SF/RP
Numéro 25/0200
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 21/01/2025
Dossier :
N° RG 23/00733
N° Portalis DBVV-V-B7H-IO7G
Nature affaire :
Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exAacutioAb
Affaire :
[P] [N]
C/
[F] [K]
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 02 Décembre 2024, devant :
Madame de FRAMOND, Conseillère, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,
Madame DE FRAMOND, en application de l'
article 805 du code de procédure civile🏛 et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Aab] [N]
né le … … … à [Localité 7] (ESPAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 9]
[Localité 3]
représenté par Maître Jeanne CAZALET de la SCP MENDIBOURE-CAZALET, avocat au barreau de BAYONNE, et assisté de la SCP COUDURIER & CHAMSKI, avocats au barreau de NIMES
INTIMES :
Monsieur [F] [K]
chez [K] PATRIMOINE CONSEIL
[Adresse 2]
[Localité 4]
assigné
Compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/NV
Société Anonyme de droit belge, dont le siège social est sis [Adresse 6] (France) immatriculée au Registre du Commerce sous le numéro 0690.537.456 - RPM Bruxelles - TVA BE 0690.537.456 prise en sa succursale en France, QBE EUROPE - immatriculée au R.C.S. de NANTERRE sous le numéro 842 689 556 dont l'établissement principal est sis [Adresse 8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Maître Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de BAYONNE, et assistée de Maîtres Ac A / Maître Antoine FLAUTRE, avocats au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 10 OCTOBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE de BAYONNE
RG numéro : 21/02078
EXPOSE DU LITIGE
En octobre 2010, M. [Aa] [Ab] a contacté M. [F] [K], conseil en gestion de patrimoine exerçant en nom propre sous le nom commercial [K] PATRIMOINE CONSEIL, afin de se renseigner sur des investissements défiscalisables.
M. [K] a par la suite fait signer à M. [Ab], plusieurs souscriptions de parts sociales auprès de plusieurs sociétés (PVOLTEUS, VAILLANT VI, 2MI ) pour un total de 77.590 € lui permettant de bénéficier d'un avantage fiscal à condition de ne pas vendre ses parts pendant 5 ans.
A l'issue des 5 années de défiscalisation, M. [Ab] a souhaité récupérer ses investissements dans les différents contrats.
Par courriel du 27 septembre 2018, M. [M] [X], gérant des sociétés PVOLTEUS, a informé M. [Ab] qu'il avait souscrit des contrats d'option d'achat au profit d'une société SIEM, dont il était le dirigeant, fixant les modalités de calcul de la valeur de rachat de ses parts qui s'élevait, pour la totalité de ses parts dans les sociétés PVOLTEUS, à 657,11 €.
Par actes du 22 novembre 2021 et du 29 novembre 2021, M. [Ab] a fait assigner M. [K], exerçant en nom propre sous le nom commercial [K] PATRIMOINE CONSEIL (TPC) et son assureur la société QBE France devant le tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 100 867 € en indemnisation du préjudice subi pour la faute professionnelle de M. [K] outre la somme de 3 000 € au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ainsi que les entiers dépens.
Suivant jugement réputé contradictoire (M. [K] et la Société QBE FRANCE n'ont pas comparu) du 10 octobre 2022 (n° RG 21/02078), le tribunal judiciaire de Bayonne a :
- débouté M. [Aa] [Ab] de ses demandes à l'encontre de M.
[F] [K] et de son assureur la compagnie d'assurance QBE
FRANCE ;
- rejeté la demande formée par M. [Aa] [Ab] sur le fondement
de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Aa] [Ab] aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Dans sa motivation, le tribunal a considéré :
- qu'il ressort des pièces produites aux débats que M. [K] en sa qualité de conseiller en patrimoine a fait signer à M. [Ab], à chacun de ses investissements, un document-type intitulé «Déclaration de l'Investisseur» par lequel il reconnaissait notamment avoir «reçu une information complète de son conseiller» ainsi que les «avertissements relatifs à un investissement dans la société et les risques liés à cet investissement».
- que M. [K] et son assureur, la société QBE FRANCE, ne rapportent cependant pas la preuve, qui leur incombe, que M. [Ab] a reçu une information claire et précise de l'ensemble des aspects économiques, financiers et juridiques de l'opération envisagée et en particulier sur les conséquences financières de la souscription d'un contrat d'option d'achat, notamment s'agissant du prix de rachat des parts et des modalités de valorisation de la société et il est établi dès lors que M. [Ab] n'a pas reçu une information suffisante quant à la nature du montage opéré, de sorte qu'il convient de retenir un manquement à son obligation d'information.
- qu'il est incontestable que suite à ces manquements, M. [Ab] a été amené à souscrire un investissement dans plusieurs sociétés, et que ce faisant, il a subi un préjudice, dès lors que s'il avait été utilement informé des risques tenant à ces placements, il aurait pu y renoncer au profit d'un autre investissement à la rentabilité plus certaine.
- que ce préjudice n'est que la perte d'une chance d'avoir opté pour un meilleur placement;
- que M. [Ab] justifie avoir investi la somme totale de 77 590 € dans les sociétés présentées par M. [K], mais il ne produit aucun justificatif quant aux avantages fiscaux dont il a bénéficié au titre de ces investissements dans le cadre des
articles 199 terdecies 0-A et 885-0 V bis du code général des impôts🏛, de sorte que la perte imputable aux manquements invoqués et la perte de chance, ne peuvent être évaluées ; qu'il convient de débouter M. [Ab] de ses demandes.
Par déclaration du 9 mars 2023, M. [Aa] [Ab] a relevé appel de la décision en ce qu'elle a :
- débouté M. [Aa] [Ab] de ses demandes à l'encontre de M.
[F] [K] et de son assurance la compagnie QBE FRANCE ;
- rejeté la demande formée par M. [Aa] [Ab] sur le fondement
des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [Aa] [Ab] aux entiers dépens.
Par acte du 17 avril 2023, M. [Ab] a signifié sa déclaration d'appel à la compagnie d'assurance QBE FRANCE.
Par acte du 20 avril 2023, M. [Ab] a signifié sa déclaration d'appel à M. [K] chez [K] PATRIMOINE CONSEIL par remise de l'acte à sa secrétaire.
Par acte du 1er juin 2023, M. [Ab] a signifié ses conclusions à M. [K] chez [K] PATRIMOINE CONSEIL, par remise à sa secrétaire.
Par acte du 2 juin 2023, M. [Ab] a signifié ses conclusions à la compagnie d'assurance QBE FRANCE.
Aux termes de ses dernières conclusions du 24 juillet 2023, M. [Aa] [Ab], appelant, entend voir la cour :
- réformant partiellement la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bayonne.
- confirmer le principe de la totale responsabilité de M. [K] et la garantie
due par sa compagnie d'assurances.
- condamner solidairement M. [Ad] et son assureur QBE à payer à M.
[Ab] une somme de 100 867 € en indemnisation du préjudice subi par
sa faute professionnelle,
- condamner solidairement M. [Ad] et son assureur QBE à payer à M.
[Ab] une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de
procédure civile,
- condamner solidairement M. [Ad] et son assureur QBE aux entiers dépens
de cette procédure, tant en première instance qu'en cause d'appel.
Au soutien de ses prétentions, M. [Ab] fait valoir principalement sur le fondement des
articles 1231-1 et suivants du code civil🏛 :
- que M. [K] doit s'informer sur son client, ses compétences, ses attentes
et l'opération projetée.
- que M. [K], à la fois en présence d'une opération spéculative et d'un client
non averti, doit mettre en garde son client sur les risques de l'opération.
- que M. [K] a fait signer, sans attirer l'attention de M. [Ab], un
contrat d'option d'achat pour lequel il s'engageait à vendre ses parts à une société
intimement liée à celle objet de l'investissement pour un prix dérisoire alors qu'il
lui avait clairement indiqué par écrit que la sixième année, après cinq ans
d'avantages fiscaux, il récupérerait son capital majoré de 30 % et qu'il n'est pas
allé au delà du formulaire de circonstance pour connaître les compétences du
souscripteur.
- que l'argent investi par le souscripteur est captif, entre les mains du dirigeant de
la société dans laquelle l'investissement a été réalisé, qui seul peut au travers de
l'autre société, décider à tout moment de racheter à vil prix les parts du
souscripteur.
- que, parmi les choix effectués par M. [K], les sociétés 2Mi et PVOLTEUS
sont gérées par des personnes physiques défavorablement connues des services de
police et déjà condamnées ou ayant fait l'objet de poursuites pénales, notamment
pour escroquerie.
- que M. [K] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
- que le préjudice de M. [Ab] s'élève à la somme de 100 867 € selon les
promesses contractuelles qui lui ont été faites par M. [K].
- qu'il est clairement établi que la faute issue de manquement aux devoirs de
conseil et d'information de M. [K], tenant en l'absence de mise en garde
ou de simple avertissement sur le risque de ne pas pouvoir reprendre son
investissement, est la cause de la perte de celui-ci.
- que la relation contractuelle établie sous l'autorité de M. [K] avait pour
finalité de permettre à M. [Ab] d'obtenir : une défiscalisation qu'il n'a pas
eue ; à six ans, la restitution de la totalité de son capital, qu'il n'a pas perçu ; une
plus value de 30 %, dont il n'a pas bénéficié.
- qu'il s'agit bien d'une obligation contractuelle et non pas de l'indemnisation de
la perte de chance d'avoir opté pour un autre placement.
Par ses dernières conclusions du 27 juillet 2023, la compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/SV, intimée, entend voir la cour :
- juger que ni la société TPC, ni M. [K] n'étaient assurés auprès de QBE
pour leurs activités de « conseil en investissement financier » / « conseil en gestion
de patrimoine » au jour de la réclamation formulée par M. [Ab].
- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de QBE.
- condamner M. [Ab] à payer la somme de 3 000 € à QBE sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [Ab] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la compagnie d'assurance QBE EUROPE SA/SV fait valoir principalement sur le fondement de l'
article 1103 du code civil🏛 et de l'
article L. 112-6 du code des assurances🏛 :
- qu'il ressort du tableau de garanties, que la société TPC n'a pas fait le choix de
s'assurer auprès de la compagnie d'assurance QBE au titre de son activité de
« Conseil en Investissement Financier », étant entendu qu'il est indiqué dans les
documents contractuels que cette activité comprend celle de « Conseiller en
gestion de patrimoine », de sorte que la société TPC et M. [K] ne sont pa
couverts par la police d'assurance et ne l'étaient pas non plus en 2021 lors de la
réclamation formulée par M. [Ab].
- que le contenu de la police d'assurance QBE est opposable aux tiers, donAb M.
[N].
- que dans le cadre de l'affaire, M. [K] est uniquement intervenu en qualité
de conseiller en gestion de patrimoine, tel qu'il ressort des conclusions, des pièces
produites par M. [Ab], et du jugement du tribunal judiciaire de Bayonne
du 10 octobre 2022.
Par acte du 2 août 2023, la compagnie d'assurance QBE France a signifié ses conclusions à M. [K] chez [K] PATRIMOINE CONSEIL, par remise à sa secrétaire.
M. [K] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur' la demande d'indemnisation présentée par M. [Ab] :
* Sur la faute de M. [K] au titre du devoir de conseil et d'information
En vertu de l'
article 1134 du Code civil🏛 dans sa version en vigueur applicable à l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ;
Selon l'
article 1147 ancien du code civil🏛, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon l'
article L541-8-1 4° du code monétaire et financier🏛,
Les conseillers en investissements financiers doivent :
[...];
4° Se procurer auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement en rapport avec le type spécifique d'instrument financier, d'opération ou de service, leur situation financière et leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments financiers et services d'investissement adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s'abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question. Lorsque les conseillers en investissements financiers fournissent le conseil mentionné aux 1° ou 3° du I de l'article L. 541-1, ils doivent également se procurer, auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, les informations nécessaires concernant leur capacité à subir des pertes et leur tolérance au risque de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers et services d'investissement adéquats et, en particulier adaptés à leur tolérance au risque et à leur capacité à subir des pertes. Lorsque le conseil mentionné aux 1° ou 3° du I de l'article L. 541-1 conduit à recommander une offre groupée au sens de l'article L. 533-12-1, les conseillers en investissements financiers veillent à ce que l'offre groupée dans son ensemble corresponde aux besoins de leurs clients ;
5° Communiquer en temps utile aux clients des informations appropriées en ce qui concerne le conseiller en investissements financiers et ses services, le cas échéant la nature juridique et l'étendue des relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l'article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations ;
6° Veiller à comprendre les instruments financiers qu'ils proposent ou recommandent, évaluer leur compatibilité avec les besoins des clients auxquels ils fournissent un conseil mentionné au I de l'article L. 541-1, notamment en fonction du marché cible défini, et veiller à ce que les instruments financiers ne soient proposés ou recommandés que lorsque c'est dans l'intérêt du client ;
Le conseiller en gestion de patrimoine, lorsqu'il intervient pour conseiller des placements financiers en vue d'une défiscalisation, doit donc présenter à ses clients des informations leur permettant de comprendre raisonnablement la nature des services d'investissement qui leur sont proposés; il est tenu, à l'égard de l'investisseur, d'une obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, de l'opération proposée, ainsi que sur les risques qui lui sont associés.
En l'espèce, le premier juge a fait une juste analyse des contrats signés par M. [Ab] que la Cour adopte pour considérer que si M. [Ab] a signé un formulaire- type intitulé 'déclaration de l'investisseur' par lequel il reconnaissait notamment 'avoir reçu une information complète de son conseiller ainsi que les avertissements relatifs à un investissement dans la société et les risques liés à cet investissement ' en revanche, il n'était pas établi que M. [Ad] avait donné à M. [Ab] une information claire et précise sur l'ensemble des aspects économiques, financiers et juridiques de l'opération envisagée en particulier sur les conséquences financières de la souscription d'un contrat d'option d'achat signé avec tous les investissements réalisés.
La cour ajoute que s'agissant d'investissements réalisés par M. [Ab], retraité, sans aucun compétence financière, fiscale ou juridique particulière, il incombait à M. [K], conseiller en gestion de patrimoine, d'informer son client des conditions de succès de l'opération projetée et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions, sans se contenter de dire que l'opération est risquée.
En effet , il n'est pas démontré que M. [Ab] a été informé des risques encourus sur la perte de son capital investi, alors qu'il est établi par le procès verbal d'audition de M. [K] du 17 mai 2022 que celui-ci avait été sollicité en décembre 2010 d'une demande de M. [Ab] pour diminuer ses prélèvements fiscaux ' je paie 2200 € d'impôt sur le revenu. J'ai 30.000 € de disponible, que faire''.
Dans un mail en réponse adressé le 17 décembre 2010 par M. [K] celui-ci présente l'investissement envisagé comme permettant de réduire son impôt en 2011 de 25 % du montant investi hors honoraires, et lui donne une idée de la plus-value possible de son placement par une estimation donnée en pièce jointe non communiquée à la Cour, selon laquelle il pourra récupérer dans 5 ans révolus son montant investi + 30 % de plus-value.
Toutefois cette projection à partir d'un exemple n'est pas un engagement contractuel et constitue une simple espérance de gain dont l'échec ne peut être imputé à M. [Ad] qui n'a rien promis contractuellement à M. [Ab] contrairement à ce que soutient celui-ci.
Par contre, il n'est justifié d'aucune information ni avertissement formel donnés sur le risque de perdre le capital investi ni dans le formulaire type ni dans le mail cité ci-dessus, et le contrat d'option d'achat signé systématiquement avec la souscription des parts sociales n'est expliqué nulle part dans ses avantages et inconvénients pour le souscripteur, alors qu'il prive celui-ci de sa liberté de revente de ses parts sociales au regard des statuts des sociétés et de la complexité des modalités prévues et l'oblige à les céder à un bénéficiaire qui n'est autre qu'une société liée à celle dans laquelle les parts sont investies (même dirigeant), à une date choisie par elle seule et selon le résultat financier de la société (déduction faite de la dette financière nette), permettant ainsi au bénéficiaire de les racheter au prix le plus bas.
C'est ainsi que par mail du 27 septembre 2018, et après plusieurs années de vaines sollicitations de M. [Ab] pour revendre ses parts, M. [X], gérant des sociétés PVOLTEUS l'informe que la société SIEM, bénéficiaire de l'option d'achat (dont il est également le gérant), lui offre pour l'ensemble de ses parts dans ces sociétés, le prix global de 657,11 € alors que son investissement s'est élevé, 5 ans plus tôt, à 36.190 €.
La faute pour défaut d'information et de conseil de M. [Ad] envers M.[Ab] quant à la possibilité de la perte du capital investi est donc caractérisée et justifie son indemnisation.
*Sur le préjudice résultant du manquement au devoir de conseil et d'information
La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement à une obligation d'information et de conseil ayant privé le créancier de celle-ci du choix éclairé de sa décision est mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Il n'y a pas perte de chance si le dommage résultant à la suite du manquement au devoir de conseil est certain et ne comporte aucun aléa.
Dès lors que le juge constate l'existence d'un préjudice, il ne peut rejeter la demande d'indemnisation présentée par la victime. Et quand la perte de chance est dans le débat le juge doit évaluer cette perte de chance même si la demande porte sur une réparation intégrale.(civ 1ere 25/09/2024 n°23 15 925 ).
C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande d'indemnisation de M. [Ab] alors qu'il constatait que celui-ci avait subi un préjudice consistant dans une perte de chance d'opérer un meilleur placement, qu'il devait apprécier.
En l'espèce, si la faute du conseiller l'a empêché de choisir un investissement lui garantissant de ne pas perdre son capital investi, une information claire de M. [K] sur ce risque n'aurait pas nécessairement dissuader M. [Ab] de signer ces contrats, dès lors que celui-ci obtenait en contrepartie du risque un avantage fiscal qu'il reconnaît avoir obtenu de 15.006 € selon ses conclusions.
Par conséquent son préjudice ne peut pas consister en la perte de son capital augmenté de la plus value espérée, mais seulement dans la perte de chance de garder son capital investi intact, perte de chance que la cour évalue à 80 % de la perte effective du capital investi.
M. [Ab] justifie avoir souscrits des parts sociales dans une SARL dénommée PVOLTEUS, dont le siège social est en Guadeloupe:
- le 24 décembre 2010, pour une somme de 16 000 €,
- le 12 décembre 2011, pour une somme de 9 090 €,
- le 10 décembre 2012, pour une somme de 11 100 €,
Soit 36 190 € dans les sociétés PVOLTEUS;
Sur ces investissements, il démontre n'avoir eu de proposition de rachat que pour la somme de 657,11 € en 2018, soit une perte de capital de 35.532,89 €.
La Cour estime donc le préjudice de M. [Ab] dans les souscriptions de parts sociales auprès des sociétés PVOLTEUS, à la somme de (35.532,89 X 0,80)= 28.426,31 €.
Par ailleurs, il démontre également avoir souscrit en 2013 127 parts sociales d'une SARL dénommée VAILLANT VI, dont le siège social est à [Localité 10], pour une somme totale de 12.700 €.
Il produit un rapport du Président de la Société IMMOBILIERE VAILLANT VI pour l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 29 juin 2021 qui mentionne au 31 décembre 2020 une perte de 100.710 €, moindre que l'année précédente, conduisant l'assemblée générale à procéder à une réduction du capital social s'élevant à 5'438'900 € pour la ramener à 5'038'900 € .
Il est précisé qu'à cette occasion, le prix des 4000 actions rachetées est fixé à 85 € l'action au lieu de la valeur de 100 € lors de la souscription, soit une perte de valeur en 2021 de 15 € par action.
Le préjudice de M. [Ab] pour la perte de capital dans la souscription de parts de cette société s'élève donc à la somme de 127 x 15 x 0,8 = 1524 €
M. [Ab] a également souscrits des parts sociales d'une SAS dénommée 2MI, dont le siège social est à [Localité 5] :
- en 2014 pour une somme de 14 700 €,
- en 2015 pour une somme de 14 000 €.
M. [Ab] produit l'enquête de gendarmerie en 2021 concernant la société 2MI qui mentionne que cette société ne fait pas l'objet d'une procédure collective à cette date, n'a pas déposé de bilan comptable en 2020 et que sa présidence est désormais assurée par une société MM PARTNERS SAS dont le gérant est connu pour recel de banqueroute et escroquerie par personne morale.
Mais M. [Ab] ne justifie pas d'une perte de valeur des parts investies dans la Société 2MI et sa demande d'indemnisation sera rejetée concernant cette société.
Le jugement sera donc réformé et M. [K] condamné à indemniser M. [Ab] par la somme de 29.950,31 €
Sur la demande de garantie de M. [K] par la Société QBE FRANCE :
M. [Ab] reconnaît que M. [K] lui a conseillé les placements litigieux dans le cadre de son activité de conseil en gestion de patrimoine, activité qu'il exerce depuis 2008 à titre personnel sous le nom commercial de TPC ([K] PATRIMOINE CONSEIL) selon l'extrait KBIS versé au débat qui indique également une activité de courtier en assurances et démarchages bancaire et financier. Vente de produits immobiliers et valeurs mobilières, transactions sur immeubles et fonds de commerce. Accessoire marchand de biens.
Le 24 juillet 2018 M. [K] a créé la SAS TPC CONSEIL(TPC) pour les mêmes activités qu'exercées précédemment à titre individuel.
Sa société est assurée depuis 2018 par la Société QBE FRANCE, qui produit l'avenant au contrat signé le 26 octobre 2021 à effet du 1er novembre 2021, couvrant son activité d'intermédiaire:
- en assurance,
- en opérations de Banque et Service de paiement
- et en transaction immobilière,
mais pas le Conseil en investissement Financier (CIF) lequel comprend selon l'article 1.1.3 des conditions spéciales du contrat d'assurance, la fourniture de conseil en Gestion de patrimoine privé des personnes physiques ainsi qu'il ressort des pièces versées au débat.
Or M. [Ab] a assigné M. [K] le 22 novembre 2021 date de réclamation constituant le fait dommageable du sinistre déclaré à l'assureur.
Au regard des pièces visées ci-dessus, l'activité de Conseil en gestion de patrimoine de M. [K] n'étant pas garantie par la Société QBE FRANCE , la demande de dommages intérêts dirigée contre elle ne peut aboutir et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande mais par substitution de motif.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires que la Cour infirme':
M. [K] devra payer à M. [Ab] une indemnité de 3 000€ au titre des frais irrépétibles et supporter les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de débouter la Société QBE FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré,
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [Aa] [Ab] présentée contre la Société QBE FRANCE .
Infirme pour le surplus
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [F] [K] à payer à M. [Aa] [Ab] la somme de 29.950,31 € en réparation de son préjudice.
Condamne M. [F] [K] à payer à M. [Aa] [Ab] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette la demande de la Société QBE FRANCE fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [F] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame FAURE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE