Jurisprudence : Cass. civ. 1, Conclusions, 29-03-2023, n° 21-25.335

Cass. civ. 1, Conclusions, 29-03-2023, n° 21-25.335

A85752RZ

Référence

Cass. civ. 1, Conclusions, 29-03-2023, n° 21-25.335. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105409148-cass-civ-1-conclusions-29032023-n-2125335
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AVIS DE M. CHAUMONT, AVOCAT GENERAL

Arrêt n° 210 du 29 mars 2023 - Première chambre civile Pourvoi n° 21-25.335 Décision attaquée : 14 octobre 2021 de la cour d'appel de Paris Le conseil de l'Ordre des avocats de Paris C/ Le procureur général près la cour d'appel de Paris _________________

Avis commun au pourvoi 20-25.447

1. Faits et procédure Par délibération du 2 juin 2020, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris a ajouté au règlement intérieur de ce barreau un article P.6.3.0.3. rédigé de la façon suivante : « L'avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement. L'avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son

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nom et pour son compte à l'avocat les honoraires correspondant à sa mission » 1. Le 10 juillet 2020, la procureure générale de Paris a formé un recours en annulation de cette délibération. L'Association des avocats mandataires sportifs (ADAMS) est intervenue volontairement à l'instance, à titre principal. La Fédération française de football, le Comité national olympique et sportif français, la Fédération française de rugby, et l'association Union des agents sportifs du football sont également intervenus volontairement à l'instance, à titre accessoire, au soutien du recours en annulation formé par la procureure générale. Par arrêt du 14 octobre 2021, la cour d'appel de Paris a déclaré recevables les interventions volontaires, annulé en son intégralité l'article P.6.3.0.3, et rejeté les autres demandes.

2. Les pourvois 2.1 Pourvoi n° X 21.25.335 Le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris a formé un pourvoi et propose, par l'intermédiaire de la SCP Piwnica et Molinié, trois moyens. Dès lors que, pour les raisons parfaitement expliquées par Mme la conseillère rapporteure, il n'y a lieu à statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, celui-ci n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation, seuls seront exposés les deux autres Le deuxième moyen fait grief à l'arrêt, en deux branches, d'avoir annulé l'alinéa 1er de l'article P.6.3.0.3 alors que : - «les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ; qu'il s'en déduit qu'ils peuvent, en la matière, exercer l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion de tels contrats» (première branche); - « en toute hypothèse, l'avocat peut commercialiser, à titre accessoire, des biens ou services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession ; que la mise en rapport de parties intéressées à la conclusion d'un contrat est un service connexe aux prestations de conseil, d'assistance et de représentation relevant de la

1 Les soulignements et la mise en caractères gras de cet avis sont à mon initiative

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profession d'avocat, que l'avocat peut par conséquent fournir dès lors qu'il reste accessoire» (deuxième branche). fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'alinéa 2 de l'article P.6.3.0.3 alors que «si l'avocat ne peut être rémunéré par un tiers, il peut être payé par un mandataire agissant au nom et pour le compte de son client». L'association Avocats ensemble est intervenue volontairement à l'instance, par l'intermédiaire de la SCP Nicolas Boullez, à titre accessoire en demande au soutien du pourvoi du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris. Dans son mémoire, elle s'associe aux griefs du premier moyen du pourvoi mais énonce également cinq griefs qui lui sont propres. Ces griefs ne seront pas exposés puisque, comme l'indique Mme la conseillère rapporteure, la partie intervenante devant la Cour de cassation ne peut que s'associer aux moyens du demandeur au pourvoi sans pouvoir invoquer de moyens distincts, à peine d'irrecevabilité. La SARL Matuchansky, Poupot & Valdelièvre a déposé un mémoire en défense dans l'intérêt de la Fédération française de football, du Comité national olympique et sportif français, et de la Fédération française de rugby. La SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés a déposé un mémoire en défense, commun au pourvoi n°U 21-25.447, dans l'intérêt de l'association Union des agents sportifs du football.

2.2 Pourvoi n° 21-25.447 L'Association des avocats mandataires sportifs (l'ADAMS) a formé un pourvoi et propose, par l'intermédiaire de la SCP Rousseau-Tapie, deux moyens. Dès lors que, pour les raisons parfaitement expliquées par Mme la conseillère rapporteure, il n'y a lieu à statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pas plus que sur les deuxième, cinquième, sixième et septième branches du second moyen, ceux-ci n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation, seules seront exposées les première, troisième, quatrième et huitième branches du second moyen. Celles-ci font grief à l'arrêt d'avoir annulé l'article P.6.3.0.3 alors que : - « il résulte des articles 6 ter et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, tels que modifiés par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, que l'avocat mandataire sportif peut exercer l'activité de mise en rapport des parties intéressées à la conclusion d'un contrat, soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, activité prévue à l'article L. 222-7 du code du sport, sans avoir à obtenir une licence d'agent sportif, moyennant une rémunération subordonnée à la conclusion d'un contrat (...)» (première branche);

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- « (...) la cour d'appel, qui a estimé que l'activité de mise en relation de joueurs et de clubs constituerait pour un avocat, dans tous les cas, une activité principale, a statué par un arrêt de règlement» (troisième branche); - « en retenant que « la mise en relation des joueurs et des clubs constitue toujours une mission principale, indispensable et préalable à la conclusion des contrats, qui ne peut pas être considérée comme une activité accessoire à la négociation et à la conclusion des contrats, qui interviennent nécessairement après le recrutement des joueurs » (arrêt attaqué, p. 6, § 6), sans expliquer sur la base de quels critères elle a apprécié le caractère « principal » ou « accessoire » de cette activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale» (quatrième branche); - « il résulte de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, pris en son premier alinéa, que « les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client » et, en son avant-dernier alinéa relatifs aux avocats mandataires sportifs, que « l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client » ; que ce texte ne fait nullement obstacle à ce que le client donne mandat à un tiers de payer les honoraires de son avocat mandataire sportif, ainsi que le prévoit l'article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d'avocat» (huitième branche). La SCP Piwnica et Molinié a déposé un mémoire en défense dans l'intérêt du conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris. La SARL Matuchansky, Poupot & Valdelièvre a déposé un mémoire en intervention dans l'intérêt de la Fédération française de football, du Comité national olympique et sportif français, et de la Fédération française de rugby.

3. Analyse commune aux deux pourvois 3.1 Sur l'incompatibilité de l'activité d'agent sportif avec la profession d'avocat : première branche du deuxième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre et première branche du second moyen du pourvoi de l'ADAMS La relation entre les professions d'avocat et d'agent sportif est ancienne et complexe. Dans un arrêt du 8 mars 2012, la 2e chambre civile a jugé qu'un avocat qui exécute des mandats d'agent sportif licencié par une fédération sportive et rémunérés sous forme de commissions forfaitaires associées au résultat des recherches opérées, n'accomplit pas des prestations entrant dans le champ d'application de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (2° Civ., 8 mars 2012, pourvoi n° 11-13.782, Bull. 2012, II, n° 41), de sorte que sa rémunération ne peut être qualifiée d'honoraires. Il avait été relevé dans le rapport relatif à ce pourvoi que de nombreux barreaux autorisaient à l'époque l'exercice concomitant des deux professions, et qu'un

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auteur 2 critiquait ce cumul en faisant valoir, déjà, que les agents sportifs exercent une activité de courtage, par nature commerciale, alors que la profession d'avocat est, aux termes de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991, incompatible avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée. La commission présidée par Me Darrois, dont le rapport a été remis le 8 avril 2009 au président de la République, a proposé d'élargir juridiquement le périmètre d'activité des avocats, et indiqué que « Le souhait d'une majorité d'avocats de rendre compatible leur profession avec celle d'agent sportif (...) est raisonnable» (p.47, § 4). Il y a lieu de relever cependant que ce souhait n'a pas été inclus dans les recommandations de la commission (p.49). La loi n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d'agent sportif, qui n'était pas applicable à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 8 mars 2012, aurait pu clarifier la question de ce cumul à l'occasion de la rédaction de l'article L.222-7 du code du sport aux termes duquel : « L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif ». Tel n'a pas été le cas. La commission des lois du Sénat avait proposé d'ajouter à cet article un 6° rédigé de la façon suivante : «l'activité d'agent ne peut être exercée par un avocat» en relevant que «certains barreaux autorisent aujourd'hui des avocats à exercer l'activité d'agent ce qui brouille la spécificité de cette activité. Si les avocats peuvent préparer les contrats et conseiller les agents, ils ne doivent pas pouvoir négocier et opérer les transactions avec les clubs». Mais ce 6° a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale après que son rapporteur eut indiqué, à l'appui de son amendement supprimant l'incompatibilité introduite par le Sénat, que celle-ci ne lui paraissait pas utile compte tenu des règles qui sont déjà applicables aux avocats. La loi est donc restée muette sur le sujet. Il a fallu attendre la loi n°2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées pour que le législateur se prononce sur cette question. La loi a ajouté à celle n° 71-1130 du 31 décembre 1971 un article 6 ter qui dispose que : «Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la 2 Rec. Dalloz 2007, p.746, JM Marmayou

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conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport». Elle a donc délibérément cantonné l'intervention de l'avocat à ce rôle dans les relations entre un sportif ou un entraîneur et un club et ceci, sans qu'il soit contraint d'être titulaire de la licence d'agent sportif. En effet, lors de la séance du 8 décembre 2010 au Sénat : . le rapporteur de la commission des lois a indiqué que : «Le texte initial de la proposition de loi encadrant la profession d'agent sportif rendait incompatibles les activités d'avocat et d'agent sportif. Finalement, cette incompatibilité a été levée dans le texte définitif. Dès lors, il convenait de préciser les conditions dans lesquelles les avocats pourraient intervenir dans la conclusion des contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement. Le dispositif retenu permet à un avocat d'agir en tant que mandataire du sportif, de l'entraîneur ou du club, sans avoir à obtenir une licence d'agent sportif. En effet, on peut considérer que l'avocat possède des qualifications suffisantes pour exercer une telle activité, sans avoir à obtenir une licence, qui n'ajouterait rien. En outre, cette licence soumettrait les avocats à l'autorité disciplinaire de la fédération sportive. Ce ne serait ni convenable ni conforme aux règles de la profession, pour laquelle une autorité disciplinaire existe déjà. . le garde des sceaux a précisé que : «la sécurité juridique des conventions ne pourra qu'être renforcée par l'intervention d'un avocat, qui est un spécialiste du conseil juridique et des contrats : nul ne peut nier qu'il s'agit là de son métier de base. Ce professionnel du droit intervient dans un cadre déontologique parfaitement connu, avec des principes d'indépendance et d'interdiction du conflit d'intérêts. Sa présence dans le domaine sportif est donc de nature à protéger les sportifs et les clubs. L'exercice de cette activité par les avocats suppose qu'elle se fasse en qualité de mandataire et non comme agent sportif. En effet, le statut d'agent sportif, notamment l'obligation d'avoir une licence et d'être soumis à la discipline des fédérations sportives, est contraire aux princes essentiels de la profession d'avocat». Ces propos confirment que l'action de l'avocat en la matière se distingue de l'activité d'entremise, laquelle est réservée à l'agent sportif. La raison pour laquelle ces limites lui sont ainsi fixées a été exposée par le ministre de la justice lors des travaux préparatoires de la loi du 28 mars 2011 en réponse à la question d'une parlementaire : «(...) s'il entre dans les attributions d'un avocat, de représenter, dans le cadre d'un mandat, les intérêts d'un sportif ou d'un club, l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice d'une activité sportive, qui caractérise l'activité d'agent sportif, constitue, en 6

revanche, une activité de courtage, par nature commerciale et, de ce fait, interdite aux avocats» (rapport de Mme la conseillère rapporteure p.15). Cette prohibition résulte de l'article 111 a) du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat qui dispose que « La profession d'avocat est incompatible : avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée». Or, aux termes de l'article L.110,7° du code de commerce : «la loi répute actes de commerce : toute opération de (...) courtage (...)», laquelle est définie par la doctrine comme l'accomplissement d'actes matériels consistant à «rapprocher des parties sans conclure l'acte qu'elles passent elles-mêmes directement 3, définition adoptée par la jurisprudence (1re Civ., 15 mars 2005, pourvoi n° 03-17.835, Bull. 2005, I, n° 129 ), ce qui correspond à l'activité de l'agent sportif selon l'article L.222-7 du code du sport. Deux précisions doivent être apportées à ce sujet. L'article L.121-1 du code de commerce dispose que : «sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle». L'accomplissement d'actes de commerce ne suffit donc pas à conférer la qualité de commerçant. Il faut que ces actes soient passés à titre de profession habituelle, c'est à dire de façon répétée et rémunérée 4 . La répétition de l'acte caractérise une activité. C'est pourquoi il est interdit à l'avocat d'accomplir d'exercer « l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement», comme le prévoit l'article L.222-7 du code du sport. Par ailleurs, le contrat de mandat se distingue de celui de courtage. Mme Mallet-Bricout, avocate générale, indiquait dans son rapport sur le pourvoi n° 21-25.855 5 , que : « Les deux contrats ne se confondent pas. En effet, le mandat se caractérise par l'engagement du mandataire à accomplir, au nom et pour le compte du mandant, un ou des actes juridiques. Aussi bien la définition du mandat à l'article 1984 du code civil, que celles envisagées dans les avant-projets de réforme du droit des contrats spéciaux, retiennent ces éléments caractéristiques. Le mandat est ainsi fondé sur la théorie de la représentation dite parfaite, le mandataire agissant juridiquement à la place du mandant, qui est directement engagé 3 A. Bénabent, droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, n° 645, LGDJ 14 e édition 4 FX Lucas et D. Poracchia, manuel de droit commercial n° 75, 2° éd. PUF 5 Ce pourvoi a donné lieu à l'arrêt : 1re Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-25.855

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par les actes juridiques passés par son cocontractant. Le courtier, quant à lui: accomplit des actes matériels et ne représente pas juridiquement son cocontractant « il ne contracte pas avec les tiers, mais se borne à rapprocher des personnes qui veulent traiter ensemble une opération » il agit en son propre nom». L'avocat, mandataire sportif, n'est pas un courtier. Pour toutes ces raisons, l'article P.6.3.0.3, alinéa 1 er, du règlement intérieur du barreau de Paris est bien illégal en ce qu'il autorise l'avocat à exercer l'activité d'entremise litigieuse comme l'a jugé, à bon droit, l'arrêt attaqué. Je vous invite en conséquence à écarter la première branche du deuxième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre et la première branche du second moyen du pourvoi de l'ADAMS. 3.2 Sur la question de l'activité d'agent sportif exercée à titre accessoire à la profession d'avocat : deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre ainsi que troisième et quatrième branche du second moyen du pourvoi de l'ADAMS

Le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016, pris en application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, a ajouté un alinéa à l'article 111 du décret du 27 novembre 1991 précité, aux termes duquel : « Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession». Deux observations peuvent être faites. a) en premier lieu, l'article contesté du règlement intérieur du barreau de Paris ne précise pas que l'activité d'entremise ne peut être exercée qu'à titre accessoire à la profession d'avocat, de sorte que les demandeurs au pourvoi ne peuvent pas, à mon sens, utilement se prévaloir, de l'article 111 dans sa rédaction issue du décret du 29 juin 2016. L' illégalité de l'article P.6.3.0.3, alinéa 1er, résulte également de sa généralité. b) Ensuite, le décret de 2016 a pris soin de poser deux verrous: celui de la connexité et l'exigence de la destination des services aux clients de l'avocat ou à d'autres membres de la profession. Il est bien certain que l'avocat peut accomplir des prestations qui ne sont pas purement juridiques dès lors que celles-ci sont l'accessoire de son activité professionnelle. La Cour de cassation l'a jugé à propos d'actes de recherche, d'assistance juridique, fiscale et autres en ce qu'ils relevaient de la mission pouvant être confiée à 8

son avocat par une société afin de lui éviter de déposer le bilan (2e Civ., 3 mars 2011, pourvoi n° 10-11.694). Le décret du 29 juin 2016 n'innove donc pas sur ce point, mais, s'agissant de la commercialisation de biens ou de services, il exige en outre que ceux-ci soient connexes à l'exercice de la profession d'avocat, c'est à dire qu'ils présentent un lien étroit avec celle-ci 6 . Or il ne va pas de soi, et c'est une litote, que l'activité de courtage d'agent sportif est connexe à la profession d'avocat 7 . Au reste, dans l'arrêt précité du 15 mars 2005, la chambre a jugé que, je cite le sommaire, que «La cour d'appel, qui relève qu'un avocat avait eu une activité de courtage en vue de la réalisation d'une opération financière dont, en raison de ses caractéristiques inhabituelles et son caractère spéculatif marqué, son client n'avait pu ignorer le caractère étranger à l'exercice normal des activités d'avocat, en déduit exactement que les manquements à ses obligations de courtier n'entraient pas dans le champ de la garantie professionnelle collective couvrant la responsabilité civile de l'avocat». Cette exigence de connexité justifie le préambule du décret du 29 juin 2016, cité par Mme la conseillère rapporteure, qui affirme que « (...) sont ainsi autorisées l'édition juridique, la formation professionnelle ou encore la mise à disposition de moyens matériels ou de locaux au bénéfice d'autres avocats ou sociétés d'avocats”. L'activité de courtage d'agent sportif n'est pas contenue dans cette liste. Son exclusion s'explique aussi par le fait que les clients, au sens de ce texte réglementaire, ne peuvent être que ceux que l'avocat représente en vertu de son mandat, alors que le courtier agit en son propre nom, sans représenter son ou ses cocontractants. Au regard de ces remarques, je vous propose de rejeter également la deuxième branche du deuxième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre ainsi que les troisième et quatrième branche du second moyen du pourvoi de l'ADAMS, le cas échéant par substitution des motifs critiqués par ces dernières branches.

3.3 Sur la rémunération : troisième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre et huitième branche du pourvoi de l'ADAMS La loi du 28 mars 2011 a ajouté à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, un alinéa qui dispose que « dans le mandat donné à un avocat pour la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport, il est précisé le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant de ce contrat. (...). L'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties 6 Cf la définition de la connexité dans le Vocabulaire juridique du professeur Cornu, Puf 12e éd. p.238, 7 Ce sentiment est partagé par le professeur Auzero : voir son article paru dans la revue Jurisport 2022,

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intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client». La loi n'a prévu aucune dérogation, fût-ce par un mandat donné à un tiers, et dès lors l'article P.6.3.0.3, alinéa 2, en stipulant que «cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l'avocat, les honoraires correspondant à sa mission », contrevient à la loi, ce qui justifie également son annulation, à l'inverse de ce que soutiennent le troisième moyen du pourvoi du conseil de l'ordre et la huitième branche du pourvoi de l'ADAMS que je vous suggère d'écarter aussi, si vous jugiez qu'il y a lieu de statuer dessus.

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Au regard de ce qui précède, j'incline au rejet des pourvois.

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