La lettre juridique n°326 du 13 novembre 2008 : Éditorial

Le vice caché, l'erreur substantielle et la délivrance conforme version "MacNamara"*

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Le vice caché, l'erreur substantielle et la délivrance conforme version "MacNamara"*. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210643-levicecachelerreursubstantielleetladelivranceconformeversionmacnamara
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Domat dit "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus", et l'article 1641 du Code civil fut... Et Pothier de lui répondre que "le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même" et l'article 1642 du même code "d'enfoncer le clou", selon l'expression de Philippe Le Tourneau.

Aussi, comme le rappelait Jérôme Betoulle, Conseiller référendaire à la Cour de cassation, dans L'aspect "délictuel" du dol dans la formation des contrats, "le droit romain ne connaissait pas la théorie des vices du consentement. Le dol était réprimé comme un délit, l'action de dol étant pénale et infamante, et remplissait une fonction indemnisatrice qui calquait la réparation sur le préjudice subi. Ce n'est qu'à la Renaissance que commence à s'opérer un changement de perspective, les auteurs s'interrogeant plus sur l'altération du consentement que sur la consistance du délit qui en est la cause. Cependant, à l'époque suivante, si Domat et Pothier voient dans le dol un vice des conventions qui s'oppose à la sincérité et à la bonne foi qui doivent régner dans les contrats, la notion de vice du consentement, faute de réflexion sur la qualité de l'altération engendrée par le dol, n'est pas encore nettement dégagée".

Ces dispositions liminaires nous rappellent, ainsi, combien le code de 1804 est, désormais, bel et bien dépassé par l'interprétation de la Cour de cassation, tant la protection de l'acquéreur quant à son consentement ou quant à la chose acquise, se décline de manière graduée.

Que le lecteur nous pardonne l'anachronisme, mais si l'Ancien régime préconisait la doctrine "Dulles", dite des représailles massives, c'est-à-dire une pénalisation directe du comportement du vendeur de mauvaise foi, les Modernes auront préféré la doctrine "MacNamara" dite de la riposte graduée, selon que l'acquéreur et/ou le vendeur est profane ou professionnel. Mais, à la lecture de cinq arrêts récents rendus par la Cour de cassation, sur lesquels revient, cette semaine, David Bakouche, Professeur à l'Université de Sceaux, il est bien clair que le juge entend protéger chaque acquéreur du préjudice subi par une altérité de la chose vendue, quel que soit son niveau d'expertise quant à l'objet du litige ; seul le fondement de l'action diffère.

A l'encontre du vendeur d'une oeuvre d'art dont l'auteur ne s'avérait pas véritablement celui qu'il laissait entendre, la Cour de cassation retient l'erreur substantielle sur la chose vendue (Cass. civ. 1, 30 septembre 2008, n° 06-20.298). Il en va de même à l'encontre du vendeur d'un meuble réparé et accidenté présenté comme n'ayant subi aucune transformation depuis l'époque Louis XVI de référence (Cass. civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-17.523). En revanche, aucun vice caché n'est retenu dans le cadre d'une vente aux enchères d'un tableau présenté, sur catalogue, comme de "l'Ecole française vers 1600" et conforme à cette simple mention (Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-12.147). Au chef d'agence bancaire qui a vendu un véhicule d'occasion préalablement équipé d'un système de carburation GPL défectueux, la Cour régulatrice retient la garantie des vices cachés assortie de dommages-intérêts, considérant le défendeur comme un professionnel qui se livrait de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de véhicules d'occasion dont il tirait profit (Cass. civ. 1, 30 septembre 2008, n° 07-16.876). Enfin, en faveur d'une société ayant acquis des rayonnages métalliques, installés à l'extérieur de ses magasins, qui se sont rapidement détériorés sous l'effet de la rouille, la Cour a estimé que les juges d'appel n'avaient pas légalement justifié leur décision, car ils n'avaient pas recherché si les rayonnages vendus présentaient les qualités décrites dans les conditions générales de vente et si, dans la négative, le vendeur n'avait pas manqué à son obligation de délivrance conforme (Cass. com., 14 octobre 2008, n° 07-17.977).

Le préjudice causé par le seul usage impropre auquel on destine la chose vendue est donc loin derrière nous et la résolution de la vente n'est pas la seule sanction encourue par le vendeur. L'erreur substantielle sur la chose vendue et l'obligation de délivrance conforme complètent allègrement l'arsenal réparateur, sous l'égide de la résolution ou de la nullité du contrat de vente.

Au travers de ces cinq arrêts, la Cour régulatrice rappelle, au surplus, que si, depuis 1900, il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement "l'impropriété" (dans toutes ses acceptations possibles au regard des trois actions réparatrices) de la chose à l'usage auquel elle est en principe destinée, elle contrôle que le juge a qualifié correctement les faits d'où il a déduit que la chose était ou non "défectueuse" (idem).

Mais, une fois le caractère "défectueux" de la chose avéré, il demeure la question du fondement de l'action en réparation, celle de la qualité profane ou professionnelle de l'acquéreur, afin de lui reconnaître "un droit limité à la légèreté", selon la formule des Professeurs Collart, Dutilleul et Delebecque, et celle de la qualité profane ou professionnelle du vendeur lui-même... La graduation emporte inexorablement son lot de subtilités.


* Que le lecteur pardonne l'évocation fortuite du Secrétaire national à la Défense américaine de Kennedy, à l'heure de "l'Obamania".

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