Jurisprudence : Cass. soc., 01-06-2022, n° 21-10.555, F-D, Rejet

Cass. soc., 01-06-2022, n° 21-10.555, F-D, Rejet

A813374Y

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:SO00672

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045904855

Référence

Cass. soc., 01-06-2022, n° 21-10.555, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85538929-cass-soc-01062022-n-2110555-fd-rejet
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SOC.

OR


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2022


Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 672 F-D

Pourvoi n° H 21-10.555


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022


La société Marseille Provence restaurants, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 6], a formé le pourvoi n° H 21-10.555 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [P], domicilié … [… …], [Localité 6],

2°/ à la société McDonald's France, société par actions simplifiée, dont le siège est 1 rue Gustave Eiffel, 78280 Guyancourt, venant aux droits de la société Sodexaub,

3°/ à la société Sodeplan, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9]e, lieu-dit [Adresse 7], [Localité 2],

4°/ à la société Brescia investissement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1],

5°/ à l'union locale CGT, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Marseille Provence restaurants, après débats en l'audience publique du 6 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Marseille Provence restaurants du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés McDonald's France, Aa et Ab investissement.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2020), M. [P] a été engagé le 27 octobre 1997 par la société Sodexaub et occupait depuis le 6 mai 2002 les fonctions de manager au restaurant McDonald's situé à Aubagne, pris en location gérance par la société Sodexaub auprès de McDonald's France. La société Sodexaub était incluse dans une unité économique et sociale (UES) créée par un accord du 27 octobre 1999 englobant des sociétés exploitant des restaurants à l'enseigne McDonald's et dirigée par une société holding, la société Brescia investissement. Suivant un avenant du 8 mars 2002 à cet accord, il a été prévu qu'en cas de cession d'une société ou cessation d'activité d'un établissement faisant partie de l'UES, les mandats en cours se poursuivraient et qu'une proposition de transfert serait faite aux salariés titulaires des mandats désignés dans l'une des sociétés continuant à appartenir à l'UES. Le salarié a été désigné délégué syndical au sein de l'unité économique et sociale. A la suite de la résiliation du contrat de location gérance, la société Sodexaub a été condamnée à restituer, à effet du 28 avril 2009, le fonds de commerce du restaurant d'[Localité 6] à la société McDonald's France service, devenue la société Marseille Provence restaurants (la société), société ne faisant pas partie de l'UES précitée.

3. En mai 2009, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en sa formation de référé pour obtenir sa réintégration dans une des sociétés de l'UES en application de l'avenant du 8 mars 2002. A l'issue de plusieurs procédures, la juridiction prud'homale a constaté le transfert du contrat de travail du salarié à la société à compter du 1er septembre 2009.

4. Par lettre du 10 avril 2013, l'union locale CGT a confirmé le mandat de délégué syndical du salarié au sein de l'UES puis celui-ci a été inscrit sur la liste des personnes habilitées à venir assister un salarié lors de l'entretien préalable au licenciement ou lors d'un ou plusieurs entretiens préalables à une rupture conventionnelle par arrêté du 7 mai 2013.

5. Le salarié a, par lettre du 12 juin 2013, demandé à la société de prendre position quant à sa réintégration. La société lui ayant proposé, le 6 novembre 2013, sa réintégration aux fonctions de manager opérationnel - second assistant de direction au restaurant d'[Localité 6], le salarié a pris son poste au sein de la société fin décembre 2013.

6. Convoqué à un entretien préalable le 21 janvier 2014, le salarié a contesté les reproches qui lui étaient faits, à savoir la présence de représentants de la CGT distribuant des tracts sur le parking du restaurant le jour de sa reprise effective du travail, a invoqué l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre, contestant être à l'origine du rassemblement d'adhérents de la CGT lors de son arrivée dans l'entreprise. Il a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de cinq jours, par décision du 11 février 2014.


Examen des moyens

Sur les premier et second moyens, réunis

Enoncé des moyens

7. Par son premier moyen, la société fait grief à l'arrêt d'annuler la sanction disciplinaire de cinq jours de mise à pied notifiée au salarié le 11 février 2014 et de la condamner à lui verser certaines sommes à titre de rappel de salaires et congés payés afférents, alors « que la sanction disciplinaire de mise à pied, lorsqu'elle est notifiée à un salarié investi d'un mandat de représentation du personnel, n'a pas pour effet de suspendre l'exercice du mandat ; qu'il en résulte que, dès lors qu'elle n'est jamais susceptible d'affecter l'exercice du mandat, la mise à pied ne constitue pas un changement des conditions de travail devant faire l'objet d'un accord préalable de la part du salarié protégé ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1332-2, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail🏛. »

8. Par son second moyen, la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié et à l'union locale CGT des sommes à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors « que le juge ne peut se prononcer sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire sans examiner l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de sanction ; qu'au cas présent, la société Marseille Provence Restaurants faisait valoir que la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [N] était justifiée par plusieurs griefs fondés sur des faits distincts et qu'outre les événements survenus dans l'entreprise le 20 décembre 2013, il était reproché au salarié d'avoir, via le réseau social Facebook, incité ses contacts à se rendre dans l'entreprise pour perturber le déroulement de son entretien préalable à sanction prévu le 31 janvier 2014 à 11 heures ; que la cour d'appel a constaté que la société Marseille Provence Restaurants versait au débat le procès-verbal de constat d'huissier en date du 31 janvier 2014 « confirmant que M. [Ac] a appelé sur son compte Facebook ses soutiens à venir à l'entretien auquel il avait été convoqué et retranscrivant le commentaire y figurant « [S] [L] la Justice on prend les mêmes et on recommence. Vous êtes tous invités à mon entretien pour me priver de mon emploi vendredi 31 janvier 2014 à 11 h au McDonald's d'[Localité 6]. Venez comme vous êtes… » ; que, pour juger néanmoins que la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [P] n'était pas justifiée et permettait de caractériser une discrimination syndicale, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était pas établi que le salarié avait participé aux événements survenus le 20 décembre 2013 ; qu'en éludant ainsi le grief invoqué dans la lettre de sanction et reprochant à M. [P] d'avoir, via le réseau social Facebook, incité ses contacts à se rendre dans l'entreprise pour perturber le déroulement de son entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L. 1333-1 du code du travail🏛, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du même code🏛. »


Réponse de la Cour

9. Une sanction disciplinaire à l'égard d'un salarié protégé ne peut être prononcée qu'en raison de faits constituant un manquement à ses obligations professionnelles envers l'employeur et, sauf abus, le salarié ne peut être sanctionné en raison de l'exercice de son mandat pendant son temps de travail.

10. L'arrêt retient que l'employeur n'apporte aucun élément objectif permettant de vérifier que le salarié était l'instigateur de la venue sur son lieu de travail de personnes étrangères à l'entreprise, ni que ces dernières, en l'absence de tout témoignage des salariés qui auraient été pris à partie, ont agi avec la violence décrite dans la plainte et sur commande du salarié, qu'il résulte des déclarations du gérant de la société, dans son dépôt de plainte, que le salarié qui, ensuite, est entré dans le restaurant pour prendre son service, n'avait pas encore entamé son temps de travail au moment des faits dénoncés, qu'il n'est pas justifié, de surcroît, que la convocation adressée au salarié le 17 février 2014, ayant suivi de près la notification de la mise à pied disciplinaire, puis le courrier du 10 mars suivant contenant divers reproches à son encontre étaient en lien avec des manquements professionnels objectifs, imputables au salarié et étrangers à son appartenance et à ses activités syndicales.

11. La cour d'appel, ayant ainsi fait ressortir que la mise à pied disciplinaire du 11 février 2014 n'était pas justifiée, a pu en déduire, par ces seuls motifs, d'une part que cette sanction disciplinaire devait être annulée et d'autre part que le salarié présentait des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, sans que l'employeur prouve que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

12. Les moyens, inopérant quant au premier et non fondé quant au second, ne peuvent être accueillis.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Marseille Provence restaurants aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Marseille Provence restaurants ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Marseille Provence restaurants

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Marseille Provence Restaurants reproche à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la sanction disciplinaire de cinq jours de mise à pied notifiée à M. [P] le 11 février 2014 et de l'avoir condamnée à lui verser à M. [Ac] des sommes de 1 108 € de rappel de salaires et de 110 € de congés payés afférents ;

ALORS QUE la sanction disciplinaire de mise à pied, lorsqu'elle est notifiée à un salarié investi d'un mandat de représentation du personnel, n'a pas pour effet de suspendre l'exercice du mandat ; qu'il en résulte que, dès lors qu'elle n'est jamais susceptible d'affecter l'exercice du mandat, la mise à pied ne constitue pas un changement des conditions de travail devant faire l'objet d'un accord préalable de la part du salarié protégé ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1332-2, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Marseille Provence Restaurants fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [N] une somme de 5 000 € de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et de l'avoir condamnée à payer à l'Union locale CGT une somme de 2 000 € de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;

ALORS QUE le juge ne peut se prononcer sur le bien-fondé d'une sanction disciplinaire sans examiner l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de sanction ; qu'au cas présent, la société Marseille Provence Restaurants faisait valoir que la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [N] était justifiée par plusieurs griefs fondés sur des faits distincts et qu'outre les événements survenus dans l'entreprise le 20 décembre 2013, il était reproché au salarié d'avoir, via le réseau social Facebook, incité ses contacts à se rendre dans l'entreprise pour perturber le déroulement de son entretien préalable à sanction prévu le 31 janvier 2014 à 11 heures ; que la cour d'appel a constaté que la société Marseille Provence Restaurants versait au débat le procès-verbal de constat d'huissier en date du 31 janvier 2014 « confirmant que M. [Ac] a appelé sur son compte Facebook ses soutiens à venir à l'entretien auquel il avait été convoqué et retranscrivant le commentaire y figurant « [S] [L] la Justice on prend les mêmes et on recommence. Vous êtes tous invités à mon entretien pour me priver de mon emploi VENDREDI 31 JANVIER 2014 à 11 H au McDonald's d'[Localité 6]. VENEZ COMME VOUS ETES… » ; que, pour juger néanmoins que la mise à pied disciplinaire notifiée à M. [P] n'était pas justifiée et permettait de caractériser une discrimination syndicale, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'était pas établi que le salarié avait participé aux événements survenus le 20 décembre 2013 ; qu'en éludant ainsi le grief invoqué dans la lettre de sanction et reprochant à M. [P] d'avoir, via le réseau social Facebook, incité ses contacts à se rendre dans l'entreprise pour perturber le déroulement de son entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-1 et L. 1333-1 du code du travail🏛, ensemble les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du même code🏛.

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