TA Nantes, du 19-06-2024, n° 2106841
A90945LE
Référence
Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, M. B A, représenté par
Me Garrigues, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours contre la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine avait rejeté sa demande de naturalisation°ainsi que cette décision ;
2°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application de l'article L.'761-1 du code de justice administrative.
M. A soutient que :
- la décision ministérielle n'est pas motivée ;
- la décision ministérielle est entachée d'un défaut d'examen ;
- il remplit les conditions requises pour être naturalisé français ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 juillet 2022 et le 6 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jégard a été entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2024.
1. M. B A demande au tribunal d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant son recours dirigé contre la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que cette décision. Toutefois, par décision du 14 avril 2021, produite par le ministre, ce dernier a expressément rejeté son recours hiérarchique. M. A doit être regardé comme demandant l'annulation de cette décision du 14 avril 2021 qui s'est substituée à la décision implicite de rejet.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale :
2. En application des dispositions de l'article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, les décisions par lesquelles le ministre statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées. Ainsi la requête doit-elle être regardée comme exclusivement dirigée contre la décision ministérielle et les moyens dirigés contre la décision préfectorale sont-ils inopérants.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ministérielle':
3. En premier lieu, aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française prise en application du présent décret est motivée conformément à l'article 27 " du code civil et aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : "'La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision°". La décision attaquée vise les articles 45 et 48 du décret du 30 décembre 1993 et mentionne les circonstances de faits propres à la situation du postulant. Ainsi cette décision comporte-t-elle, avec suffisamment de précision, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée, nonobstant la circonstance qu'elle ne cite pas expressément le code civil. Par suite, elle est suffisamment motivée et satisfait aux exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre n'aurait pas examiné la situation personnelle du requérant. Par suite le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " () l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Une fois ce délai expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. Il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation au ressortissant étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements de tous ordres recueillis sur le loyalisme du postulant.
6. Pour ajourner la demande d'acquisition de la nationalité française de M. A, le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est fondé sur le motif tiré de ce que son activité professionnelle d'agent administratif qu'il exerce sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis le 27 juin 2006 au sein du consulat général du royaume du Maroc à Paris révèle un lien particulier l'unissant à son pays d'origine, lequel est incompatible avec l'allégeance à la France.
7. Il est constant que M. A travaille comme agent administratif pour le royaume du Maroc en France et que, à ce titre, ses revenus proviennent de l'État marocain. En l'absence de précisions sur les fonctions exactes exercées par l'intéressé, ce dernier ne démontre pas que le motif opposé par le ministre serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En quatrième lieu, les circonstances selon lesquelles M. A remplirait les autres conditions nécessaires à l'acquisition de la nationalité française, que ses parents sont décédés et qu'il n'a plus d'attaches au Maroc et qu'il est intégré sont sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, eu égard au motif sur lequel elle se fonde.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. A doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Rimeu, présidente,
M. Jégard, premier conseiller,
Mme El Mouats St Dizier, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024.
Le rapporteur,
X. JÉGARDLa présidente,
S. RIMEU
La greffière,
P. LABOUREL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Article, 27, C. civ. Décret, 93-1362, 30-12-1993 Article, 21-15, C. civ. Décision entachée d'une erreur manifeste Décision implicite de rejet Ajournement Acquisition de la nationalité française Contrat à durée déterminée Erreur d'appréciation