAUD, Abdelkader LAHMAR, Maxime LAISNEY, Aurélien LE COQ, Arnaud LE GALL, Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Jérôme LEGAVRE, Mmes Sarah LEGRAIN, Claire LEJEUNE, Murielle LEPVRAUD, Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mmes Marianne MAXIMI, Marie MESMEUR, Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mmes Sandrine NOSBÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, MM. René PILATO, François PIQUEMAL, Thomas PORTES, Loïc PRUD'HOMME, Jean-Hugues RATENON, Arnaud SAINT-MARTIN, Aurélien SAINTOUL, Mmes Ersilia SOUDAIS, Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ et M. Paul VANNIER, députés.

Il a également été saisi, le même jour, par les mêmes députés et par Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Pouria AMIRSHAHI, Mmes Christine ARRIGHI, Clémentine AUTAIN, Léa BALAGE EL MARIKY, Lisa BELLUCO, MM. Karim BEN CHEIKH, Benoît BITEAU, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Alexis CORBIÈRE, Hendrik DAVI, Emmanuel DUPLESSY, Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, MM. Damien GIRARD, Steevy GUSTAVE, Mme Catherine HERVIEU, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Julie LAERNOES, MM. Tristan LAHAIS, Benjamin LUCAS-LUNDY, Mme Julie OZENNE, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mmes Sandra REGOL, M. Jean-Louis ROUMÉGAS, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. François RUFFIN, Mmes Eva SAS, Sabrina SEBAIHI, Danielle SIMONNET, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Boris TAVERNIER, Nicolas THIERRY et Mme Dominique VOYNET, ainsi que par Mmes Soumya BOUROUAHA, Elsa FAUCILLON, Émeline K BIDI et M. Nicolas SANSU, députés.

Il a en outre été saisi, le 13 mai 2025, par M. Boris VALLAUD, Mme Marie-José ALLEMAND, MM. Joël AVIRAGNET, Christian BAPTISTE, Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, MM. Karim BENBRAHIM, Mickaël BOULOUX, Philippe BRUN, Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, MM. Paul CHRISTOPHLE, Pierrick COURBON, Alain DAVID, Arthur DELAPORTE, Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, MM. Peio DUFAU, Inaki ECHANIZ, Romain ESKENAZI, Olivier FAURE, Denis FÉGNÉ, Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, MM. Emmanuel GRÉGOIRE, Jérôme GUEDJ, Stéphane HABLOT, Mmes Ayda HADIZADEH, Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Céline HERVIEU, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Fatiha KELOUA HACHI, MM. Gérard LESEUL, Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, MM. Philippe NAILLET, Jacques OBERTI, Marc PENA, Mmes Anna PIC, Christine PIRÈS BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Pierre PRIBETICH, Christophe PROENÇA, Mmes Marie RÉCALDE, Valérie ROSSI, Claudia ROUAUX, MM. Aurélien ROUSSEAU, Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, MM. Hervé SAULIGNAC, Arnaud SIMION, Thierry SOTHER, Mmes Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mélanie THOMIN, MM. Roger VICOT et Jiovanny WILLIAM, députés.

Au vu des textes suivants :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des douanes ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

- le code de la justice pénale des mineurs ;

- le code monétaire et financier ;

- le code pénal ;

- le code pénitentiaire ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code des transports ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

- la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;

- la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement ;

- la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-524 QPC du 2 mars 2016 ;

- le règlement du 11 mars 2022 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ;

Au vu des pièces suivantes :

- les observations produites par Mme Muriel JOURDA et M. Jérôme DURAIN, sénateurs, enregistrées le 19 mai 2025 ;

- les observations du Gouvernement, enregistrées le 6 juin 2025 ;

Après avoir entendu les députés représentant les auteurs des deux premières saisines ;

Après avoir procédé à l'audition du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;

Et après avoir entendu les rapporteurs ;

Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Les députés auteurs de la première saisine contestent la place dans la loi de son article 29. Ils contestent également la conformité à la Constitution des articles 50, 52 et 60 ainsi que de certaines dispositions des articles 1er, 3, 4, 12, 18, 28, 33, 35 et 54. Les députés auteurs des deuxième et troisième saisines contestent en outre la conformité à la Constitution de l'article 62 ainsi que de certaines dispositions des articles 26, 40, 56 et 61. Les députés auteurs de la deuxième saisine contestent par ailleurs la place dans la loi des articles 61 et 62. Ils contestent également la conformité à la Constitution des articles 5, 19, 21, 22, 25, 27, 38, 39, 41, 57 et 63 ainsi que de certaines dispositions des articles 6, 13, 15, 16, 17, 30, 46, 51 et 55.

- Sur certaines dispositions de l'article 1er :

2. Le paragraphe II de l'article 1er de la loi déférée modifie l'article L. 822-3 du code de la sécurité intérieure afin de supprimer, dans certains cas, l'exigence d'une autorisation du Premier ministre délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour la transmission de renseignements entre services de renseignement.

3. Les députés auteurs de la première saisine font valoir que la suppression de l'avis préalable de cette commission, dans le seul but de simplifier une telle transmission, porterait une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

4. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée.

5. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

6. En application du paragraphe II de l'article L. 822-3 du code de la sécurité intérieure, un service spécialisé de renseignement mentionné à l'article L. 811-2 du même code ou un service désigné par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 811-4 peut transmettre à un autre de ces services les renseignements collectés, extraits ou transcrits dont il dispose, sous certaines conditions. Cette transmission est subordonnée à une autorisation préalable du Premier ministre, prise après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, notamment lorsqu'elle poursuit une finalité différente de celle qui a justifié le recueil des renseignements.

7. Les dispositions contestées suppriment cette exigence préalable à la transmission de tels renseignements.

8. En premier lieu, en application de l'article L. 811-1 du code de la sécurité intérieure, la politique publique de renseignement concourt à la stratégie de sécurité nationale ainsi qu'à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faciliter la transmission d'informations entre les services de renseignement et améliorer leur capacité opérationnelle. Ce faisant, ces dispositions mettent en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

9. En deuxième lieu, d'une part, les services mentionnés à l'article L. 811-2 du même code sont les services spécialisés de renseignement. Ils ont pour missions la recherche, la collecte, l'exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu'aux menaces et aux risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation. A cette fin, ils peuvent recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure pour le recueil des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation énumérés à l'article L. 811-3. D'autre part, les services mentionnés à l'article L. 811-4 sont ceux, autres que les services spécialisés de renseignement, désignés par décret en Conseil d'Etat, qui peuvent être autorisés à recourir à ces techniques pour une ou plusieurs des finalités mentionnées à l'article L. 811-3.

10. Ainsi, la transmission de renseignements dont le régime est modifié par les dispositions contestées ne concerne que des services concourant à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

11. En troisième lieu, d'une part, le service de renseignement détenteur d'un renseignement ne peut le transmettre à un autre de ces services que si ce renseignement est strictement nécessaire à l'accomplissement des missions du service destinataire, et dans la limite des finalités mentionnées à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure. Un agent désigné par le responsable de chaque service de renseignement est chargé de veiller, sous le contrôle de ce dernier, au respect de ces conditions. D'autre part, cette transmission doit être effectuée par des agents individuellement désignés et habilités.

12. En quatrième lieu, lorsque les transmissions de renseignements poursuivent une finalité différente de celle au titre de laquelle ils ont été recueillis, les relevés dont font obligatoirement l'objet ces transmissions sont, en vertu de l'article L. 822-4 du même code, immédiatement transmis à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, chargée de contrôler ces opérations.

13. En dernier lieu, les dispositions contestées sont sans incidence sur les conditions de mise en œuvre des techniques de renseignement, qui restent soumises à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En outre, dans le cas où le renseignement collecté poursuit une finalité différente de celle qui en a justifié le recueil et qu'il est issu d'une technique de recueil de renseignements à laquelle le service destinataire n'aurait pu recourir au titre de la finalité motivant la transmission, cette dernière demeure subordonnée à une telle autorisation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.

15. Par conséquent, les 1° et 2° du paragraphe II de l'article 1er, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 3 :

16. L'article 3 insère notamment, avant le chapitre Ier du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, un nouveau chapitre Ier A intitulé « Du procureur de la République anti-criminalité organisée » et comprenant les articles 706-74-2 à 706-74-7.

- En ce qui concerne le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-74-2 du code de procédure pénale :

17. Le premier alinéa du paragraphe I du nouvel article 706-74-2 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République anti-criminalité organisée, le pôle de l'instruction, le tribunal correctionnel et la cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 704, 705, 706-42 et 706-75 du même code pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certains crimes et délits en matière de criminalité et de délinquance organisées.

18. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions de faire dépendre l'exercice de cette compétence de directives de politique pénale du Gouvernement pouvant conduire des personnes à être jugées, pour de mêmes infractions, par des juridictions différentes. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice.

19. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.

20. En premier lieu, les dispositions contestées réservent la compétence concurrente du procureur de la République anti-criminalité organisée, du pôle de l'instruction, du tribunal correctionnel et de la cour d'assises de Paris aux infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées limitativement énumérées par le paragraphe I de l'article 706-74-2 du code de procédure pénale, dans les affaires qui sont ou apparaissent d'une très grande complexité en raison notamment de la gravité ou de la diversité des infractions commises, du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent.

21. Eu égard à la nature de ces infractions et aux circonstances particulières dans lesquelles elles ont été commises, les critères ainsi retenus par le législateur n'instituent pas de discriminations injustifiées entre les justiciables.

22. En second lieu, les personnes mises en cause pour des infractions relevant de la compétence concurrente du procureur de la République anti-criminalité organisée, du pôle de l'instruction, du tribunal correctionnel et de la cour d'assises de Paris bénéficient des mêmes garanties que celles applicables devant les autres magistrats du parquet et du siège compétents pour les mêmes faits.

23. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

24. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-74-2 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne le dernier alinéa de l'article 706-74-5 du code de procédure pénale :

25. Le dernier alinéa du nouvel article 706-74-5 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République anti-criminalité organisée peut directement recevoir, de la part des services mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure et à l'initiative de ces derniers, toute information dont ces services ont connaissance, à l'occasion de l'exercice de leurs missions, relative aux infractions mentionnées à l'article 706-74-2 du code de procédure pénale ou intéressant une procédure judiciaire pour laquelle il a exercé sa compétence.

26. Selon les députés auteurs de la première saisine, en permettant une telle transmission d'information entre ce magistrat et les services de renseignement, sans motif d'urgence ni contrôle par une autorité indépendante, ces dispositions porteraient atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, au droit au respect de la vie privée ainsi qu'aux droits de la défense.

27. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».

28. Aux termes du premier alinéa de l'article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ». Il découle de l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent les magistrats du parquet, un principe selon lequel le ministère public exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, l'action publique devant les juridictions pénales.

29. Les dispositions contestées, qui se bornent à permettre aux services de renseignement, à leur initiative, de transmettre au procureur de la République anti-criminalité organisée des informations relatives aux infractions ou aux procédures relevant de sa compétence, n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux principes de l'indépendance de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs.

30. Elles n'ont pas davantage pour effet de remettre en cause les droits de la défense et le droit au respect de la vie privée des personnes faisant l'objet d'une procédure relevant de la compétence de ce magistrat.

31. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent être écartés.

32. Par conséquent, le dernier alinéa de l'article 706-74-5 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 4 :

- En ce qui concerne le 2° du paragraphe I :

33. Le 2° du paragraphe I de l'article 4 insère deux nouveaux articles L. 333-2 et L. 333-3 au sein du code de la sécurité intérieure afin de permettre à l'autorité administrative de prononcer, dans certaines conditions, la fermeture de divers lieux en lien avec la commission d'infractions et d'instituer un délit réprimant la méconnaissance d'une telle mesure par le propriétaire ou l'exploitant des lieux.

34. Les députés auteurs du premier recours reprochent à ces dispositions d'autoriser l'autorité administrative à procéder à la fermeture préventive de certains commerces ou établissements sans prévoir ni procédure contradictoire, ni intervention préalable de l'autorité judiciaire, ni recours suspensif contre cette décision administrative. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté d'entreprendre, du droit de propriété, du principe de la séparation des pouvoirs et du droit à un procès équitable. Ils soutiennent par ailleurs que, faute de définir avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles l'administration peut prononcer une telle mesure, le législateur aurait méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

35. En outre, selon eux, en réprimant le non-respect d'une mesure de fermeture administrative par une peine d'emprisonnement et une peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce, ces dispositions méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

- S'agissant du premier alinéa de l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure :

36. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

37. Aux termes de l'article 10 de la Déclaration de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Il en résulte la liberté de conscience. L'article 1er de la Constitution dispose que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Il résulte de cet article et de l'article 10 de la Déclaration de 1789 que le principe de laïcité impose notamment que la République garantisse le libre exercice des cultes.

38. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». La liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.

39. Le principe de la liberté d'association figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution. Les atteintes portées à cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.

40. L'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.

41. Les dispositions contestées de l'article L. 333-2 permettent au représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, au préfet de police de prononcer, dans certaines conditions, la fermeture de tout local commercial, établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public pour prévenir la commission ou la réitération de certaines infractions pénales ou en cas de troubles à l'ordre public résultant de ces infractions.

42. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu prévenir la commission d'infractions et les troubles à l'ordre public qui en résultent, lorsqu'ils sont liés à l'activité de certains commerces et établissements ouverts au public. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

43. En second lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de ces dispositions, qui ne sont ni imprécises ni équivoques, que la fermeture peut uniquement être prononcée en vue de prévenir les infractions, ou les troubles à l'ordre public qui en résultent, relevant du trafic de stupéfiants, du recel, du blanchiment, de la participation à une association de malfaiteurs ou du concours à une organisation criminelle. Une telle mesure ne peut être ordonnée que si ces infractions ou ces troubles sont rendus possibles par les conditions de l'exploitation ou de la fréquentation du local ou des lieux concernés. D'autre part, la fermeture ne peut être ordonnée que pour une durée maximale de six mois et ne peut être prolongée par le ministre de l'intérieur que pour une durée n'excédant pas six mois.

44. Dès lors, les dispositions contestées, en tant qu'elles permettent à l'autorité administrative de prononcer la fermeture de locaux commerciaux, ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

45. Toutefois, ces dispositions prévoient que l'autorité administrative peut également prononcer la fermeture de tout établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public. Or la fermeture de lieux de réunion, de locaux associatifs ou de lieux de culte est susceptible de porter une atteinte particulièrement grave au droit d'expression collective des idées et des opinions, à la liberté d'association ainsi qu'à la liberté de conscience et au libre exercice du culte.

46. Dès lors, sauf à méconnaître ces exigences constitutionnelles, les dispositions contestées doivent être interprétées comme imposant à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de tenir compte des conséquences de la fermeture de ces lieux pour les personnes qui les fréquentent et de prononcer une mesure qui soit strictement nécessaire, adaptée et proportionnée, notamment par son périmètre et sa durée, aux objectifs recherchés.

47. Sous cette réserve, les mots « établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public » figurant au premier alinéa de l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées.

48. Sous la même réserve, ces dispositions, qui ne méconnaissent pas non plus le droit de propriété, le principe de la séparation des pouvoirs, le droit à un procès équitable et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

49. Le reste des dispositions du premier alinéa de l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaît ni les exigences constitutionnelles précitées ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- S'agissant du premier alinéa de l'article L. 333-3 du code de la sécurité intérieure :

50. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

51. En application des dispositions contestées, le fait, pour le propriétaire ou l'exploitant de l'un des lieux mentionnés à l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure, de ne pas respecter un arrêté de fermeture pris sur le fondement de ce même article est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, de la peine complémentaire de confiscation des revenus générés pendant la période d'ouverture postérieure à la notification de la mesure et de la peine complémentaire d'interdiction de gérer un commerce pendant cinq ans.

52. Au regard de la nature des comportements réprimés, le législateur n'a pas institué des peines manifestement disproportionnées. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines doivent donc être écartés.

53. Par conséquent, le premier alinéa de l'article L. 333-3 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne le 1° du paragraphe V :

54. Le 1° du paragraphe V de l'article 4 insère, à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, un nouveau paragraphe II ter afin de prévoir que le paiement des opérations afférentes à la location de véhicules automobiles ne peut être effectué en espèces.

55. Les députés auteurs du premier recours soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité en pénalisant les personnes qui ne possèdent pas de carte bancaire ou éprouvent des difficultés à utiliser un tel moyen de paiement. En outre, par son caractère général, une telle interdiction de paiement en espèces méconnaîtrait, selon eux, la liberté individuelle et la liberté contractuelle.

56. En premier lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

57. Il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer la traçabilité des opérations de location des véhicules automobiles afin de prévenir leur utilisation à des fins de blanchiment ou pour la commission d'infractions. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des infractions.

58. Au regard de cet objectif, les dispositions contestées, qui se bornent à interdire un mode particulier de paiement pour certaines opérations commerciales, ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté.

59. En second lieu, les dispositions contestées n'opèrent par elles-mêmes aucune différence de traitement entre les personnes qui souhaitent louer un véhicule. En tout état de cause, il résulte du paragraphe III de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier que l'interdiction de paiement en espèces n'est pas applicable aux paiements réalisés par des personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que par celles qui n'ont pas de compte de dépôt. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ne peut donc qu'être écarté.

60. Par conséquent, le paragraphe II ter de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui ne méconnaît en tout état de cause ni la liberté individuelle ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 5 :

61. L'article 5 insère au sein du livre des procédures fiscales un nouvel article L. 135 ZR afin de permettre à certains agents des services spécialisés de renseignement d'accéder directement à des informations financières, fiscales et patrimoniales contenues dans des bases de données et des fichiers de l'administration fiscale.

62. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions d'accorder à certains agents des services de renseignement un accès direct à ces fichiers et bases de données, sans encadrement strict ni contrôle judiciaire, alors que de tels fichiers contiennent des informations personnelles très sensibles. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du droit au respect de la vie privée et du droit « à la protection des données personnelles ».

63. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.

64. Les dispositions contestées autorisent certains agents des services spécialisés de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure à accéder aux données contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu'aux informations mentionnées à l'article L. 107 B du livre des procédures fiscales.

65. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu améliorer l'information des services spécialisés de renseignement et leur capacité opérationnelle. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

66. Toutefois, d'une part, si les dispositions contestées réservent ce droit d'accès aux agents des services spécialisés de renseignement individuellement désignés et spécialement habilités à cet effet, un tel droit leur permet d'accéder directement à toutes les informations que ces fichiers contiennent, pour les besoins de l'ensemble de leurs missions.

67. D'autre part, ces dispositions ne définissent ni les modalités de traçabilité des accès, ni celles relatives à la destruction des données consultées lorsqu'elles ne sont plus nécessaires à l'accomplissement des missions des agents concernés.

68. Dès lors, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées.

69. Par conséquent, l'article 5 est contraire à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 6 :

70. Le 2° de l'article 6 réécrit l'article 67 sexies du code des douanes afin notamment de permettre à certains agents des douanes d'accéder directement aux données relatives à l'identification et à la traçabilité du trafic international des marchandises, des moyens de transport et des personnes contenues dans les traitements automatisés de certains opérateurs de transport et prestataires. Il réprime par ailleurs d'une amende certains manquements de ces opérateurs susceptibles d'entraver l'accès à ces données.

71. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de permettre à des agents des douanes d'accéder à des « données à finalité pénale » pour des faits commis en bande organisée, sans exiger que ces agents soient habilités à effectuer des enquêtes judiciaires ni prévoir un contrôle de l'autorité judiciaire. Elles seraient ainsi contraires au principe de la séparation des pouvoirs ainsi qu'au principe selon lequel les enquêtes judiciaires doivent être menées sous l'autorité d'un magistrat.

72. Ils font par ailleurs valoir qu'en prévoyant de réprimer d'une amende d'un montant de 50 000 euros le fait pour un opérateur ou un prestataire de mettre à disposition des services des douanes des « données inexploitables ou incomplètes », ces dispositions seraient équivoques et insuffisamment précises et méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

73. En premier lieu, selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Cet article implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement.

74. Il résulte en outre de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

75. Les dispositions contestées du paragraphe I de l'article 67 sexies du code des douanes reconnaissent aux agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes la possibilité d'accéder, sur autorisation préalable du Premier ministre, à certaines données relatives à l'identification et à la traçabilité du trafic international des marchandises, des moyens de transport et des personnes, qui sont contenues dans les traitements automatisés des opérateurs de transport aérien, des autres opérateurs de transport de marchandises ainsi que des prestataires de services postaux. Ce droit d'accès ne peut être exercé que pour la recherche et la prévention des infractions douanières mentionnées aux articles 414, 414-2 et 415 du même code, lorsqu'elles sont commises en bande organisée, ainsi qu'à son article 459.

76. Le droit d'accès ainsi reconnu à ces agents par ces dispositions, qui n'est susceptible d'être exercé qu'à des fins de police administrative, n'a pas à être placé sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Il n'empiète pas non plus sur l'exercice des fonctions juridictionnelles. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent ni les exigences de l'article 66 de la Constitution ni le principe de la séparation des pouvoirs.

77. En second lieu, selon l'article 8 de la Déclaration de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

78. En vertu du principe de légalité des délits et des peines, le législateur ou, dans son domaine de compétence, le pouvoir réglementaire, doivent fixer les sanctions ayant le caractère d'une punition en des termes suffisamment clairs et précis. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

79. En application des dispositions contestées du paragraphe V de l'article 67 sexies du code des douanes, est puni d'une amende d'un montant maximal de 50 000 euros le fait, pour un opérateur de transport ou un prestataire de services postaux, de mettre à la disposition des services de l'administration des douanes des données inexploitables, incomplètes ou manifestement fausses ou de ne pas mettre à leur disposition certaines données.

80. D'une part, en faisant référence à des données « inexploitables » ou « incomplètes », ces dispositions ne sont ni imprécises ni équivoques.

81. D'autre part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réprimer des manquements faisant obstacle à la recherche et à la prévention d'infractions douanières commises en bande organisée et d'infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des manquements assignée à la punition. Si l'amende peut atteindre 50 000 euros pour chaque transport ayant donné lieu à un manquement, il appartient à l'autorité administrative compétente d'en moduler le montant, sous le contrôle du juge, en fonction notamment de la gravité du manquement et de la situation de son auteur. Dès lors, ces dispositions n'instituent pas une sanction pécuniaire manifestement disproportionnée au regard de la gravité des manquements réprimés.

82. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de légalité des délits et des peines et de proportionnalité des peines doivent donc être écartés.

83. Par conséquent, les mots « les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article 67 sexies du code des douanes ainsi que le paragraphe V de cet article, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 12 :

84. Le 2° du paragraphe I de l'article 12 insère un nouvel article L. 562-2-2 au sein du code monétaire et financier afin de permettre à l'autorité administrative de décider, sous certaines conditions, du gel des avoirs de personnes impliquées dans un trafic de stupéfiants.

85. Les députés auteurs de la première saisine reprochent à ces dispositions de permettre au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur de décider du gel des avoirs de personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants, sans prévoir aucun contrôle de l'autorité judiciaire ni garanties procédurales. Il en résulterait selon eux une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs ainsi que des droits de la défense découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Pour les mêmes motifs, ces dispositions méconnaîtraient en outre le droit de propriété.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 :

86. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Cet article implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement. Est également garanti par ces dispositions le respect des droits de la défense.

87. Les articles L. 562-2 et L. 562-2-1 du code monétaire et financier prévoient que le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider conjointement le gel temporaire des fonds et des ressources économiques appartenant à ou possédés, détenus ou contrôlés soit par des personnes ou entités qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme ou des actes d'ingérence, y incitent ou y participent, soit par d'autres personnes morales ou entités qu'elles détiennent ou contrôlent ou qui agissent pour leur compte ou sur leurs instructions.

88. En application des dispositions contestées de l'article L. 562-2-2 du même code, ces mêmes autorités administratives peuvent également décider, dans les mêmes conditions, le gel des fonds et des ressources économiques de personnes physiques ou morales impliquées dans un trafic de stupéfiants.

89. En premier lieu, les décisions de gel des avoirs prises à l'encontre de personnes physiques ou morales sur le fondement de ces dispositions n'ont pas d'autre finalité que la préservation de l'ordre public et la prévention des infractions. En confiant au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur le soin de prononcer de telles mesures de police administrative, les dispositions contestées, qui n'emportent aucune conséquence en cas de poursuites pénales, n'empiètent pas sur l'exercice de fonctions juridictionnelles.

90. En second lieu, ces dispositions se bornent à prévoir les motifs et les modalités selon lesquels sont arrêtées les décisions de gel des avoirs de personnes physiques ou morales. Les personnes intéressées ne sont pas privées de la possibilité de contester, y compris par la voie d'un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, de telles mesures prises à leur encontre devant le juge administratif, auquel il appartient d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence des motifs les justifiant.

91. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit de propriété :

92. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». En l'absence de privation de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

93. En premier lieu, les dispositions contestées, qui se bornent à permettre le gel temporaire des avoirs appartenant à des personnes ou entités impliquées dans un trafic de stupéfiants, n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

94. En deuxième lieu, en conférant au ministre chargé de l'économie et au ministre de l'intérieur le pouvoir de décider une telle mesure, le législateur a entendu prévenir l'utilisation, la conservation et la circulation de fonds et de ressources économiques ayant pour origine des faits de trafic de stupéfiants. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

95. En troisième lieu, d'une part, seuls peuvent faire l'objet d'une telle mesure de gel les fonds et les ressources économiques appartenant à ou possédés, détenus ou contrôlés soit par des personnes ou entités qui ont commis, commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent un trafic de stupéfiants, soit par des personnes morales ou entités qu'elles détiennent ou contrôlent ou qui agissent sciemment pour leur compte ou sur leurs instructions.

96. D'autre part, les mesures de gel ne peuvent être prononcées que pour une durée maximale de six mois. Elles doivent être levées dès lors qu'il apparaît que les conditions nécessaires à leur édiction ne sont plus remplies. Si elles peuvent être renouvelées, il appartient aux autorités compétentes de vérifier que les conditions justifiant leur prononcé sont toujours satisfaites lors de ce renouvellement. En outre, ces mesures sont soumises au respect d'une procédure contradictoire conformément aux dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration.

97. En quatrième lieu, d'une part, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 2 mars 2016 mentionnée ci-dessus, le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur doivent prendre en compte, dans la détermination des biens et ressources soumis au gel, la nécessité pour la personne faisant l'objet de la mesure de couvrir les frais du foyer familial et d'assurer la conservation de son patrimoine. D'autre part, en application de l'article L. 562-11 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l'article 12 de la loi déférée, ces autorités sont tenues d'autoriser le déblocage et la mise à disposition d'une partie des fonds ou des ressources si la personne justifie de besoins matériels pour sa vie personnelle ou familiale, pour une personne physique, ou d'une activité compatible avec la sauvegarde de l'ordre public, pour une personne morale, ou pour la conservation de son patrimoine.

98. En dernier lieu, en vertu de l'article L. 562-13 du même code, l'Etat est responsable des conséquences dommageables de la mise en œuvre de bonne foi, par les personnes visées à l'article L. 562-4, des mesures de gel prévues par les dispositions contestées.

99. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne portent pas au droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté.

100. Par conséquent, l'article L. 562-2-2 du code monétaire et financier, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 13 :

101. L'article 13 modifie l'article 706-105-1 du code de procédure pénale afin notamment d'étendre le champ des infractions faisant l'objet de procédures d'enquête ou d'instruction pour lesquelles le procureur de la République est autorisé à communiquer certaines informations aux services de renseignement.

102. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'une telle extension porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret de l'instruction. Ils reprochent également à ces dispositions de méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, les principes d'impartialité et d'indépendance de la justice, les droits de la défense ainsi que le « principe de sûreté ».

103. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

104. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

105. Aux termes du premier alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale, sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète.

106. Selon le paragraphe II de l'article 706-105-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut communiquer aux services spécialisés de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure ainsi qu'aux services mentionnés à l'article L. 811-4 du même code, des éléments de toute nature figurant dans des procédures d'enquête ou d'instruction relevant de la compétence de certaines juridictions spécialisées en matière de criminalité et de délinquance organisées, lorsque ces procédures portent sur les infractions mentionnées aux 3°, 5°, 12° et 13° de l'article 706-73 du code de procédure pénale relatives au trafic de stupéfiants, à la traite des êtres humains, à certains délits en matière d'armes et de produits explosifs et à l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger en France, ainsi que sur le blanchiment de ces infractions. Le juge d'instruction peut également, dans certaines conditions, procéder à une telle communication.

107. En application des dispositions contestées, les procédures d'enquête ou d'instruction susceptibles de donner lieu à la communication d'éléments aux services de renseignement peuvent également porter sur les infractions, commises en bande organisée, mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 7°, 9° et 21° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, sur le crime aggravé d'extorsion mentionné au 8° du même article, sur le délit d'évasion aggravé mentionné au dernier alinéa de l'article 434-30 du code pénal, ainsi que sur le blanchiment en rapport avec ces infractions.

108. Les éléments issus de procédures relatives à l'association de malfaiteurs en relation avec les infractions mentionnées aux paragraphes 106 et 107 peuvent également faire l'objet d'une telle communication aux services de renseignement.

109. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu améliorer la capacité opérationnelle des services de renseignement. Il a ainsi mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

110. En deuxième lieu, d'une part, ces dispositions étendent le champ des informations susceptibles d'être communiquées aux services de renseignement à des infractions particulièrement graves et complexes. D'autre part, seuls peuvent être communiqués dans ce cadre des éléments d'information nécessaires à l'exercice des missions de ces services au titre de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.

111. En dernier lieu, les destinataires de ces informations sont tenus au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Par ailleurs, les informations communiquées ne peuvent faire l'objet d'un échange avec des services de renseignement étrangers.

112. Dès lors, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée.

113. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes de l'article 706-105-1 du code de procédure pénale que la communication d'informations n'est qu'une faculté pour le procureur de la République ou le juge d'instruction, qu'ils peuvent exercer à la demande des services de renseignement ou de leur propre initiative.

114. Par conséquent, les mots : « 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8°, 9°, 12°, 13° et 21° de l'article 706-73 du présent code et au dernier alinéa de l'article 434-30 du code pénal ainsi que sur le blanchiment et l'association de malfaiteurs en rapport avec » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe II de l'article 706-105-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de la séparation des pouvoirs, les principes d'impartialité et d'indépendance de la justice et les droits de la défense, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 15 :

115. Le paragraphe I de l'article 15 modifie l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure afin d'étendre la possibilité dont disposent certains services de renseignement de recourir à des traitements automatisés de nature algorithmique à la détection des connexions susceptibles de révéler des menaces relatives à la criminalité et à la délinquance organisées.

116. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en élargissant à une telle finalité le recours à cette technique de renseignement, ces dispositions porteraient au droit au respect de la vie privée et au « principe de sûreté » une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Au soutien de ces griefs, ils font valoir que cette technique permet le recueil des adresses complètes de ressources utilisées sur internet, susceptibles de comporter des données relatives au contenu des correspondances, que les services de renseignement disposent déjà d'autres techniques moins intrusives et que ces dispositions ne sont pas entourées de garanties suffisantes.

117. Ils demandent également au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure ayant étendu ces traitements automatisés aux adresses complètes de ressources utilisées sur internet.

- En ce qui concerne le paragraphe I de l'article 15 :

118. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

119. Pour mettre en œuvre les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions, le législateur peut autoriser le traitement algorithmique de certaines données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques et les personnes offrant au public une connexion permettant de telles communications. Toutefois, l'analyse systématique et automatisée de données se rapportant à un nombre très important de personnes est de nature à augmenter considérablement le nombre et la précision des informations qui peuvent en être extraites. Dès lors, la mise en œuvre de tels systèmes de surveillance doit être assortie de garanties particulières afin de sauvegarder le droit au respect de la vie privée.

120. En application du paragraphe I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, le Premier ministre peut autoriser, à la demande des services spécialisés de renseignement, sous certaines conditions et pour les finalités qu'il énumère, des traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l'autorisation, à détecter, sur les données transitant par les réseaux des opérateurs et des personnes mentionnées à l'article L. 851-1, des connexions susceptibles de révéler des ingérences étrangères, des menaces pour la défense nationale ou des menaces terroristes. Ces traitements automatisés utilisent les informations ou documents mentionnés à cet article ainsi que les adresses complètes de ressources utilisées sur internet.

121. Les dispositions contestées autorisent également la mise en œuvre de tels traitements à des fins de prévention de la criminalité et de la délinquance organisées, pour détecter des connexions susceptibles de révéler des menaces relatives à des faits, constitutifs de crimes ou délits punis de dix ans d'emprisonnement, de trafic de stupéfiants, de trafic d'armes et de produits explosifs, d'importation et d'exportation de ces marchandises prohibées commises en bande organisée ainsi que de blanchiment des produits qui en sont issus.

122. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a souhaité renforcer la lutte contre certaines formes graves de criminalité et de délinquance organisées. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

123. En deuxième lieu, d'une part, seuls les services spécialisés de renseignement sont autorisés à demander le recours à la technique de renseignement prévue à l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure. D'autre part, un service du Premier ministre est seul habilité à exécuter les traitements et opérations mis en œuvre sur le fondement de ces dispositions, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

124. En dernier lieu, d'une part, les traitements algorithmiques ne peuvent recueillir d'autres données que celles qui répondent à leurs paramètres de conception ni permettre l'identification des personnes auxquelles les informations, documents ou adresses se rapportent.

125. D'autre part, le recours à la technique de renseignement prévue à l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure et les paramètres de détection retenus par les traitements automatisés sont autorisés après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En cas d'avis défavorable, le Conseil d'Etat est immédiatement saisi par le président de la commission ou par l'un des membres de celle-ci mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure. La décision d'autorisation du Premier ministre ne peut alors être exécutée avant que le Conseil d'Etat ait statué.

126. Par ailleurs, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dispose d'un accès permanent, complet et direct à ces traitements ainsi qu'aux informations et données recueillies. Elle est également informée de toute modification apportée aux traitements et paramètres et peut émettre des recommandations.

127. Toutefois, il résulte du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure que les traitements algorithmiques peuvent utiliser non seulement les données portant sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux, mais également les adresses complètes de ressources utilisées sur internet. Ces traitements permettent ainsi de procéder à grande échelle à l'analyse systématique et automatisée de données qui sont susceptibles de porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées dans le cadre de ces communications.

128. Dès lors, en autorisant, de manière générale et indifférenciée, sur l'ensemble des données transitant par les réseaux des opérateurs de communications électroniques, le recours à de tels traitements algorithmiques pour la détection des connexions susceptibles de révéler certaines menaces relatives à la criminalité et à la délinquance organisées, sans autre condition tenant notamment à la nature des données révélées par les adresses complètes de ressources utilisées sur internet, le législateur n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de prévention des infractions et le droit au respect de la vie privée.

129. Le paragraphe I de l'article 15 est donc contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, du reste de cet article, qui en est inséparable.

- En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure :

130. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.

131. En l'espèce, les dispositions du paragraphe I de l'article 15 déclarées contraires à la Constitution complétaient le paragraphe I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit les conditions de mise en œuvre des traitements algorithmiques pour les finalités prévues aux 1°, 2° et 4° de l'article L. 811-3 du même code.

132. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 127, les mots « ainsi que les adresses complètes de ressources utilisées sur internet » figurant au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 851-3 du même code, doivent également être déclarés contraires à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 16 :

133. L'article 16 modifie notamment le paragraphe II de l'article 13 de la loi du 30 juillet 2021 mentionnée ci-dessus afin de différer au 31 décembre 2028 le terme fixé pour l'application de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure autorisant les interceptions administratives de correspondances échangées par voie satellitaire.

134. Les députés auteurs de la deuxième saisine demandent au Conseil constitutionnel d'examiner la conformité à la Constitution des dispositions déjà promulguées de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure. Ils reprochent à ces dispositions de porter au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Au soutien de ce grief, ils font valoir que le recours à cette technique de renseignement viserait uniquement à remédier aux difficultés des services de renseignement à obtenir l'interception de certaines correspondances auprès d'opérateurs privés étrangers, que cette technique permettrait une surveillance massive du contenu des correspondances et que ces dispositions ne seraient pas entourées de garanties suffisantes. Ils soutiennent en outre que le report du terme fixé pour l'application de ces dispositions méconnaîtrait ce même droit.

- En ce qui concerne le paragraphe I de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure :

135. La conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.

136. En l'espèce, l'article 16 modifie notamment le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure qui détermine le champ des données interceptées faisant l'objet d'une centralisation par un service du Premier ministre.

137. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de prévention des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

138. En application de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure, certains services de renseignement peuvent recourir, sous certaines conditions et pour les finalités énumérées par cet article, à un appareil ou un dispositif technique permettant les interceptions des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire.

139. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens des services de renseignement pour le recueil de renseignements relatifs à des menaces et enjeux liés à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

140. En deuxième lieu, d'une part, l'interception des correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire ne peut être mise en œuvre que pour les finalités énumérées aux 1°, 2°, 4° et 6° de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, tenant à l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale, aux intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère, à la prévention du terrorisme et à la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées.

141. D'autre part, il ne peut y être recouru qu'à titre subsidiaire, lorsque l'interception des correspondances ne peut être mise en œuvre selon le régime prévu à l'article L. 852-1 du même code, pour des raisons techniques ou pour des motifs de confidentialité faisant obstacle au concours des opérateurs de communications électroniques ou des personnes mentionnés à l'article L. 851-1.

142. En troisième lieu, d'une part, cette technique est soumise à l'autorisation préalable du Premier ministre, sur demande écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur, du ministre de la justice ou des ministres chargés de l'économie, du budget ou des douanes, après avis préalable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. En cas d'avis défavorable, le Conseil d'Etat est immédiatement saisi par le président de la commission ou par l'un des membres de celle-ci mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure. La décision d'autorisation du Premier ministre ne peut être exécutée avant que le Conseil d'Etat ait statué, sauf en cas d'urgence dûment justifiée et si le Premier ministre a ordonné sa mise en œuvre immédiate.

143. D'autre part, cette technique ne peut être mise en œuvre que par des agents, individuellement désignés et habilités, des services spécialisés de renseignement et des services mentionnés à l'article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure désignés, au regard de leurs missions, par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de cette commission. En outre, le nombre maximal des autorisations d'interception en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre après avis de la commission.

144. En quatrième lieu, par dérogation à l'article L. 821-4 du code de la sécurité intérieure, l'autorisation du Premier ministre est délivrée pour une durée maximale de trente jours, renouvelable dans les mêmes conditions de durée. En outre, les correspondances interceptées dans ce cadre doivent être détruites dès lors qu'il apparaît qu'elles sont sans lien avec la personne concernée par l'autorisation et au plus tard à l'issue d'une durée de trente jours à compter de leur recueil.

145. En dernier lieu, d'une part, sauf impossibilité technique, les correspondances interceptées font l'objet d'une centralisation immédiate organisée par un service du Premier ministre, afin de faciliter le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sur ces opérations. Les données collectées font l'objet d'un chiffrement dès leur collecte et jusqu'à leur centralisation effective.

146. D'autre part, ce service effectue également les opérations de transcription et d'extraction de ces correspondances, sur lesquelles la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement dispose d'un accès permanent, complet, direct et immédiat.

147. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de prévention des infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

148. Par conséquent, le paragraphe I de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne certaines dispositions de l'article 13 de la loi du 30 juillet 2021 :

149. Les dispositions contestées de l'article 16 se bornent à reporter au 31 décembre 2028 le terme, initialement fixé au 31 juillet 2025, prévu pour l'application de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure.

150. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux paragraphes 139 à 145, ces dispositions ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances.

151. Par conséquent, la date « 31 décembre 2028 » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 13 de la loi du 30 juillet 2021, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 17 :

152. Le 1° de l'article 17 modifie l'article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure afin d'étendre la durée de l'autorisation accordée à certains agents des services de renseignement pour s'introduire dans un lieu ou un véhicule privé en vue de la mise en place, de l'utilisation ou de la maintenance de dispositifs techniques de renseignement.

153. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'en allongeant la durée de cette autorisation, sans contrôle de l'autorité judiciaire, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile.

154. Aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile.

155. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789.

156. Aux termes des articles L. 851-5, L. 853-1 et L. 853-2 du code de la sécurité intérieure, lorsque des renseignements ne peuvent être recueillis par un autre moyen légalement autorisé, peut être autorisée l'utilisation de dispositifs techniques permettant la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule ou d'un objet, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d'images dans un lieu privé, ou l'accès à des données informatiques stockées dans un système informatique. L'autorisation du recours à ces dispositifs techniques est accordée pour une durée maximale de deux mois, renouvelable dans les mêmes conditions de durée, ou de quatre mois s'agissant de la localisation en temps réel d'une personne, d'un véhicule ou d'un objet.

157. L'article L. 853-3 du même code prévoit que, sous certaines conditions, des agents individuellement désignés et habilités appartenant aux services de renseignement mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 peuvent être autorisés à s'introduire dans un véhicule ou un lieu privé, à la seule fin de mettre en place, d'utiliser, d'assurer la maintenance ou de retirer des dispositifs techniques mentionnés aux articles L. 851-5, L. 853-1 et L. 853-2. L'autorisation, accordée pour une durée maximale de trente jours, peut être renouvelée dans les mêmes conditions de durée que l'autorisation initiale.

158. En application des dispositions contestées, la durée maximale de cette autorisation est portée à deux mois.

159. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l'exercice par les services de renseignement de leurs missions et améliorer leur capacité opérationnelle. Ces dispositions mettent ainsi en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

160. En second lieu, ainsi que l'a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 2015 mentionnée ci-dessus, le législateur a entouré la mise en œuvre des techniques mentionnées à l'article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure de dispositions de nature à garantir que les restrictions au droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile ne revêtent pas un caractère manifestement disproportionné, en particulier lorsqu'elles imposent l'introduction dans un lieu privé à usage d'habitation.

161. Dès lors, les dispositions contestées, qui se bornent à étendre à deux mois la durée maximale de l'autorisation d'introduction dans un lieu ou un véhicule privé pour les seuls actes d'installation, d'utilisation, de maintenance et de retrait, ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile.

162. Par conséquent, les mots « deux mois » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 18 :

163. Le c du 2° du paragraphe I de l'article 18 insère un nouvel article 450-1-1 au sein du code pénal définissant la notion d'organisation criminelle et instituant un délit de concours à une telle organisation.

164. Les députés auteurs de la première saisine font valoir qu'en retenant comme critères d'une organisation criminelle l'existence d'une « organisation structurée entre ses membres » et la préparation d'infractions commises en bande organisée, ces dispositions ne définiraient pas une telle organisation en des termes suffisamment clairs et précis permettant de la différencier de l'association de malfaiteurs définie à l'article 450-1 du code pénal. En outre, selon eux, en incriminant le fait de « concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l'organisation ou au fonctionnement d'une organisation criminelle », ces dispositions ne permettraient pas de distinguer ce comportement d'un acte de complicité au sens de l'article 121-7 du code pénal. Il en résulterait une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

165. Ils considèrent également qu'en incriminant le seul fait de participer « sciemment » au fonctionnement d'une organisation criminelle, ces dispositions permettraient de réprimer des personnes qui n'auraient pas l'intention de participer à la commission des infractions préparées par cette organisation, notamment lorsqu'elles sont mises en cause en raison d'une activité exercée dans un cadre licite. Il en résulterait une méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines :

166. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant ... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de ces dispositions, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire.

167. Le premier alinéa de l'article 450-1-1 du code pénal définit l'organisation criminelle comme « toute association de malfaiteurs prenant la forme d'une organisation structurée entre ses membres et préparant un ou plusieurs crimes et, le cas échéant, un ou plusieurs délits mentionnés aux 1° à 10°, 12° à 14° et 17° de l'article 706-73 du code de procédure pénale ».

168. Son second alinéa réprime « Le fait de concourir sciemment et de façon fréquente ou importante à l'organisation ou au fonctionnement d'une organisation criminelle, indépendamment de la préparation d'une infraction particulière ».

169. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'organisation criminelle suppose, à la différence de l'association de malfaiteurs, une organisation structurée entre ses membres. Il résulte des travaux préparatoires que cette notion reprend la définition de la circonstance aggravante de bande organisée telle qu'interprétée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. En outre, l'organisation criminelle doit être formée en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de certains crimes et délits limitativement énumérés.

170. En second lieu, pour être constitué, le délit de concours à une organisation criminelle suppose, d'une part, de caractériser l'existence d'une telle organisation.

171. D'autre part, il doit être établi que la personne concourt sciemment à l'organisation ou au fonctionnement de cette organisation par une contribution fréquente ou importante traduisant sa volonté de participer, en connaissance de cause, à une organisation structurée en sachant que celle-ci prépare un ou plusieurs des crimes et délits énumérés au premier alinéa de l'article 450-1-1.

172. En outre, ce comportement ne réprimant pas la participation de la personne à la préparation d'une infraction particulière, il se distingue d'un acte de complicité du crime ou du délit en vue duquel cette organisation a été formée.

173. Dès lors, les dispositions contestées ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d'arbitraire. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit donc être écarté.

- En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines :

174. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

175. En premier lieu, si les dispositions contestées ne répriment ni l'exécution ni le commencement d'exécution d'un acte délictueux ou criminel, le délit qu'elles instituent ne peut toutefois être constitué que si sont établis un ou plusieurs faits matériels caractérisant la contribution volontaire de la personne à une organisation dont elle connaît le caractère criminel.

176. Eu égard à la gravité particulière que revêtent les infractions de criminalité et de délinquance organisées en cause, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des délits et des peines.

177. En second lieu, en punissant de trois ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le concours volontaire apporté à l'organisation ou au fonctionnement d'une organisation criminelle, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit être écarté.

178. Par conséquent, l'article 450-1-1 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 19 :

179. L'article 19 insère un nouvel article 222-43-2 au sein du code pénal afin de créer une circonstance aggravante constituée par le port d'une arme lors de la commission de certains crimes et délits.

180. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que le seul fait de porter une arme, qui peut ne pas être apparente, ne saurait justifier la création d'une telle circonstance aggravante. Il en résulterait une méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

181. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

182. Les dispositions contestées prévoient que constitue une circonstance aggravante, pour les crimes et délits liés au trafic de stupéfiants, le port d'une arme apparente ou cachée. Dans ce cas, la peine privative de liberté encourue est portée à la réclusion criminelle à perpétuité, à trente ans, à quinze ans de réclusion criminelle ou à sept ans d'emprisonnement lorsque l'infraction était punie, respectivement, de trente ou vingt ans de réclusion criminelle ou de dix ou cinq ans d'emprisonnement.

183. Il résulte des travaux préparatoires qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu dissuader la détention d'armes par les individus se livrant à des infractions relevant du trafic de stupéfiants.

184. Toutefois, l'aggravation des peines résultant de ces dispositions s'applique du seul fait du port d'une arme, en dehors de tout usage, y compris lorsque cet objet n'est pas visible.

185. Dès lors, en prévoyant une telle augmentation du quantum des peines d'emprisonnement ou de réclusion criminelle encourues lorsque ces circonstances sont réunies, le législateur a retenu des peines manifestement disproportionnées.

186. Par conséquent, l'article 19 méconnaît le principe de proportionnalité des peines.

187. Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, cet article est donc contraire à la Constitution.

- Sur l'article 21 :

188. L'article 21 insère un nouvel article 132-6-1 au sein du code pénal afin d'exclure l'application des règles relatives au non-cumul des peines lorsqu'une personne détenue est reconnue coupable d'une infraction relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées commise en concours avec celle en raison de laquelle elle est détenue.

189. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir que ces dispositions instaureraient une double différence de traitement injustifiée, d'une part, entre les personnes détenues selon la nature de l'infraction commise en détention et, d'autre part, entre les personnes condamnées, selon que l'infraction a été commise alors qu'elles étaient en détention ou qu'elles exécutaient leur peine en milieu ouvert. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

190. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

191. En application de l'article 132-3 du code pénal, lorsque, à l'occasion d'une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu'une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.

192. L'article 132-4 du même code prévoit quant à lui que, lorsque, à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.

193. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation notamment à ces dispositions, lorsque l'auteur a commis un crime ou un délit mentionné aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale alors qu'il était détenu, les peines prononcées pour cette infraction se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles prononcées pour l'infraction en raison de laquelle il était détenu.

194. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu exclure les personnes qui poursuivent, en détention, une activité relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées du bénéfice des dispositions du code pénal prévoyant, en cas de concours d'infractions, le non-cumul ou la confusion des peines prononcées.

195. Eu égard à la gravité des faits concernés, le législateur a pu considérer que les personnes qui commettent de tels crimes et délits alors qu'elles sont en détention se trouvent placées dans une situation différente de celles qui commettent des infractions d'une autre nature.

196. Par ailleurs, au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, ces personnes sont placées dans une situation différente selon qu'elles sont en détention au moment des faits ou qu'elles exécutent une peine en milieu ouvert.

197. Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées, qui repose sur une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi.

198. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.

199. Par conséquent, l'article 132-6-1 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 22 :

200. L'article 22 insère un nouvel article 131-30-3 au sein du code pénal afin de prévoir que la peine complémentaire d'interdiction du territoire français est obligatoirement prononcée par la juridiction de jugement à l'encontre d'un étranger reconnu coupable de certaines infractions liées au trafic de stupéfiants.

201. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe de nécessité des peines, faute pour une telle peine de présenter un lien suffisant avec la répression du trafic de stupéfiants.

202. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

203. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.

204. Selon l'article 131-30 du code pénal, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime, d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à trois ans ou d'un délit pour lequel la peine d'interdiction du territoire français est prévue par la loi.

205. L'article 131-30-2 du même code définit certains cas dans lesquels une telle peine ne peut pas être prononcée.

206. En application des dispositions contestées, sans préjudice de ces exceptions, la peine complémentaire d'interdiction du territoire français est obligatoirement prononcée par la juridiction de jugement à l'encontre d'un étranger reconnu coupable de l'une des infractions définies aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal.

207. En premier lieu, en conférant un caractère obligatoire à la peine complémentaire d'interdiction du territoire français prononcée à l'encontre d'un étranger jugé coupable de l'un des crimes ou délits définis aux articles 222-34 à 222-38 du code pénal, le législateur a entendu renforcer la lutte contre les activités liées au trafic de stupéfiants. En prévoyant qu'une telle peine peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée maximale de dix ans, le législateur n'a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard de la nature des comportements réprimés.

208. En second lieu, la juridiction compétente peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Dans ces conditions, le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine.

209. Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines doivent donc être écartés.

210. Par conséquent, l'article 131-30-3 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 25 :

211. L'article 25 modifie l'article 222-38 du code pénal afin de prévoir que la peine d'amende encourue en cas de blanchiment de trafic de stupéfiants peut être élevée jusqu'à la totalité de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.

212. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de méconnaître le principe de proportionnalité des peines, dès lors que le montant de l'amende susceptible d'être prononcé pourrait être sans lien avec la gravité de l'infraction.

213. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

214. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens de lutter contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants.

215. En second lieu, en prévoyant que le plafond de l'amende est calculé en proportion de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment, le législateur a retenu un critère de fixation du montant maximum de la peine encourue en lien avec l'infraction réprimée. Le taux de 100 % prévu par les dispositions contestées, qui ne constitue qu'un taux maximal pouvant être modulé par le juge en application de l'article 132-24 du code pénal, n'est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction.

216. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté.

217. Par conséquent, le mot « totalité » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de l'article 222-38 du code pénal, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 26 :

218. L'article 26 rétablit au sein du code de procédure pénale l'article 706-88-2 afin de prévoir une prolongation exceptionnelle de la garde à vue d'une personne pour une infraction de trafic de stupéfiants lorsqu'est établie la présence de substances stupéfiantes dans son corps.

219. Les députés auteurs de la deuxième saisine, rejoints par les députés auteurs de la troisième saisine, reprochent à ces dispositions de permettre que la durée totale de la garde à vue soit portée à cent-vingt heures, sans condition tenant à la gravité ou à la complexité particulière de l'affaire. Il en résulterait, selon eux, une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle, ainsi qu'une méconnaissance du principe selon lequel cette liberté ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. Ils font également valoir que ces dispositions méconnaîtraient les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789.

220. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.

221. En application de l'article 706-88 du code de procédure pénale, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du même code l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune décidées par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction. Dans ce cas, la durée totale de la garde à vue peut atteindre quatre-vingt-seize heures.

222. Les dispositions contestées prévoient que le juge des libertés et de la détention peut décider à titre exceptionnel de prolonger pour une durée supplémentaire de vingt-quatre heures la garde à vue d'une personne pour une infraction en matière de trafic de stupéfiants mentionnée au 3° de l'article 706-73, lorsque la présence de substances stupéfiantes dans son corps est établie.

223. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre aux enquêteurs de recueillir les éléments de preuve de l'infraction pendant la durée de la garde à vue, lorsque la personne soupçonnée a ingéré des substances stupéfiantes pour leur transport. Ce faisant, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

224. En second lieu, d'une part, une telle prolongation ne peut être ordonnée que si, avant l'expiration du délai de quatre-vingt-seize heures, un examen médical, réalisé par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire, établit la présence de substances stupéfiantes dans le corps de la personne et conclut à l'aptitude de cette dernière au maintien en garde à vue. Le certificat médical est versé au dossier.

225. D'autre part, cette prolongation ne peut être décidée qu'à titre exceptionnel par le juge des libertés et de la détention, auquel il appartient de vérifier que les conditions fixées par les dispositions contestées sont réunies.

226. En outre, à l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure de garde à vue, la personne est informée dès la notification de la prolongation de son droit de s'entretenir avec son avocat, qui peut consulter le certificat médical, ainsi que de son droit à être examinée une nouvelle fois par un médecin au cours de cette prolongation.

227. Dès lors, eu égard à la nature des infractions concernées et aux garanties prévues, en permettant d'allonger la durée totale de la garde à vue à cent-vingt heures, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence doit être donc être écarté.

228. Par conséquent, le premier alinéa de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît pas non plus, en tout état de cause, l'article 8 de la Déclaration de 1789, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 27 :

229. L'article 27 insère un nouvel article 222-44-2 au sein du code pénal afin d'instaurer deux peines complémentaires visant, d'une part, à interdire l'accès à un aéronef ou une embarcation maritime au départ ou à destination de certains lieux et, d'autre part, à instaurer une interdiction de paraître dans certains ports ou aéroports, pour des personnes coupables de certaines infractions.

230. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent d'abord que ces dispositions méconnaîtraient les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines, dès lors que l'interdiction de paraître dans certains lieux peut déjà être prononcée en application d'autres dispositions. Ils reprochent ensuite à ces dispositions de ne prévoir aucune obligation de prendre en compte les impératifs liés à la vie privée et familiale de l'intéressé, ni aucune possibilité de moduler les interdictions, alors que le public qu'elles visent inclut des personnes vulnérables. Il en résulterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.

- En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines :

231. Selon l'article 8 de la Déclaration de 1789, « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

232. En outre, le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.

233. Les articles 222-34 à 222-40 du code pénal répriment les crimes et délits relevant du trafic de stupéfiants.

234. Selon les dispositions contestées, les personnes physiques coupables de ces infractions encourent, pour une durée de trois ans au plus, une peine complémentaire d'interdiction de prendre place dans un aéronef réalisant un vol commercial ou une embarcation maritime en provenance ou à destination de certains ports ou aéroports, lorsque l'infraction a été commise dans un tel aéronef ou une telle embarcation. Ces personnes encourent en outre une peine complémentaire d'interdiction de paraître, pour la même durée, dans des aéroports et dans des ports, lorsque l'infraction a été commise dans de tels lieux.

235. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu lutter contre les activités liées au trafic de stupéfiants en interdisant l'accès à certaines lignes aériennes ou maritimes ainsi qu'à certains aéroports ou ports concernés par ces activités. Au regard de la nature des comportements réprimés, le législateur n'a pas institué des peines manifestement disproportionnées.

236. Au demeurant, ces peines complémentaires, qui sont encourues par des personnes déclarées coupables d'infractions liées au trafic de stupéfiants, se distinguent de la peine d'interdiction de séjour prévue par l'article 131-31 du code pénal par leur finalité et leur durée.

237. En second lieu, lorsqu'il décide de prononcer une ou plusieurs de ces peines complémentaires, le juge en fixe la durée ainsi que la liste des ports et aéroports concernés, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce.

238. Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines doivent être écartés.

- En ce qui concerne les autres griefs :

239. La liberté d'aller et de venir est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789.

240. Le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

241. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

242. En instituant les peines complémentaires prévues par les dispositions contestées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

243. Ainsi qu'il a été dit au paragraphe 237, la liste des aéroports et ports faisant l'objet de l'interdiction est limitativement définie par le juge, qui tient compte des circonstances de l'espèce, et peut également adapter la durée de cette interdiction. Il appartient en outre au juge de prendre en compte, au regard des éléments dont il dispose, la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

244. Dès lors, les dispositions contestées opèrent, entre les exigences constitutionnelles précitées, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences doivent donc être écartés.

245. Par conséquent, les quatre premiers alinéas de l'article 222-44-2 du code pénal, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 28 :

246. Le A du paragraphe I de l'article 28 modifie l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 mentionnée ci-dessus afin notamment de prévoir que l'autorité administrative peut ordonner le retrait et le blocage de certains contenus en ligne relatifs à la cession ou l'offre de stupéfiants.

247. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression, dès lors, selon eux, qu'un contenu illicite tenant à la cession ou à l'offre de stupéfiants serait difficile à identifier et que la gravité de l'atteinte portée à l'ordre public par de tels contenus ne justifierait pas une telle mesure.

248. Aux termes de l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services et de s'y exprimer.

249. L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant ... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. Il lui est aussi loisible, à ce titre, d'instituer des dispositions destinées à faire cesser des abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.

250. En application de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, l'autorité administrative peut demander aux hébergeurs ou aux éditeurs d'un service de communication en ligne de retirer certains contenus à caractère terroriste ou pédopornographique. En l'absence de retrait dans un délai de vingt-quatre heures, elle peut notifier la liste des adresses des contenus incriminés aux fournisseurs d'accès à internet qui doivent alors sans délai en bloquer l'accès.

251. Les dispositions contestées étendent cette procédure aux contenus qui contreviennent à l'article 222-39 du code pénal réprimant la cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.

252. En premier lieu, la diffusion de contenus servant de support à une activité de cession ou d'offre illicites de produits stupéfiants à des consommateurs constitue un abus de la liberté d'expression et de communication qui porte gravement atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. En imposant aux éditeurs et hébergeurs de les retirer, à la demande de l'administration, le législateur a entendu faire cesser de tels abus.

253. En deuxième lieu, si l'injonction de retrait ou de blocage susceptible d'être émise par l'autorité administrative compétente ne peut porter que sur des contenus contrevenant à l'article 222-39 du code pénal, une telle mesure ne saurait toutefois être justifiée, sans que soit méconnue la liberté d'expression et de communication, que si le caractère illicite de ces contenus est manifeste.

254. En dernier lieu, d'une part, la personnalité qualifiée mentionnée à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, désignée en son sein par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui est une autorité publique indépendante, est obligatoirement informée de ces demandes de retrait et peut, en cas d'irrégularité, recommander à l'autorité compétente d'y mettre fin. Dans le cas où cette recommandation n'est pas suivie, elle peut saisir en référé ou sur requête la juridiction administrative, qui doit statuer dans un délai de soixante-douze heures.

255. D'autre part, l'injonction de retrait, qui peut faire l'objet, de la part des fournisseurs de services d'hébergement ou de contenus, de recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, est également susceptible, en application des dispositions du paragraphe II de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 dans sa rédaction résultant de la loi déférée, d'être contestée par la voie d'un recours spécifique en annulation devant le tribunal administratif. Celui-ci est alors tenu de statuer sur la légalité de cette injonction dans le délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. En cas d'appel, la juridiction est tenue de statuer dans le délai d'un mois. Ainsi, il peut être statué dans de brefs délais sur la légalité de l'injonction de retrait.

256. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 253, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication doit être écarté.

257. Par conséquent, sous la même réserve, les mots « ou contre la cession ou l'offre de stupéfiants dans les conditions prévues à l'article 222-39 dudit code » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, ainsi que la référence « et 222-39 » figurant aux premières phrases des premier, deuxième et quatrième alinéas du même paragraphe I, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur la place de l'article 29 :

258. L'article 29 modifie l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques afin d'imposer aux opérateurs de communications électroniques de conserver les informations relatives à l'identité civile des utilisateurs de services de communications interpersonnelles avec prépaiement, sous peine de sanctions pénales.

259. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que cet article n'aurait pas sa place dans la loi au motif qu'il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution.

260. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Selon une jurisprudence constante, il s'assure dans ce cadre de l'existence d'un lien entre l'objet de l'amendement et celui de l'une au moins des dispositions du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. Il ne déclare des dispositions contraires à l'article 45 de la Constitution que si un tel lien, même indirect, ne peut être identifié. Il apprécie l'existence de ce lien après avoir décrit le texte initial puis, pour chacune des dispositions déclarées inconstitutionnelles, les raisons pour lesquelles elle doit être regardée comme dépourvue de lien même indirect avec celui-ci. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

261. La loi déférée, qui comporte 64 articles répartis en six titres, a pour origine la proposition de loi déposée le 12 juillet 2024 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie. Cette proposition comportait 24 articles répartis en six titres.

262. Son titre Ier fixait l'organisation et les compétences de l'office anti-stupéfiants en matière d'enquêtes judiciaires et procédait à la création d'un parquet national anti-stupéfiants.

263. Son titre II comprenait des dispositions autorisant la fermeture administrative de commerces en lien avec le trafic de stupéfiants, élargissant l'accès des agents des douanes et des services fiscaux aux données de certains fichiers, soumettant les sociétés de vente ou de location de véhicules de luxe aux obligations de vigilance et de déclaration relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, généralisant le recours aux enquêtes patrimoniales dans le cadre des investigations relatives à des faits de trafic de stupéfiants, créant une nouvelle procédure d'injonction à justifier de richesse inexpliquée et instaurant une procédure de gel judiciaire des avoirs.

264. Son titre III visait à élargir les possibilités de transmettre aux services de renseignement des informations en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants recueillies dans certains dossiers judiciaires, à donner un fondement législatif aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants ainsi qu'à expérimenter le recours à la technique de renseignement algorithmique aux fins de détection des menaces liées à la criminalité et à la délinquance organisées.

265. Son titre IV comprenait des dispositions élargissant la définition de l'infraction de participation à une association de malfaiteurs, réprimant au titre du délit de provocation d'un mineur au trafic de stupéfiants le fait de publier une offre de recrutement sur une plateforme en ligne accessible aux mineurs, prévoyant la prolongation médicale de la garde à vue dans le cas où des substances stupéfiantes ont été ingérées et créant deux peines complémentaires d'interdiction de vol et de paraître dans des aéroports, étendant les prérogatives de l'administration en matière de demande de retrait et de déréférencement de contenus en ligne à ceux relatifs à la cession ou l'offre de stupéfiants et augmentant le quantum des peines prévues en cas d'administration illicite de plateforme.

266. Son titre V comportait des dispositions visant à prévoir la compétence de la cour d'assises spécialement composée pour les infractions connexes au trafic de stupéfiants et l'intervention de magistrats spécialisés pour l'application des peines prononcées à l'encontre des personnes reconnues coupables d'une infraction liée à la criminalité et à la délinquance organisées, à étendre la possibilité de devenir un « repenti » aux auteurs de certaines infractions, à permettre à certains officiers de police judiciaire de n'être identifiés que par leur numéro d'immatriculation administrative, à modifier le régime propre aux techniques spéciales d'enquête en permettant, dans certains cas, de recourir à un procès-verbal distinct et à étendre la durée maximale d'autorisation du recours à certaines de ces techniques, à faciliter la mise en œuvre de la technique d'infiltration, à modifier le régime des nullités de procédure et à reconnaître la compétence universelle aux juridictions françaises en matière de trafic de stupéfiants.

267. Son titre VI visait à mettre en place des points de contact de signalement dans les administrations sensibles, les ports et les aéroports, à étendre les possibilités d'enquêtes administratives applicables à l'égard des personnels de ces services, à prévoir la communication aux employeurs de certaines décisions de condamnation ou de mise en examen, à compléter les informations transmises à la délégation parlementaire au renseignement sur les dispositifs techniques de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées en prison, à autoriser le recours aux aéronefs pour prévenir l'introduction d'objets illicites dans les établissements pénitentiaires, à aménager le régime de la détention provisoire applicable aux procédures portant sur des faits délictuels relevant de la criminalité organisée et à modifier la procédure applicable aux demandes de mise en liberté, ainsi qu'à instaurer la possibilité de prononcer une interdiction administrative de paraître sur les lieux de trafic de stupéfiants et à prévoir une injonction administrative de quitter un domicile lorsque celui-ci était notamment utilisé dans le cadre de ces activités.

268. Introduites en première lecture, les dispositions de l'article 29 ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l'article 3 de la proposition de loi initiale soumettant certains professionnels à des obligations de vigilance et de déclaration relatives à la lutte contre le blanchiment.

269. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

270. Il en résulte que l'article 29 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 30 :

271. Le 1° de l'article 30 insère un nouvel article 242-1 au sein du code de procédure pénale afin d'instituer une cour d'assises spéciale pour le jugement des crimes en bande organisée et du crime d'association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes. Son 2° insère au sein du même code des articles 706-75-3 et 706-75-4 prévoyant des règles dérogatoires de compétence territoriale des juridictions de l'application des peines pour les personnes condamnées pour certaines infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.

272. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'en mettant en place des règles dérogatoires de composition de la cour d'assises et de compétence des juridictions de l'application des peines, ces dispositions institueraient une double différence de traitement injustifiée, d'une part, entre les personnes jugées pour des faits relevant de la criminalité organisée et les autres accusés, d'autre part, entre les personnes condamnées pour certaines infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées et les autres personnes condamnées. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice et du droit à un recours juridictionnel effectif.

273. Selon eux, l'application de mêmes règles dérogatoires de composition de la cour d'assises pour le jugement des mineurs d'au moins seize ans serait en outre contraire à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice :

274. Il résulte des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

275. En premier lieu, le premier alinéa de l'article 242-1 du code de procédure pénale prévoit que, pour le jugement des crimes commis avec la circonstance aggravante de bande organisée et du crime d'association de malfaiteurs en vue de commettre de tels crimes, la composition et le fonctionnement de la cour d'assises sont régis par les règles de l'article 698-6 du même code relatives à la cour d'assises spéciale compétente en matière militaire en temps de paix. Selon son second alinéa, pour le jugement des mineurs âgés de seize ans au moins accusés des mêmes faits, ces règles de composition s'appliquent à la cour d'assises des mineurs, dont deux des assesseurs sont alors désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel.

276. D'une part, il ressort de ces dispositions que les personnes majeures et mineures jugées par cette cour d'assises spéciale sont, eu égard à la nature des faits qui leur sont reprochés, dans une situation différente de celle des personnes jugées devant une cour d'assises. Ainsi, en retenant de tels critères, le législateur n'a pas instauré de discriminations injustifiées entre ces personnes.

277. D'autre part, à l'exception de celles mettant en jeu la présence du jury, les règles de procédure applicables devant la cour d'assises spéciale sont identiques à celles applicables devant la cour d'assises. En outre, cette juridiction présente, par sa composition, les mêmes garanties d'indépendance et d'impartialité. Sont ainsi assurées aux accusés majeurs et mineurs, qu'ils soient jugés devant la cour d'assises spéciale instituée par les dispositions contestées ou devant une cour d'assises, des garanties équivalentes.

278. En second lieu, les trois premiers alinéas de l'article 706-75-3 du code de procédure pénale étendent au territoire national la compétence des juridictions de l'application des peines de Paris afin de connaître de la situation des condamnés pour certaines infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du même code. Les quatre premiers alinéas de l'article 706-75-4 instituent pour les mêmes condamnés, au profit des juridictions de l'application des peines compétentes pour les tribunaux judiciaires mentionnés à l'article 706-75, une compétence étendue au ressort interrégional de ces tribunaux.

279. D'une part, en prévoyant une telle compétence, concurrente ou exclusive selon la juridiction de jugement ayant prononcé la condamnation, pour les personnes condamnées en raison de certains crimes et délits relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, les dispositions contestées n'instituent pas, eu égard à la nature des faits concernés, de discriminations injustifiées entre les justiciables.

280. D'autre part, ces dispositions se bornent à prévoir une règle spéciale de compétence territoriale. Les juridictions concernées sont formées et composées dans les conditions de droit commun et font application des mêmes règles de procédure et de fond que celles applicables devant les juridictions compétentes en application de l'article 712-10 du code de procédure pénale. Sont ainsi assurées aux justiciables des garanties équivalentes.

281. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs :

282. Il résulte du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, notamment, la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

283. En premier lieu, la cour d'assises spéciale des mineurs instituée par les dispositions contestées est composée d'un président et de quatre ou six assesseurs suivant qu'elle statue en premier ressort ou en appel. Si deux de ces assesseurs doivent être désignés parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'appel, cette cour d'assises est majoritairement composée de personnes qui ne disposent pas de compétences particulières sur les questions de l'enfance. Ainsi, une telle juridiction ne peut être regardée comme une juridiction spécialisée au sens du principe fondamental précité.

284. En second lieu, cependant, le mineur ne peut être mis en accusation devant la cour d'assises spéciale des mineurs qu'au terme d'une information judiciaire conduite par un juge d'instruction chargé spécialement des affaires concernant les mineurs. En outre, en vertu des dispositions contestées, sont également applicables devant cette cour d'assises spéciale les articles L. 513-2, L. 513-4 et L. 522-1 du code de la justice pénale des mineurs qui prévoient des règles particulières relatives à la publicité des débats, à l'interrogatoire du mineur et aux questions posées portant notamment sur l'atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge. Ainsi, le mineur est jugé selon une procédure appropriée à la recherche de son relèvement éducatif et moral.

285. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs. Elles ne méconnaissent pas non plus l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant.

286. Par conséquent, l'article 242-1 du code de procédure pénale, les trois premiers alinéas de l'article 706-75-3 du même code ainsi que les quatre premiers alinéas de son article 706-75-4, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 33 :

287. Le paragraphe I de l'article 33 insère un nouvel article 706-74-1 au sein du code de procédure pénale afin de permettre aux agents de la police et de la gendarmerie nationales affectés dans un service spécialement chargé des enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées de ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms dans certains actes de procédure.

288. Selon les députés auteurs de la première saisine, en prévoyant une anonymisation de ces agents pour de tels actes, ces dispositions méconnaîtraient le droit de demander compte à un agent public de son administration protégé par l'article 15 de la Déclaration de 1789 ainsi que les droits de la défense.

289. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense.

290. En application de l'article 15-4 du code de procédure pénale, tout agent de la police ou de la gendarmerie nationales peut être autorisé nominativement par une décision de son responsable hiérarchique à ne pas être identifié par ses nom et prénom dans certains actes de procédure qu'il établit ou dans lesquels il intervient lorsque la révélation de son identité est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Cette autorisation permet à l'agent qui en bénéficie d'être identifié par un numéro d'immatriculation administrative dans certains actes de procédure.

291. Les dispositions contestées prévoient que, sans préjudice de cet article, lorsqu'un tel agent est affecté dans un service spécialement chargé des enquêtes en matière de délinquance et de criminalité organisées, il peut être identifié, sans autorisation préalable, par un numéro d'immatriculation administrative dans les actes de procédure qu'il établit ou dans lesquels il intervient.

292. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la protection des agents de la police et de la gendarmerie nationales, lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques pour leur sécurité ou pour celle de leurs proches, du fait des enquêtes dont ils ont la charge et des conditions d'exercice de leurs fonctions. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

293. En deuxième lieu, d'une part, ces dispositions s'appliquent uniquement à l'agent affecté à un service en charge d'enquêtes portant sur des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. D'autre part, elles se bornent à prévoir que les nom et prénom de l'agent n'apparaissent pas dans les actes de procédure, ce dernier pouvant néanmoins être identifié par un matricule administratif, complété par sa qualité et son service ou son unité d'affectation.

294. En dernier lieu, saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée en vue de l'exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom de cet agent, le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou le procureur de la République, selon les cas, communique l'identité de l'agent, sauf s'il estime que la révélation de l'identité de cette personne ferait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

295. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté.

296. Par ailleurs, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'agent de la police ou de la gendarmerie nationales est entendu dans le cadre d'une audition libre, placé en garde à vue ou fait l'objet de poursuites pénales en raison d'un acte commis dans l'exercice de ses fonctions. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la Déclaration de 1789 doit donc, en tout état de cause, être écarté.

297. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-74-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 35 :

298. Le paragraphe I de l'article 35 insère un nouvel article 706-105-3 au sein du code de procédure pénale afin d'autoriser les agents de l'administration pénitentiaire à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms dans certains actes de procédure dans lesquels ils interviennent.

299. Selon les députés auteurs de la première saisine, en prévoyant une anonymisation de ces agents pour de tels actes, ces dispositions méconnaîtraient le droit de demander compte à un agent public de son administration protégé par l'article 15 de la Déclaration de 1789 ainsi que les droits de la défense.

300. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense.

301. Les dispositions contestées prévoient que, lorsqu'il est victime ou témoin dans l'exercice de ses fonctions d'une infraction mentionnée aux articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale ou d'une infraction commise par une personne mise en cause, prévenue, accusée ou condamnée pour de telles infractions, tout agent de l'administration pénitentiaire peut, sous certaines conditions, être autorisé à être identifié dans les actes de procédure, à défaut de ses nom et prénom, par un numéro d'immatriculation administrative. Une telle autorisation emporte également la possibilité pour l'agent concerné de déposer ou comparaître comme témoin au cours de l'enquête ou devant les juridictions d'instruction ou de jugement et de se constituer partie civile en utilisant ces mêmes éléments d'identification.

302. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer la protection des agents de l'administration pénitentiaire lorsqu'ils sont particulièrement exposés à des risques pour leur sécurité ou pour celle de leurs proches. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

303. En deuxième lieu, ces dispositions ne peuvent s'appliquer que lorsque la révélation de l'identité de l'agent de l'administration pénitentiaire est susceptible, compte tenu des conditions d'exercice de sa mission ou de la nature des faits dont il a été victime ou témoin, de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

304. En troisième lieu, d'une part, l'autorisation est délivrée nominativement par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par le directeur du service pénitentiaire compétent. D'autre part, ces dispositions se bornent à prévoir que les nom et prénom de l'agent n'apparaissent pas dans les actes de procédure, ce dernier pouvant néanmoins être identifié par un matricule administratif, complété par sa qualité et son établissement ou son service d'affectation.

305. En dernier lieu, saisi par une partie à la procédure d'une requête écrite et motivée en vue de l'exercice des droits de la défense ou des droits de la partie civile et tendant à la communication des nom et prénom de cet agent, le juge d'instruction, le président de la juridiction de jugement ou le procureur de la République, selon les cas, communique l'identité de l'agent, sauf s'il estime que la révélation de l'identité de cette personne ferait peser une menace sur sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

306. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté.

307. Par ailleurs, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'agent de l'administration pénitentiaire est entendu dans le cadre d'une audition libre, placé en garde à vue ou fait l'objet de poursuites pénales en raison d'un acte commis dans l'exercice de ses fonctions. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 15 de la Déclaration de 1789 doit donc, en tout état de cause, être écarté.

308. Par conséquent, le paragraphe I de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 38 :

309. L'article 38 complète l'article 706-96 du code de procédure pénale afin de permettre l'activation à distance d'appareils électroniques fixes pour la mise en œuvre des opérations de sonorisation et de captation d'images dans le cadre d'investigations relatives à des infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

310. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions porteraient au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur, dès lors que les enquêteurs peuvent déjà recourir à un dispositif de captation de son et d'images et que seraient visés des objets susceptibles d'être transportés. En outre, ces dispositions ne prévoiraient pas de garanties suffisantes pour les avocats, les journalistes et les médecins.

311. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789. S'il peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en œuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité.

312. L'article 706-96 du code de procédure pénale prévoit qu'il peut être recouru, dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire relatives à des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, à la mise en place, sans le consentement des intéressés, d'un dispositif technique ayant pour objet la sonorisation et la captation d'images dans des lieux ou véhicules privés ou publics.

313. Les dispositions contestées autorisent, pour la recherche des auteurs de certaines de ces infractions, l'activation à distance d'appareils électroniques fixes à l'insu de leur propriétaire ou possesseur afin de mettre en œuvre ces techniques d'investigation.

314. En permettant l'activation à distance d'appareils électroniques fixes afin de capter des sons et des images, sans qu'il soit nécessaire pour les enquêteurs d'accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation, ces dispositions sont susceptibles de faciliter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée.

315. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter la mise en place ou la désinstallation des moyens techniques permettant la sonorisation et la captation d'images en vue d'accroître l'efficacité de ces opérations et de protéger les enquêteurs. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public.

316. En deuxième lieu, il ne peut être recouru à un tel dispositif que dans les conditions et en respectant les garanties, mentionnées aux articles 706-95-11 à 706-95-19 du code de procédure pénale, auxquelles est subordonnée la mise en œuvre de ces techniques spéciales d'enquête.

317. En troisième lieu, ces dispositions visent uniquement les appareils électroniques nécessitant une connexion physique de manière permanente à un réseau.

318. En quatrième lieu, l'activation à distance d'un appareil électronique fixe ne peut être autorisée que pour les nécessités d'une enquête ou d'une information judiciaire relative à l'une des infractions prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, au blanchiment de ces mêmes infractions ou à une association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de l'une de ces infractions.

319. Toutefois, ces dispositions visent des délits qui ne présentent pas tous des éléments de gravité et de complexité suffisants pour justifier le recours à un tel dispositif. En effet, certains ne sont pas commis en bande organisée. En outre, parmi ces délits, figurent ceux prévus aux articles 322-6-1 et 322-11-1 du code pénal ainsi qu'à l'article L. 317-7 du code de la sécurité intérieure, qui portent sur certains manquements passibles de trois d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Dès lors, sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, ces dispositions ne sauraient s'appliquer, s'agissant des délits mentionnés par les dispositions précitées de l'article 706-73 du code de procédure pénale, que s'ils sont commis en bande organisée et punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans.

320. En cinquième lieu, d'une part, le recours à ce dispositif technique ne peut être autorisé que par le juge des libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le juge d'instruction et aux seules fins de procéder à la captation, à la fixation, à la transmission et à l'enregistrement des paroles prononcées par des personnes ou de l'image de ces dernières. D'autre part, une telle autorisation doit comporter tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux visés, l'infraction qui motive le recours à cette mesure ainsi que sa durée.

321. En dernier lieu, l'activation à distance d'un appareil électronique fixe ne peut concerner les lieux mentionnés aux articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du code de procédure pénale, ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile d'un membre du Parlement, d'un avocat ou d'un magistrat.

322. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 319, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Le grief tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle doit donc être écarté.

323. Par conséquent, sous cette même réserve, le second alinéa de l'article 706-96 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 39 :

324. L'article 39 insère deux nouveaux articles 706-99 et 706-100 au sein du code de procédure pénale afin de permettre l'activation à distance d'appareils électroniques mobiles pour la mise en œuvre des opérations de sonorisation et de captation d'images dans le cadre d'investigations relatives à des infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

325. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, compte tenu du nombre d'objets pouvant être activés à distance et faute de limite spatiale ou temporelle à leur application. En outre, ces dispositions ne prévoiraient pas de garanties suffisantes pour les avocats, les journalistes et les médecins.

326. Ils soutiennent également que ces dispositions méconnaîtraient les droits de la défense, dès lors qu'elles permettraient d'écouter les échanges entre la personne soupçonnée et son avocat.

327. En permettant l'activation à distance d'appareils électroniques mobiles afin de capter des sons et des images, sans qu'il soit nécessaire pour les enquêteurs d'accéder physiquement à des lieux privés en vue de la mise en place de dispositifs de sonorisation et de captation, les dispositions contestées sont susceptibles de faciliter une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée.

328. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 315, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public.

329. En deuxième lieu, l'activation à distance d'un appareil électronique mobile ne peut être autorisée que pour les nécessités d'une enquête ou d'une information judiciaire relative à l'une des infractions prévues aux 1° à 6° et 11° à 12° de l'article 706-73 du code de procédure pénale, au blanchiment de ces mêmes infractions ou à une association de malfaiteurs qui a pour objet la préparation de l'une de ces infractions.

330. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 319, ces dispositions visent des délits qui ne présentent pas tous des éléments de gravité et de complexité suffisants pour justifier le recours à un tel dispositif. Dès lors, sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, ces dispositions ne sauraient s'appliquer, s'agissant des délits mentionnés par les dispositions précitées de l'article 706-73 du code de procédure pénale, que s'ils sont commis en bande organisée et punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans.

331. En troisième lieu, l'activation à distance d'un appareil électronique mobile doit être autorisée dans les mêmes conditions que celles applicables à l'activation à distance d'un appareil électronique fixe énoncées aux paragraphes 316 et 320.

332. En quatrième lieu, d'une part, une telle autorisation ne peut être décidée que lorsque les circonstances de l'enquête ou de l'instruction ne permettent pas la mise en place du dispositif technique prévu au premier alinéa de l'article 706-96 du code de procédure pénale au regard soit de l'impossibilité de déterminer les lieux où ce dispositif pourrait être utilement mis en place, soit des risques d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique des agents chargés de sa mise en œuvre.

333. D'autre part, l'autorisation doit préciser l'infraction qui motive le recours à ces opérations de sonorisation et de captation d'images, leur durée ainsi que tous les éléments permettant d'identifier l'appareil. Elle doit être motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que les opérations sont nécessaires et faire état des motifs attestant de l'impossibilité de recourir au dispositif technique précité.

334. Enfin, la durée de l'autorisation, qui doit être strictement proportionnée à l'objectif recherché, ne peut excéder quinze jours, renouvelable une fois, au cours d'une enquête, et deux mois, sans que la durée totale des opérations excède six mois, au cours d'une information judiciaire.

335. En dernier lieu, d'une part, l'activation à distance d'un appareil électronique mobile ne peut, à peine de nullité, concerner les appareils électroniques utilisés par un membre du Parlement, un magistrat, un avocat, un journaliste ou un médecin. Il est en outre prévu, à peine de nullité, que ne peuvent être transcrites les données relatives aux échanges avec un avocat qui relèvent de l'exercice des droits de la défense et qui sont couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, hors les cas prévus à l'article 56-1-2 du code de procédure pénale. Il en va de même des données relatives aux échanges avec un journaliste permettant d'identifier une source ou des données collectées à partir d'un appareil qui se trouvait dans l'un des lieux protégés au titre des articles 56-1, 56-2, 56-3 et 56-5 du même code.

336. D'autre part, le juge compétent doit ordonner la destruction dans les meilleurs délais des données qui ne peuvent être transcrites, ainsi que des procès-verbaux et des données collectées, lorsque les opérations ont été réalisées dans des conditions irrégulières.

337. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 330, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée. Elles ne méconnaissent pas non plus les droits de la défense. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.

338. Par conséquent, sous cette même réserve, les articles 706-99 et 706-100 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 40 :

339. Le 3° de l'article 40 insère trois nouveaux articles 706-104, 706-104-1 et 706-104-2 au sein du code de procédure pénale afin de déterminer les conditions dans lesquelles certaines informations relatives à la mise en œuvre de techniques spéciales d'enquête n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure.

340. Les députés auteurs des deuxième et troisième saisines font valoir que ces dispositions porteraient au droit à un procès équitable et aux droits de la défense une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Au soutien de ces griefs, ils font valoir que plusieurs procédures d'anonymisation des enquêteurs existent déjà, que les données techniques intégrées dans le « dossier coffre » ne seraient pas, par elles-mêmes, de nature à mettre en danger ces agents et qu'elles pourraient revêtir une importance déterminante pour l'exercice des droits de la défense de la personne. En outre, ces dispositions ne seraient pas entourées de garanties procédurales suffisantes, dès lors que la mise en œuvre du « dossier coffre » ne peut être contestée que devant le président de chambre de l'instruction, statuant seul, et que la personne pourrait être condamnée sur le seul fondement d'éléments qui ont été recueillis dans des conditions soustraites au débat contradictoire.

341. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, ces dispositions institueraient en outre une différence de traitement injustifiée entre les justiciables mis en cause pour de mêmes infractions, selon qu'a été mise en œuvre une technique spéciale d'enquête ayant fait l'objet du « dossier coffre » ou une autre technique. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice.

- En ce qui concerne les articles 706-104 et 706-104-1 du code de procédure pénale :

342. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

343. L'article 706-104 du code de procédure pénale permet au juge des libertés et de la détention, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction portant sur certaines infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, d'autoriser que certaines informations relatives à la mise en place d'un dispositif technique d'enquête et aux personnes qui y ont concouru n'apparaissent pas dans le dossier de la procédure. Dans ce cas, ces informations sont inscrites dans un procès-verbal versé dans un dossier distinct auquel les parties n'ont pas accès et dans lequel figure également la requête aux fins de mise en œuvre de ces dispositions.

344. L'article 706-104-1 du même code précise les conditions dans lesquelles le versement d'informations dans ce dossier distinct peut être contesté et celles dans lesquelles peuvent être utilisés les éléments de preuve recueillis au moyen d'une technique spéciale d'enquête donnant lieu à un tel versement.

345. En premier lieu, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir les risques de représailles à l'encontre des personnes ayant concouru à la mise en place d'un dispositif technique d'enquête dans le cadre d'investigations portant sur des faits relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

346. En deuxième lieu, la possibilité de verser des informations dans un dossier distinct n'est ouverte que dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction portant sur l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale et ne peut concerner que des informations relatives à la mise en œuvre de l'une des techniques spéciales d'enquête suivantes : l'accès à distance aux correspondances stockées par la voie des communications électroniques accessibles au moyen d'un identifiant informatique ; le recueil des données techniques de connexion et des interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ; les sonorisations et fixations d'images de certains lieux ou véhicules ; la captation de données informatiques.

347. En troisième lieu, d'une part, une telle possibilité n'est ouverte que lorsque la divulgation de ces informations serait de nature à mettre gravement en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne, des membres de sa famille ou de ses proches. Ce versement doit être autorisé par décision motivée du juge des libertés et de la détention saisi d'une requête motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction précisant les raisons impérieuses qui justifient que de telles informations ne soient pas versées au dossier de la procédure et comportant toute indication permettant d'apprécier le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

348. D'autre part, seules peuvent être versées au dossier distinct les informations relatives à la date, à l'heure et au lieu de mise en place de ces dispositifs techniques d'enquête et celles permettant d'identifier une personne ayant concouru à l'installation ou au retrait d'un tel dispositif, ainsi que la requête du procureur de la République ou du juge d'instruction.

349. En quatrième lieu, figurent au dossier de la procédure la décision écrite du magistrat ayant autorisé la technique spéciale d'enquête ainsi que celle ayant autorisé, le cas échéant, l'introduction dans un lieu privé aux fins de mise en place du dispositif concerné. Il en va de même de la décision du juge des libertés et de la détention autorisant le versement des informations en cause au dossier distinct ainsi que des éléments de preuve recueillis au moyen de la technique mise en œuvre.

350. En cinquième lieu, au cours de l'enquête ou de l'instruction, le dossier distinct est accessible au procureur de la République ou au juge d'instruction et au juge des libertés et de la détention, à tout moment, ainsi qu'au président de la chambre de l'instruction ou à cette chambre, en cas de saisine.

351. En sixième lieu, d'une part, le mis en cause, le mis en examen ou le témoin assisté peut contester devant le président de la chambre de l'instruction le versement d'informations au dossier distinct dans un délai de dix jours à compter de la date à laquelle il lui a été donné connaissance de la technique spéciale d'enquête. Toutefois, eu égard à la complexité des investigations en matière de criminalité et de délinquance organisées, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître les droits de la défense, être interprétées comme permettant que ce délai commence à courir avant que la décision du juge des libertés et de la détention rendue en application de l'article 706-104 du code de procédure pénale ne soit formellement portée à la connaissance de la personne.

352. D'autre part, dans le cas où soit le président de la chambre de l'instruction soit la chambre de l'instruction, devant laquelle peut être renvoyée la contestation si la complexité du dossier le justifie, estime que les conditions prévues par l'article 706-104 ne sont pas réunies, le procès-verbal distinct et la requête qui en est à l'origine sont versés au dossier de la procédure.

353. En outre, lorsque la chambre d'instruction est saisie, dans les conditions prévues par les articles 170 et suivants du code de procédure pénale, aux fins d'annulation d'actes relatifs aux techniques spéciales d'enquête, les dispositions contestées doivent, sauf à méconnaître les droits de la défense, être interprétées comme permettant également à cette juridiction d'exercer son contrôle sur les conditions de mise en œuvre de l'article 706-104 et de décider d'un tel versement au dossier de la procédure.

354. En dernier lieu, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement des éléments de preuve recueillis au moyen d'une technique d'enquête dont certaines informations ont été inscrites sur le procès-verbal distinct. Il ne peut en être autrement que si ce procès-verbal et la requête qui en est à l'origine ont été versés au dossier de la procédure.

355. Il résulte de tout ce qui précède que, sous les réserves énoncées aux paragraphes 351 et 353, les dispositions contestées ne méconnaissent ni le droit à un procès équitable ni les droits de la défense.

356. Par conséquent, sous ces mêmes réserves, les articles 706-104 et 706-104-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité devant la justice, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- En ce qui concerne l'article 706-104-2 du code de procédure pénale :

357. Le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense impliquent en particulier qu'une personne mise en cause devant une juridiction répressive ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause.

358. L'article 706-104-2 du code de procédure pénale prévoit que le juge des libertés et de la détention peut autoriser, sous certaines conditions, que des éléments de preuve recueillis dans les conditions prévues à l'article 706-104 puissent fonder une condamnation sans que le procès-verbal distinct et la requête qui en est à l'origine aient été versés au dossier de la procédure.

359. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la juridiction de jugement de se fonder sur de tels éléments lorsqu'ils sont nécessaires à la manifestation de la vérité et que la divulgation des informations relatives à la mise en œuvre de la technique d'enquête utilisée exposerait les personnes ayant concouru à sa mise en place à des risques de représailles. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions.

360. En second lieu, le législateur a prévu que le juge des libertés et de la détention pourrait autoriser l'utilisation de ces éléments de preuve à titre exceptionnel, lorsque leur connaissance est absolument nécessaire à la manifestation de la vérité en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction et que la divulgation des informations versées au dossier distinct présenterait un risque excessivement grave pour la vie ou l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes.

361. Toutefois, les dispositions contestées permettent qu'une condamnation pénale puisse être prononcée sur le fondement d'éléments de preuve dont la personne mise en cause n'a pas été mise à même de contester les conditions de recueil.

362. De telles dispositions, qui se bornent à prévoir que ces éléments ne peuvent être utilisés lorsque la connaissance des informations versées au dossier distinct est « indispensable à l'exercice des droits de la défense », ne satisfont pas aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 dès lors qu'elles n'excluent pas toute possibilité d'une condamnation fondée sur des éléments qui n'ont pas été pleinement soumis au contradictoire.

363. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, les trois derniers alinéas du 3° de l'article 40 sont contraires à la Constitution.

- Sur l'article 41 :

364. L'article 41 complète l'article 706-95-20 du code de procédure pénale afin de permettre, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction relative à certaines infractions, l'introduction dans un lieu privé pour y mettre en place un dispositif permettant le recueil des données techniques de connexion et l'interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques.

365. Les députés auteurs de la deuxième saisine font valoir qu'en permettant l'introduction dans un domicile, y compris la nuit, pour la mise en place d'un tel dispositif, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile.

366. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile garantis par l'article 2 de la Déclaration de 1789. S'il peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en œuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité.

367. En application de l'article 706-95-20 du code de procédure pénale, il peut être recouru, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction relatives à une infraction relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, à la mise en place et à l'utilisation d'un appareil ou d'un dispositif technique mentionné au 1° de l'article 226-3 du code pénal afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur, ainsi que les données relatives à la localisation de cet équipement. Cet appareil ou ce dispositif peut également être mis en place ou utilisé afin d'intercepter des correspondances émises ou reçues par un tel équipement.

368. Les dispositions contestées autorisent l'introduction dans un lieu privé, y compris de nuit, pour mettre en place ou désinstaller un tel dispositif à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci, afin de mettre en œuvre ces techniques d'investigation.

369. En premier lieu, ces dispositions ont pour objet de faciliter la mise en œuvre des appareils ou dispositifs permettant, selon les cas, le recueil des données techniques de connexion ou l'interception de correspondances émises par la voie des communications électroniques.

370. En deuxième lieu, l'introduction dans un lieu privé ne peut être autorisée que lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale l'exigent.

371. En troisième lieu, d'une part, ces opérations ne peuvent être autorisées que par le juge des libertés et de la détention, pendant l'enquête, ou par le juge d'instruction, pendant l'information judiciaire. Dans ce dernier cas, lorsqu'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale, l'autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d'instruction. La décision d'autorisation doit comporter tous les éléments permettant d'identifier les lieux privés ou publics visés, l'infraction qui motive le recours à la technique spéciale d'enquête, ainsi que la durée de celle-ci. D'autre part, ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous le contrôle du juge compétent.

372. En dernier lieu, la mise en place du dispositif technique ne peut pas concerner le cabinet d'un avocat ou son domicile, les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, le domicile d'un journaliste, le cabinet d'un médecin, d'un notaire ou d'un commissaire de justice, les locaux d'une juridiction ou le domicile d'une personne exerçant des fonctions juridictionnelles, non plus que le bureau ou le domicile d'un député ou d'un sénateur.

373. Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile.

374. Par conséquent, le paragraphe III de l'article 706-95-20 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 46 :

375. Le 3° du paragraphe II de l'article 46 insère un nouvel article 706-87-1 au sein du code de procédure pénale afin d'organiser le recours à des opérations d'infiltration civile par des informateurs.

376. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de reconnaître des pouvoirs généraux d'enquête à des personnes non assermentées qui ne seraient pas directement placées sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance des exigences de l'article 66 de la Constitution.

- En ce qui concerne le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale :

377. L'exigence résultant de l'article 66 de la Constitution, selon laquelle la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire, ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui ne sont pas mis à la disposition d'officiers de police judiciaire.

378. Les dispositions contestées prévoient que, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale le justifient, le procureur de la République anti-criminalité organisée peut, dans certaines conditions, autoriser l'infiltration civile d'un informateur. La conduite de cette infiltration se fait sur le fondement d'une convention conclue entre ce magistrat et l'informateur qui indique notamment la liste des délits auxquels il est autorisé à participer.

379. Il résulte de l'article 15-6 du code de procédure pénale créé par l'article 46 de la loi déférée, auquel renvoient les dispositions contestées, que l'informateur ne peut être qu'une personne étrangère au service dont la mission est uniquement de fournir des renseignements permettant d'orienter les investigations. Il ne peut constater des infractions pénales ni participer à des actes d'enquête ou d'instruction.

380. Au demeurant, cette infiltration est effectuée sous le contrôle du procureur de la République anti-criminalité organisée et sous la supervision d'un officier de police judiciaire spécialement habilité.

381. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 66 de la Constitution ne peut qu'être écarté.

382. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne le 1° du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale :

383. Le législateur tient des dispositions de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale, de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire, ainsi que de fixer dans les mêmes conditions le champ d'application des immunités qu'il instaure.

384. Selon le 1° du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, l'informateur infiltré est autorisé à participer, sans être pénalement responsable de ses actes, à certains délits à la seule fin de se faire passer pour le coauteur, le complice ou le receleur de personnes suspectées de commettre un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du même code.

385. D'une part, la convention conclue entre le procureur de la République anti-criminalité organisée et l'informateur doit indiquer la liste des délits auxquels l'informateur infiltré est autorisé à participer. Il lui appartient dans ce cadre de déterminer avec précision ces délits, qui doivent être circonscrits à des actes strictement nécessaires à la conduite des investigations.

386. D'autre part, à peine de nullité, l'informateur infiltré ne peut être autorisé à participer à des crimes, à des délits de violences volontaires contre les personnes ou à des infractions plus graves que celles dont la recherche a justifié l'autorisation de l'opération. Il ne peut pas non plus prendre part à des actes constituant une incitation à la commission d'une infraction.

387. Toutefois, sauf à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, ces dispositions ne sauraient permettre à l'informateur infiltré de participer, dans ce cadre, à des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et à des agressions sexuelles au sens des sections 1, 1 bis et 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, non plus qu'à prendre part à des délits qui n'entrent pas dans le champ d'application du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale.

388. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 387, le législateur n'a pas méconnu le principe de légalité des délits et des peines.

389. Par conséquent, sous cette même réserve, le 1° du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 50 :

390. L'article 50 modifie l'article 230-22 du code de procédure pénale afin d'allonger la durée de conservation des données exploitées par les logiciels de rapprochement judiciaire dans le cadre d'investigations portant sur des infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

391. Les députés auteurs de la première saisine font valoir que, compte tenu de la diversité des infractions concernées et de l'absence de durée maximale de conservation de ces données, ces dispositions porteraient une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

392. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.

393. Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée.

394. En application de l'article 230-20 du code de procédure pénale, les services de la police et de la gendarmerie nationales chargés d'une mission de police judiciaire ainsi que le service, placé sous l'autorité du ministre chargé du budget, qui est chargé d'effectuer des enquêtes judiciaires peuvent mettre en œuvre, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, des logiciels destinés à faciliter l'exploitation et le rapprochement d'informations sur les modes opératoires réunies par ces services au cours des enquêtes de police ou des investigations exécutées sur commission rogatoire. Il résulte de l'article 230-22 du même code que les données à caractère personnel éventuellement révélées par l'exploitation des enquêtes et investigations sont effacées à la clôture de l'enquête ou de l'instruction et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de trois ans.

395. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation, si les enquêtes et investigations portant sur une ou plusieurs infractions mentionnées aux articles 706-73 à 706-74 du code de procédure pénale se poursuivent après l'expiration de ce délai, ces données peuvent être conservées jusqu'à la clôture de l'enquête ou de l'instruction.

396. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

397. En second lieu, d'une part, seules les données recueillies à l'occasion d'investigations portant sur des crimes et délits relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, limitativement énumérés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale ou prévus par la loi en application de l'article 706-74, peuvent faire l'objet d'une prolongation de leur durée de conservation.

398. D'autre part, cette prolongation ne peut intervenir que pour les besoins des investigations, sur décision du magistrat saisi de l'enquête ou chargé de l'instruction. Elle est valable pour une durée qui ne peut excéder deux ans, renouvelable sur décision de ce magistrat jusqu'à la clôture de l'enquête ou de l'instruction.

399. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.

400. Par conséquent, le deuxième alinéa de l'article 230-22 du code de procédure pénale ainsi que les mots « de l'article 230-20 » figurant à son dernier alinéa, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 51 :

401. L'article 51 insère notamment trois nouveaux articles 64-1 à 64-3 au sein du code des douanes afin de permettre à des agents des douanes d'effectuer des opérations de visite et de saisie de nuit, pour les nécessités de certaines enquêtes.

402. Les députés auteurs de la deuxième saisine considèrent que, faute pour le législateur d'avoir prévu des garanties suffisantes et, en particulier, d'avoir exclu les parties privatives des locaux à usage professionnel du champ de ces opérations, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ainsi qu'au principe de l'inviolabilité du domicile.

403. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile.

404. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le droit au respect de la vie privée et de l'inviolabilité du domicile. Si, eu égard aux exigences de l'ordre public et de la poursuite des auteurs d'infractions, le législateur peut prévoir la possibilité d'opérer des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit dans le cas où un crime ou un délit relevant de la criminalité et de la délinquance organisées vient de se commettre, c'est à la condition que l'autorisation de procéder à ces opérations émane de l'autorité judiciaire et que le déroulement des mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées.

405. L'article 64 du code des douanes détermine les conditions dans lesquelles des agents des douanes peuvent être autorisés à procéder à des visites en tous lieux, même privés, pour la recherche et la constatation de certains délits douaniers. Ces opérations ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures.

406. Les dispositions contestées permettent à ces agents de procéder, en dehors de ces heures, à des opérations de visite et de saisie pour la recherche de certaines infractions.

407. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer les moyens de contrôle des agents des douanes en matière de lutte contre certaines infractions liées au trafic de stupéfiants. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

408. En deuxième lieu, les opérations de visite et de saisie ne peuvent être autorisées que si l'exigent les nécessités de l'enquête douanière portant sur un délit flagrant, commis en bande organisée, de contrebande, d'importation ou d'exportation de produits stupéfiants. A cet égard, la notion de « nécessités de l'enquête » s'entend comme ne permettant d'autoriser une opération de visite ou de saisie de nuit que si celle-ci ne peut pas être réalisée dans les circonstances de temps définies par l'article 64 du code des douanes. En outre, une fois l'autorisation accordée, ces opérations doivent être réalisées sans délai.

409. En troisième lieu, d'une part, il résulte des termes mêmes des dispositions contestées que ces opérations ne peuvent, à peine de nullité, se tenir dans des locaux d'habitation, lesquels incluent, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les parties affectées à l'habitation de locaux à usage professionnel. D'autre part, seuls des agents des douanes habilités à cet effet peuvent être autorisés à effectuer de telles opérations.

410. En quatrième lieu, d'une part, ces opérations ne peuvent être réalisées que sur autorisation du juge des libertés et de la détention. Sa décision doit préciser la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée et l'adresse des lieux concernés. Les opérations ne peuvent avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. Ces formalités sont prévues à peine de nullité. D'autre part, de telles opérations se déroulent sous le contrôle du magistrat les ayant autorisées, qui est tenu informé du déroulement de ces opérations et peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

411. Par ailleurs, si les dispositions contestées prévoient que la révélation d'infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes, la circonstance que le déroulement de ces opérations conduise les agents des douanes à relever des infractions qui n'auraient pas été autorisées préalablement par ce juge ne saurait, eu égard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions, priver ces autorités des pouvoirs qu'elles tiennent de façon générale des dispositions du code des douanes.

412. En dernier lieu, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les opérations de visite et de saisie peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. Ce dernier connaît également des recours contre le déroulement de ces opérations.

413. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées.

414. Par conséquent, les articles 64-1 à 64-3 du code des douanes, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur l'article 52 :

415. L'article 52 insère un nouvel article 344-5 au sein du code des douanes afin de prévoir que les agents des douanes peuvent recevoir du juge d'instruction des commissions rogatoires aux fins de rechercher et constater les infractions prévues par ce même code.

416. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions confieraient la réalisation d'enquêtes judiciaires à des agents qui ne seraient pas spécialement habilités à cette fin et ne dépendraient pas directement de l'autorité judiciaire, alors qu'ils se verraient octroyer des pouvoirs d'investigation particulièrement attentatoires à la vie privée. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs et du « principe de sûreté ».

417. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Il en résulte que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.

418. En application de l'article 151 du code de procédure pénale, le juge d'instruction peut requérir par commission rogatoire certains magistrats et officiers de police judiciaire pour procéder aux actes d'information qu'il estime nécessaire.

419. Selon l'article 28 du même code, lorsque la loi le prévoit, les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire peuvent être requis par commission rogatoire du juge d'instruction. Ils exercent, dans les limites de la commission rogatoire, les pouvoirs qui leur sont conférés par ces lois spéciales.

420. Dans ce cadre, les dispositions contestées permettent au juge d'instruction d'adresser à des agents des douanes une commission rogatoire aux fins de recherche et de constatation d'infractions prévues par le code des douanes en mettant en œuvre certains pouvoirs d'enquête.

421. En premier lieu, conformément aux dispositions de l'article 151 du code de procédure pénale, la commission rogatoire en vertu de laquelle sont requis les agents des douanes doit indiquer la nature de l'infraction, objet des poursuites, et ne peut prescrire que des actes d'instruction se rattachant directement à la répression de celle-ci. Conformément à l'article 152 du même code, ces actes sont mis en œuvre sous la direction et le contrôle du juge d'instruction. Le juge d'instruction doit également fixer le délai dans lequel la commission rogatoire doit lui être retournée avec les procès-verbaux dressés pour son exécution par l'officier de police judiciaire. A défaut d'une telle fixation, la commission rogatoire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours de la fin des opérations exécutées en vertu de celle-ci.

422. En second lieu, d'une part, il résulte des termes même des dispositions contestées que, pour pouvoir exécuter ces commissions rogatoires, les agents des douanes doivent être spécialement habilités par le ministre de la justice.

423. D'autre part, dans les limites de la commission rogatoire, ils ne peuvent faire usage que du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes, des droits de communication et de contrôle des envois postaux et du droit de prélèvement d'échantillons, ainsi que du pouvoir de consultation des traitements automatisés de données aux fins de contrôle douanier, à l'exclusion en particulier des droits d'accès aux locaux et lieux à usage professionnel et de visites domiciliaires ainsi que des pouvoirs de retenue provisoire de personnes et des pouvoirs spéciaux d'enquête douanière.

424. Dès lors, compte tenu des prérogatives ainsi confiées à ces agents et de leurs modalités d'exercice, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire résultant de l'article 66 de la Constitution.

425. Par conséquent, l'article 344-5 du code des douanes, qui ne méconnaît pas non plus le principe de la séparation des pouvoirs, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 54 :

426. Le 10° du paragraphe II de l'article 54 complète l'article L. 5332-15 du code des transports afin notamment de préciser les missions de certains agents de sécurité des personnes morales exerçant leur activité dans les zones portuaires. En application du a du 2° du paragraphe II du même article L. 5332-15, ces agents peuvent notamment procéder, dans certaines conditions, à l'inspection visuelle des bagages et des véhicules.

427. Les députés auteurs de la première saisine soutiennent qu'en attribuant une telle compétence à des agents non formés et non agréés, à la différence des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes, ces dispositions leur confieraient un rôle qui ne peut, selon eux, relever que d'agents de l'Etat. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant de l'article 12 de la Déclaration de 1789.

428. Selon l'article 12 de la Déclaration de 1789 : « La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Il en résulte l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.

429. Cette exigence ne fait cependant pas obstacle à ce que des prérogatives de portée limitée puissent être exercées par des personnes privées, dans des lieux déterminés relevant de leur compétence, lorsqu'elles sont strictement nécessaires à l'accomplissement des missions de surveillance ou de sécurité qui leur sont légalement confiées. Elle ne fait pas non plus obstacle à ce que ces personnes puissent être associées à la mise en œuvre de telles prérogatives dans l'espace public, à la condition qu'elles soient alors placées sous le contrôle effectif des agents de la force publique.

430. En application des dispositions contestées de l'article L. 5332-15 du code des transports, certains agents des personnes morales mentionnées à l'article L. 5332-4 du même code exerçant leur activité au sein des ports maritimes sont autorisés à procéder sur tout véhicule, toute unité de transport intermodal, toute marchandise, tout bagage, tout colis et tout autre bien soumis à une inspection-filtrage, avec le consentement de son propriétaire ou de la personne qui en a la responsabilité, aux opérations techniques mentionnées au 2° du paragraphe II de l'article L. 5332-11.

431. D'une part, il résulte de l'article L. 5332-11 du code des transports que les opérations techniques réalisées lors d'une inspection-filtrage ne s'exercent pas sur la voie publique mais peuvent uniquement intervenir dans les limites portuaires de sûreté et sur les seuls biens ou véhicules qui y pénètrent ou s'y trouvent.

432. D'autre part, les dispositions contestées autorisent uniquement ces agents à procéder, pour l'exercice des missions limitées de sécurité que la loi leur confie, à l'inspection visuelle des bagages et des véhicules, à l'exclusion des fouilles et palpations.

433. Au demeurant, ces agents, qui doivent être désignés pour cette tâche par la personne morale dont ils relèvent, sont soumis à un agrément délivré par l'autorité administrative en application du paragraphe I de l'article L. 5332-17 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 54 de la loi déférée.

434. Il résulte de ce qui précède qu'en conférant à ces agents des prérogatives de portée limitée pour prévenir des atteintes à la sécurité des personnes ou des biens dans les lieux relevant de leur compétence, le législateur n'a pas méconnu l'article 12 de la Déclaration de 1789.

435. Par conséquent, la référence « au 2° du II de l'article L. 5332-11 » figurant au a du 2° du paragraphe II de l'article L. 5332-15 du code des transports, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 55 :

- En ce qui concerne le 2° du paragraphe I de l'article 55 :

436. Le paragraphe I de l'article 55 modifie notamment l'article 706-73 du code de procédure pénale afin d'ajouter certains crimes et délits de corruption et de trafic d'influence à la liste des infractions relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

437. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions d'étendre cette procédure à de telles infractions, quand bien même elles seraient commises en dehors de tout lien avec d'autres infractions relevant de son champ d'application. Elles méconnaîtraient ainsi les droits de la défense ainsi que la liberté individuelle.

438. Il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis. Parmi ces droits et libertés figurent notamment les droits de la défense, protégés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté individuelle, que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire.

439. Si le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, c'est sous réserve, d'une part, que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées et, d'autre part, que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire à qui il incombe en particulier de garantir que leur mise en œuvre soit nécessaire à la manifestation de la vérité.

440. Les dispositions contestées inscrivent dans la liste des infractions visées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, d'une part, les crimes et délits de corruption d'agent public et de trafic d'influence prévus aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsqu'ils sont en relation avec l'une des autres infractions mentionnées à l'article 706-73. D'autre part, elles inscrivent dans cette même liste les délits de corruption prévus aux articles 445-1 à 445-2-2 du code pénal, lorsqu'ils sont commis en bande organisée et qu'ils sont en relation avec l'une des autres infractions mentionnées à l'article 706-73.

441. Elles ont ainsi pour effet de permettre le recours aux techniques spéciales d'enquête ainsi que la mise en œuvre de mesures de garde à vue, dans les conditions dérogatoires au droit commun prévues par l'article 706-88 du code de procédure pénale, au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces infractions.

442. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu tenir compte de la difficulté d'appréhender les auteurs des infractions qu'elles visent. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions.

443. Toutefois, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 4 décembre 2013 mentionnée ci-dessus, les infractions de corruption et de trafic d'influence, si elles constituent pour certaines des atteintes graves à l'autorité de l'Etat, ne sont pas susceptibles de porter atteinte en elles-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, même lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

444. Dès lors, en permettant de recourir à la garde à vue pour une durée maximale de quatre-vingt-seize heures au cours des enquêtes ou des instructions portant sur ces infractions, au seul motif qu'elles sont en relation avec l'une quelconque des autres infractions mentionnées à l'article 706-73 du code de procédure pénale, le législateur a permis qu'il soit porté à la liberté individuelle et aux droits de la défense une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi.

445. Dès lors, le 2° du paragraphe I de l'article 55 est contraire à la Constitution. Il en va de même des mots « à l'exception de ceux mentionnés au 16° bis de l'article 706-73 du présent code » figurant au deuxième alinéa du 3° du paragraphe I de l'article 55, ainsi que des mots « , à l'exception de ceux mentionnés au 16° ter de l'article 706-73 du présent code » figurant au dernier alinéa de ce même 3°, qui en sont inséparables.

- En ce qui concerne l'article 445-2-2 du code pénal :

446. Le paragraphe II de l'article 55 insère un nouvel article 445-2-2 au sein du code pénal afin d'aggraver les peines encourues pour les infractions de corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique, lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

447. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en doublant les peines encourues pour ces infractions, ces dispositions méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

448. L'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires... ». L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.

449. En application des articles 445-1 à 445-2-1 du code pénal, les délits de corruption passive et active de personnes n'exerçant pas une fonction publique sont punis de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de cinq cent mille euros.

450. Selon les dispositions contestées, lorsque ces infractions sont commises en bande organisée, les peines encourues sont portées à dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.

451. Au regard de la nature des comportements réprimés, le législateur n'a pas institué des peines manifestement disproportionnées. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté.

452. Par conséquent, l'article 445-2-2 du code pénal, qui ne méconnaît pas non plus le principe de nécessité des peines ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 56 :

- En ce qui concerne l'article 145-1-1 du code de procédure pénale :

453. Le 1° du paragraphe I de l'article 56 insère un nouvel article 145-1-1 au sein du code de procédure pénale afin d'allonger la durée du placement en détention provisoire et de ses prolongations possibles pour certains délits.

454. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de soumettre les personnes placées en détention provisoire pour ces délits à un régime plus strict, sans lien avec la complexité ou la gravité de telles infractions, et de supprimer la possibilité pour le juge d'instruction de solliciter un rapport du service pénitentiaire d'insertion et de probation sur la situation de la personne détenue en amont d'une éventuelle prolongation de cette mesure. Ce faisant, elles instaureraient une différence de traitement injustifiée entre les personnes placées en détention provisoire selon la nature des faits qui leur sont reprochés. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

455. Ils font également valoir qu'en allongeant les périodes de placement et de prolongation de la détention provisoire, ces dispositions méconnaîtraient le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

456. S'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

457. En application de l'article 145-1 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut excéder quatre mois si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans et qu'elle n'a pas déjà été condamnée pour un crime ou un délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an. Dans les autres cas, la détention provisoire peut être prolongée, à titre exceptionnel, par périodes de quatre mois dans la limite d'un an. Cette limite peut être portée à deux ans, voire à deux ans et quatre mois pour certains faits.

458. Les dispositions contestées prévoient que, par dérogation, pour l'instruction des délits commis en bande organisée punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement et des délits prévus aux articles 222-37, 225-5, 312-1 et 450-1 du code pénal, la durée initiale de la détention provisoire ne peut excéder six mois. A titre exceptionnel, la détention provisoire peut être prolongée par le juge des libertés et de la détention pour une durée maximale de six mois, renouvelable dans la limite d'une durée totale de deux ans.

459. En premier lieu, eu égard à la gravité des faits qui leur sont reprochés, les personnes placées en détention provisoire pour l'une des infractions prévues par les dispositions contestées sont dans une situation différente de celle des personnes placées en détention provisoire pour d'autres délits.

460. En second lieu, d'une part, la durée totale de la détention provisoire dont peuvent faire l'objet les personnes mises en examen pour ces infractions ne peut excéder celle prévue pour les personnes placées en détention provisoire pour d'autres délits.

461. D'autre part, sont assurées aux personnes détenues, quelle que soit la nature des faits, des garanties équivalentes. En particulier, conformément à l'article 144-1 du code de procédure pénale, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que par une ordonnance motivée dans les conditions prévues à l'article 137-3 du même code et rendue après un débat contradictoire, énonçant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, par référence à l'une des causes limitativement énumérées aux 1° à 6° de l'article 144. Elle ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.

462. En outre, contrairement à ce que soutiennent les députés auteurs de la deuxième saisine, il résulte du dernier alinéa de l'article 145-1 du code de procédure pénale, auquel renvoient les dispositions contestées, que le juge d'instruction peut solliciter à tout moment de la procédure du service pénitentiaire d'insertion et de probation un rapport sur la situation familiale, matérielle ou sociale de la personne détenue permettant d'apprécier ses garanties de représentation et les possibilités d'une alternative à la détention provisoire.

463. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la procédure pénale doit être écarté.

464. Par ailleurs, conformément à l'article 803-8 du code de procédure pénale, la personne placée en détention provisoire qui considère que ses conditions de détention ne respectent pas la dignité de la personne humaine peut toujours saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il soit mis fin à ces conditions de détention indignes, sans préjudice de sa possibilité de saisir le juge administratif en application des articles L. 521-1, L. 521-2 ou L. 521-3 du code de justice administrative. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ne peut qu'être écarté.

465. Par conséquent, l'article 145-1-1 du code de procédure pénale, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne certaines dispositions de l'article 148-6 du code de procédure pénale :

466. Le 6° du paragraphe I de l'article 56 modifie l'article 148-6 du code de procédure pénale afin de supprimer la possibilité pour la personne placée en détention provisoire qui ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente de former une demande de mise en liberté au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

467. Selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en supprimant cette modalité de saisine de la juridiction compétente, sans justification, ces dispositions méconnaîtraient le droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que les exigences découlant de l'article 9 de la Déclaration de 1789 et de l'article 66 de la Constitution. Ils reprochent également à ces dispositions d'instaurer une différence de traitement injustifiée entre les personnes placées en détention provisoire, qui seraient désormais privées de la possibilité de former une demande de mise en liberté par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et les personnes faisant l'objet d'une autre mesure de sûreté, qui disposent de cette possibilité. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

468. En premier lieu, l'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit le droit à un recours juridictionnel effectif.

469. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu sécuriser les modalités selon lesquelles les juridictions d'instruction sont saisies de demandes de mise en liberté. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

470. D'autre part, ces dispositions, qui se bornent à supprimer une modalité de saisine, ne privent pas la personne détenue de la possibilité de former une demande de mise en liberté par tout autre moyen, notamment par une déclaration faite auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

471. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

472. En second lieu, il résulte de la combinaison des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales.

473. D'une part, les personnes mises en examen et placées en détention provisoire ne sont pas dans une situation identique à celle des personnes mises en examen qui font l'objet d'un contrôle judiciaire ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique.

474. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au paragraphe 470, sont assurées aux personnes mises en examen, quelle que soit la mesure de sûreté dont elles font l'objet, des garanties équivalentes.

475. Le grief tiré de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et la justice doit donc être écarté.

476. Par conséquent, les mots « demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire » figurant au dernier alinéa de l'article 148-6 du code de procédure pénale, qui ne méconnaissent pas non plus les exigences découlant de l'article 9 de la Déclaration de 1789 et de l'article 66 de la Constitution, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- En ce qui concerne le 10° du paragraphe I de l'article 56 :

477. Le 10° du paragraphe I de l'article 56 insère un nouvel article 706-71-2 au sein du code de procédure pénale afin de prévoir que, lorsqu'une personne détenue est affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, sa comparution devant une juridiction d'instruction, ainsi que les audiences relatives à son placement en détention provisoire, à la prolongation de cette mesure et au contentieux de la détention provisoire s'effectuent par un moyen de télécommunication audiovisuelle.

478. Les députés auteurs de la deuxième saisine, rejoints par les députés auteurs de la troisième saisine, reprochent à ces dispositions de rendre par principe obligatoire le recours à la visioconférence, au seul motif qu'une personne détenue est affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, quelle que soit la nature de l'audience, sans garantir sa comparution physique régulière devant le juge ni laisser à ce dernier la faculté d'apprécier la nécessité de recourir à ce moyen de communication. Il en résulterait une méconnaissance des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif.

479. L'article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense.

480. La présentation physique d'une personne mise en cause devant la juridiction pénale est une garantie légale de cette exigence constitutionnelle.

481. L'article 706-71 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 56 de la loi déférée, permet, dans certaines hypothèses et sous certaines conditions, de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle au cours de la procédure pénale. Tel est notamment le cas pour l'audition ou l'interrogatoire par un juge d'instruction d'une personne détenue, pour le débat contradictoire préalable à la prolongation de sa détention provisoire et pour les audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l'instruction, l'intéressé pouvant cependant s'y opposer, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion ou de sa particulière dangerosité.

482. Par dérogation à cet article, les dispositions contestées prévoient que la comparution devant une juridiction d'instruction d'une personne détenue affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, au sens de l'article L. 224-5 du code pénitentiaire créé par l'article 61 de la loi déférée, s'effectue par recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle, quelle que soit la cause de sa comparution. Il en est de même lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou sur la prolongation de cette mesure, sur l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté ou sur la saisine directe de la chambre de l'instruction en application du dernier alinéa de l'article 148 ou de l'article 148-4 du code de procédure pénale.

483. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire. Ces dispositions visent en outre à prévenir les risques d'évasion et d'atteinte aux personnes qui pourraient en résulter. Ce faisant, le législateur a également poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

484. Toutefois, d'une part, les dispositions contestées imposent au justiciable le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle toutes les fois où il doit comparaître devant une juridiction d'instruction ainsi que pour les audiences au cours desquelles il doit être statué sur son placement en détention provisoire ou sur la prolongation de cette mesure, ou sur le contentieux de la détention provisoire. D'autre part, elles se bornent à prévoir la possibilité pour la juridiction d'ordonner la comparution physique de la personne, à la seule demande du ministère public ou d'office.

485. Il en résulte que l'intéressé pourrait se voir privé, pendant toute la durée de sa détention provisoire, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge chargé de l'information ou appelé à statuer sur sa détention.

486. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense.

487. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le 10° du paragraphe I de l'article 56 est contraire à la Constitution.

- En ce qui concerne le 11° du paragraphe I de l'article 56 :

488. Le 11° du paragraphe I de l'article 56 complète l'article 706-79-2 du code de procédure pénale afin de prévoir que, lorsque la compétence de certaines juridictions pénales spécialisées s'exerce sur le ressort de juridictions situées en outre-mer, les audiences relatives à la détention provisoire et à l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté s'effectuent par un moyen de télécommunication audiovisuelle.

489. Les députés auteurs de la deuxième saisine formulent à l'encontre de ces dispositions les mêmes griefs que ceux soulevés à l'encontre du 10° du paragraphe I de l'article 56 tirés de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif.

490. En application de l'article 706-75 du code de procédure pénale, la compétence territoriale d'un tribunal judiciaire et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement d'infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.

491. Il résulte de l'article 706-79-2 du même code que, lorsque la compétence de l'une de ces juridictions spécialisées s'exerce sur le ressort de plusieurs cours d'appel ou tribunaux supérieurs d'appel situés en outre-mer, les interrogatoires de première comparution et les débats relatifs au placement en détention provisoire peuvent être réalisés par un moyen de communication audiovisuelle dans le cas où la personne se trouve dans le ressort d'une juridiction ultramarine autre que celle où siège la juridiction spécialisée.

492. Par dérogation, les dispositions contestées prévoient que la comparution devant la juridiction spécialisée a lieu par recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire ou sur l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté.

493. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu contribuer à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, en évitant les difficultés et les coûts occasionnés par l'extraction de la personne placée en détention provisoire.

494. Toutefois, d'une part, les dispositions contestées imposent au justiciable le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle pour les audiences au cours desquelles il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire ou sur l'appel portant sur une décision de refus de mise en liberté, sans exiger que soit caractérisée l'impossibilité de présenter physiquement la personne devant la juridiction spécialisée. D'autre part, elles se bornent à prévoir la possibilité pour la juridiction d'ordonner la comparution physique de la personne, à la seule demande du ministère public ou d'office.

495. Il en résulte que l'intéressé pourrait se voir privé, pendant toute la durée de sa détention provisoire, de la possibilité de comparaître physiquement devant le juge appelé à statuer sur sa détention.

496. Dès lors, eu égard à l'importance de la garantie qui s'attache à la présentation physique de l'intéressé devant la juridiction compétente, les dispositions contestées portent une atteinte excessive aux droits de la défense.

497. Par conséquent, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le 11° du paragraphe I de l'article 56 est contraire à la Constitution.

- Sur l'article 57 :

498. L'article 57 réécrit l'article 434-35-1 du code pénal afin de réprimer l'intrusion dans un établissement pénitentiaire ou dans le domaine qui lui est affecté.

499. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent qu'en subordonnant l'élément constitutif de ces infractions à l'absence de « motif légitime », le législateur n'aurait pas déterminé le champ d'application de la loi pénale en des termes suffisamment clairs et précis. Ces dispositions méconnaîtraient ainsi les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines et, pour les mêmes motifs, la liberté d'aller et de venir.

500. Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire.

501. Les dispositions contestées répriment le fait, sans motif légitime, soit de s'introduire ou de tenter de s'introduire dans le domaine matériellement délimité affecté à un établissement pénitentiaire, soit de pénétrer dans un tel établissement ou d'en escalader l'enceinte.

502. En écartant du champ de la répression de tels comportements d'intrusion lorsqu'ils obéissent à un motif légitime, le législateur a retenu une notion qui ne présente pas de caractère équivoque.

503. Dès lors, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines. Elles ne méconnaissent pas non plus la liberté d'aller et de venir.

504. Par conséquent, l'article 434-35-1 du code pénal, qui ne méconnaît pas non plus le principe de nécessité des délits et des peines, ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur l'article 60 :

505. L'article 60 insère six nouveaux articles L. 223-26 à L. 223-31 au sein du code pénitentiaire afin de permettre aux services de l'administration pénitentiaire de procéder à un enregistrement de leurs opérations de transfèrement et d'extraction au moyen de caméras embarquées dans leurs véhicules.

506. Les députés auteurs de la première saisine font valoir qu'en autorisant une dérogation à l'apposition d'une signalétique spécifique sur certains véhicules et faute d'encadrer suffisamment les modalités d'interruption de l'enregistrement visant à éviter la captation d'images de l'intérieur des domiciles, ces dispositions porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

- En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée :

507. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

508. Les dispositions contestées permettent aux agents des services de l'administration pénitentiaire de procéder, au moyen de caméras embarquées dans leurs véhicules de service, à un enregistrement de leurs opérations de transfèrement et d'extraction. Ces dispositions prévoient que les images ainsi captées et enregistrées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'opération.

509. En premier lieu, l'usage de caméras embarquées ne peut avoir pour seule finalité que d'assurer la sécurité des opérations de transfèrement et d'extraction de ces services. Ainsi, le législateur, qui a entendu prévenir la commission d'agression sur les agents impliqués dans de telles opérations et permettre l'envoi éventuel de renforts, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public.

510. En deuxième lieu, l'enregistrement, qui s'effectue au moyen de caméras fournies par le service, ne peut être déclenché que lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances, à la personnalité ou au comportement des personnes détenues concernées, et ne peut se prolonger au-delà de la durée de la mission. En subordonnant à de tels motifs le recours à ces caméras embarquées, le législateur en a exclu un usage généralisé et discrétionnaire et a encadré la durée des enregistrements.

511. En troisième lieu, d'une part, les dispositions contestées prévoient que seules peuvent être enregistrées des images de lieux publics et que les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu'elles ne visent pas à recueillir les images de l'intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Elles prévoient également que lorsque l'emploi de ces caméras conduit toutefois à visualiser de tels lieux, l'enregistrement est immédiatement interrompu et que, si cette interruption n'a pu avoir lieu, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d'un signalement à l'autorité judiciaire.

512. D'autre part, les caméras embarquées ne peuvent pas comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale et il ne peut être procédé à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d'autres traitements de données à caractère personnel. Toutefois, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le droit au respect de la vie privée, être interprétées comme autorisant les services compétents à procéder à l'analyse des images au moyen d'autres systèmes automatisés de reconnaissance faciale qui ne seraient pas installés sur les caméras.

513. En quatrième lieu, une information générale du public sur l'emploi des caméras embarquées est organisée par le ministre de la justice et une information par une signalétique spécifique est apposée sur le véhicule, indiquant que celui-ci est équipé d'une caméra. Si les dispositions contestées prévoient qu'une telle signalétique n'est pas apposée sur certains véhicules, elles n'ont réservé cette possibilité qu'aux véhicules banalisés affectés à des missions nécessitant l'absence d'identification du service pénitentiaire. En outre, un signal visuel ou sonore spécifique indique si un enregistrement est en cours, sauf lorsque les circonstances de l'opération l'interdisent.

514. En dernier lieu, si le législateur a autorisé la transmission en temps réel des images captées et enregistrées, il n'a prévu cette transmission qu'aux agents du poste de commandement et aux personnels impliqués dans la conduite et l'exécution de l'opération, dans le seul cas où la sécurité de ces personnels est menacée. En outre, la consultation des enregistrements est réservée au cas où elle est nécessaire à un signalement à l'autorité judiciaire ou, pour les personnels ayant participé à l'opération, à l'établissement fidèle des faits lors de comptes rendus d'opération.

515. Il résulte de tout ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe 512, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée.

- En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des droits de la défense et au droit à un procès équitable :

516. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Sont garantis par cette disposition les droits de la défense et le droit à un procès équitable.

517. En premier lieu, le législateur a limitativement fixé les conditions du déclenchement des caméras embarquées, qui ne peut dès lors résulter d'un choix purement discrétionnaire des agents.

518. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les personnes filmées en sont informées, sauf si les circonstances l'interdisent.

519. En dernier lieu, d'une part, les agents participant à l'opération ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements que pour faciliter l'établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d'opération et permettre un signalement à l'autorité judiciaire.

520. D'autre part, le législateur a expressément imposé que les caméras soient munies de dispositifs techniques garantissant l'intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre d'une opération de transfèrement et d'extraction. Toutefois, ces dispositions ne sauraient s'interpréter, sauf à méconnaître les droits de la défense et le droit à un procès équitable, que comme impliquant que soient garanties, jusqu'à leur effacement, l'intégrité des enregistrements réalisés ainsi que la traçabilité de toutes leurs consultations.

521. Dès lors, sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent ni les droits de la défense ni le droit à un procès équitable.

522. Par conséquent, les articles L. 223-26 à L. 223-31 du code pénitentiaire, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont, sous les réserves énoncées aux paragraphes 512 et 520, conformes à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 61 :

523. L'article 61 insère au sein du chapitre IV du titre II du code pénitentiaire une nouvelle section relative aux « quartiers de lutte contre la criminalité organisée », comprenant les articles L. 224-5 à L. 224-11. Il définit les conditions et la procédure d'affectation des personnes détenues dans ces quartiers et fixe le régime de détention qui s'y applique, en particulier en ce qui concerne les modalités d'exercice du droit de visite et d'accès aux dispositifs de correspondance téléphonique.

524. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent que cet article n'aurait pas sa place dans la loi au motif qu'il aurait été introduit en première lecture selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution.

525. Au fond, les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent tout d'abord que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence dans la définition du champ d'application et des finalités en vue desquelles des personnes détenues peuvent être affectées au sein des quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

526. Ils font également valoir, rejoints par les députés auteurs de la troisième saisine, que ces dispositions méconnaîtraient le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le droit de mener une vie familiale normale dès lors qu'elles ne limitent pas la durée d'affectation dans ces quartiers, qu'elles excluent les personnes détenues qui y sont affectées du bénéfice des unités de vie familiale et des parloirs familiaux et qu'elles systématisent la pratique des fouilles intégrales. A cet égard, ils reprochent à ces dispositions de ne pas subordonner la pratique de telles fouilles à la prise en compte du comportement individuel des personnes et de ne pas prévoir, à cet effet, une procédure contradictoire assortie d'une voie de recours effective, en méconnaissance des exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

527. Ils critiquent en outre l'atteinte aux droits de la défense qui résulterait des conditions dans lesquelles un détenu affecté dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée pourra s'entretenir avec son avocat.

- En ce qui concerne la place de l'article 61 dans la loi déférée :

528. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions qui sont introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles.

529. Introduites en première lecture, ces dispositions ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien, même indirect, avec celles de l'article 23 de la proposition de loi initiale visant notamment à autoriser le recours aux aéronefs pour prévenir l'introduction d'objets illicites dans les établissements pénitentiaires. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

530. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

531. Il en résulte que l'article 61 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne l'article L. 224-5 du code pénitentiaire :

532. Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les règles relatives aux garanties fondamentales accordées aux personnes détenues. Celles-ci bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention. Il en résulte que le législateur doit assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice de ces droits et libertés et, d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ainsi que les finalités qui sont assignées à l'exécution des peines privatives de liberté.

533. D'une part, les dispositions contestées prévoient que les personnes susceptibles d'être affectées dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée sont les personnes majeures détenues pour des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, 706-73-1 ou 706-74 du code de procédure pénale, c'est-à-dire pour des crimes et délits relevant de la procédure spéciale applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

534. D'autre part, ces dispositions subordonnent la décision d'affectation dans ces quartiers à la condition qu'il soit établi que ces personnes détenues continuent à entretenir des liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées pendant la durée de leur détention ou qu'elles y aient établi de tels liens.

535. Ainsi, le législateur a défini avec suffisamment de précision les motifs d'affectation dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

536. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence doit être écarté.

537. Par conséquent, l'article L. 224-5 du code pénitentiaire, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- En ce qui concerne les articles L. 224-6 à L. 224-8 du code pénitentiaire :

538. Le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. La sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle.

539. Le droit de mener une vie familiale normale résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

540. Le principe des droits de la défense découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

- S'agissant des articles L. 224-6 et L. 224-7 du code pénitentiaire :

541. Les articles L. 224-6 et L. 224-7 du code pénitentiaire déterminent les conditions auxquelles est soumise la décision du ministre de la justice d'affecter une personne détenue dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, ainsi que sa durée et l'incidence d'une telle décision sur l'exercice des droits de la personne.

542. En premier lieu, en permettant l'affectation de personnes détenues dans des quartiers de lutte contre la criminalité organisée et en instaurant dans ces quartiers un régime de détention strict dans l'objectif de prévenir la poursuite ou l'établissement de liens avec les réseaux de la criminalité et de la délinquance organisées, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

543. En deuxième lieu, une personne détenue ne peut être affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée qu'à titre exceptionnel et dans le seul but de prévenir la poursuite ou l'établissement de tels liens, lorsque cette personne est poursuivie ou condamnée pour un ou plusieurs crimes ou délits relevant de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées.

544. En troisième lieu, d'une part, la décision du ministre de la justice, qui doit être motivée, n'intervient qu'après une procédure contradictoire au cours de laquelle la personne intéressée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. D'autre part, cette décision ne peut intervenir qu'après avis du juge de l'application des peines, s'agissant d'une personne condamnée, ou, s'agissant d'une personne prévenue, mise en examen ou accusée, après information du magistrat instructeur, qui peut s'y opposer.

545. En quatrième lieu, les dispositions contestées limitent à un an la durée de la décision d'affectation en quartier de lutte contre la criminalité organisée, renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de procédure. Par ailleurs, elles prévoient que si la fin de la détention provisoire qui a justifié le placement de la personne détenue dans un tel quartier est ordonnée alors que la personne reste détenue pour une autre cause, ou si la personne détenue est jugée pour les faits ayant justifié le placement, la décision d'affectation fait l'objet d'un nouvel examen.

546. En dernier lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 224-7 du code pénitentiaire que la décision d'affectation dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée ne porte pas atteinte à l'exercice des droits reconnus à la personne détenue par le livre III du même code, sous réserve des seuls aménagements qu'imposent les impératifs de sécurité et des restrictions résultant des dispositions de l'article L. 224-8.

547. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Elles ne portent pas non plus une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.

548. Par conséquent, les articles L. 224-6 et L. 224-7 du code pénitentiaire, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- S'agissant de l'article L. 224-8 du code pénitentiaire :

549. L'article L. 224-8 du code pénitentiaire instaure un régime spécifique pour la réalisation des fouilles et des visites ainsi que pour l'accès de la personne détenue affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée aux dispositifs de correspondance téléphonique.

550. En premier lieu, d'une part, si la personne détenue affectée dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée est susceptible de faire l'objet de fouilles intégrales systématiques, leur réalisation est limitée aux cas où elle a été en contact physique avec une personne en mission ou en visite dans l'établissement sans être restée sous la surveillance constante d'un agent de l'administration pénitentiaire. Ainsi, elles ne peuvent être réalisées lorsque la personne détenue a rencontré un membre de sa famille ou son avocat dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation.

551. D'autre part, les fouilles intégrales, exclusives de toutes investigations corporelles internes, doivent s'effectuer dans des conditions qui ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne.

552. Eu égard aux motifs justifiant l'affectation de la personne détenue dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée, et du risque que font courir de tels contacts physiques non surveillés pour la sécurité de l'établissement pénitentiaire et l'objectif de lutte contre les infractions, la pratique de fouilles intégrales systématique n'est pas, par elle-même, contraire au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

553. Toutefois, sauf à méconnaître ce principe, les dispositions contestées doivent être interprétées comme ne permettant la réalisation de fouilles intégrales que dans les cas où la surveillance de la visite par un agent de l'administration pénitentiaire a été empêchée par des circonstances particulières tenant à l'intimité de la personne détenue, à la nécessité de préserver la confidentialité de ses échanges ou à des difficultés exceptionnelles d'organisation du service pénitentiaire.

554. En outre les dispositions du premier alinéa de l'article L. 224-8 du code pénitentiaire, selon lesquelles ces dispositions s'appliquent « sous réserve des adaptations décidées par l'autorité administrative compétente » , doivent être interprétées en ce sens qu'il appartient à l'administration de prévoir des assouplissements du régime de fouilles pour tenir compte, notamment, de l'état de santé ou de vulnérabilité de la personne détenue, ainsi que de la qualité particulière de la personne avec laquelle le contact physique a lieu.

555. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 553 et 554, le législateur, n'a pas méconnu le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Le grief tiré de la méconnaissance de ce principe constitutionnel doit donc, sous ces réserves, être écarté.

556. En deuxième lieu, d'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 542, poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

557. D'autre part, ces dispositions prévoient que les visites se déroulent systématiquement dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation et interdisent l'accès aux unités de vie familiale et aux parloirs familiaux dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée. Le législateur a néanmoins prévu des aménagements en faveur des mineurs sur lesquels la personne détenue, son conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou son concubin exerce l'autorité parentale, qui peuvent, sauf risque d'atteinte au bon ordre de l'établissement pénitentiaire s'agissant des seuls mineurs de plus de seize ans, bénéficier de visites dans un parloir non équipé d'un dispositif de séparation. Le législateur a également permis l'accès à un parloir dépourvu de dispositif de séparation en cas de circonstances familiales exceptionnelles.

558. Enfin, si le législateur a confié au pouvoir réglementaire le soin de prévoir des restrictions aux modalités et horaires d'accès aux dispositifs de correspondance téléphonique, il a néanmoins exigé que soit garanti à chaque personne détenue un accès à ces dispositifs pendant au moins deux heures, au moins deux jours par semaine.

559. Dans ces conditions, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de mener une vie familiale normale dont bénéficient les personnes détenues dans les limites inhérentes à la détention. Le grief tiré de la méconnaissance de ce droit doit donc être écarté.

560. En dernier lieu, le législateur a prévu des aménagements au régime de visite au bénéfice de l'avocat de la personne détenue, dont la visite peut se dérouler soit dans un parloir dépourvu de dispositif de séparation soit, à sa demande ou à celle de son client, dans un parloir équipé d'un dispositif de séparation garantissant la possibilité de transmettre et de présenter des documents.

561. Il n'a ainsi pas porté d'atteinte disproportionnée aux droits de la défense de la personne détenue.

562. Par conséquent, sous les réserves énoncées aux paragraphes 553 et 554, l'article L. 224-8 du code pénitentiaire est conforme à la Constitution.

- Sur les articles 62 et 63 :

- En ce qui concerne le paragraphe I de l'article 62 :

563. Le paragraphe I de l'article 62 insère deux nouveaux articles L. 22-11-1 et L. 22-11-2 au sein du code de la sécurité intérieure afin d'instaurer une mesure d'interdiction administrative de paraître dans certains lieux en lien avec le trafic de stupéfiants, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée.

564. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent d'abord que ces dispositions méconnaîtraient le principe de la séparation des pouvoirs au motif qu'une telle mesure, qui aurait pour seul objet de faire cesser des infractions déjà constituées, ne saurait relever de la police administrative.

565. Ils estiment ensuite, rejoints par les auteurs de la troisième saisine, que, faute d'avoir suffisamment précisé les critères au regard desquels la mesure d'interdiction doit être justifiée et peut être renouvelée, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence. Il en résulterait également, pour les mêmes motifs, une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir et à la garantie des droits. Pour les auteurs de la troisième saisine, ces dispositions méconnaîtraient en outre le principe de légalité des délits et des peines.

566. Enfin, selon les députés auteurs de la deuxième saisine, en permettant de sanctionner d'une peine d'emprisonnement la violation d'une interdiction administrative, ces dispositions méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

567. Il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe également d'assurer la conciliation entre, d'une part, les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de prévention des infractions et, d'autre part, la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et le droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 2 de cette déclaration.

568. L'article L. 22-11-1 du code de la sécurité intérieure prévoit que le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, sous certaines conditions, prononcer une mesure d'interdiction de paraître dans des lieux en lien avec le trafic de stupéfiants. L'article L. 22-11-2 du même code sanctionne pénalement la méconnaissance d'une telle mesure.

569. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faire cesser les troubles à l'ordre public résultant de l'occupation de lieux où se commettent certaines infractions. Ce faisant, il a poursuivi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de prévention des infractions.

570. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de ces dispositions, qui ne sont ni imprécises ni équivoques, qu'une telle mesure d'interdiction peut être ordonnée uniquement afin de faire cesser les troubles à l'ordre public résultant de l'occupation de la voie publique, d'un équipement collectif ou des parties communes d'un immeuble à usage d'habitation, lorsqu'une telle occupation s'effectue en réunion, de manière récurrente, et en lien avec des activités de trafic de stupéfiants.

571. D'autre part, l'interdiction de paraître ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'une personne dont il est établi qu'elle contribue à ces troubles en participant à de telles activités.

572. En dernier lieu, l'interdiction, qui doit être motivée en droit et en fait, est prononcée pour une durée maximale d'un mois. L'autorité administrative doit mettre la personne concernée en mesure de lui présenter ses observations dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision. Elle doit tenir compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. A cet égard, le périmètre géographique de la mesure, qui ne peut porter que sur les lieux où les troubles à l'ordre public sont constatés, ne peut comprendre le domicile de la personne.

573. Dès lors, l'article L. 22-11-1 du code de la sécurité intérieure n'est pas entaché d'incompétence négative et ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir et au droit au respect de la vie privée. Les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles doivent donc être écartés.

574. Par ailleurs, au regard de la nature des comportements réprimés, le législateur n'a pas institué des peines manifestement disproportionnées en punissant de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende le non-respect d'un arrêté portant interdiction de paraître pris sur le fondement de l'article L. 22-11-1.

575. Par conséquent, les articles L. 22-11-1 et L. 22-11-2 du code de la sécurité intérieure, qui ne méconnaissent pas non plus le principe de la séparation des pouvoirs ni le principe de légalité des délits et des peines, lequel est au demeurant inopérant s'agissant de la mesure de police administrative prévue à l'article L. 22-11-1, ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- En ce qui concerne le paragraphe II de l'article 62 :

576. Le paragraphe II de l'article 62 complète le b de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 mentionnée ci-dessus, relatif à l'obligation pour le locataire d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location, en ajoutant que le locataire doit « s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir ».

577. Les députés auteurs de la deuxième saisine soutiennent d'abord que ces dispositions n'auraient pas leur place dans la loi au motif qu'elles auraient été introduites en première lecture selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution.

578. Ils reprochent en outre à ces dispositions de mettre à la charge du locataire une obligation définie de manière imprécise et dont la portée serait trop large, car elle prendrait en compte un comportement qui ne serait pas strictement relatif à l'usage du bien loué. Selon eux, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et méconnaîtraient ainsi le droit au respect de la vie privée et le droit au logement.

579. En premier lieu, ces dispositions résultent d'un amendement adopté en première lecture au Sénat. Elles présentent un lien indirect avec celles de l'article 24 de la proposition de loi initiale, qui avaient pour objet de permettre au préfet de mettre un locataire en demeure de quitter les lieux loués lorsque le logement donné à bail était utilisé en lien avec certaines activités de trafic de stupéfiants.

580. Le grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

581. En deuxième lieu, en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ». Il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

582. La loi du 6 juillet 1989 fixe le régime applicable aux rapports entre bailleurs et locataires d'un logement. Le b de son article 7 prévoit que le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. En cas de non-respect de cette obligation, le bailleur peut notamment solliciter la résiliation judiciaire du bail d'habitation sur le fondement des articles 1224 et 1729 du code civil.

583. Les dispositions contestées prévoient que le locataire est obligé de s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords des locaux loués ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir.

584. En adoptant ces dispositions, le législateur, qui a défini de façon suffisamment précise cette obligation, a entendu que les agissements du locataire à proximité du logement soient également pris en compte pour apprécier les conditions d'usage paisible du bien. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.

585. Toutefois, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, cette obligation, qui est susceptible de s'appliquer « dans le même ensemble immobilier », ne saurait concerner qu'un comportement ou une activité du locataire qui a lieu à proximité suffisante du logement donné à bail et qui cause un trouble de jouissance au préjudice d'autrui.

586. Dès lors, les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, ne méconnaissent pas, sous cette réserve, le droit au respect de la vie privée.

587. Par conséquent, sous la même réserve, les mots « et de s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir » figurant au b de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 sont conformes à la Constitution.

- En ce qui concerne le paragraphe III de l'article 62 et l'article 63 :

588. Le paragraphe III de l'article 62 insère un nouvel article L. 442-4-3 au sein du code de la construction et de l'habitation afin de permettre à l'autorité administrative de demander à un bailleur social de faire procéder à la résiliation judiciaire du bail d'un logement en raison de certains agissements de l'occupant en lien avec le trafic de stupéfiants. Il définit en outre les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat peut, le cas échéant, se substituer au bailleur social et saisir le juge aux fins de résiliation du bail.

589. L'article 63 de la loi déférée insère un nouvel article 9-2 au sein de la loi du 6 juillet 1989 afin de prévoir la même possibilité à l'égard des logements relevant des autres bailleurs. Il définit en outre les conditions dans lesquelles le représentant de l'Etat peut agir devant le juge civil pour demander la résiliation du bail.

590. Les députés auteurs de la deuxième saisine reprochent à ces dispositions de permettre à l'autorité administrative de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de location à la place du bailleur, y compris contre sa volonté, sans prévoir de relogement. Il en résulterait une méconnaissance de la liberté contractuelle, du droit au logement et du droit de mener une vie familiale normale.

591. Les députés auteurs du troisième recours les rejoignent en soutenant qu'en raison des conséquences d'une éventuelle résiliation du bail sur les occupants du logement, serait également méconnu le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Ils ajoutent que, le législateur ayant eu recours à des expressions trop imprécises, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative et méconnaîtraient le « principe de légalité ».

592. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

593. En application des dispositions contestées de l'article L. 442-4-3 du code de la construction et de l'habitation et de l'article 9-2 de la loi du 6 juillet 1989, le représentant de l'Etat peut, dans certaines conditions, enjoindre au bailleur de saisir le juge aux fins de résiliation du bail en raison des agissements de l'occupant habituel du logement en lien avec des activités de trafic de stupéfiants. En cas de refus ou d'inaction du bailleur, il peut saisir le juge à cette fin.

594. En premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

595. En deuxième lieu, les dispositions contestées se bornent à prévoir que l'autorité administrative peut enjoindre au bailleur de saisir le juge en vue de la résiliation du bail et qu'elle peut elle-même agir en justice à cette fin en cas de refus ou d'inaction de ce dernier.

596. Ainsi, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l'autorité administrative de modifier elle-même un élément de la relation contractuelle ou de modifier les règles de fond applicables à la résiliation judiciaire du bail d'habitation.

597. En dernier lieu, il ne peut être recouru à une telle procédure que s'il est établi que les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants de l'occupant habituel d'un logement troublent l'ordre public de manière grave ou répétée et qu'ils méconnaissent l'obligation d'usage paisible des locaux loués définie au b de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989.

598. Dès lors, les dispositions contestées ne portent pas à la liberté contractuelle une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

599. Par conséquent, l'article L. 442-4-3 du code de la construction et de l'habitation et l'article 9-2 de la loi du 6 juillet 1989, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative et ne méconnaissent pas non plus le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni le droit de mener une vie familiale normale, sont conformes à la Constitution.

- Sur les autres dispositions :

600. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

Le Conseil constitutionnel décide :

Article 1

Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic :

- l'article 5 ;

- l'article 15 ;

- l'article 19 ;

- les trois derniers alinéas du 3° de l'article 40 ;

- le 2° du paragraphe I de l'article 55, les mots « à l'exception de ceux mentionnés au 16° bis de l'article 706-73 du présent code » figurant au deuxième alinéa du 3° du même paragraphe I, ainsi que les mots « , à l'exception de ceux mentionnés au 16° ter de l'article 706-73 du présent code » figurant au dernier alinéa de ce même 3° ;

- les 10° et 11° du paragraphe I de l'article 56.

Article 2

Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

- au paragraphe 46, les mots « établissement ou lieu ouvert au public ou utilisé par le public » figurant au premier alinéa de l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi déférée ;

- au paragraphe 253, les mots « ou contre la cession ou l'offre de stupéfiants dans les conditions prévues à l'article 222-39 dudit code » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe I de l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004, ainsi que la référence « et 222-39 » figurant aux premières phrases des premier, deuxième et quatrième alinéas du même paragraphe I de cet article, dans sa rédaction résultant de l'article 28 de la loi déférée ;

- au paragraphe 319, le second alinéa de l'article 706-96 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 38 de la loi déférée ;

- au paragraphe 330, les articles 706-99 et 706-100 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de l'article 39 de la loi déférée ;

- aux paragraphes 351 et 353, les articles 706-104 et 706-104-1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de l'article 40 de la loi déférée ;

- au paragraphe 387, le 1° du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 46 de la loi déférée ;

- aux paragraphes 512 et 520, les articles L. 223-26 à L. 223-31 du code pénitentiaire, dans leur rédaction issue de l'article 60 de la loi déférée ;

- aux paragraphes 553 et 554, l'article L. 224-8 du code pénitentiaire, dans sa rédaction issue de l'article 61 de la loi déférée ;

- au paragraphe 585, les mots « et de s'abstenir de tout comportement ou de toute activité qui, aux abords de ces locaux ou dans le même ensemble immobilier, porte atteinte aux équipements collectifs utilisés par les résidents, à la sécurité des personnes ou à leur liberté d'aller et venir » figurant au b de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de l'article 62 de la loi déférée.

Article 3

Sont conformes à la Constitution :

- les 1° et 2° du paragraphe II de l'article 1er de la loi déférée ;

- le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-74-2 du code de procédure pénale et le dernier alinéa de l'article 706-74-5 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 3 de la loi déférée ;

- le reste du premier alinéa de l'article L. 333-2 du code de la sécurité intérieure et le premier alinéa de l'article L. 333-3 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 4 de la loi déférée ;

- le paragraphe II ter de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de l'article 4 de la loi déférée ;

- les mots « les agents des douanes individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre chargé des douanes » figurant au premier alinéa du paragraphe I de l'article 67 sexies du code des douanes ainsi que le paragraphe V de cet article, dans sa rédaction résultant de l'article 6 de la loi déférée ;

- l'article L. 562-2-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'article 12 de la loi déférée ;

- les mots « 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 7°, 8°, 9°, 12°, 13° et 21° de l'article 706-73 du présent code et au dernier alinéa de l'article 434-30 du code pénal ainsi que sur le blanchiment et l'association de malfaiteurs en rapport avec » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe II de l'article 706-105-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 13 de la loi déférée ;

- la date « 31 décembre 2028 » figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 13 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dans sa rédaction résultant de l'article 16 de la loi déférée ;

- les mots « deux mois » figurant à la première phrase du premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 853-3 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de l'article 17 de la loi déférée ;

- l'article 450-1-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'article 18 de la loi déférée ;

- l'article 132-6-1 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'article 21 de la loi déférée ;

- l'article 131-30-3 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi déférée ;

- le mot « totalité » figurant à la seconde phrase du premier alinéa de l'article 222-38 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l'article 25 de la loi déférée ;

- le premier alinéa de l'article 706-88-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi déférée ;

- les quatre premiers alinéas de l'article 222-44-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi déférée ;

- l'article 242-1 du code de procédure pénale, les trois premiers alinéas de l'article 706-75-3 du même code et les quatre premiers alinéas de son article 706-75-4, dans leur rédaction issue de l'article 30 de la loi déférée ;

- le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-74-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 33 de la loi déférée ;

- le paragraphe I de l'article 706-105-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi déférée ;

- le paragraphe III de l'article 706-95-20 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 41 de la loi déférée ;

- le premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 46 de la loi déférée ;

- le deuxième alinéa de l'article 230-22 du code de procédure pénale ainsi que les mots « de l'article 230-20 » figurant au dernier alinéa du même article, dans sa rédaction résultant de l'article 50 de la loi déférée ;

- les articles 64-1 à 64-3 du code des douanes, dans leur rédaction issue de l'article 51 de la loi déférée ;

- l'article 344-5 du code des douanes, dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi déférée ;

- la référence « au 2° du II de l'article L. 5332-11 » figurant au a du 2° du paragraphe II de l'article L. 5332-15 du code des transports, dans sa rédaction résultant de l'article 54 de la loi déférée ;

- l'article 445-2-2 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi déférée ;

- l'article 145-1-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 56 de la loi déférée ;

- les mots « demande de mainlevée ou de modification du contrôle judiciaire » figurant au dernier alinéa de l'article 148-6 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l'article 56 de la loi déférée ;

- l'article 434-35-1 du code pénal, dans sa rédaction résultant de l'article 57 de la loi déférée ;

- les articles L. 224-5, L. 224-6 et L. 224-7 du code pénitentiaire, dans leur rédaction issue de l'article 61 de la loi déférée ;

- les articles L. 22-11-1 et L. 22-11-2 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue de l'article 62 de la loi déférée ;

- l'article L. 442-4-3 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'article 62 de la loi déférée ;

- l'article 9-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 63 de la loi déférée.

Article 4

Sont contraires à la Constitution les mots « ainsi que les adresses complètes de ressources utilisées sur internet » figurant au deuxième alinéa du paragraphe I de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.

Article 5

Le paragraphe I de l'article L. 852-3 du code de la sécurité intérieure est conforme à la Constitution.

Article 6

Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 11 et 12 juin 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.

Rendu public le 12 juin 2025.

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