SOC.
PRUD'HOMMESFB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 5 mars 2002
Rejet
M. SARGOS, président
Pourvoi n° G 00-41.453
Arrêt n° 883 FS P sur le 2e moyen
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Christophe Z, demeurant Malesherbes,
en cassation d'un arrêt rendu le 12 janvier 2000 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section A), au profit
1°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM 77), dont le siège est Maincy ,
2°/ de la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales de l'Ile-de-France, dont le siège est Paris ,
défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 janvier 2002, où étaient présents M. Sargos, président, M. Lanquetin, conseiller rapporteur, MM. Boubli, Ransac, Chagny, Bouret, Coeuret, Bailly, Chauviré, conseillers, M. Frouin, Mmes Trassoudaine-Verger, Lebée, MM. Richard de la Tour, Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lanquetin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Z, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la CPAM de Seine-et-Marne, les conclusions de M. Benmakhlouf, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z, engagé le 15 juin 1966 par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM 77), était en dernier lieu directeur général adjoint de cette Caisse ; qu'il a été placé, le 19 mars 1988, sous mandat de dépôt et mis en liberté le 27 juin 1988 sous contrôle judiciaire, avec interdiction de se rendre dans les locaux dépendant de la CPAM et de se livrer à une activité de quelque nature que ce soit en rapport avec la sécurité sociale ; que le 30 septembre 1988 la Cour des comptes dans son rapport a dénoncé les graves anomalies imputables à M. Z et que le conseil de discipline a estimé que les faits reprochés étaient constitutifs d'une faute lourde ; que M. Z a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 27 janvier 1989 et licencié pour faute lourde le 30 janvier 1989 ;
Sur le premier moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2000) de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que la CPAM de Seine-et-Marne soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, alors, selon le moyen
1°) que la lettre de licenciement doit énoncer de manière précise les motifs de rupture qui fixent les limites du litige ; que tel n'est pas le cas d'une lettre de licenciement qui se borne à se référer à l'avis de la commission de discipline et à invoquer sans autre précision des manquements graves et répétés dans la gestion de la Caisse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
2°) que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d'une lettre de licenciement ; qu'en relevant que la lettre de licenciement se réfère au rapport de la Cour des comptes du 30 septembre 1988, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, qui ne comporte pas cette référence ; que la cour d'appel a violé, par dénaturation, l'article 1134 du Code civil ;
3°) qu'il résulte de l'article L. 122-41, alinéa 2, du Code du travail que, lorsque l'employeur est tenu de recueillir l'avis d'une instance disciplinaire, le licenciement doit intervenir dans un délai maximum d'un mois après la date à laquelle cet avis a été rendu ; que le licenciement prononcé en méconnaissance de cette règle est sans cause réelle et sérieuse ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le licenciement a été prononcé le 30 janvier 1989, soit plus d'un mois après le 20 décembre 1988, date à laquelle la commission de discipline a émis son avis ; qu'en considérant que le délai précité d'un mois courait à compter seulement de la date à laquelle l'avis de l'instance disciplinaire avait été notifié au conseil d'administration de la Caisse, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les dispositions précitées de l'article L. 122-41, alinéa 2, du Code du travail ;
Mais attendu d'abord qu'il résulte de l'arrêt que la lettre de licenciement a été adressée à M. Z, moins d'un mois après l'entretien préalable, en sorte que les dispositions de l'article L. 122-41, alinéa 2, du Code du travail ont été respectées ;
Et attendu ensuite que la cour d'appel a relevé, sans la dénaturer, que la lettre de licenciement, après avoir rappelé l'existence du rapport de la Cour des comptes et reproduit l'avis de la commission de discipline, faisait état des manquements graves et répétés relevés à l'encontre de M. Z dans la gestion de la Caisse primaire d'assurance maladie ; qu'elle a exactement décidé, que ces griefs matériellement vérifiables, répondaient aux exigences de l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir fixé à la somme de un franc symbolique l'indemnité allouée au titre du non-respect par la CPAM de Seine-et-Marne de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen, que l'inobservation des règles de la procédure de licenciement doit entraîner la réparation intégrale du préjudice subi ; que ne satisfait pas à ce principe l'allocation au salarié de la somme symbolique de un franc ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-14-4, alinéa 1, du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement retenu que du fait du non-respect, par l'employeur, du jour franc prévu par l'article L. 122-14-1, alinéa 2, du Code du travail, le salarié subissait nécessairement un préjudice, a souverainement apprécié les modalités de sa réparation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
Attendu que M. Z fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant à ce que la CPAM de Seine-et-Marne soit condamnée à lui verser une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, alors, selon le moyen
1°) qu'une convention collective peut valablement restreindre le pouvoir de licencier de l'employeur ; que l'article 28 de la convention collective nationale des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales prévoit que l'agent licencié recevra, dans tous les cas, une indemnité égale à un mois de traitement par année d'ancienneté, avec un maximum de 18 mois de salaire ; que l'article 1 du Titre I de l'arrêté ministériel du 26 mars 1966 distingue le licenciement de la révocation avec suppression partielle ou totale des indemnités ; que la convention collective précitée interdit à l'employeur de prononcer un licenciement pour faute lourde privatif de toute indemnité ; qu'en décidant que la CPAM de Seine-et-Marne pouvait prononcer un licenciement sans verser aucune indemnité de rupture, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 28 précité de la convention collective nationale des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales ;
2°) que M. Z avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que la CPAM de Seine-et-Marne avait délibérément choisi, et ce, de manière irrégulière, de prononcer un licenciement pour faute lourde, et de renoncer à une décision de révocation, et que cela résultait, en premier lieu, de la délibération du conseil d'administration de la CPAM du 28 novembre 1988, qui avait retenu la proposition de révocation avec suppression totale des indemnités, en deuxième lieu, de l'avis de la commission de discipline du 21 décembre 1988 qui, après avoir examiné la proposition de révocation précitée, s'était prononcé pour un licenciement pour faute lourde, et enfin, de la lettre du 20 janvier 1989 qui notifiait à M. Z une "mesure de licenciement" ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile
Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions a exactement retenu que le licenciement pour faute lourde était une révocation avec suppression totale des indemnités au sens de l'article 1er de l'arrêté du 26 mars 1966 et de l'article 28 de la convention collective des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales du 25 juin 1968 ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille deux.