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N7280BYB
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par Jérôme Gavaudan, Président du Conseil national des barreaux
le 28 Avril 2021
Cet éditorial est issu du dossier spécial « Secret professionnel et droits de la défense » publié le 29 avril 2021 dans la revue Lexbase Pénal. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N7342BYL)
À l’heure où ces lignes sont publiées, l’Assemblée nationale débute ses travaux sur le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, présenté par le Garde des Sceaux.
Ce texte constitue d’ores et déjà une référence en matière de secret professionnel et de droits de la défense. Inspiré notamment par les travaux de la commission « Mattei », il est le premier signal d’une réorientation politique en matière pénale. Il est - ou pourrait être - aussi la promesse d’un rééquilibrage des politiques publiques en faveur des libertés individuelles.
Il faut donc le constater, ce projet de loi marque une rupture après des années de lois d’exception, d’états d’urgence successifs, de jurisprudences hasardeuses.
Cette rupture est-elle suffisante ? Les avocats n’ont pas l’habitude de se satisfaire du subsidiaire. Ils plaident d’abord le principal. Et ce principal, ici, n’est autre que le droit absolu et inaliénable des citoyens d’être défendus devant leurs juges et protégés de l’arbitraire.
L’enquête préliminaire est le symbole de ce « déclassement » des droits de la défense. Cette enquête « silencieuse », à bas bruit, se devait d’être encadrée et éclairée. Oui, il était urgent de faire entrer la lumière dans cette partie de l’enquête où sont fixés des éléments déterminants pour l’avenir des droits de citoyens.
Les garde-fous proposés par le projet de loi sont un premier pas, et nous devrons compter sur le travail parlementaire pour améliorer ce texte, notamment sur la durée de l’enquête préliminaire et sur les conditions d’exercice du contradictoire.
Autre symbole fort, le secret professionnel, non pas le « secret de l’avocat », mais le secret que doit l’avocat à son client.
Ce secret, mis à mal par la crise des fadettes, par les écoutes téléphoniques à géométrie variable et par une jurisprudence restrictive de la Cour de cassation, était l’un des objectifs principaux du Garde des Sceaux.
Hélas, en cours de route, celui-ci ne retient plus que le « secret de la défense ». Un secret d’un nouveau genre, qu’on imagine en miroir du secret de l'enquête ; comme si sans enquête, il n’existait plus de secret professionnel.
Pourtant, le secret professionnel de l’avocat ne se découpe pas, ne se divise pas, ne se décline pas en d’autres notions. Il est unique et emporte tout avec lui : les diligences contentieuses tout comme le conseil que nous délivrons à nos clients.
La question n’est pas de savoir s’il y a une enquête pour qu’il y ait un secret. Il suffit que l’avocat paraisse pour que le secret s’impose.
La loi de 1971 est sans équivoque et l’on peut comprendre le souhait du ministre de ne pas rappeler dans son projet ce que la loi garantit déjà.
Ce rappel aurait été utile pour balayer le désordre jurisprudentiel qui fragilise le secret professionnel.
Ce rappel aurait rendu inutile la reconnaissance législative d’un « secret de la défense » dont on ne sait aujourd’hui s’il viendra fortifier ou affaiblir le secret professionnel.
Les lois ne sont pas que des normes. Elles sont signaux et symboles. Les avocats saluent le signal lancé par le Garde des Sceaux, mais ne laisseront rien passer sur le symbole : le secret de nos clients ne se négocie pas, ne se transige pas, ne se partage pas.
* Photographie © Thomas Appert
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