Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2012
(n° 220, 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 10/11535.
Décisions déférées à la Cour Jugement du 14 Mai 2010 (RG n° 10/01459) 3ème Chambre 3ème Section & Ordonnance de dessaisissement du 16 décembre 2010 du Juge MEE 3ème Chambre 4ème Section - Tribunal de Grande Instance de PARIS
APPELANTS & DEMANDEURS
- S.A.R.L. IDEAL - INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING
prise en la personne de son gérant,
ayant son siège social PARIS,
- Monsieur Lorenz Y
demeurant PARIS,
représentés par la SELARL HJYH en la personne de Maître Patricia ..., avocat au barreau de PARIS, toque L0056,
assistés de Maître Joëlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque B398.
INTIMÉE & DÉFENDERESSE
S.A.S. CHANEL
prise en la personne de son Président,
ayant son siège social NEUILLY SUR SEINE,
représentée par la SCP MENARD-SCELLE MILLET en la personne de Maître Edwige ... ..., avocat au barreau de PARIS, toque L0055,
assistée de Maître Gérard DELILE de la SCP SALANS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque P372.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,
Monsieur Benjamin RAJBAUT, président de chambre,
Madame Sylvie NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRÊT
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Eugène LACHACINSKI, président, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
De 1988 à 2007, la société CHANEL a confié par actes sous seing privé intitulés 'Contrats de création de modèles originaux'à la société JOLO, à Lorenz Y, puis à la société IDEAL la création de dessins de modèles de bijoux confiée à Lorenz Y ;
Ces contrats stipulaient que les droits sur les dessins seraient cédés à la société CHANEL et que les cessions seraient confirmées par actes séparés ;
Quatorze actes sous seing privé ont été signés par la société CHANEL, respectivement le 25 mai 1993 avec la société JOLO, les 9 novembre 1994 et 29 février 1995 avec Lorenz Y, les 10 septembre 1996, 31 janvier 1997, 3 décembre 1998, 21 juin 2000, 2 décembre 2001, 8 janvier 2002, 4 juillet et 7 décembre 2003, 25 avril 2004, 26 novembre 2007 et 4 juillet 2008 avec la société IDEAL ;
Ces contrats de cession comportaient deux annexes l'annexe 1 relative aux nouveaux modèles, et l'annexe 2 relative aux modèles modifiés ;
Ces contrats de cession prévoyaient notamment la cession au profit de la société CHANEL de l'intégralité des droits patrimoniaux d'auteur sur chacun des modèles créés ainsi que le droit d'apporter aux créations 'des adaptations et/ou modifications' sous réserve cependant d'obtenir l'accord écrit de l'auteur 'qui ne pourra refuser de donner cet accord que pour des motifs sérieux et raisonnables' ;
Il a été mis fin à cette collaboration au terme du dernier 'contrat de création de modèles originaux' le 31 décembre 2007 ;
Le 4 juillet 2008, la société CHANEL et la société IDEAL et Lorenz Y ont conclu deux nouveaux contrats
- un contrat de cession de droits ayant pour objet de valider les cessions, adaptations et modifications intervenues depuis le contrat de cession de modèles originaux du 25 avril 2004,
- un acte sous seing privé intitulé 'accord' aux termes duquel les parties ont précisé les règles applicables lorsque la société CHANEL devra solliciter pour modifier ou adapter les créations, l'accord de Lorenz Y et ont ainsi convenu, selon les termes de l'article 1er de cet accord qu"en cas de modifications ou adaptations des créations ou des créations modifiées ou adaptées telles que définies à l'article 4 ci-dessous, la société CHANEL devra obtenir l'accord préalable et écrit de Lorenz Y, titulaire du droit moral sur les créations, qui ne pourra refuser de donner cet accord que pour des motifs sérieux et légitimes. Lorenz Y donnera son accord en signant les documents formalisant l'accord, lequel accord est conditionné, dans les cas donnant lieu à rémunération, à la perception par la société IDEAL de la rémunération prévue à l'article 3 ci-dessous'.
L'accord prévoyait que chaque autorisation de modification ou adaptation donnerait lieu au paiement d'une somme de 10.000 euros hors taxes au profit de la société IDEAL et que, par exception, aucun montant ne serait dû s'agissant des changement de couleur de matières et des changements de couleur des pierres ;
1° - L'accord signé le 4 juillet 2008 faisant l'objet de divergences d'interprétation, la société CHANEL a assigné la société IDEAL et Lorenz Y à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de cet accord tandis que les défendeurs demandaient reconventionnellement la nullité des cinq contrats de créations et des contrats de cession de droits ainsi que des protocoles d'accord conclus les 26 novembre 2007 et 9 septembre 2008 pour violation des règles impératives du code de la propriété intellectuelle relatives à leurs droits moraux et patrimoniaux ;
Par jugement du 4 décembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a
- déclaré irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle en nullité des contrats de créations de modèles originaux conclus les 27 octobre 1988, 25 mai 1993, 29 février 1996, 27 mai 2001 et 25 avril 2004 et les contrats de cession de droits conclus les 25 mai 1993, 9 novembre 1994, 29 février 1995, 10 septembre 1996, 31 janvier 1997, 3 décembre 1998, 21 juin 2000, 2 décembre 2001, 8 janvier 2002, 4 juillet et 7 décembre 2003, 25 avril 2004,
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en révision pour lésion des contrats de création de modèles originaux en date des 27 octobre 1988, 25 mai 1993, 29 février 1996, 27 mai 2001 et 25 avril 2004,
- prononcé la nullité de l''accord' daté du 4 juillet 2008, ainsi que la clause 1.2 des contrats de cession de droits daté du 26 novembre 2007 et 4 juillet 2008 ;
La cour d'appel de Paris a confirmé par arrêt du 7 décembre 2011 la décision du tribunal en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat du 4 juillet 2008 et a ordonné sous astreinte de 5.000 euros par jour, à compter de son prononcé, le respect du droit à la paternité de Lorenz Y par le reproduction de son nom sur les publicités, catalogues et site internet reproduisant ses créations et d'un poinçon sur les bijoux ;
2° - Estimant qu'étaient devenues nulles toutes les modifications autorisées en exécution des contrats et clauses annulées par le jugement du 4 décembre 2009 et confirmé par la cour d'appel, Lorenz Y et la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) ont reproché à la société CHANEL de poursuivre la commercialisation des bijoux pour lesquels elle ne disposerait plus d'aucune cession de droits ;
Lorenz Y a par conséquent mis en demeure la société CHANEL par lettre recommandée avec demande de réception du 22 octobre 2009 de cesser la commercialisation des modèles contrefaisants ;
N'obtenant aucune réponse, une procédure de saisie-contrefaçon dûment autorisée était diligentée le 16 décembre 2009 à l'initiative de Lorenz Y qui reprochait à la société CHANEL de continuer à commercialiser ses créations sous une forme modifiée pour lesquelles elle ne disposait plus d'autorisation en raison de l'annulation de l'accord du 4 juillet 2008 et d'autres modèles pour lesquels elle ne bénéficiait d'aucune cession de droit ;
La société CHANEL faisait sommation à Lorenz Y par voie d'huissier le 18 décembre 2009 de lui donner une réponse à sa demande d'autorisation de modification de modèles portant sur 54 créations ;
Lorenz Y répliquait le 4 janvier 2010 ne pas vouloir donner d'autorisation ;
3° - Le 12 janvier 2010, la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et Lorenz Y assignaient à jour fixe la société CHANEL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses oeuvres protégées par le droit d'auteur et en violation du droit à paternité de Lorenz Y sur lesdites oeuvres sur la base de la saisie contrefaçon du 16 décembre 2009 ;
Découvrant que la société CHANEL avait, selon eux en dépit de son opposition, fabriqué et commercialisé une trentaine de bijoux sur les 54 créations, Lorenz Y a été autorisé le 3 mars 2010 à faire pratiquer une seconde saisie-contrefaçon qui s'est déroulée le 5 mars 2010 dans les locaux de la société CHANEL à Paris ;
Lorenz Y a ensuite assigné la société CHANEL le 29 mars 2010 devant le tribunal de grande instance de Paris sur la base de cette deuxième saisie-contrefaçon aux fins de validation de celle-ci, de confiscation des recettes et de production des documents comptables destinés à permettre l'évaluation du préjudice subi et de condamnation à des dommages intérêts provisionnels ;
Par ordonnance du 12 avril 2010, Monsieur ... a été désigné en qualité d'expert avec mission de procéder au tri des photographies afin d'identifier celles qui représentent des modèles de bijoux argués de contrefaçon et d'exclure de la procédure celles qui n'en sont pas ;
L'expert a déposé son rapport au mois de juillet 2010 ;
Par ordonnance du 16 décembre 2010, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a fait droit à l'exception de procédure soulevée par la société CHANEL et a ordonné le dessaisissement du tribunal au profit de la cour d'appel de Paris ;
Par jugement du 14 mai 2010, le tribunal a
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par la société CHANEL,
- déclaré recevable la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) en son action,
- débouté la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et Lorenz Y de l'ensemble de leurs demandes,
- dit que la société CHANEL devra prendre toutes mesures utiles pour faire connaître la paternité de Lorenz Y sur les bijoux dont il lui a cédé les dessins, selon les modalités devant être communiquées préalablement par la société CHANEL à la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING),
- débouté la société CHANEL de sa demande reconventionnelle,
- condamné Lorenz Y et la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) à payer à la société CHANEL la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y a avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné in solidum Lorenz Y et la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) aux entiers dépens ;
Vu les appels interjetés respectivement les 2 juin 2010 et 21 janvier 2011 par la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et par Lorenz Y ;
Vu l'ordonnance de jonction des procédures 10/11535 et 11/01240 du 27 janvier 2011,
Vu l'ordonnance de jonction des procédures 10/11535 et 11/01026 rendue le 17 février 2011 par le magistrat de la mise en état ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 juin 2012 par lesquelles la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et Lorenz Y demandent à la cour
- d'infirmer le jugement rendu le 14 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a jugé que la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) recevable à agir et a déclaré valide le procès-verbal de saisie contrefaçon du 16 décembre 2009, et statuant à nouveau,
- de dire la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et Lorenz Y recevables et bien fondés en leurs demandes,
- de dire la société CHANEL mal fondée en toutes ses demandes et de l'en débouter,
- de valider la saisie opérée le 16 décembre 2009 dans les locaux de la société CHANEL conformément aux dispositions des articles L.332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
- de dire que les produits litigieux visés aux pièces 7, 8, 11, 12, 14, 15, 17, 19, 21, et 23 des conclusions d'appel vendues par la société CHANEL constituent des contrefaçons par reproduction des droits d'auteur de Lorenz Y conformément aux dispositions des articles L.122-4 et L.335-2 du code de la propriété intellectuelle,
- de valider la saisie opérée le 5 mars 2010 dans les locaux de la société CHANEL conformément aux dispositions des articles L.332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
- de dire que les produits litigieux visés aux pièces 62, 63, 64 et 69 des conclusions d'appel vendus par la sociétés CHANEL constituent des contrefaçons par reproduction des droits d'auteur de Lorenz Y conformément aux dispositions des articles L.122-4 et L.335-2 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les dispositions de l'article L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle,
- d'ordonner la confiscation des produits reproduisant les caractéristiques des créations de Lorenz Y ainsi que de tous documents reproduisant ses créations et leur destruction devant huissier, choisi par Lorenz Y, aux frais de la société CHANEL,
- d'interdire à la société CHANEL de reproduire les caractéristiques des créations de Lorenz Y, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit,
- d'interdire à la société CHANEL d'importer, d'exporter, d'offrir à la vente, de vendre, de fabriquer, de faire importer, de faire exposer, de faire offrir en vente, de faire vendre, de faire fabriquer des produits reproduisant les caractéristiques des créations de Lorenz Y, ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 200.000 euros par jour et par pays à compter du prononcé de l'arrêt,
- de condamner la société CHANEL à ses frais de retirer des circuits commerciaux les objets jugés contrefaisants et toute chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction conformément aux dispositions de l'article L.335-6 du code de la copropriété intellectuelle,
- d'ordonner la confiscation aux frais de la société CHANEL des objets et choses retirés des circuits commerciaux ou confisqués, sans préjudice de tous dommages intérêts conformément aux dispositions de l'article L.335-1-4 du code de la propriété intellectuelle,
- d'ordonner à la société CHANEL la remise à la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) des chiffres d'affaires et des bénéfices réalisés sur les produits objets de l'acte introductif d'instance, dans le monde directement ou le biais des sociétés qui lui sont affiliés dans les huit jours de la décision à intervenir sous astreinte de 200.000 euros par jour de retard et par pays,
- de prononcer la confiscation des recettes procurées par l'infraction conformément aux dispositions de l'article L.133-1-4 du code de la propriété intellectuelle,
- subsidiairement, d'ordonner une expertise aux frais de la société CHANEL aux fins d'évaluer les quantités de créations litigieuses, l'importance de la contrefaçon, le chiffre d'affaires réalisé, les stocks et ce dans les comptes de la société CHANEL pour ses propres ventes et celles réalisées par ses sociétés affiliées dans le monde,
- de condamner la société CHANEL à leur verser à titre de dommages intérêts provisionnels la somme de 1.000.000 euros à la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et/ou Lorenz Y en réparation de l'atteinte portée aux droits d'auteur,
- de dire la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) bien fondée à agir, - à défaut, de prononcer les condamnations au profit de Lorenz Y,
- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq revues ou périodiques au choix de Lorenz Y aux frais de la société CHANEL, et ce à titre de supplément de dommages intérêts,
- de condamner la société CHANEL à verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société CHANEL aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juin 2012 par lesquelles la société CHANEL demande à la cour
- d'ordonner la jonction des instances inscrites au Rôle général de la cour sous les numéros 10/11535 et 11/01026,
- de confirmer le jugement rendu le 14 mai 2010 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a
' dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé par Maître Jean-Louis ... le 16 décembre 2009 dans la boutique CHANEL sise à Paris,
' dit que la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) recevable à agir en contrefaçon ou sur tout autre fondement du chef des droits d'auteur sur les dessins invoqués dans l'assignation du 12 janvier 2010,
- de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître Jean-Louis ..., huissier de justice, le 16 décembre 2009 dans la boutique de Joaillerie de la société CHANEL sise à Paris à la requête de la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y,
- de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître Jean-Louis ..., huissier de justice, le 5 mars 2010 dans la boutique de Joaillerie de la société CHANEL sise à Paris à la requête de la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y,
- de rejeter des débats les procès-verbaux de saisie-contrefaçon ainsi annulés ainsi que leurs annexes,
- de constater que la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y ne rapportent pas la preuve des contrefaçons qu'ils allèguent,
- de débouter la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et Lorenz Y de toutes leurs demandes en contrefaçon formées dans les instances introduites par assignations des 12 janvier 2010 et 29 mars 2010, en toutes fins qu'elles comportent,
A titre subsidiaire,
- de déclarer la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) irrecevable en ses demandes pour défaut d'intérêt et de qualité à agir sur le fondement des droits d'auteur invoqués et, subsidiairement, la déclarer mal fondée et l'en débouter,
- de débouter Lorenz Y de l'ensemble de ses demandes,
- de dire que si Lorenz Y entend faire jouer le droit de repentir ou de retrait de l'article L.121-4, il devra l'indemniser préalablement du préjudice que le repentir ou ce retrait peut lui causer,
- de dire que si postérieurement, Lorenz Y décidait de faire publier ses créations, il sera tenu de lui offrir par priorité ses droits d'exploitation et aux conditions originairement déterminées,
- de dire que la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) devra la garantir de toutes les conséquences pécuniaires qu'entraînerait pour elle l'exercice par Lorenz Y du droit de repentir ou de retrait sur les dessins dont elle lui a cédé la totalité des droits d'exploitation,
- de lui donner acte de qu'elle a d'ores et déjà spontanément pris les mesures propres à faire connaître à sa clientèle la paternité de Lorenz Y sur les modèles de bijoux créés par lui, et dont la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) lui a cédé les droits,
En toute hypothèse,
- de condamner solidairement la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y à lui payer la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- de condamner solidairement la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y à lui payer la somme de 50.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement la société IDEAL (INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING) et de Lorenz Y aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
SUR QUOI, LA COUR
Sur la recevabilité à agir de la société IDEAL
La société CHANEL oppose à la société IDEAL une fin de non-recevoir et prétend qu'elle n'a pas d'intérêt ni de qualité pour agir en contrefaçon, ou sur tout autre fondement, du chef des droits d'auteur sur les dessins invoqués dans les assignations des 12 janvier et du 29 mars 2010 ;
Elle soutient en substance que la société IDEAL à qui Lorenz Y cédait systématiquement ses droits sur les dessins qu'il créée dans le cadre des contrats conclus avec elle, les lui recédait de sorte que la société IDEAL ne conservait plus aucun droit sur les dessins et les bijoux créés par Lorenz Y ;
La société IDEAL réplique en sollicitant la confirmation du jugement entrepris qu'elle emploie Lorenz Y et que si une atteinte aux droits de ce dernier était portée par un tiers, elle aurait qualité et intérêt à agir en raison du préjudice patrimonial qui lui est porté ;
que pour le cas où la cour considérerait que seul l'auteur peut agir, elle sollicite que les condamnations prononcées le soient au bénéfice du seul Lorenz Y ;
Le jugement rendu le 4 décembre 2009 par le tribunal de grande instance de Paris sur l'assignation à jour fixe du 19 juin 2009 délivrée par la société CHANEL tant à Lorenz Y qu'à la société IDEAL a notamment prononcé la nullité de l'accord en date du 4 juillet 2008 conclu entre la société CHANEL d'une part et Lorenz Y et la société IDEAL d'autre part ainsi que la nullité de la clause 1.2 des contrats de cession de droits en date des 26 novembre 2007 et 4 juillet 2008 conclus entre la société CHANEL et la société IDEAL ;
L'assignation à jour fixe délivrée le 12 janvier 2010 à l'encontre de la société CHANEL par la société IDEAL et Lorenz Y qui a donné lieu à la décision frappée d'appel du 14 mai 2010 a pour cause la poursuite sans autorisation, selon les demandeurs, de la commercialisation de bijoux pour lesquels la société CHANEL ne disposerait plus d'aucune cession de droits ;
Il existe ainsi une contestation portant sur l'accord signé le 4 juillet 2008 par la société CHANEL et la société IDEAL et Lorenz Y qui justifie que la société IDEAL a conformément aux dispositions de l'article 122 du code de procédure civile qualité et intérêt à agir dans la présente instance ;
Le jugement déféré qui a déclaré la société IDEAL recevable à agir sera par conséquent confirmé ; Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009
A l'appui de sa demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la société CHANEL soutient qu'il existe deux versions distinctes du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009, une version manuscrite qui décrit succinctement les diligences de l'huissier de justice et qui a été signifiée le 16 décembre 2009 et une version dactylographiée qui, augmentée de la relation par l'huissier de nouvelles diligences notamment le référencement des bijoux par l'apposition d'étiquettes comportant les tirages des photographies, à savoir 29 planches photographiques sur lesquelles sont représentées 146 articles de joaillerie bijouterie, les photographies du catalogue 'CHANEL JOAILLERIE' et des impressions des états de stocks ;
Elle ajoute que les planches photographiques communiquées ne lui permettaient pas d'apprécier les reproches de contrefaçon que lui faisaient la société IDEAL et Lorenz Y ; que la version dactylographiée et les copies des documents photographiques et comptables ne lui ont jamais été signifiées ; que les dates, la pagination et les mentions figurant sur le procès-verbal sont inexactes et ne constituent pas de simples erreurs matérielles comme l'indique le jugement déféré ; que l'huissier de justice a dépassé le cadre de sa mission en photographiant tous les bijoux présents en vitrine et en stock dans les coffres de la réserve soit 146 bijoux alors qu'il aurait dû se limiter à photographier les articles comportant la reproduction des droits d'auteur de Lorenz Y et susceptibles d'en constituer les contrefaçons ; que la façon intrusive de procéder avec la saisie de documents et d'informations confidentielles est contraire aux dispositions légales qui régissent les opérations de saisie-contrefaçon ; que les opérations de saisie se sont poursuivies au delà de leur clôture et après que le représentant de la société CHANEL a signé le procès-verbal manuscrit ; que le rapprochement entre les photographies et les fiches signalétiques de la société IDEAL et de Lorenz Y pour établir les objets argués de contrefaçon a eu lieu en présence d'un tiers qui a fourni des informations à l'huissier que ce dernier ne pouvait connaître seul ;
La société IDEAL et Lorenz Y répliquent en substance que la société CHANEL ne donne aucun fondement juridique aux demandes de nullité qu'elle forme ni n'explique les conséquences des prétendues nullités sur la validité du procès-verbal de saisie ; qu'elle n'argue d'aucune nullité de fond et n 'invoque aucun grief susceptible de justifier sa demande d'annulation ;
Il convient liminairement de rappeler que la saisie-contrefaçon est une procédure exceptionnelle qui permet à un requérant judiciairement autorisé et en l'absence de tout débat contradictoire préalable, d'autoriser notamment un huissier de justice à s'introduire dans les locaux occupés par un tiers dans le but de procéder à des investigations, à des constatations et à procéder à des saisies descriptives, voire réelles d'objets suspectés d'être contrefaisants ; que cette prérogative reconnue au bénéficiaire de droit d'auteur doit par conséquent être strictement encadrée et contrôlée dans le respect des droits de chacune des parties opposées ;
La requête aux fins de saisie-contrefaçon daté du 14 décembre 2009 indique à la page 2 notamment que la société CHANEL continue de commercialiser les bijoux pour lesquelles elle ne dispose d'aucune cession de droits et qu'en dépit des demandes de modifications qui lui avaient été demandées et que la société IDEAL et Lorenz Y ont refusées, la société CHANEL a continué à exploiter les modèles sans leur autorisation ;
L'ordonnance du même jour énonce que Lorenz Y et la société IDEAL sont autorisés à faire procéder par tout huissier de justice de leur choix, à la saisie descriptive, au besoin par photographie comportant la reproduction des droits d'auteur de Lorenz Y et susceptibles d'en constituer la contrefaçon, dans tous lieux dans lesquels ils sont proposés à la vente et/ou entreposés ;
L'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier, ou ses ayants-droit ou ayants-cause peuvent faire saisir les exemplaires constituant une reproduction illicite de cette oeuvre ;
Pour être valide, la requête et l'ordonnance autorisant la saisie doivent donc de façon nécessaire établir l'existence de l'oeuvre revendiquée et indiquer sur quel objet précis porte le droit d'auteur du requérant afin de permettre à la personne investie du pouvoir de procéder aux opérations de saisie-contrefaçon d'identifier ensuite sans recherche inutile et envahissante les objets argués de contrefaçon ;
Sans cette information préliminaire et primordiale, la personne autorisée ne pourra déterminer avant de procéder aux opérations de saisie-contrefaçon quelle est la portée exacte de sa mission ;
Et à la lecture de l'ordonnance qui lui aura été notifiée, le saisi devra ainsi savoir sur quoi précisément porte les droits d'auteur qui lui sont opposés et quels produits ou articles sont susceptibles de constituer des articles contrefaisants ;
Or en l'espèce, tant les termes de la requête que de l'ordonnance sont imprécis et ne définissent pas les bijoux sur lesquels Lorenz Y prétend avoir des droits d'auteur ; que les pièces visées à l'appui de la requête ne définissent pas précisément les caractéristiques des bijoux dont le requérant serait l'auteur et ne permettent par conséquent pas de déterminer les exemplaires qui constitueraient une reproduction illicite de l'oeuvre prévus à l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle ;
S'il devait être établi que les pièces annexées à la requête, telles les catalogues '... Coco' pages 16, 18, 20 à 24 et 'Collection Haute Joaillerie' pages 37, 40 à 43, 51 à 53, 128 et 129, le maillon créé par Lorenz Y cédé en 2005 sous les références J2572, les bijoux référencés J2592 et J2594, le modèle H1187, le dessin référencé C13 cédé en 2007 constituaient des oeuvres sur lesquelles Lorenz Y et la société IDEAL sont fondés à exercer des droits d'auteur, le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne relate en revanche aucune diligence faite par l'huissier dans le but de déterminer parmi les articles se trouvant dans les locaux de la société CHANEL ceux comportant la reproduction des droits d'auteur susceptibles de constituer des contrefaçons ;
Que cette exigence n'est certainement pas de pure forme comme cela s'est par ailleurs révélé dans la présente procédure dans la mesure où l'huissier de justice qui aurait dû ne porter ses investigations et constatations que sur les bijoux sur lesquels Lorenz Y et la société IDEAL prétendaient exercer des droits s'est trouvé dans l'obligation de photographier sans aucune distinction chacune des pièces de joaillerie présentes dans le magasin ainsi que tous les plateaux se trouvant dans les coffres ; que l'officier ministériel a dû ensuite en son étude effectuer un tri, hors la présence du saisi, à partir des fiches signalétiques produites par Lorenz Y et la société IDEAL dont nul ne sait en quoi elles consistaient pour identifier les bijoux argués de contrefaçon lesquels ont fait l'objet de 29 épreuves photographiques ; que de la même façon ont été saisies sans réelle nécessité 126 pages de listing correspondant à 426 références, 785 tailles et 1432 matricules permettant ainsi à un concurrent de prendre connaissance d'informations que la société CHANEL est seule juge de décider si elles peuvent être divulguées à des tiers ;
Au surplus, la présence de deux procès-verbaux datés du même jour,16 décembre 2009, portant la même heure, l'un manuscrit, l'autre dactylographié mentionnant pour ce dernier que les opérations se sont poursuivies le 17 décembre au matin alors qu'il y est indiqué que la signification de l'acte a été remise à la société CHANEL le 16 décembre 2009 fait que celle-ci est fondée à soutenir que les irrégularités de fond contenues tant dans la requête que lors des opérations de saisie-contrefaçon menées dans ses locaux justifient en application des dispositions de l'article 119 du code de procédure civile que soit prononcée la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009 ;
Le jugement déféré qui a débouté la société CHANEL de sa demande de nullité de ce procès-verbal sera par conséquent infirmé de ce chef ;
Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 mars 2010
La société CHANEL reproche à la société IDEAL et à Lorenz Y d'avoir diligenté des opérations de saisie-contrefaçon dans laquelle ont été impliquées dix personnes dont quatre témoins alors que l'ordonnance n'autorisait l'huissier de justice qu'à se faire accompagner, le cas échéant, par la force publique ou le commissaire de police compétent, par un serrurier et par un photographe ;
Lorenz Y et la société IDEAL répliquent que l'huissier de justice n'a fait que respecter les termes de l'ordonnance qui l'a commis et qui l'a autorisé à consigner les déclarations des répondants et de toutes paroles prononcées au cours des opérations, tout en s'abstenant d'interpellations autres que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
Ils prétendent que la société CHANEL n'a subi aucun préjudice et que l'expertise confiée à Monsieur ... à l'initiative de cette dernière a permis de retenir 40 photographies susceptibles de constituer des contrefaçons, cette série de photographies correspondant d'ailleurs aux demandes d'adaptation refusées par Lorenz Y ;
Il existe en effet deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon, l'un et l'autre datés du même jour - 5 mars 2010 - mais portant deux horaires différents, celui manuscrit indiquant 15h15
pour le début des opérations de saisie-contrefaçon et 16h30 pour leur clôture avec pour mentions
'Je me suis rendu au 3 étage de l'immeuble
- bureau 2306 le coffre a été ouvert et j'ai procédé à la photographie de chaque pièce,
- bureau 2307 marketing il a été ouvert et j'ai procédé à la photographie,
- bureau création montre coffre ouvert une photo a été réalisée,
- bureau création joaillerie coffre vide,
- sous-sol 2 coffres photos réalisées,
- boutique 2 coffres photos réalisées -. Copie des épreuves photographiques seront annexées au second original de mon procès-verbal - Sous toutes réserves - Opération clôturée à 16h30,
l'autre indiquant 15 h10 ainsi que dactylographiés par avance les noms d'un commissaire de police, d'un serrurier et de quatre témoins, les noms d'un photographe, de trois brigadiers de police et d'un agent de police ayant été ajoutés manuscritement ;
Ce document porte en outre dactylographié les mentions suivantes
' J'ai procédé à la lecture de l'ordonnance du tribunal à Monsieur .... C. ... international Joaillerie;
Il m'a autorisé à effectuer la photographie de chacune des pièces de joailleries présentes.
J'ai accédé au troisième étage de l'immeuble dans les bureaux marketing n°2306 et n°2307 où deux coffres ont été ouverts et photos de chaque pièce réalisées.
J'ai accédé au cinquième étage de l'immeuble, bureau création production,
- coffre production montres, rien à signaler
- coffre production joaillerie, vide
J'ai accédé au sous-sol deux coffres ont été ouverts et photos réalisées.
J'ai accédé à la réserve boutique où deux coffres ont été ouverts et photos réalisés.
Je me suis retiré à 16 heures 30 minutes. Sous toutes réserves' ;
Les objections soulevées dans le cadre de la procédure de saisie-contrefaçon diligentée le 16 décembre 2009 à propos des pièces visées à l'appui de la requête lesquelles ne définissent pas précisément les caractéristiques des bijoux dont le requérant serait l'auteur et ne permettent par conséquent pas de déterminer les exemplaires qui constitueraient une reproduction illicite de l'oeuvre prévus à l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle doivent trouver ici également application tout comme doit être considérée comme pertinent l'objection selon laquelle l'officier ministériel s'est trouvé dans l'obligation de photographier chacune des pièces de joaillerie présentes dans le magasin ainsi que tous les plateaux se trouvant dans les coffres sans aucune distinction alors que la désignation préalable des oeuvres sur lesquelles la société IDEAL ET Lorenz Y déclarent détenir des droits d'auteur aurait évité à l'huissier d'effectuer en son étude un tri hors la présence du saisi à partir des fiches signalétiques produites par Lorenz Y et la société IDEAL dont nul ne sait en quoi elles consistaient pour identifier les bijoux argués de contrefaçon ;
Si l'ordonnance du 3 mars 2010 prévoyait l'assistance 'le cas échéant' de la force publique 'ou' d'un commissaire de police compétent ainsi que d'un serrurier et d'un photographe, il n'envisageait par la présence de la force publique 'et' d'un commissaire de police ainsi que de quatre témoins ;
Que les opérations de saisie-contrefaçon s'étant, à défaut de preuve contraire, déroulées de façon satisfaisante le 16 décembre 2009, rien n'obligeait l'huissier de justice à faire appel aux forces de police ainsi qu'à des témoins en parfaite méconnaissance des termes de l'ordonnance le désignant qui ne prévoyait pas leur présence ;
Les opérations de saisie-contrefaçon qui constituent une procédure exceptionnelle en ce qu'elles ignorent dans un premier temps le débat contradictoire et en ce qu'elles méconnaissent l'intimité des personnes et le secret des affaires comme il a été dit supra doivent scrupuleusement respecter les termes de l'ordonnance qui les autorise et demeurer strictement encadrées ;
Il s'infère de ce qui précède que les droits de la société CHANEL ont été méconnus et que celle-ci est fondée à considérer que le comportement excessif de Lorenz Y et de la société IDEAL dans la recherche de la preuve justifie que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 mars 2010 soit reconnu comme étant entaché d'irrégularité de nature à lui faire perdre sa valeur probatoire et par conséquent annulé en application des dispositions de l'article 119 du code de procédure civile ;
Les clichés photographiques notifiaient à la société CHANEL le 9 mars 2010 doivent par conséquent également être annulées ;
Sur les actes de contrefaçon imputés par la société IDEAL et par Lorenz Y à la société CHANEL
Lorenz Y et la société IDEAL reprochent à la décision déférée d'avoir méconnu les faits de l'espèce et les conséquences du jugement du 4 décembre 2009 qui, du fait de l'annulation de l'accord
du 4 juillet 2008 a entraîné la nullité des cessions de droits établies en exécution de cet accord ;
Invoquant les dispositions de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, Lorenz Y déclare jouir sur sa création de l'ensemble des droits d'auteur qui l'habilitent à s'opposer à toutes atteintes susceptibles d'être portées à ses droits, notamment par la reproduction des caractéristiques originales de ses créations ou la vente d'articles les reproduisant ;
Il indique démontrer la reproduction et/ou l'exploitation de dessins remis à la société CHANEL qui ne lui ont jamais été cédés ou de dessins modifiées sans son accord ainsi que la poursuite de la commercialisation de dessins pour lesquels elle ne disposait plus de cession de droits du fait du jugement du 4 décembre 2009 ;
Mais dans la mesure où Lorenz Y et la société IDEAL fondent leur action en contrefaçon sur les 22 modèles dont les références sont numérotées dans l'ordre des photographies annexées au procès-verbal d'huissier du 16 décembre 2009 ainsi que sur les 27 bijoux sur les 54 demandes de modification refusées lesquels ont fait l'objet de photographies dans le cadre de la saisie-contrefaçon
du 5 mars 2010 et que lesdits procès-verbaux ont été annulés comme énoncé supra, les demandes formées par Lorenz Y et par la société IDEAL à l'encontre de la société CHANEL, en l'absence d'autres éléments probants, devront être rejetées ;
L'expertise judiciaire ordonnée le 12 avril 2010 a fait l'objet d'un rapport daté du 15 juillet 2010 qui a été établi à partir des quatre vingt seize photographies contenues dans le CD Rom remis par l'huissier de justice (quatre photographies par pages soit 24 pages) dans le cadre de ses opérations de saisie-contrefaçon ;
Mais puisque les procès-verbaux de saisie-contrefaçon ont été annulés, l'expertise fondée sur des documents issus des opérations de saisie a perdu de sa valeur probante et ne permet plus à Lorenz Y et à la société IDEAL de démontrer les griefs de contrefaçon qu'il invoque à l'encontre de la société CHANEL ;
La société IDEAL et Lorenz Y ont sollicité dans leurs dernières écritures l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé la société IDEAL recevable à agir et a déclaré valide le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009 ;
La société IDEAL et Lorenz Y n'ont par conséquent pas formellement sollicité la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société CHANEL devra prendre toutes mesures utiles pour faire connaître la paternité de Lorenz Y sur les bijoux dont il lui a cédé les dessins, selon des modalités devant être communiquées préalablement par la société CHANEL à la société IDEAL ;
Mais dans la mesure où la société CHANEL a demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le recevabilité à agir de la société IDEAL et la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009, il s'en déduit qu'elle ne sollicite pas la réformation du jugement en ce qui concerne les mesures utiles à prendre pour faire connaître la paternité de Lorenz Y sur les bijoux et qu'elle accepte ces mesures ;
Sur la demande de dommages intérêts formée par la société CHANEL
La société CHANEL soutient que les deux instances en contrefaçon engagées par la société IDEAL et par Lorenz Y s'inscrivent dans une tactique vindicative mise en oeuvre dans le but de lui nuire et d'exercer sur elle des pressions dans les litiges qui les opposent portant notamment sur les conditions de rémunération des cessions de droits consenties par Lorenz Y ;
Elle souligne que le refus systématique de répondre aux demandes d'autorisation d'adaptation ou de modification des modèles à compter du mois d'avril 2009 a eu pour conséquence de bloquer l'exploitation normale de ses modèles selon les usages instaurés entre eux depuis de nombreuses années ;
Elle reproche à la société IDEAL et à Lorenz Y de se servir des voies de droit pour provoquer une situation à leur avantage et pour lui nuire ;
La société IDEAL ET Lorenz Y réfutent l'ensemble des arguments invoqués par la société CHANEL .
Il appartient à celui qui prétend avoir subi un préjudice de démontrer l'existence du préjudice allégué ainsi que la faute commise par son auteur ;
Il est indéniable que les sociétés CHANEL et IDEAL ainsi que Lorenz Y sont en désaccord en dépit de très longues relations d'affaires ponctuées par de nombreuses conventions destinées à circonvenir les problèmes afférents aux droits d'auteur du créateur ;
Mais ces difficultés relationnelles et leurs conséquences imputées par la société CHANEL à la société IDEAL ET Lorenz Y ne constituent pas en soi un comportement fautif qui mérite une réparation pécuniaire, la société CHANEL ne démontrant pas au surplus le préjudice qu'elle allègue ;
La demande formée par la société CHANEL sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages intérêts formée par la société IDEAL et par Lorenz Y
La société IDEAL et Lorenz Y sollicitent la condamnation de la société CHANEL à leur verser à titre de dommages intérêts provisionnels la somme de 1.000.000 euros en réparation de l'atteinte portée aux droits d'auteur ;
Cette demande sera rejetée compte-tenu des développements sus-visés, la société IDEAL et Lorenz Y ne fournissant par ailleurs à la cour aucune justification fondant cette demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens
La société IDEAL et Lorenz Y devront verser à la société CHANEL une somme complémentaire de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Leur demande formée au même titre sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme par des motifs propres à la cour le jugement rendu le 14 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Paris à l'exception de la demande portant sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 16 décembre 2009,
Prononce la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 16 décembre 2009 et 5 mars 2010,
Déboute la société INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING (IDEAL) et Lorenz Y de l'ensemble de leurs demandes,
Déboute la société CHANEL de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
Condamne la société INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING (IDEAL) et Lorenz Y in solidum à payer à la société CHANEL la somme complémentaire de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING (IDEAL) et Lorenz Y de leur demande formée au titre des dommages intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société INTERNATIONAL DESIGN AND LICENSING (IDEAL) et Lorenz Y in solidum aux entiers dépens d'appel dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,