SOC.
HP
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 octobre 2023
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1056 F-D
Pourvoi n° J 22-10.032
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023
M. [P] [Aa], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 22-10.032 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société PDG Realty, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [Aa], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société PDG Realty, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020) et les productions, M. [Aa], engagé en 1988 en qualité d'équipier, a été élu, le 28 octobre 2013, délégué du personnel titulaire et, le 10 mars 2015, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
2. L'inspection du travail a autorisé, le 23 septembre 2016, le licenciement du salarié.
3. Le licenciement pour faute grave, en raison, d'une part, d'un comportement menaçant, agressif et insultant du salarié à l'encontre d'une collègue le 26 juin 2016, d'autre part, de sa détérioration volontaire des conditions de travail au sein de l'entreprise et du non-respect des règles et de la politique interne de l'entreprise, lui a été notifié le 28 septembre 2016.
4. Invoquant l'illégalité de la décision de l'inspection du travail fondée, selon lui, sur un témoignage anonyme, M. [Aa] a saisi la juridiction prud'homale aux fins de sursis à statuer en vue d'une question préjudicielle devant le juge administratif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
5. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de constat de l'illégalité de la décision administrative autorisant son licenciement, de dire n'y avoir lieu à inviter les parties à saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle sur la légalité de cette décision administrative, de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, et, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de retenir l'existence d'une faute grave, alors :
« 2°/ que l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé pour motif disciplinaire, est tenue d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que le salarié protégé n'a pas été informé de l'identité de l'unique témoin ayant attesté de la réalité des faits de menaces et insultes à l'encontre de Mme [C] ayant justifié son licenciement pour faute grave ; qu'en jugeant néanmoins que la légalité de l'autorisation administrative de licenciement n'était pas sérieusement contestable, la cour d'appel a violé les
articles R. 2421-4, al. 1, et R. 2421-11, al. 1, du code du travail🏛🏛, et la loi des 16-24 août 1790 ;
3°/ qu'un licenciement disciplinaire ne peut être justifié, à titre exclusif ou de manière déterminante, par un témoignage anonyme ; que la décision administrative d'autoriser le licenciement du salarié se fonde, de manière déterminante, sur un témoignage anonyme ; qu'en jugeant néanmoins, sur le fondement des constatations de cette même décision, que le licenciement était justifiée par une faute grave, la cour d'appel, qui s'est en conséquence elle-même fondée de manière déterminante sur un témoignage anonyme, a violé l'article 6 §§ 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les
articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail🏛🏛. »
Réponse de la Cour
7. L'arrêt énonce, d'abord, qu'aucun doute sérieux sur la légalité de la décision d'autorisation administrative de licenciement ne peut ressortir de ses motifs, l'inspecteur du travail ayant procédé à une enquête contradictoire après avoir pris connaissance de la mise en cause du salarié par une de ses collègues pour des insultes et de la déclaration sur l'honneur d'un témoin des faits, réalisé une reconstitution de l'altercation sur place en présence de l'intéressé, qu'il a entendu personnellement le témoin, lequel a réitéré ses déclarations, et motivé sa décision par son enquête ayant révélé chez le salarié une attitude vexatoire et menaçante souvent dirigée vers des femmes, que le salarié a été mis à même de s'expliquer sur les faits, qu'il n'y a lieu, en conséquence, à saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle sur la légalité de l'autorisation administrative de licenciement.
8. Il retient, ensuite, que la persistance du salarié à adopter envers sa collègue de travail un comportement insultant et agressif le 26 juin 2016, à deux reprises dans cette journée, et ce sans motif autre que l'exigence illégitime de remise immédiate d'un document, constitue une faute grave.
9. De ces constatations et énonciations dont il résulte que le témoignage anonymisé, c'est-à-dire rendu anonyme a posteriori afin de protéger son auteur, mais dont l'identité était connue de l'inspecteur du travail qui a procédé à l'audition de ce témoin, était corroboré par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence, la cour d'appel a exactement déduit que la légalité de la décision administrative n'était pas sérieusement contestable.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Aa] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.