Réf. : Cass. civ. 2, 14 décembre 2006, n° 05-04.051, Mme Hélène Cibrario, FS-P+B (N° Lexbase : A9014DSN)
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N7260A9R
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le 07 Octobre 2010
En l'espèce, une commission de surendettement des particuliers, estimant que la situation de l'un d'entre eux était irrémédiablement compromise, avait, avec l'accord du débiteur, saisi aux fins d'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel un juge de l'exécution. Or, celui-ci avait déclaré la demande irrecevable pour cause de mauvaise foi. Sans grande surprise, le débiteur a cherché à contester sa prétendue mauvaise foi en faisant valoir, d'une part, que la bonne foi du débiteur se présume, en sorte que le juge de l'exécution ne pouvait relever d'office son absence, et, d'autre part, que le débiteur s'était endetté pour régler ses dettes de jeu, et que c'était donc le remboursement de ces emprunts et non la dette de jeu qui avait motivé sa demande de bénéficier d'un plan d'apurement, ce dont il résultait que sa mauvaise foi n'était pas caractérisée. Autrement dit, en déclarant la demande irrecevable, le juge de l'exécution aurait violé les articles L. 330-1 et L. 332-6 (N° Lexbase : L5289DA7) du Code de la consommation. Cette argumentation n'a cependant pas convaincu la Cour de cassation qui, pour approuver la décision du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon et, ainsi, rejeter le pourvoi, rappelle justement que "le juge de l'exécution tient de l'article L. 332-6 du Code de la consommation le pouvoir d'apprécier, même d'office, le caractère irrémédiablement compromis de la situation du débiteur ainsi que sa bonne foi pour prononcer l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel", et relève, en l'espèce, que "c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait qui lui étaient soumis que le juge de l'exécution a retenu que [le débiteur] n'était pas de bonne foi".
La solution ne surprend pas. D'abord, en effet, il est acquis que la bonne ou la mauvaise foi sont des notions de fait sur lesquelles la Cour de cassation n'exerce aucun contrôle. Ensuite, il est classique que la mauvaise foi du débiteur, que la sanction de l'excès entend protéger, lui fasse précisément perdre la faculté voulue comme exceptionnelle par le législateur ou le juge d'invoquer l'excès, la relexatio legis ne pouvant profiter qu'au débiteur de bonne foi. Aussi bien considère-t-on, en matière de clause pénale, que la mauvaise foi du débiteur qui rompt délibérément la loi contractuelle l'empêche de prétendre à la réduction judiciaire de la pénalité pourtant objectivement "manifestement excessive" au sens de l'article 1152, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ) (2). C'est la même logique que suit le droit du surendettement des particuliers, où la loi réserve le bénéfice des mesures destinées à lutter contre l'endettement excessif des particuliers aux seuls débiteurs de bonne foi, la bonne foi supposant, d'une part, que le débiteur ait sincèrement soumis à la commission tous les éléments actifs et passifs de sa situation (bonne foi procédurale), et, d'autre part, que l'appréciation même de son état de surendettement ne soit pas imputable à un comportement de mauvaise foi (bonne foi contractuelle). La punition du comportement déloyal consiste alors dans l'impossibilité pour le contractant de tirer avantage de ses droits. L'impossibilité pour le contractant de mauvaise foi d'invoquer l'exception d'inexécution, la limitation de son droit de poursuivre la résolution du contrat avec dommages et intérêts, l'obstacle que constitue sa mauvaise foi à l'octroi d'un délai de grâce de droit commun (C. civ., art. 1244-1 N° Lexbase : L1358ABW) ou l'application des clauses résolutoires, tant en droit interne qu'en droit du commerce international, la privation du droit du salarié d'être réintégré dans l'entreprise à la suite de son licenciement pour fait de grève en cas de faute lourde de sa part, relèvent de cette même tendance et en sont des illustrations significatives (3).
David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit
(1) Cass. civ. 1, 31 mars 1992, n° 90-04.024, M. Sever c/ Banque de France (N° Lexbase : A3116ACE) Bull. civ. I, n° 111 ; Cass. civ. 1, 2 décembre 1992, n° 91-04.158, Epoux Ghanmi c/ Crédit médical de France et autres (N° Lexbase : A5654AHU), Bull. civ. I, n° 302.
(2) Sur cette question, voir not. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, préf. F. Chabas, spéc. n° 585 et s..
(3) Sur lesquelles voir not. B. Fages, Le comportement du contractant, PUAM, 1997, préf. J. Mestre.
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