Jurisprudence : CA Paris, 5, 10, 11-09-2023, n° 21/17469, Confirmation


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 5 - Chambre 10


ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2023


(n° , 6 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17469 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEN6D


Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2021 - TJ de PARIS RG n° 19/13442



APPELANTE


Madame [Aa] [S] vEuve [E]

[Adresse 3]

[Localité 5]


Représentée par Me Olivier ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0183


INTIME


LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE

Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5] qui élit domicile

en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien

1, Pôle Juridictionnel Judiciaire,

[Adresse 1]

[Localité 5]


Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, Président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffier, lors des débats : Madame Ab A


ARRÊT :


- contradictoire


- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


- signée par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Président pour Edouard LOOS, Président empêché



FAITS ET PROCEDURE


Madame [X] [K] veuve [S] est décédée le [Date décès 4] 2009 laissant comme héritière ab intestat sa fille unique, Madame [Aa] [S] vEuve [E].


La déclaration de succession a été enregistrée le 20 août 2009 au pôle enregistrement du SIE du [Adresse 2].


L'administration a procédé à un contrôle sur pièces de la déclaration de succession. Pour cela, elle a adressé à Madame [Aa] [S] des demandes de renseignement le 27 mai 2015 et le 28 juillet. 2015 auxquelles il a été répondu.


Le 2 octobre 2015, l'administration fiscale a adressé une proposition de rectification à Madame [Aa] [S] considérant que la dette portée au passif de la succession pour 2 000 000 d'euros ne pouvait être inscrite que pour 1 000 000 d'euros.


Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement par avis du 31 mai 2016, pour 336 559 euros en droits, 234 245 euros en intérêts et majoration, en tout 570 804 euros.


Par réclamation du 25 juillet 2016 Madame [Aa] [S] a contesté cette imposition. Par décision d'admission partielle du 27 janvier 2017 le dégrèvement de la majoration de 40 % parvenant à 134 624 euros, a été prononcé.


A la suite de ce dégrèvement, Madame [Aa] [S] a adressé une nouvelle réclamation contentieuse le 20 novembre 2018 qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 6 juin 2019.


Par acte d'huissier de justice en date du 06 août 2019, Madame [Aa] [S] a fait assigner le Directeur Régionale des Finances Publiques d'Ile-de-France et de Paris devant le tribunal judiciaire de Paris afin que soit prononcé le dégrèvement total des droits de mutations à titre gratuit supplémentaires mises à sa charge.


* * *



Vu le jugement prononcé le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :


- Déboute Madame [Aa] [S], épouse [E] de l'ensemble de ses fins et de ses demandes;

- Condamne Madame [Aa] [S], épouse [E] aux dépens.


Vu l'appel déclaré le 06 octobre 2021 par Madame [Aa] [S],


Vu les dernières conclusions signifiées le 05 janvier 2022 par

Mme [S],


Vu les dernières conclusions signifiées le 04 avril 2022 par le Directeur Régionale des Finances Publiques d'Ile-de-France et de Paris,


Mme [S] demande à la cour de statuer comme suit


Vu les articles L10 in fine, L20, L80, L247 et R59-1 du livre des procédures fiscales🏛 ; Vu les articles 768 et 773, 2° du code général des impôts🏛🏛🏛 ; Vu l'article 587 du code civil🏛,


- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

* Débouté Madame [Aa] [S] épouse [E] de l'ensemble de ses fins et de ses demandes ;

* Condamné Madame [Aa] [S], épouse [E] aux dépens.


Statuant à nouveau,

- Annuler la procédure de rectification et la décision de rejet de l'administration notifiée à Madame [Aa] [E] en date du 6 juin 2019 rejetant sa réclamation contentieuse du 20 novembre 2018.


En tout état de cause,

- Déclarer prescrite l'action en reprise de l'Administration sur la déclaration de succession enregistrée par Madame [Aa] [E] le 20 août 2009,

- Prononcer le dégrèvement total des droits de mutation à titre gratuits supplémentaires mise à la charge Madame [Aa] [E],

- Débouter la Direction Générale des Finances Publiques de toutes ses demandes, appels incidents, fins et conclusions plus amples ou contraire,

- Condamner la Direction Générale des Finances Publiques à verser à Madame [Aa] [E] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

- Condamner la Direction Générale des Finances Publiques aux dépens.


Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile-de-France et de Paris demande à la cour de statuer comme suit :


- Déclarer Madame [Aa] [S] veuve [E] mal fondée en son appel ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 17 juin 2021 ;

- Confirmer les rappels effectués par l'administration ;

- Débouter Madame [Aa] [S] veuve [E] de ses demandes y compris sur la condamnation au versement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Madame [Aa] [S] veuve [E] à tous les dépens d'appel.



SUR CE, LA COUR


A) Sur les irrégularités de la procédure d'imposition


Madame [Aa] [S] veuve [E] soutient, au visa des articles R59-1 et L10 in fine, du livre des procédures fiscales🏛, que la procédure de rectification est irrégulière et donc nulle aux motifs que ses demandes de saisine de la commission départementale de conciliation, de rencontre du supérieur hiérarchique du vérificateur et de mise en œuvre de la médiation sont restées infructueuses, sans aucune justification. La compétence de la commission départementale de conciliation ne peut être remise en cause puisqu'il s'agissait d'une procédure de rectification contradictoire, portant sur des droits d'enregistrement. Quant au recours hiérarchique, elle constitue une garantie substantielle dont la méconnaissance entache d'irrégularité la procédure. Concernant la médiation, elle considère qu'il ne revient pas au conciliateur fiscal de traiter sa demande, mais au médiateur.


Le DRFIP soutient, au visa des articles 667 alinéa 2, du code général des impôts🏛, L59 B et L54 C du livre des procédures fiscales🏛, que la procédure de rectification est régulière aux motifs que c'est à bon droit que les différentes demandes de la requérante ont été rejetées. La commission départementale de conciliation n'est pas en l'espèce compétente dès lors qu'il ne s'agit pas d'une contestation sur le prix ou sur l'évaluation affectant les actes ou déclarations servant de base à la perception des droits d'enregistrement. S'agissant du recours hiérarchique, la requérante ne peut s'en prévaloir dès lors que la demande est antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions consacrant ce recours. L'article L10 du livre des procédures fiscales est inapplicable en l'espèce. S'agissant de la médiation, il revenait à la requérante de saisir le médiateur après avoir obtenu la réponse du conciliateur fiscal.


Ceci étant exposé, le DRFIP relève que Mme [E] présente pour la première fois en cause d'appel une demande d'annulation de la procédure mais n'en demande pas l'irrecevabilité. Il convient de statuer de ce chef.


a) Sur l'absence de saisine de la commission départementale de conciliation et l'absence de mise en oeuvre du recours hiérarchique.


En l'absence de contestation sur la valeur vénale d'un bien immobilier dépendant de la succession, les services fiscaux n'étaient pas tenus de donner suite à la demande présentée le 20 janvier 2016 par le conseil de Mme [E] de saisine de la commission départementale de conciliation.


L'article L54C du livre des procédure fiscales qui prévoit la possibilité de soumettre la proposition de rectification à un recours hiérarchique est entré en vigueur le 12 août 2018. Le conseil de Mme [E] ne pouvait pas s'en prévaloir dans son courrier recommandé daté du 20 janvier 2016.


Les articles L.12, 13 et 13G du livre des procédures fiscales🏛🏛 n'étaient par ailleurs pas applicables à la procédure fiscale de contrôle sur pièces dont relevait Mme [E].

Le moyen ainsi soulevé doit être écarté.


b) Sur l'absence de mise en oeuvre de la médiation


Le conseil de Mme [E] indique avoir présenté en ligne le 28 novembre 2018 une demande de médiation au médiateur du ministère de l'économie et des finances.


Le conciliateur fiscal a repondu au conseil de Mme [E] le 14 décembre 2018 que cette demande ne pouvait pas prospérer puisque la contribuable avait présenté une nouvelle réclamation contentieuse le 20 novembre 2018 (pièce n° 14 de l'appelante) et qu'il convenait d'attendre la décision devant suivre cette réclamation pour, le cas échéant, présenter une demande de médiation. L'appelante qui n'en justifie pas doit nécessairement être déboutée de sa demande d'irrégularité procédurale présentée à ce titre.


B) Sur la prescription


Madame [Aa] [S] veuve [E] soutient, au visa des articles L180 et L186 du livre des procédures fiscales🏛🏛 que la prescription abrégée qui court à compter du jour du décès de sa mère est opposable à l'intimée au motif que l'exigibilité des droits a été révélée par la déclaration de succession sans qu'il soit nécessaire que l'intimée procède à des recherches ultérieures. La dette successorale était justifiée dans son principe et dans son quantum. Ni la déclaration de succession du conjoint prémourant, ni l'arrêt de la cour d'appel de Bucarest n'ont pas à être recherchés puisque la convention de quasi-usufruit mentionnait l'origine de la dette.


Le DRFIP soutient, au visa des articles L180 et L186 du livre des procédures fiscales que la prescription abrégée lui est inopposable au motif que l'exigibilité des droits n'était pas suffisamment révélée par la déclaration de succession dès lors que celle-ci comporte une mention erronée quant à la déclaration d'existence de marchand de biens, ainsi qu'un numéro d'enregistrement fantaisiste de cette formalité qui n'a pas été faite. Au surplus, c'est en opérant le rapprochement, des déclarations de succession des ascendants de la requérante, de la convention de quasi-usufruit et des décisions rendues par les juridictions roumaines qu'elle a pu remettre en cause la déductibilité de la moitié de la créance issue de la convention de quasi-usufruit déclarée au passif. Contrairement à la mention faite dans la déclaration de succession, le bien cédé ne constituait pas un bien propre du père de la requérante, mais appartenait pour moitié à la défunte, le bien ayant été acquis par les deux parents de la requérante pendant leur mariage. En conséquence, la prescription sexennale est applicable à compter du décès du de cujus et donc le droit de reprise de l'administration n'était pas expiré.


Ceci étant exposé, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé le fait que la déclaration de succession ne permettait pas d'apprécier la nature juridique du bien concerné qualifié de bien propre alors que des recherches complémentaires ont été nécessaires pour constater qu'il s'agissait en réalité d'un bien commun compte tenu de l'arrêt prononcé le 28 janvier 2005 par la cour d'appel de Bucarest .


La demande d'application de la prescription abrégée prévue à l'article L.180 du livre des procédures fiscales a ainsi été exactement écartée.


C) Sur la créance fiscale


Madame [Aa] [S], veuve [E] soutient, au visa des articles 587 du code civil, 768, 773-2° du code général des impôts, L20 et L21 du livre des procédures fiscales🏛 que la dette est fondée dans son principe et dans son quantum au motif qu'elle démontre que la dette portée au passif de la succession résultait d'un acte authentique, notamment la convention de quasi-usufruit, de sorte que l'intimée ne pouvait écarter cette dette sans avoir fait juger qu'elle n'avait pas d'existence réelle. La convention comportait en l'espèce toutes les informations nécessaires sur l'origine de la dette, justifiant ainsi son caractère véritable et sincère, non remise en cause par l'intimée. Les dettes résultant d'un quasi-usufruit qui trouvent leur cause dans la loi ne sont pas concernées par les restrictions prévues par les dispositions de l'article 773,2° précédemment cité.


Le DRFIP soutient, au visa des articles 551 du code civil🏛, 768 du code général des impôts, L20 et L21 du livre des procédures fiscales, que la dette est fondée dans son principe, mais pas dans son quantum au motif que la dette n'est fondée que pour la moitié du montant déclaré dès lors que le bien appartenait pour moitié au de cujus en raison du régime matrimonial de communauté. Les dispositions testamentaires du conjoint de la défunte selon lesquelles ce dernier léguait à son épouse l'usufruit de ses biens ne pouvaient s'appliquer que sur les biens qui composaient sa succession. Les dispositions de l'article L20 précédemment cité sont inapplicables en l'espèce puisque la dette constituée par la créance de restitution du quasi-usufruit, déduite de l'actif successoral, n'a pas été constatée par un acte authentique. De même les dispositions de l'article 773-2 du code général des impôts sont inopérantes en l'espèce, puisque la rectification ne repose pas sur la fictivité de la dette, mais sur les dispositions de l'article 768 du même code.

Ceci étant exposé, une convention de quasi-usufruit a été conclue le 17 décembre 2007 entre Mme [X] [K] veuve [S], usufruitière, et sa fille [Aa] [S] veuve [E], nue-propriétaire, portant sur la somme de 2 millions d'euros 'Provenant de la vente des biens ayant appartenu à titre de propres à Monsieur [S], en application de l'article 587 du code civil.'


Par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé le fait que la somme de 2 millions d'euros mentionnée comme créance de Mme [E] dans la succession de sa mère devait être réduite puisque cette somme était issue de la vente d'un bien immobilier situé à Bucarest qui constituait un bien commun de Mme [Ac] [K] et de son époux [Ad] [S]. La part de M. [S] étant de moitié, la moitié de la valeur du bien pouvait faire l'objet de l'usufruit consenti par Mme [Aa] [S] à sa mère. La créance de Mme [Aa] [S] devait ainsi être ramenée de 2 millions d'euros à 1 million d'euros. Les rappels d'imposition à concurrence de cette rectification ont ainsi été justement réclamés par l'administration fiscale ;


La convention notarié de quasi-usufruit du 17 décembre 2017 n'est aucunement annulée mais uniquement remise en cause sur le montant déclaré par les parties, sans approbation ou vérification quelconque du notaire rédacteur de l'acte.


Le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.


La solution du litige conduit à débouter l'appelante de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 ducode de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La cour,


DÉBOUTE Mme [Aa] [S] veuve [E] de sa demande d'annulation de la procédure de rectification et de rejet de réclamation contentieuse ;


CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;


CONDAMNE Mme [Aa] [S] veuve [E] aux dépens d'appel ;


REJETTE toutes autres demandes.


LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


B C

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