Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 07-12-2022, n° 21-12.696

Cass. soc., Conclusions, 07-12-2022, n° 21-12.696

A84972R7

Référence

Cass. soc., Conclusions, 07-12-2022, n° 21-12.696. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105409070-cass-soc-conclusions-07122022-n-2112696
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AVIS DE Mme MOLINA, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE

Arrêt n° 1280 du 7 décembre 2022 – Chambre sociale Pourvoi n° 21-12.696 Décision attaquée : 18 décembre 2020 de la cour d'appel de Douai Mme [U] [N] C/ l'association Aide à domicile aux retraités Adar Flandre metropole _________________

Par acte du 31 mars 2020, Mme [N], inspectrice du travail de l'unité de contrôle de la Direccte Hauts-de-France, a fait assigner l'association d'aide à domicile aux retraités (Adar) Flandres Métropole devant le président du tribunal judiciaire de Lille en statuant en référé et a demandé que soit ordonnée, sous astreinte, la mise en oeuvre d'un certain nombre de mesures, ayant pour objet la limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés ou susceptibles de l'être au risque biologique lié à la COVID-19. Par ordonnance du 3 avril 2020, le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé, a notamment rejeté la demande d'audition avant dire droit, du président du Conseil général du Nord et a fixé treize mesures devant être mises en oeuvre par l'association, et ce, sous astreinte. Sur appel de l'association, la cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 18 décembre 2020, a notamment déclaré l'inspectrice du travail recevable en son action ; déclaré le syndicat recevable en son intervention volontaire ; confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'audition du président du Conseil général du Nord ; confirmé l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que l'association devra : - définir par écrit des critères de maintien ou d'aménagement des prestations, diffuser de manière systématique cette consigne selon sa hiérarchie interne, exiger qu'il lui soit rendu compte de la mise en oeuvre de la consigne et fixer un délai pour ce compte rendu et exiger que toute dérogation ou exception aux consignes soit préalablement 1

justifiée et validée par une autorité hiérarchique clairement identifiée et joignable, le cas échéant en urgence (point 1), - établir la liste des interventions supprimées et des interventions maintenues avec le motif de maintien (point 2), - définir par écrit les modalités de vérification, préalable à l'intervention à domicile, auprès des clients ou de leur famille, de l'existence de symptômes ou de l'existence d'un diagnostic de Covid-19 avéré ; puis diffuser de manière systématique cette consigne selon sa hiérarchie interne, exiger qu'il lui soit rendu compte de la mise en oeuvre de la consigne et exiger que toute dérogation ou exception aux consignes soit préalablement justifiée et validée par une autorité hiérarchique clairement identifiée et joignable, le cas échéant en urgence (point 3), - aviser les clients qu'il leur sera demandé de porter un masque simple lors de l'intervention de ses salariés dès lors que les clients présentent un symptôme ou qu'ils ont été diagnostiqués positifs et établir pour ses salariés une consigne afin qu'ils assurent l'effectivité de la mesure lorsqu'ils interviennent ; puis diffuser de manière systématique cette consigne selon sa hiérarchie interne et exiger que toute dérogation ou exception soit préalablement justifiée et validée par une autorité hiérarchique clairement identifiée et joignable, le cas échéant en urgence (point 4), - prévoir des procédures de traitement des déchets, d'en assurer la diffusion de manière uniforme et systématique auprès des salariés et en exiger l'application (point 7), - fournir sur le lieu de travail des instructions écrites et, le cas échéant, des affiches conformément à l'article R.4425-1 du code du travail ; prendre des dispositions spécifiques, intégrées s'il y a lieu au règlement intérieur, rappelant aux travailleurs leur obligation de signaler immédiatement tout accident ou incident mettant en cause un agent biologique pathogène conformément à l'article R.4425-3 du code du travail ; tenir à la disposition des travailleurs intéressés et du comité social et économique les informations visées à l'article R.4425-4 du code du travail et le tenir à la disposition des personnes également visées à l'article R.4425-5 du code du travail, dont l'inspecteur du travail (point 9), - informer par tout moyen approprié permettant de garantir qu'ils en ont une connaissance personnelle, ses clients de la modification de l'exécution de ses prestations et des consignes dont elle exige le respect par ses salariés (point 12), - établir, après avis du médecin du travail, une liste des travailleurs exposés à des agents biologiques des groupes 3 ou 4 ; indiquer le type de travail réalisé, et, lorsque c'est possible, l'agent biologique auquel les travailleurs sont exposés ainsi que les données relatives aux expositions, aux accidents et aux incidents conformément à l'article R.4426-1 du code du travail (point 13), - faire établir un dossier médical spécial tenu par le médecin du travail ou le professionnel de santé conformément à l'article R.4426-8 et suivants du code du travail (point 14) ; confirmé également l'ordonnance en ce qu'elle a dit que ces obligations devront être exécutées dans les trois jours ouvrables suivant la signification de l'ordonnance, qu'il devra être justifié de la bonne exécution de ces obligations et du respect des délais auprès de l'inspecteur du travail de la Direccte Hauts-de-France et qu'à défaut, 2

l'association devra payer une astreinte provisoire ; infirmé l'ordonnance pour le surplus ; statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant, dit que les mesures prendront terme avec la disparition du risque sanitaire ; dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de l'inspectrice du travail. L'inspectrice a formé un pourvoi en cassation. L'association a formé un pourvoi incident. Si l'inspectrice du travail, se fondant sur les articles 4 et 16 du code de procédure civile, reproche à la cour d'appel d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur certaines de ses demandes ; le pourvoi incident, en reprochant à la cour d'appel d'avoir déclaré l'action de l'inspectrice du travail recevable en son action sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail, pose la question de l'application à des associations d'aide à domicile des règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des personnes exposées à des agents biologiques, prévues par les articles R.4421-1 et suivants du code du travail.

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches réunies L'article L. 4732-1 du code du travail prévoit la saisine du juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures (dont il est présenté une liste non exhaustive) propres à faire cesser le risque, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation de différentes dispositions du code du travail. C'est sur le fondement de ce texte que l'inspectrice du travail a agi devant les juges du fond. Si la cour d'appel a fait droit à un certain nombre de ses demandes, elle en a rejeté d'autres relatives aux équipements de protection individuelle, au motif que l'inspectrice du travail ne formulait “aucune prétention précise sur ce point et (n'indiquait) pas quels équipements de protection individuelle, tels que visés par les dispositions des articles R. 4424-3 et suivants, (devaient), selon elle, être imposés”. L'article 4 du code de procédure civile dispose “L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.” Aux termes de l'article 4 du code civil, “Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice.” L'article 16 du code de procédure civile dispose “Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.”

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En l'espèce, la cour d'appel a rappelé le contenu des demandes et notamment chacune des mesures sollicitées, avant de juger souverainement que certaines étaient imprécises et ne pouvaient pas, dès lors, être ordonnées. Je considère que ce faisant, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes du litige, étant précisé que le prononcé de mesures imprécises aurait pu conduire à édicter un dispositif insuffisamment clair, provoquant ainsi un risque de difficultés d'exécution de la décision. Par ailleurs, la cour d'appel n'a pas refusé de statuer, ni évoqué le silence, l'obscurité ou l'insuffisance de la loi dans sa motivation mais a jugé que certaines des prétentions, concernant les mesures relatives aux équipements de protection individuelle, étaient imprécises. Or, en l'absence d'informations quant à la nature de ces derniers, il n'appartenait pas à la cour d'appel de les désigner et de risquer de statuer au-delà des prétentions. Enfin, la cour d'appel a rejeté des mesures sollicitées par l'inspectrice du travail, sans en prononcer une qui ne l'était pas ; elle a également fondé sa décision sur l'article L. 4732-1 du code du travail invoqué par la demanderesse, sans soulever de moyen de droit qui n'aurait pas été présenté par cette dernière. ▸ En considération de ces éléments, je m'associe à la proposition de rejet non spécialement motivé présentée par Madame le conseiller rapporteur sur le moyen unique du pourvoi principal.

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses trois branches réunies L'employeur est tenu à une obligation générale de sécurité à l'égard des travailleurs (article L. 4121-1 du code du travail1) par la mise en oeuvre de mesures, en se fondant sur des principes généraux de prévention (article L. 4121-2 du code du travail2). Il peut également, sous certaines conditions, être tenu au respect de la

Article L. 4121-1 du code du travail : “L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.” 1

Article L. 4121-2 du code du travail : L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 2

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réglementation spécifique à la prévention des risques biologiques (articles L. 4421-1 du code du travail3 et R. 4421-1 et suivants). Ces articles se situent dans la quatrième partie “Santé et sécurité au travail” du code du travail4. Par ailleurs, l'article L. 4732-1 du code du travail5 énonce la possibilité pour l'inspecteur du travail de saisir le juge judiciaire en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation de certaines dispositions de la quatrième partie du code du travail, dont celles du livre quatrième. Or, le pourvoi incident soutient que les dispositions du titre II intitulé “Prévention des risques biologiques” figurant dans le livre quatrième du code du travail ne peuvent pas être appliquées à une association d'aide à domicile qui relève des dispositions du livre II de la septième partie du code du travail relatives aux activités de service à la personne. Il fait également valoir que l'arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures de prévention à mettre en oeuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.” Article L. 4421-1 du code du travail : “Les règles de prévention des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs exposés à des agents biologiques sont déterminées par décret en Conseil d'Etat pris en application de l'article L. 4111-6.” 3

dans un livre un “Dispositions générales”, titre deuxième “Principes généraux de prévention”, pour les deux premiers et dans un livre quatrième “Prévention de certains risques d'exposition”, titre deuxième “Prévention des risques biologiques” pour le troisième 4

Article L. 4732-1 du code du travail :“Indépendamment de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 4721-5, l'inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l'immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation des dispositions suivantes de la présente partie ainsi que des textes pris pour leur application : 1° Titres Ier, III et IV et chapitre III du titre V du livre Ier ; 2° Titre II du livre II ; 3° Livre III ; 4° Livre IV ; 5° Titre Ier, chapitres III et IV du titre III et titre IV du livre V. Le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d'un atelier ou chantier. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui est liquidée au profit du Trésor.” 5

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biologiques pathogènes, concerne uniquement les laboratoires et non l'activité d'aide à domicile. La quatrième partie du code du travail “Santé et sécurité au travail” s'ouvre par l'article L. 4111-1 du code du travail qui dispose “Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la présente partie sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. Elles sont également applicables : 1° Aux établissements publics à caractère industriel et commercial ; 2° Aux établissements publics administratifs lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ; 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi qu'aux groupements de coopération sanitaire de droit public mentionnés au 1° de l'article L. 6133-3 du code de la santé publique.”, étant précisé que l'article L. 4111-4 du code du travail prévoit qu'il peut être tenu compte des spécificités des entreprises et établissements relevant des mines, des carrières et de leurs dépendances, secteurs qui ne concernent pas celui de l'aide à domicile. De plus, aux termes de l'article R. 4421-1 du code du travail, pris en application de l'article L. 4111-6 du code du travail, sur renvoi de l'article L. 4421-1 du même code, “Les dispositions du présent titre sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Toutefois, les dispositions des articles R. 4424-2, R. 4424-3, R. 4424-7 à R. 4424-10, R. 4425-6 et R. 4425-7 ne sont pas applicables lorsque l'activité, bien qu'elle puisse conduire à exposer des travailleurs, n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et que l'évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique.” Ainsi, le champ d'application large aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs, des dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail prévue par l'article L. 4111-1 du code du travail, n'est restreint que par l'article R. 4421-1 du code du travail qui impose que la nature de l'activité puisse conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Par ailleurs, dans le code du travail, les activités de services à la personne se situent dans un titre troisième, d'un livre deuxième “Concierges et employés d'immeubles à usage d'habitation, employés de maison et services à la personne” d'une septième partie intitulée “Dispositions particulières à certaines professions et activités”. L'emploi de l'adjectif “particulières” dans le titre de la septième partie du code du travail démontre qu'au-delà de l'application des autres dispositions du code du travail à l'égard des activités de services à la personne, ces dernières se voient en outre appliquer des dispositions spécifiques relatives notamment aux déclarations, agréments et mise en oeuvre des activités ainsi que d'ordre financier. Or, en application de l'article L. 7232-6 du code du travail, les opérateurs des services d'aide à la personne peuvent fonctionner selon trois modes : le mandat, la mise à disposition ou la prestation de services.

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Dès lors qu'aucune disposition relative aux activités de services à la personne de la septième partie du code du travail n'exclut, à leur égard, l'application des dispositions du code du travail relatives à la prévention des risques, les opérateurs, qui agissent en tant qu'employeurs de salariés intervenant au domicile de clients dans le cadre d'une prestation de services, y sont soumis. Enfin, l'article 20 “Prévention des risques” du “Chapitre IV Santé au travail et prévention des risques professionnels” de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 dispose “Le salarié doit pouvoir utiliser les installations de la personne aidée, sur les lieux de vie où il exerce ses activités, notamment un local, un vestiaire et des installations sanitaires. Avant le début des interventions chez une personne aidée, les salariés de l'entreprise sont informés, pendant le temps de travail, des mesures de sécurité à prendre, des risques à éviter et des moyens mis en œuvre pour assurer leur sécurité. Le salarié s'assure du bon fonctionnement courant du matériel éventuellement mis à sa disposition par la personne aidée ou par son employeur. Il informe sa hiérarchie lorsqu'un matériel est défectueux. L'employeur s'assure que le salarié est informé des consignes de sécurité propres au domicile et à l'utilisation du matériel mis à sa disposition. Les salariés de l'entreprise sont soumis à toutes les règles relatives à l'hygiène et à la sécurité applicables chez la personne aidée ou dans son lieu de vie. L'employeur doit s'assurer que le salarié dispose des moyens et protections lui permettant d'assurer sa sécurité. L'évaluation et la prévention des risques doivent être organisées dans le cadre du document unique (DU) prévu par les dispositions légales et réglementaires.” Loin d'écarter les règles de prévention des risques prévues par le code du travail, cet article démontre l'importance accordée par les partenaires sociaux à celle-ci, sans distinction quant à la nature de ces risques. Dans notre dossier, la question de la prévention des risques s'inscrit dans le cadre de l'exposition éventuelle des salariés au virus SARS-Cov-2 lors de la pandémie mondiale survenue à la fin de l'année 2019, plus couramment appelé la Covid-19. Selon l'article R. 4421-2 du code du travail, on entend par agents biologiques, les micro-organismes, y compris les micro-organismes génétiquement modifiés, les cultures cellulaires et les endoparasites humains susceptibles de provoquer une infection, une allergie ou une intoxication. Selon l'article R. 4421-3 du code du travail, les agents biologiques sont classés en quatre groupes en fonction de l'importance du risque d'infection qu'ils présentent, le groupe 2 comprenant les agents biologiques pouvant provoquer une maladie chez l'homme et constituer un danger pour les travailleurs, leur propagation dans la collectivité étant peu probable et il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces ; le groupe 3 comprenant les agents biologiques pouvant provoquer une maladie grave chez l'homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs, leur propagation dans la collectivité étant possible, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficaces. 7

Aux termes de l'article R. 4421-4 du code du travail, “Sont considérés comme agents biologiques pathogènes, au sens du présent titre, les agents biologiques des groupes 2, 3 et 4. La liste de ces agents est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la santé.” L'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2017, pris en application de l'article précité, dispose “L'arrêté du 18 juillet 1994 susvisé est modifié comme suit : 1° Le tableau B de la partie 1 de l'annexe est modifié comme suit : [...] La ligne commençant par “Coronavidae” est modifiée comme suit : Coronavidae : Coronavirus responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) classification 2 ; Coronavirus responsable du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV, ou SARS-CoV, en anglais) classification 3 ; Autres Coronavidae classification 2. [...]” Je considère qu'il ressort de l'ensemble de ces textes que, puisque certains virus sont classés comme agents biologiques, le risque biologique est susceptible d'être présent naturellement pour des salariés exerçant dans le domaine de l'aide à domicile du fait de la nature de l'activité qui consiste à apporter des soins à une personne -et donc à avoir des contacts rapprochés avec elle- pouvant être contaminée. Dès lors que le bénéficiaire de la prestation peut être porteur de l'agent biologique, le salarié intervenant peut être conduit à être exposé cet agent. Le législateur, transposant la Directive 2000/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail a ainsi prévu la potentialité de l'exposition, inhérente à l'activité, et donc du risque, comme le fait la Directive dans son article 3 (“La présente directive est applicable aux activités dans lesquelles les travailleurs, du fait de leur activité professionnelle, sont exposés ou risquent d'être exposés à des agents biologiques.”). Il s'agit de prendre en compte, dans certaines situations de travail, la particularité de l'origine du risque qui résulte des modalités de transmission de l'agent biologique. L'alinéa 2 de l'article R. 4421-1 du code du travail exige la réunion de deux conditions pour écarter les mesures et moyens de prévention et de formation dans le domaine des risques biologiques édictés par le code du travail, comme l'indique l'emploi de la conjonction de coordination “et” : que l'activité n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique et l'absence de risque spécifique mis en évidence par l'évaluation des risques. Or, en l'espèce, s'il doit être reconnu que l'activité d'aide à domicile n'implique pas normalement l'utilisation délibérée d'un agent biologique puisque les salariés exerçant dans le domaine de l'aide à domicile n'ont pas vocation à manipuler un tel agent dans le cadre de leur fonction -une exposition à ce dernier pouvant seulement résulter de ses modalités de transmission, en considération de l'état de santé d'un bénéficiaire- ; en revanche, la cour d'appel a relevé que l'extrait du document unique d'évaluation des risques professionnels produit pas l'inspectrice du travail identifie un risque biologique spécifique lié à l'intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie et le classifie en risque mortel.

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Ainsi, les deux conditions de l'alinéa 2 de l'article R. 4421-1 du code du travail n'étaient pas réunies. Dès lors, contrairement aux deux premières branches du moyen unique du pourvoi incident, je considère que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques de la quatrième partie du code du travail sont applicables en l'espèce à l'association d'aide à domicile qui relève, en outre, des dispositions du livre deux de la septième partie de ce même code. Enfin, l'arrêté du 27 décembre 2017 mentionne : “Publics concernés : les établissements dans lesquels la nature de l'activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques pathogènes. Objet : le présent arrêté complète la liste des agents biologiques pathogènes et apporte des corrections d'ordre rédactionnel à l'appellation de certains agents biologiques pathogènes. Il modifie par ailleurs les dispositions relatives aux mesures de confinement à mettre en œuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques des groupes 3 et 4.” Contrairement au pourvoi incident, je considère qu'il ressort tant de son titre 6 même, qui comprend deux parties reliées par la conjonction de coordination “et” ; que de son objet, que cet arrêté ne s'applique pas seulement aux laboratoires. En effet, il dresse d'une part la liste des agents biologiques pathogènes et prévoit d'autre part les mesures techniques de prévention à mettre en œuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes. Il a d'ailleurs été établi au visa de deux arrêtés, dont chacun concerne l'un de ses objets : l'arrêté du 18 juillet 1994 modifié fixant la liste des agents biologiques pathogènes et l'arrêté du 16 juillet 2007 fixant les mesures techniques de prévention, notamment de confinement, à mettre en œuvre dans les laboratoires de recherche, d'enseignement, d'analyses, d'anatomie et cytologie pathologiques, les salles d'autopsie et les établissements industriels et agricoles où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes. En outre, le contenu de la mention relative aux publics concernés permet un champ d'application large puisqu'il ne le limite pas aux seuls laboratoires. La cour d'appel a donc valablement retenu que la Covid-19, appartenant à la famille des coronavidae, entre dans la catégorie des agents biologiques visés par l'article R. 4421-1 du code du travail dont l'application permettait à l'inspectrice du travail d'agir en référé sur le fondement de l'article L. 4732-1 du code du travail. ▸ Je conclus au rejet du pourvoi incident.

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Arrêté du 27 décembre 2017 relatif à la liste des agents biologiques pathogènes et aux mesures techniques de prévention à mettre en œuvre dans les laboratoires où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes

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