La lettre juridique n°417 du 18 novembre 2010 : Bancaire

[Textes] Aspects de droit bancaire de la loi de régulation bancaire et financière : beaucoup de bruit pour rien ?

Réf. : Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (N° Lexbase : L2090INQ)

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N6823BQR

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par Alexandre Bordenave, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, Secrétaire de la Conférence du Barreau des Hauts-de-Seine (2011), chargé d'enseignement à l'ENS Cachan

le 04 Janvier 2011

Dispositif légal longuement mûri -une fois n'est pas coutume- depuis l'enregistrement du projet initial à la présidence de l'Assemblée nationale le 16 décembre 2009 (1), la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière (la "LRBF"), a été promulguée par le Président de la République le 23 octobre 2010. En initiant les travaux relatifs à la "LRBF", le Gouvernement affichait des objectifs simples : "limiter les conséquences pour l'économie réelle" de la crise des subprimes, faire en sorte que "ce qui s'est produit ne se reproduise plus" et favoriser "la reprise de l'activité" (2). De fait, la "LRBF" joue une partition devenue classique et démontre une fois de plus, s'il en était besoin, que la dernière crise financière se trouve à l'origine d'un des plus vastes mouvements de production normative des dix dernières années. Manifestement plus ambitieuse que les textes l'ayant précédée, la "LRBF" procède d'une approche globalisante. Aussi, embrasse-t-elle un vaste spectre de questions, du pur droit des marchés financiers -où l'on retrouve une énième réforme du droit des offres publiques ("LRBF", art. 47 et s.) et de nouvelles règles relatives à la discipline des marchés de quotas d'émissions de gaz à effet de serre ("LRBF", art. 9) en passant par un encadrement supplémentaire de certains produits dérivés financiers ("LRBF", art. 24) (3)- au droit bancaire, qui va nous mobiliser ici.
Exigeant commentateurs et consommateurs de droit bancaire que nous sommes, nous nous trouvons en position d'approcher la "LRBF" avec une prudence légitime : faut-il considérer ce texte comme une nouvelle pierre angulaire du droit bancaire, voire du droit financier dans son acception la plus large, qui vient parachever une entreprise entamée à l'échelon mondial, européen et national aux premiers mois de la crise financière ? Ou, au contraire, n'aurait-on finalement à faire qu'à un texte terne, de complément ? En la matière, nous réservons évidemment la réponse relative au droit boursier à des plumes expertes (4). Et, pour ce qui est de notre modeste champ de compétence, nous proposons d'étudier en quoi la "LRBF" élargit limitativement le dramatis personae et les rôles correspondants s'agissant du contrôle et de la supervision bancaires (I) et innove raisonnablement s'agissant de certains apporteurs de liquidité (II). Sans trahir le peu de suspense de notre conclusion, il faut d'emblée admettre que les aspects de droit bancaire de la "LRBF" s'avèrent rarement surprenants.

I - Un élargissement des acteurs du contrôle et de la supervision limité

La "LRBF" entend réviser le contrôle des établissements de crédit à différents niveaux pertinents, que l'on peut réduire à la plus élémentaire des summa divisio : une révision du contrôle macro-économique (A) et du contrôle micro-économique (B). Ce faisant, elle crée de nouvelles institutions et offre de plus vastes moyens d'action à certaines qui sont déjà en place.

A - L'élargissement relatif au contrôle macro-économique

En réunissant, sous cet intitulé, certaines dispositions de la "LRBF", il est utile de garder à l'esprit que nous flottons entre ce qui relève du pur dispositif macro-prudentiel, qui a pour objet de détecter les risques induits par le système (5) en dotant l'architecture institutionnelle nationale d'une nouvelle entité de surveillance (1°), et ce qui participe au contrôle des grands risques induits par les groupes bancaires établis au niveau de l'Union européenne (2°).

1° - La création du Conseil de régulation financière et du risque systémique

Existait dans le paysage bancaire et financier un organe relativement méconnu : le collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier, dont le rôle consistait à "faciliter les échanges d'information entre les autorités de contrôle des groupes financiers" multi-activités (C. mon. fin, art. L. 631-2, anc. N° Lexbase : L5047IGZ). L'article 1er de la "LRBF" remplace ce collège par le Conseil de régulation financière et du risque systémique (le CRFRS) (C. mon. fin., art. L. 631-2, nouv. N° Lexbase : L2148INU) ayant une mission élargie par rapport à celle de son prédécesseur puisqu'elle comprend également :

- l'examen des "analyses de la situation du secteur et des marchés financiers" et l'évaluation "des risques systémiques qu'ils comportent" ;

- et la facilitation de "la coopération et [de] la synthèse des travaux des normes internationales et européenne applicables au secteur financier".

S'inscrivant clairement dans une dynamique européenne, une référence expresse étant faite aux "avis et recommandations du comité européen du risque systémique", le CRFRS n'aura cependant aucun pouvoir de décision mais sera un conseiller de luxe pour le "Prince", chargé d'"émettre tout avis ou prise de position qu'il estime nécessaire".

2° - Le renforcement de la coopération entre régulateurs nationaux

La concentration croissante du secteur bancaire, dont l'acquisition en 2009 du groupe Fortis par BNP-Paribas qui gonfle notre coeur de patriotisme bancaire n'est qu'un exemple isolé, justifie un contrôle à dimension supranationale des établissements de crédit. Evidemment, la crise des.... (6) a participé à l'accroissement de cette exigence.

Les articles 19 à 21 de la "LRBF", en transposant en droit français les dispositions de la Directive 2009/111 CE du 16 septembre 2009 (7), traduisent le renforcement de cette prise de conscience en modifiant globalement le dispositif de surveillance sur une base consolidée ce qui aboutit en particulier :

- à la création de collèges des superviseurs nationaux, dont la constitution et le fonctionnement sont déterminés par des accords conclus entre l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et ses homologues de l'Union européenne et de l'Espace économique européen ("LRBF", art. 20-I ; C. mon. fin., art. L. 613-20-2, nouv. N° Lexbase : L2239INA) ;

- et à l'instauration d'un devoir d'alerte de l'ACP à l'attention des autres superviseurs de l'EEE, dès lors qu'elle a connaissance d'une situation d'urgence, "notamment une évolution ou un événement susceptible de menacer la liquidité d'un marché ou la stabilité du système financier" d'un autre de ces Etats ("LRBF", art. 19-II et IIII ; C. mon. fin., art. L. 613-20-4, nouv. N° Lexbase : L2238IN9 et L. 632-1, nouv. N° Lexbase : L2237IN8).

Voilà donc une loi pleine de bonnes intentions, et vraisemblablement teintée d'une considération hobbesienne de la solidarité entre superviseurs nationaux : c'est louable, mais sans doute avec un effet utile limité.

B - Les nouvelles dispositions relatives au contrôle micro-prudentiel

Ayant pour principal objet la supervision des acteurs du secteur bancaire et financier, le contrôle micro-prudentiel reçoit aussi les faveurs des auteurs de la LRBF qui lui consacrent des dispositions modifiant le corpus normatif applicable à l'Autorité de contrôle prudentiel (1°) et instaurant de nouveaux organes internes de contrôle (2°).

1° La réforme de l'Autorité de contrôle prudentiel

Moins d'un an après l'ordonnance créatrice (8), la "LRBF" introduit de nouvelles règles relatives à l'ACP. Nombre de ces innovations, destinées à "mettre en place la nouvelle autorité de contrôle prudentiel" (9), n'en sont pas véritablement tant elles sont anodines : par exemple, lorsqu'elles mettent fin au doublon des articles L. 511-38 (N° Lexbase : L2188IND) et L. 612-43 du Code de commerce (N° Lexbase : L2206INZ), jusqu'alors tous deux relatifs à la nécessité de recevoir l'avis de l'ACP préalablement à la nomination des commissaires aux comptes d'un établissement de crédit ("LRBF", art. 12-III, 3°). Néanmoins, certaines sont de plus grande importance :

- au plan organisationnel, le collège de l'ACP s'enrichit de trois membres supplémentaires (10) ("LRBF", art. 14-I, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-5 N° Lexbase : L2230INW) et la commission des sanctions d'un seul ("LRBF", art. 15-II, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-9 N° Lexbase : L2232INY) (11). Egalement, une fonction vice-président de l'ACP est créée ("LRBF", art. 12-II, 1° ; C. mon. fin., art. L. 142-3, 5° N° Lexbase : L2191INH) ;

- en matière de sanctions, sujet toujours sensible s'il en est, les changements sont encore plus marqués puisque (i) la publication des décisions rendues en la matière est désormais une obligation et non plus une simple faculté ("LRBF", art. 16-I, 2° ; C. mon. fin., art. L. 612-39 N° Lexbase : L2192INI) (12), (ii) le retrait total d'agrément est ajouté à la liste des sanctions pouvant être prononcées par l'ACP ("LRBF", art. 12-III, 15° ; C. mon. fin., art. L. 612-39, 7°) (13) et (iii) le plafond des sanctions pécuniaires est relevé à 100 millions d'euros, contre seulement 50 millions auparavant ("LRBF", art. 16-I, 1° ; C. mon. fin., art. L. 612-39, 7°) (14).

En clair : la copie de janvier 2010 est revue sous un angle indéniablement plus sévère, ce qui est cohérent avec l'ambiance du moment mais laisse la vague et désagréable impression que le législateur, soumis à des influences diverses, devient petit à petit un champion de la réforme permanente, soit que le premier jet législatif se révèle incomplet du fait d'une conception hâtive soit qu'il ne reçoive pas la bénédiction du tout puissant "Marché". Récemment, et la "LRBF" a contribué à confirmer la tendance (15), le droit des procédures collectives en a été le triste exemple : à défaut de vigilance, le droit bancaire pourrait vite le rejoindre.

2° Le défilé des comités internes

La "LRBF" cède, comme nombre de textes l'ayant précédée, à la mode des "comités Théodule" en contraignant les établissements de crédit à se doter :

- d'une part, d'un comité des rémunérations, chargé, notamment, de l'examen des politiques et pratiques en matière de rémunération, "y compris au regard de la politique de risque de l'entreprise" ("LRBF", art. 65-I ; C. mon. fin., art. L. 511-41-1, A nouv. N° Lexbase : L4943IG8). Actualité oblige, cela implique a minima le contrôle des "salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'exposition aux risques de l'entreprise". En ce sens, la LRBF recoupe assez largement l'esprit des dispositions de l'arrêté du 3 novembre 2009, relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (N° Lexbase : L9029IE7) ;

- d'autre part, d'un comité des risques ("LRBF", art. 29 ; C. mon. fin., art. L. 511-46 N° Lexbase : L2248INL), qui est en fait un redéploiement du comité d'audit prévu à l'article L. 823-19 du Code de commerce. Ce nouvel organe a pour mission de suivre "la politique, les procédures et les systèmes de gestion des risques" de l'établissement de crédit concerné. Comme le lien entre les deux missions n'est pas évident de prime abord, la "LRBF" laisse la possibilité aux établissements de crédit de créer un comité des risques ad hoc (16) : sans doute sera-ce une émanation du département en charge du contrôle des risques ou du comité de crédit, d'ores et déjà des noeuds gordiens de tout établissement de crédit qui se respecte.

A ce stade de notre commentaire, nous avons découvert fort peu pour nous étonner, soit que les modifications induites par la "LRBF" sont limitées soit qu'elles étaient attendues ou en tous cas déjà présentes à un endroit ou l'autre du champ bancaire. En s'intéressant à ce que la loi du 22 octobre 2010 apporte pour ce qui concerne les acteurs du financement, on s'aperçoit que le constat est peu ou prou similaire même si certaines innovations sont très appréciables.

II - Une rénovation raisonnable de certains apporteurs de fonds

A - La réorganisation d'OSEO, acteur du financement des PME

Créé par l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 (17), l'établissement public OSEO est attributaire de plusieurs missions d'intérêt général, dont celle de favoriser le financement des petites et moyennes entreprises (ordonnance n° 2005-722, art. 1er). Avec un souci de simplification, la "LRBF" restructure sensiblement le groupe de sociétés dont cet établissement est faîtier (1°), faisant au passage disparaître sa filiale bancaire (2°).

1° La restructuration du groupe OSEO

Derrière l'établissement public OSEO se dissimule en fait un groupe de sociétés composé d'OSEO Financement, d'OSEO Garantie, d'OSEO Innovation et d'OSEO Bretagne. La "LRBF" programme (18) l'absorption de ces trois dernières entités par OSEO Financement, laquelle deviendra la société anonyme OSEO ("LRBF", art. 63) détenue à 50 % par l'Etat et l'établissement public OSEO ("LRBF", art. 62 ; ordonnance n° 2005-722, art. 6-II) et soumise au contrôle de l'Etat.

Il s'agit d'une pure modification structurelle, la "LRBF" ne modifiant pas les attributions de cette société anonyme (en comparaison de celles des personnes morales absorbées). Souhaitons que, comme l'espérait le Gouvernement, cet aplanissement de l'organigramme du groupe OSEO renforcera "l'efficacité des outils de financement de l'innovation et de la croissance des PME" (19).

2° La disparition d'OSEO Garantie

OSEO Garantie, destinée à être absorbée comme nous venons de le décrire par la nouvelle société anonyme OSEO, est une institution financière spécialisée au sens de l'article L. 516-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9663DYK), à savoir un établissement de crédit auquel l'Etat a confié une mission permanente d'intérêt public.

Ce statut particulier ne devrait pas échoir à la société anonyme OSEO, provoquant ainsi la disparition de la filiale bancaire du groupe. Cela étant, la société anonyme OSEO ayant la possibilité soit directement, soit par la création d'une filiale, d'exercer en France et à l'étranger, "toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet tel que défini par la loi" ("LRBF", art. 62 ; ordonnance n° 2005-722, art. 6-I), l'espoir de voir un établissement de crédit dûment habilité par l'ACP réapparaître au sein du groupe OSEO est permis. Nul doute que cela arrivera tôt ou tard, tant il semble inconcevable qu'un tel groupe se passe des possibilités liées au statut d'établissement de crédit. Il serait logique que cette résurrection procède d'une filialisation (20) : réformez, réformez ! Il en restera toujours quelque chose.

B - Le renouveau du refinancement des établissements de crédit sur les marchés obligataires

Profondément remodelée en 1999 pour sauver le Crédit foncier de France du précipice (21), la société de crédit foncier (la SCF) est une structure de refinancement des établissements de crédit dont le succès ne se dément pas : il faut dire que le super-privilège, exorbitant du droit commun offert aux porteurs des obligations foncières émises par les SCF (C. mon. fin., art. L. 515-19 N° Lexbase : L3618HZZ) est un argument de poids pour emporter une décision d'investissement (22).

La "LRBF" accroît un peu plus l'attractivité de la SCF (1°) et la dote d'un quasi-clone, la société de financement de l'habitat (la SFH), aux avantages encore plus grands (2°).

1° L'attractivité accrue des sociétés de crédit foncier

En matière de SCF, la LRBF contribue à un assouplissement substantiel des possibilités offertes à ces établissements de crédit d'un genre particulier :

- d'une part, une SCF peut désormais émettre les billets hypothécaires prévus par les articles L. 313-42 (N° Lexbase : L7112IAN) à L. 313-48 du Code monétaire et financier, ce qui accroît les sources de refinancement offertes aux établissements de crédit ("LRBF", art. 71 ; C. mon. fin., art. L. 515-13, II, nouv. N° Lexbase : L2341INZ) ;

- d'autre part, il est admis que la SCF puisse recourir aux mobilisations de créances régies par les articles L. 211-36 (N° Lexbase : L2247INK) et suivants du Code monétaire et financier, issus de la transposition de la Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002, concernant les contrats de garantie financière (N° Lexbase : L4787A43), ce qui lui permettra, notamment, de procéder à des cessions de créances à titre de garantie particulièrement efficaces en cas d'ouverture d'une procédure collective à son encontre.

Apparemment plus conscient de l'enjeu qu'il y a à veiller à la liquidité des établissements de crédit que le Comité de Bâle (23), le législateur français introduit avec la "LRBF" deux dispositions dans le Code monétaire et financier ayant trait à la liquidité des SCF :

- en premier lieu, obligation leur est désormais faite de s'assurer à tout moment la couverture de leurs besoins de trésorerie ("LRBF", art. 71) ;

- en second lieu, dans l'esprit des vastes programmes d'achat d'obligations sécurisés lancés en 2009 par la Banque centrale européenne (24), un nouvel article L. 515-32-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2337INU) autorise, sous conditions, les SCF à acheter leurs propres obligations foncières "dans le seul but de les affecter en garantie des opérations de crédit de la Banque de France conformément aux procédures et conditions déterminées par cette dernière pour ses opérations de politique monétaire et de crédit intrajournalier, dans le cas où les sociétés de crédit foncier ne seraient pas à même de couvrir leurs besoins de trésorerie par les autres moyens à leur disposition".

Ajoutons que sont maintenant clairement éligibles à l'actif d'une SCF les créances co-garanties par plusieurs personnes publiques ("LRBF", art. 71 ; C. mon. fin., art. L. 515-15, II, 1° N° Lexbase : L2340INY), d'où un accroissement clair du stock de créances transmissibles à une SCF, et qu'est introduit un régime propre à la cession à une SCF de créances résultant d'un contrat de partenariat, assis sur celui prévue en matière de "cession Dailly" (25).

2° La création des sociétés de financement de l'habitat

Toute attractive qu'elle soit, la SCF présente un inconvénient majeur eu égard à la réalité du marché immobilier français : en favorisant les créances garanties par une sûreté réelle, plus aisément et largement éligibles à son actif (C. mon. fin., art. R. 515-2 N° Lexbase : L5049HZZ et s.), quand la majorité des prêts immobiliers octroyés en France fait l'objet d'un cautionnement, elle limite considérablement les possibilités de refinancement des portefeuilles de prêts immobiliers des établissements de crédit français.

Pour cette raison, une structure alternative avait été élaborée empiriquement : les montages de structured covered bonds, librement inspirés d'un équivalent anglo-saxon, lesquels, en tirant partie du régime des garanties financières, organisent une réplique contractuelle du super-privilège des SCF.

La "LRBF" a offert l'opportunité de "légaliser" (26) ce schéma en créant les SFH ("LRBF", art. 73 ; C. mon. fin., art. L. 515-34, nouv. N° Lexbase : L2345IN8 et s.). Contrairement aux SCF, les SFH devraient (27) avoir toute latitude pour refinancer des prêts cautionnés par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance (28) en recevant les créances correspondantes en propriété à titre de garantie de prêts accordés à des établissements de crédit. En revanche, leur objet sera limité à de telles activités de refinancement : contrairement aux SCF, elles ne pourront pas contribuer au financement des personnes publiques. Pour le reste, le principe cardinal du régime de la SFH est simple : il s'agit d'une SCF (29) émettant non pas des obligations foncières mais des obligations à l'habitat, qui bénéficient du même super-privilège que celui existant pour les obligations foncières, dénommées "obligations à l'habitat" ("LRBF", art. 73 ; C. mon. fin., art. L. 515-36, I nouv. N° Lexbase : L2349INC).

Même si l'on peut douter de l'impérieuse nécessité d'introduire dans la loi une structure nouvelle de refinancement à un moment où les taux proposés en matière de prêts immobiliers sont particulièrement bas et où l'appétit des marchés pour les obligations adossées à des prêts immobiliers demeure modéré, saluons la réactivité du législateur à s'approprier les innovations apparues sur le marché. Une fenêtre de tir de douze mois à compter de la promulgation de la "LRBF" étant ouverte pour procéder, à des conditions simplifiées, à la transformation des montages de structured covered bonds en SFH, nul doute que les agents économiques concernés sauront en profiter.

La "LRBF" fourmille de nouveautés, qui tiennent plus volontiers de l'ajustement fin (30) que de la révolution culturelle. Pour autant, sans se montrer injustement sévère avec ce texte, il nous faut admettre qu'elle ne constitue pas, en matière de droit bancaire, un texte d'une importance considérable : les événements récents nous ont appris à ne pas être trop déçus d'un remaniement annoncé de longue date et n'accouchant que d'une souris. A la décharge des concepteurs de la "LRBF", il faut dire que beaucoup a déjà été accompli depuis 2007. Au final, la création des SFH nous paraît être l'apport le plus conséquent de cette loi nouvelle. Il y aurait sans doute à dire, comme d'autre l'ont fait (31), sur l'intitulé peu adapté de la "LRBF" qui n'a que peu à voir avec la régulation.

De la crise financière sort peu à peu un droit bancaire et financier plus complet et adapté ; modestement, la "LRBF" y apporte sa pierre. A ce sujet, méditons en la transposant à ce contexte économique dégradé dont nous faisons l'expérience cette mémorable réplique d'Harry Lime, le personnage incarné par Orson Wells dans Le Troisième Homme : "In Italy for 30 years under the Borgias they had warfare, terror, murder, and bloodshed, but they produced Michelangelo, Leonardo da Vinci, and the Renaissance. In Switzerland they had brotherly love - they had 500 years of democracy and peace, and what did that produce? The cuckoo clock" (32).


(1) Projet de loi de régulation bancaire et financière.
(2) Cf. exposé des motifs du projet du 16 décembre 2009.
(3) Au premier rang desquels les fameux Credit Default Swaps, sur lesquels on peut lire : Y. Braouzec, Dérivés de crédit vanille et exotiques - Produits, modèles et gestion des risques, Revue Banque Editeur, 2007.
(4) Voir l'article de J.-B. Lenhof, Brèves réflexions sur les nouveaux mécanismes boursiers issus de la loi de régulation bancaire et financière, Lexbase Hebdo n° 228 du 18 novembre 2010 - édition affaires (N° Lexbase : N5750BQZ).
(5) On peut se référer à ce qu'explique sur le sujet The high-level group on financial supervision in the EU, février 2009 (dit "Rapport Larosière").
(6) Oui, vous avez deviné !
(7) Directive 2009/111 CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009, modifiant les Directives 2006/48/CE, 2006/49/CE et 2007/64/CE en ce qui concerne les banques affiliées à des institutions centrales, certains éléments des fonds propres, les grands risques, les dispositions en matière de surveillance et la gestion des crises (N° Lexbase : L9198IEE), JOUE L 302 du 17 novembre 2009.
(8) Il s'agit de l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance (N° Lexbase : L4185IG4), sur laquelle lire nos obs. L'Autorité de contrôle prudentiel : nouveau vaisseau-amiral du contrôle micro-prudentiel en matière bancaire et assurantielle, Lexbase Hebdo n° 384 du 25 février 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N2580BNU) ; Th. Bonneau, JCP éd. E, 2010, 1140.
(9) Titre du chapitre IV de la "LRBF", consacré à la question : il nous semblait pourtant que l'ACP avait été mise en place il y a quelques mois. Ses éminents membres seront, à ne pas en douter, ravis de le savoir !
(10) Et compte ainsi 19 membres, dont le président de l'Autorité des marchés financiers.
(11) Soit 6 membres au total, dont deux conseillers d'Etat pour un seul représentant de la Cour de cassation : le tonnerre va gronder !
(12) Sauf "lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause".
(13) Pour simplifier : le retrait total d'agrément, régi par les articles L. 511-15 (N° Lexbase : L4970IG8) et L. 511-16 (N° Lexbase : L5153IGX) du Code monétaire et financier, n'emporte pas liquidation immédiate de l'établissement de crédit en cause, contrairement à la radiation prévue à l'article L. 511-17 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5024IG8).
(14) Que les dirigeants et actionnaires d'établissements de crédit se consolent : le montant des sanctions que peut prononcer l'Autorité des marchés financiers est multiplié par 10 (cf. "LRBF", art. 6-II, 2° a)).
(15) La "LRBF" instaure la sauvegarde financière accélérée, inspirée de la procédure anglo-saxonne de "prepack" (voir, notamment, R. Damman et G. Podeur, Sauvegarde financière expresse : vers une consécration législative du 'prepack à la française', D., 2010 p. 2005 ; A. Besse et N. Morelli, Le prepackaged plan à la française : pour une saine utilisation de la procédure de sauvegarde, JCP éd. E, 2009 n° 1628 p. 28 à 33 ; F. X. Lucas, Le plan de sauvegarde apprêté ou le prepackaged plan à la française, Cahiers de droit de l'entreprise, n° 5, septembre-octobre 2009 p. 35, P-M. Le Corre, in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - Septembre 2010, Lexbase Hebdo n° 408 du 16 septembre 2010 - édition privée générale N° Lexbase : N0555BQM).
(16) Dans le projet de loi adopté le 11 juin 2010 par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat (et plus précisément, son article 7 septies), cette possibilité avait valeur de principe.
(17) Ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005, relative à la création de l'établissement public OSEO et de la société anonyme OSEO (N° Lexbase : L8390G9M).
(18) La date prévue est "le lendemain de la publication du décret approuvant les statuts de la société anonyme OSEO qui doit intervenir au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la promulgation" de la "LRBF" ("LRBF", art. 92-I, al. 3).
(19) Exposé des motifs des articles 14 à 18 du projet de loi déposé à l'Assemblée nationale le 16 décembre 2009.
(20) Ladite filiale pouvant être ou non soumise au contrôle de l'Etat selon qu'elle sera détenue à plus ou moins de 50 % par l'établissement public OSEO, seul ou conjointement avec l'Etat (ordonnance n° 2005-722, art. 5).
(21) Cf. le titre IV de loi n° 99-532 du 25 juin 1999, relative à l'épargne et à la sécurité financière (N° Lexbase : L2208DYG).
(22) Voir X. de Kergommeaux et C. Van Gallebaert, La société de crédit foncier : une structure rassurante en période de crise, Revue trimestrielle de droit financier, 2007, n° 3, p. 137.
(23) Cf. notre article consacré à ce sujet, La nouvelle ligne bleue du monde bancaire : "Bâle III", Lexbase Hebdo n° 409 du 23 septembre 2010 - édition privée générale (N° Lexbase : N0960BQM).
(24) Voir, par exemple, la décision de la Banque centrale européenne du 2 juillet 2009 relative à la mise en oeuvre du programme d'achat d'obligations sécurisées (BCE/2009/16) (2009/522/CE).
(25) Lequel fait également l'objet d'une réforme portant sur la limite quantitative dans laquelle la cession de créance peut être acceptée par la personne publique contractante ("LRBF", art. 72-III ; C. mon. fin., art. L. 313-29-2 N° Lexbase : L2343IN4).
(26) Au sens d'introduire dans la loi.
(27) L'absence à cette date de décret d'application précisant les quotités maximales applicables à la composition de l'actif d'une SCF nous contraint à employer le mode conditionnel.
(28) C'est-à-dire, pour être clair, par un professionnel du cautionnement.
(29) La "LRBF" utilise une simple technique de renvoi : art. 72 ; C. mon. fin., art. L. 515-34, al. 2, nouv (N° Lexbase : L2345IN8).
(30) Comme celle précisant qu'un organisme de titrisation peut "pour la réalisation de son objet, un organisme de titrisation peut détenir, à titre accessoire, des titres de capital reçus par conversion, échange ou remboursement de titres de créances ou de titres donnant accès au capital" ("LRBF", art. 69 ; C. mon. fin., art. L. 214-43, al. 3, nouv. N° Lexbase : L2336INT).
(31) Th. Bonneau, Commentaire de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, de régulation bancaire et financière, JCP éd. E, 2010, 1257.
(32) Traduction libre : "En Italie, sous les Borgia, pendant trente ans, il y a eu la guerre, la terreur, des meurtres et des bains de sang : cela a donné Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu l'amour fraternel, cinq siècles de paix et de démocratie. Et qu'est-ce que cela a donné ? Le coucou".

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