Jurisprudence : CAA Douai, 1ère, 24-11-2022, n° 21DA02274


Références

Cour administrative d'appel de Douai

N° 21DA02274

1re chambre
lecture du 24 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A C a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a déclaré cessibles, immédiatement et en totalité, les immeubles nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière sur le territoire de la commune de Béthune.

Par un jugement n° 1902691 du 20 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2021, Mme A C, représentée par Me Gautier Lacherie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que l'immeuble dont elle était propriétaire n'était pas, même pour partie, à usage d'habitation. Il ne pouvait donc faire partie de l'opération de restauration immobilière déclarée d'utilité publique.

Par deux mémoires enregistrés le 17 janvier 2022 et le 17 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Béthune, représentée par Me Henri Abecassis, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle fait valoir que l'immeuble n'était plus affecté à un usage commercial depuis 2000 et qu'il a toujours eu une double affectation de commerce et d'habitation.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen de la requête n'est pas fondé et reprend pour le surplus les écritures du préfet du Pas-de-Calais en première instance.

La clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022 à 12 heures par ordonnance du 12 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Gautier Lacherie représentant Mme C et de Me Arlène Rasamoelina représentant la commune de Béthune.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Mme C est propriétaire d'un immeuble situé 34 place Georges Clémenceau à Béthune. Par un arrêté du 16 août 2012, le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique l'opération de restauration immobilière décidée par la commune de Béthune et portant sur trente-et-un immeubles du centre-ville dont celui de Mme C. Par un arrêté du 1er août 2017, il a prolongé les effets de cette déclaration d'utilité publique pour une nouvelle période de cinq années. Enfin, par un arrêté du 21 décembre 2018, il a prononcé la cessibilité de l'immeuble du 34 place Georges Clémenceau. Mme C relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 20 juillet 2021 qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2018.

2. Aux termes de l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme🏛 : " Les opérations de restauration immobilière consistent en des travaux de remise en état, d'amélioration de l'habitat, comprenant l'aménagement, y compris par démolition, d'accès aux services de secours ou d'évacuation des personnes au regard du risque incendie, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. Elles sont engagées à l'initiative soit des collectivités publiques, soit d'un ou plusieurs propriétaires, groupés ou non en association syndicale, et sont menées dans les conditions définies par la section 3 du présent chapitre. / Lorsqu'elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d'utilité publique. ".

3. Mme C peut, à l'appui de son recours contre l'arrêté de cessibilité de sa propriété, exciper de l'illégalité de l'arrêté du 16 août 2012 ayant déclaré d'utilité publique l'opération de restauration sur la commune de Béthune, les deux actes participant à la même opération complexe.

4. Un hôtel, de par la nature et l'aménagement de ses locaux, a une fonction d'habitation au sens des dispositions citées au point 2, même s'il relève, aux termes de l'article R. 151-28 du code de l'urbanisme🏛, de la destination " commerce et activités de service ", cette dernière disposition n'ayant pour objectif que de définir les types de construction autorisés sur un territoire et non d'encadrer le pouvoir de l'Etat en matière d'amélioration de l'habitat. Les locaux d'un hôtel peuvent donc entrer dans le champ d'une opération de restauration immobilière, comme le mentionne d'ailleurs le guide méthodologique de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat relatif à ces opérations.

5. En tout état de cause, d'une part, si l'appelante soutient que l'immeuble dont elle est propriétaire n'était pas même pour partie à usage d'habitation, il ressort au contraire des pièces du dossier que cette propriété était identifiée dans le cadastre comme " un ensemble immobilier comprenant commerce et habitation ". De même, le relevé fiscal des propriétés bâties fait état de la présence de deux locaux commerciaux et d'un local d'habitation au 34, place Georges Clémenceau. Si ces documents sont postérieurs à la déclaration d'utilité publique, l'appelante ne fait pas état d'un changement d'affectation de sa propriété. Au contraire, le registre du commerce et des sociétés du 11 octobre 1990 qu'elle a joint à sa demande mentionne comme domicile personnel de son père, titulaire de l'activité commerciale, le 34 place Georges Clemenceau, accréditant ainsi l'existence d'un logement au sein de l'immeuble. L'attestation du père de l'appelante indiquant qu'à l'arrêt de l'activité hôtelière, les chambres ont été transformées en local de stockage et que les étages n'ont jamais été utilisées en logement ne suffit pas non plus à démontrer que l'immeuble ne comprenait pas de locaux pouvant être à usage d'habitation.

6. D'autre part, le père de la propriétaire atteste qu'il a arrêté l'activité d'hôtel le 11 octobre 1990. Il ressort également des pièces du dossier que l'activité de restauration a cessé le 30 juin 2000. Par ailleurs, Mme C n'établit pas que sa propriété n'était pas impropre à une activité commerciale alors qu'une telle activité y avait cessé depuis plus de douze ans à la date de la déclaration d'utilité publique. L'appelante ne démontre ainsi pas que son immeuble avait à cette date une destination exclusivement commerciale, l'excluant de ce fait du champ de l'opération de restauration immobilière.

7. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que deux étages du bâtiment se sont écroulés et que l'immeuble a fait l'objet d'une procédure de mise en sécurité au titre de l'article L. 511-9 du code de la construction et de l'habitation🏛, ces circonstances sont en tout état de cause postérieures tant à la déclaration d'utilité publique qu'à l'arrêté de cessibilité puisque la procédure de mise en sécurité a été engagée par une requête en référé devant le tribunal administratif de Lille enregistrée le 15 juin 2021.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme🏛 en incluant l'immeuble de Mme C dans le périmètre de l'opération de restauration immobilière de Béthune, déclarée d'utilité publique le 16 août 2012.

9. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, Mme C n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté de cessibilité du 21 décembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Mme C et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de Mme C la somme réclamée par la commune de Béthune sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Béthune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A C, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Béthune.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 10 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. B

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02274

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