La lettre juridique n°819 du 2 avril 2020 : Covid-19

[Textes] Covid-19 : épidémie et mesures spécifiques aux loyers et charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux

Réf. : Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5731LW8) ; décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 (N° Lexbase : L6090LWH)

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par Julien Prigent et Catherine Mutelet, Avocats à la cour d'appel de Paris, Mutelet-Prigent & Associés

le 03 Avril 2020

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT), dispose que le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations, ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure :
«[…] Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d'être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique (N° Lexbase : L3154ICS), dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie » (art. 11, 1°, g).

L’ordonnance prise à cette fin est l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, qui a été publiée au Journal officiel du 26 mars.
Elle circonscrit un peu plus le champ d’application de cette mesure, tout en renvoyant à un décret pour des précisions supplémentaires, et en détermine les effets.

Le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, publié au Journal officiel du 1er avril, précise les bénéficiaires de la mesure.

En substance, cette mesure relative aux loyers et charges paralyse les pénalités, les clauses résolutoires et « l’activation des garanties ou caution » en cas de non-paiement de certaines échéances.

Se pose la question de l’articulation de ces dispositions avec celles, dont le champ d’application est plus général mais dont les effets sont parfois proches, de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (N° Lexbase : L5730LW7), selon lequel :
« les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er
 ».

Ces dernières dispositions paralysent également les pénalités et les effets de la clause résolutoire, mais de manière provisoire, et leur champ d’application n’est pas lié à l’échéance de paiement, mais à la date d’expiration du délai à partir duquel la sanction « anesthésiée » aurait dû s’appliquer.

Une application cumulative de ces deux dispositifs pourrait, en théorie, s’envisager.

Dans la mesure où l’article 1er, II, de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus, exclut son application « aux délais et mesures ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci », il n’est pas certain cependant que ses dispositions puissent être invoquées par les locataires pour les loyers et charges locatives car ces derniers font l’objet de la mesure spécifique prévue par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers.

1. Champ d’application du dispositif

1.2. Critères liés au locataire

Les locataires concernés sont, aux termes de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les « microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 », soit, selon ce dernier texte, « les entreprises qui d'une part occupent moins de 10 personnes et d'autre part ont un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros ».

La loi prévoit que la mesure bénéficiera aux entreprises précitées « dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie ».

L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement des loyers, prévoit que peuvent bénéficier des dispositions relatives aux loyers et aux charges :
« les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020  (N° Lexbase : L5725LWX) » (ordonnance portant création du fonds de solidarité [1]) ;
« celles [personnes physiques et morales de droit privé] qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire […] au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure ».

Le dernier alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, relative au paiement du des loyers, précise ensuite que « les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire ».

Les personnes physiques ou morales de droit privé exerçant une activité économique sont tout d’abord visées.

La détermination du champ d’application ratione personae s’opère ensuite par renvoi à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

Peuvent ainsi bénéficier de la mesure relative aux loyers, les personnes « susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité » mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, soit les « personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ».
La loi visait les microentreprises « dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie ».
Ce n’est donc plus l’activité qui doit être affectée (ce que prévoit la loi), mais le bénéficiaire lui-même du dispositif (ce que prévoit l’ordonnance), cette distinction semblant cependant indifférente.
Ce ne sont plus, enfin, seulement les conséquences de la propagation de l’épidémie (ce que prévoit la loi) qui doivent toucher les bénéficiaires du dispositif, mais également les conséquences des mesures prises pour en limiter la propagation (qui sont aussi des conséquences de l’épidémie).

L’article 3 de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, portant création d'un fonds de solidarité, dispose que « un décret fixe le champ d'application du dispositif, les conditions d'éligibilité et d'attribution des aides, leur montant ainsi que les conditions de fonctionnement et de gestion du fonds ».
Il s’agit du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L6019LWT).
Le préambule de ce dernier précise que le fonds de solidarité « bénéficie aux personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et aux personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.) exerçant une activité économique et » remplissant certaines conditions.

Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, modifié par le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 (N° Lexbase : L6270LW7) détaille les conditions d’octroi du fonds de solidarité.
L’article 1er du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, dispose que « peuvent bénéficier des dispositions [relatives notamment au paiement des loyers] les personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l'article 1er et aux 1° et 2° de l'article 2 du décret n° 2020-371 ».
Il existe donc un alignement entre les conditions pour bénéficier du fonds de solidarité et celles pour bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers, à l’exception de celles spécifiques aux entreprises en difficulté, ces dernières pouvant bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020. Le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité prévoit en effet que les entreprises éligibles à ce fond ne doivent pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ou ne pas être en difficulté au 31 décembre 2019.

Les conditions pour être bénéficiaire de la mesure portant sur le paiement des loyers sont donc les suivants :

  1. 1/ Personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique ;

2/ Ayant débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;

3/ Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié, ce seuil étant calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L7686LQQ) ;

4/ Dont le montant du chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d'euros.
Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros.
La notion de chiffre d'affaires s'entend, selon le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, comme le chiffre d'affaires hors taxes ou, lorsque l'entreprise relève de la catégorie des bénéfices non commerciaux, comme les recettes nettes hors taxes.

5/ Dont le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, n'excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos.
Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois.

6/ Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et n'ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;

7/ Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5817KTM) ;

8/ Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés relatifs au chiffre d’affaires, à l’effectif et au bénéfice ;

9/ Elles ont fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou elles ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à la même période de l'année précédente ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ou, pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.

Le seuil de perte de chiffre d'affaires avait été initialement fixé, dans le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité, à 70 %. Le décret n° 2020-394 du 2 avril 2020 a modifié ce décret pour ramener le seuil de perte de chiffre d'affaires de 70 % à 50 % ».

Sous le seul angle de la définition de la microentreprise, ce ne sont pas toutes les microentreprises mais certaines d’entre-elles qui peuvent donc bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers : le champ d’application est plus étroit que celui initialement prévu par la loi (chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, tandis que la micro-entreprise, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 auquel renvoie la loi, est celle ayant un chiffre annuel ou un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros). L’ordonnance et le décret relatifs aux loyers prévoient en outre leur application pour les entreprises dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salariés, tandis que la microentreprise est celle qui emploie moins de dix personnes.

Pour résumer, les bénéficiaires de cette mesure sont en conséquence :

  • Les personnes physiques et personnes morales de droit privé et résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique ;
  • Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié ;
  • Dont le montant du chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros ;
  • Dont le bénéfice imposable n'excède pas 60 000 euros ;
  • Ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019 du fait de la crise sanitaire.

1.2. Critère relatif aux locaux

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 visait « toute mesure […] g) Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux ».

L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, qui porte sur la mesure elle-même, vise les loyers et charges locatives afférentes aux locaux professionnels ou commerciaux.

Les baux devront donc porter sur des locaux professionnels ou commerciaux, ce qui inclura en principe les bureaux, que l’activité stipulée au bail pour ces derniers soit libérale ou commerciale.

2. Effets de la mesure sur les loyers et les charges

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 vise toute mesure « g) Permettant de reporter intégralement ou d'étaler le paiement des loyers ».

Le terme report ou étalement implique a priori que l’intégralité du loyer sera due, mais que son exigibilité sera reportée ou étalée, l’étalement impliquant un report.

La loi ne vise pas les charges.
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 dispose que : « les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 (N° Lexbase : L8845INW) et L. 641-12 (N° Lexbase : L8859ING) du Code de commerce ».
Sont donc visés désormais par l’ordonnance, le loyer et les charges, ce que ne prévoyait pas la loi pour ces dernières.
Une discussion pourrait avoir lieu sur la notion de charges locatives qui n’est pas légalement définie (le statut des baux commerciaux par exemple distingue les charges locatives et les dépenses liées aux travaux ; cf. C. com., art. R. 145-35 N° Lexbase : L7051I4W).

L’ordonnance ne prévoit que la mise à l’écart de sanctions liées au non-paiement des loyers et des charges locatives : pas de pénalités financières, d’intérêt de retard, d’astreinte, d’exécution de la clause résolutoire ou de toute clause prévoyant une déchéance.
Elle écarte également dans ce cas l’activation des garanties (garantie bancaire, garantie à première demande) ou cautions.
Il ne s’agit pas tout à fait du report ou de l’étalement prévu par la loi, même si dans les faits, faute de sanction, l’effet sera similaire.
Les loyers et charges restent dus pour la période couverte par le dispositif, mais leur non-paiement ne sera pas sanctionné par des pénalités ou la clause résolutoire.
Rien n’exclut, en revanche, en théorie (sous réserve de l’application d’autres mécanismes qui auraient des effets sur l’exigibilité même de la dette de loyers et charge), de pouvoir solliciter la condamnation du locataire à régler ses loyers et charges pour cette période.

3. Loyers et charges concernés

Les loyers et charges concernés par la mesure sont les « loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».

L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 autorise les mesures pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020.

Il convient de déterminer la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire pour connaître le terme de la période visée.
L’article 4 de la loi du 23 mars 2020 dispose que « par dérogation aux dispositions de l'article L. 3131-13 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5585LWR), l'état d'urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi ».
La loi du 23 mars 2020 a été publiée au Journal officiel du 24 mars 2020.
L’article 1er du Code civil dispose que : « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent […] ».
La loi du 23 mars 2020 précise qu’elle « entrera en vigueur immédiatement et sera exécutée comme loi de l'Etat ». Elle est en conséquence entrée en vigueur le jour de sa publication, soit le 24 mars 2020, la publication étant en principe une condition de l’entrée en vigueur [2].
L’état d’urgence cessera donc le 24 mai 2020, sous réserve d’une modification de sa durée.

La mise à l’écart des sanctions (et de la possibilité d’activer des garanties) porte sur les loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. Ce délai en l’état actuel de la situation, expirera donc le 24 juillet 2020.
C’est l’échéance de paiement des loyers et charges qui est prise en considération, et non la période pour laquelle les loyers et charges considérés sont dus.
Ainsi et par exemple, pour les loyers payables trimestriellement à terme échu, l’échéance du premier trimestre (due au 31 mars 2020) et celle du deuxième trimestre (due au 30 juin 2020), soit deux trimestres en tout, sont concernées par le dispositif.
Pour les loyers payables trimestriellement d’avance, l’échéance du premier trimestre (due au 1er janvier) ne pourra se voir appliquer ces mesures. En revanche, celle du deuxième trimestre (due au 1er avril 2020) et celle du troisième trimestre (due au 1er juillet 2020), soit deux trimestres en tout également, sont concernées par le dispositif.

4. Modalités de mise en œuvre

L’article 2 du décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, relatif au paiement des loyers, précise que les bénéficiaires de la mesure relative au paiement des loyers justifient qu'ils remplissent les conditions pour en bénéficier en « produisant une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions prévues à l'article 1er du présent décret et de l'exactitude des informations déclarées ».
L’intérêt d’une telle attestation à l’égard du bailleur et sa portée probatoire interrogent.

Les locataires souhaitant bénéficier de la mesure portant sur les loyers devront, en outre, présenter l'accusé-réception du dépôt de leur demande d'éligibilité au fonds de solidarité ou, lorsqu'ils ont déposé une déclaration de cessation de paiements ou sont en difficulté au sens de l'article 2 du Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 (N° Lexbase : L5604I3X), une copie du dépôt de la déclaration de cessation de paiements ou du jugement d'ouverture d'une procédure collective.

Il ne suffit donc pas a priori que le locataire qui souhaite bénéficier de la mesure relative au paiement des loyers soit éligible au fonds de solidarité, il devra avoir déposé une demande d’aide, étant rappelé qu’elle doit s’effectuer au plus tard le 30 avril 2020 par voie dématérialisée (décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité, art. 3).

5. Synthèse

MESURES SPECIFIQUES AUX LOYERS ET CHARGES LOCATIVES
(ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers et décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 relatif au paiement des loyers,)

Bénéficiaires

Locaux

Loyers et charges    locatives

                Effet de la mesure

(1) Les personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.), résidentes fiscales françaises et exerçant une activité économique

(2) Dont l’effectif est inférieur ou égal à dix salarié

(3) Dont le montant du chiffre d'affaires est inférieur à un million d'euros

(4) Dont le bénéfice imposable n'excède pas 60 000 euros

(5) Ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % en mars 2020 par rapport à mars 2019 (il a été annoncé un abaissement du seuil à 50 %)

(6) Ayant déposé une demande d'éligibilité au fonds de solidarité au plus tard le 30 avril 2020.

Locaux professionnels ou commerciaux

Loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars et le 24 juillet 2020

Les loyers et charges restent dus mais exclusion :

Dans les rapports bailleur/locataire

  • Des pénalités financières ;
  • Des intérêts de retard
  • Des dommages-intérêts

D'astreinte

  • D'exécution de clause résolutoire
  • De clause pénale
  • De toute clause prévoyant une déchéance

Dans les rapports bailleur/tiers :

  • D'activation des garanties ou cautions
 
 

[1] V., not., V Téchené, Covid-19 : création du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie, Lexbase, éd. Affaires, 2020, n° 630 (N° Lexbase : N2836BYP).

[2] Y. Gaudemet et B. Plessix, Promulgation et publication des lois, J.-cl. Civil, art. 1, Fasc. n° 10, spéc. n° 153 et s..

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