La lettre juridique n°433 du 24 mars 2011 : Fiscalité du patrimoine

[Questions à...] Comparaison des systèmes fiscaux français et allemand : la Cour des comptes publie son rapport - Questions à Franck Le Mentec, avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral

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[Questions à...] Comparaison des systèmes fiscaux français et allemand : la Cour des comptes publie son rapport - Questions à Franck Le Mentec, avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/4219451-questions-a-comparaison-des-systemes-fiscaux-francais-et-allemand-la-cour-des-comptes-publie-son-ra
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par Jean-Jacques Lubin, Consultant au Cridon Paris

le 24 Mars 2011

Le 2 août 2010, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a demandé à la Cour des comptes d'établir un état des lieux comparé des systèmes fiscaux français et allemand. Ce rapport a été publié le 4 mars 2011. L'objectif de cette comparaison est double : prendre des décisions permettant la convergence des deux systèmes fiscaux, afin de dynamiser l'harmonisation européenne qui, en ce domaine, est très faible, -notamment en matière de fiscalité directe, qui traîne depuis des mois des projets tardant à aboutir, comme celui de l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) (lire N° Lexbase : N7580BR8)- ; et s'interroger sur la pertinence de certains choix français en matière d'impôt. La Cour des comptes a effectué une comparaison par "bloc de prélèvements" : revenu des ménages, patrimoine, fiscalités des sociétés, TVA et fiscalité environnementale. Pour chacun de ces "blocs", Franck Le Mentec, avocat associé au sein du cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral, qui a accepté de répondre à nos questions, revient sur les convergences et divergences soulevées par la Cour des comptes, et leur pertinence pour d'éventuelles réformes du système français. Lexbase : La France a un taux de prélèvements obligatoires dépassant de plus de trois points celui de l'Allemagne. Quels éléments peuvent expliquer une telle différence ?

Franck Le Mentec : Ce taux s'explique essentiellement en raison, d'une part, de la présence de nombreux prélèvements existant en France, qui n'ont pas ou plus d'équivalents en Allemagne et, d'autre part, de l'architecture du système de protection sociale français. En outre, il apparaît que les allemands taxent davantage la consommation.

Lexbase : Les prélèvements obligatoires sur le revenu des ménages (impôt sur le revenu, prélèvements sociaux) sont structurellement différents et perçus selon des modes opposés. Peut-on en déduire qu'un modèle est plus efficace qu'un autre ?

Franck Le Mentec : On peut, en effet, tout d'abord rappeler que le poids de l'impôt sur le revenu dans le PIB est plus de trois fois plus élevé en Allemagne qu'en France (9,6 % du PIB allemand en 2008 contre 2,6 % du PIB en France).

En revanche, les cotisations sociales s'établissent à un niveau significativement supérieur en France : 15 % du PIB en France, contre 12,6 % du PIB en Allemagne. Celles-ci ne se répartissent pas de la même façon entre les employeurs et les salariés : la répartition est quasiment paritaire en Allemagne, alors que les cotisations patronales représentent, en France, un montant plus de deux fois supérieur aux cotisations des salariés (respectivement 11 % et 4 % du PIB).

Les dispositifs d'exonération de cotisations sociales sont beaucoup plus importants en France (et coûtent plus de 30 milliards d'euros) et sont concentrés sur les cotisations patronales sur les bas salaires (jusqu'à 1,6 SMIC). En Allemagne, les allègements ne concernent que les cotisations salariales, et sont ciblés de manière plus restrictive qu'en France.

Aussi, l'impact des prélèvements sociaux (cotisations sociales, compte tenu des allègements et exonérations) et fiscaux (IR, et, en France, CSG et CRDS) sur le coût du travail apparaît comparable dans les deux pays. Le total de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales, rapporté au coût salarial global pour l'employeur, s'établit à 49,2 % en France et à 50,9 % en Allemagne, au niveau du salaire moyen (la moyenne de l'OCDE étant de 36,4 %).

Ainsi, malgré une architecture différente, la réalisation des deux systèmes entraîne des conséquences relativement proches.

Lexbase : La fiscalité sur le patrimoine est très faible en Allemagne. La France s'inspirera-t-elle de cette politique afin de procéder à la réforme dans ce domaine ?

Franck Le Mentec : En effet, avec des taxes foncières d'un niveau modeste -environ 11 milliards d'euros-, un impôt sur la fortune suspendu depuis 1997, et une taxe professionnelle sur le capital supprimée en 1998, l'Allemagne a fait le choix d'un très faible niveau de prélèvements sur la détention du capital. Le niveau global de ces prélèvements y représente 0,46 % du PIB, très en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE, qui s'établit à 1,13 % du PIB.

A l'inverse, le niveau des prélèvements sur la détention du patrimoine est plus élevé en France et représente 2,6 % du PIB. Il est clair que le maintien de l'ISF est devenu une "exception française" au sein des pays membres de l'Union européenne. La France aurait tout à gagner à suivre l'exemple allemand sur ce point.

En matière de cession et de transmission du patrimoine, l'Allemagne et la France ont fait des choix globalement comparables en matière de taxation des plus-values et de droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, la fiscalité des revenus du patrimoine est à l'origine de recettes globalement comparables dans les deux pays -environ 25 milliards d'euros hors fiscalité des revenus fonciers-.

Lexbase : La fiscalité des sociétés a connu d'importantes réformes en Allemagne, où le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 30 à 40 % en 1998 à 15 % en 2008. Pour autant, l'Allemagne a-t-elle renoncé à des recettes fiscales pour attirer les entrepreneurs, et la France aurait-elle un intérêt à faire de même ?

Franck Le Mentec : Comme vous venez de le préciser, l'Allemagne a considérablement réduit son taux d'imposition sur les sociétés à compter des années 2000, dans le but d'améliorer l'attractivité du système fiscal allemand.

Pour autant, il convient de souligner que 83 % des entreprises allemandes sont imposées, alors que seules 57 % des entreprises françaises le sont. En outre, l'Allemagne, en tant qu'Etat fédéral, dispose, outre un impôt général, d'un impôt local sur les entreprises, basé sur une assiette proche de l'IS, qui, lui, n'a fait l'objet d'aucune réduction de taux. Ainsi, le taux global de prélèvements sur les bénéfices en Allemagne comprend l'addition de l'impôt local et de l'IS et atteint 31 %.

Par ailleurs, l'Allemagne ne dispose pas de mécanisme équivalent au crédit d'impôt recherche.

Ainsi, le taux réduit d'impôt sur les sociétés allemand apparaît créer un effet d'optique, défavorable à la France. A titre de comparaison, prima facie, le taux de l'IS français semble particulièrement haut. Son assiette est cependant plus étroite que celle de l'IS allemand. La charge fiscale pesant sur les entreprises françaises et allemandes est finalement très proche.

Lexbase : Les taux de TVA français et allemands sont sensiblement les mêmes. Quelles différences subsistent et quel système est le plus efficace, sachant que la TVA représente déjà plus de 40 % des recettes fiscales françaises et qu'un débat s'est ouvert sur l'augmentation possible de son taux de droit commun ?

Franck Le Mentec : Des différences subsistent et s'expliquent par le recours en France à d'importants taux réduits et dérogatoires dans le but de soutenir certains secteurs ou certaines activités (restauration, presse, etc.).

L'Allemagne, en augmentant son taux initial de 3 % depuis le 1er janvier 2007 et en limitant le champ d'application des taux réduits, a mis en place un système plus efficace en termes de rendement budgétaire.

Il est certain que la TVA pourrait rapporter davantage de recettes fiscales à l'Etat français si celui-ci optait pour une diminution du champ d'application des taux réduits et dérogatoires ou une augmentation du taux réduit. Le rapport précise qu'un simple alignement du taux réduit de 5,5 % sur celui de l'Allemagne, actuellement à 7 %, rapporterait 15 milliards d'euros à l'Etat français.

Lexbase : Enfin, en matière de fiscalité environnementale, la France dispose d'un arsenal complexe de taxation à effet dissuasif. L'Allemagne remplit-elle ses engagements communautaires et internationaux en matière d'environnement, et, le cas échéant, la France a-t-elle des leçons à tirer de la comparaison opérée entre les deux systèmes ?

Franck Le Mentec : L'Allemagne semble avoir une meilleure maîtrise de la fiscalité environnementale. En effet, elle a réussi à mener une réforme progressive, avec l'adoption de différentes mesures, qui ont soit conduit à une augmentation des taux de taxes existantes, soit entraîné la création de nouvelles taxes. La France, quant à elle, a échoué à deux reprises dans l'introduction d'une nouvelle taxe sur le carbone.

Cependant, au regard des critères conventionnellement définis par EUROSTAT, les recettes de fiscalités environnementales sont sensiblement les mêmes en France (2,1 %) et en Allemagne (2,2 %). Pour les deux pays, ces recettes restent inférieures à la moyenne des pays européens (2,6 %). Des efforts restent donc à faire dans les deux pays.

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