Jurisprudence : TA Marseille, du 02-02-2023, n° 2210783

TA Marseille, du 02-02-2023, n° 2210783

A65839BG

Référence

TA Marseille, du 02-02-2023, n° 2210783. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93011216-ta-marseille-du-02022023-n-2210783
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Références

Tribunal Administratif de Marseille

N° 2210783

Reconduite à la frontière
lecture du 02 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2022, M. A D B, représenté par Me Gilbert, demande au Tribunal :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette mesure ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme C pour statuer sur les litiges relatifs aux décisions portant mesure d'éloignement des ressortissants étrangers en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que pour statuer sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle, dans le cadre de l'exercice des fonctions de juge de l'éloignement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beyrend, magistrate désignée ;

- les observations de Me Gilbert, représentant M. B, présent à l'audience, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les moyens ci-dessus énoncés.

Le préfet des Bouches-du-Rhône n'était ni présent ni représenté.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant kenyan né en 2000, demande au Tribunal d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de cette mesure d'éloignement.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. B, il y a lieu de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / () 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° () ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. ".

4. L'arrêté en litige, qui n'avait pas à mentionner l'intégralité des éléments caractérisant la situation du requérant, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, mettant le requérant à même de le contester. Il est ainsi suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Le requérant, célibataire et sans enfant, déclare être entré en France en 2021 afin d'y solliciter l'asile. S'il se prévaut de sa présence continue sur le territoire français depuis " plus de trois ans ", ce qui est au demeurant inexact au regard de la date de son entrée en France ci-dessus rappelée, ce seul élément, tenant à l'ancienneté de son séjour en France ne saurait en tout état de cause suffire, à elle seule, à démontrer qu'il aurait transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Dans ces circonstances, en prononçant à l'encontre du requérant une obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit au respect d'une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise, et n'a pas méconnu les stipulations énoncées au point précédent.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

8. Si M. B fait valoir qu'il encourt un risque en retournant au Kenya, en raison de son orientation sexuelle, il ne présente toutefois à l'appui de ses dires aucun document probant permettant de les étayer, alors qu'il ressort des pièces du dossier, en particulier du relevé des informations de la base de données " TelemOfpra " produit en défense, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que la demande d'asile de M. B a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 8 mars 2022 cette décision ayant été confirmée par une décision de la CNDA du 12 octobre suivant. Dans ces conditions, M. B ne peut être considéré comme encourant un risque de traitements inhumains et dégradants, personnel et actuel, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales. Les pièces produites à l'audience en anglais ne sont pas de nature à modifier cette appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations énoncées au point précédent, doit être écarté.

9. En dernier lieu, pour les motifs précédemment énoncés, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2022. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.

DECIDE :

Article 1er : M. B est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A D B et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La magistrate désignée,

Signé

M. C La greffière,

Signé

H. Ben Hammouda

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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