COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 05 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/00249 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQKV
et
N° RG 22/00251 -N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQKY
Monsieur [V] [Y]
S.A. O SORBET D'AMOUR
c/
S.C.I. KABROUSSE
S.E.L.A.R.L. FIRMA
S.A.R.L. PASARYNE
S.E.L.A.R.L. ARVA
Nature de la décision : AU FOND
JONCTION
Notifié par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décisions déférées à la Cour :
-Jugement rendu le 10 janvier 2022 (R.G. 2020L03249) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2022
-Jugement rendu le 10 janvier 2022 (R.G. 2020L03251) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 18 janvier 2022
APPELANTS :
Monsieur [V] [Y] de nationalité Française Profession : Chef d'entreprise, demeurant [… …]
S.A. O SORBET D'AMOUR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 2]
représentés par Maître Corinne LAPORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.C.I. KABROUSSE représentée par Monsieur [Aa] [O] [N], Gérant, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]
représentée par Maître Quentin DUPOUY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTES :
S.A.R.L. PASARYNE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
représentée par Maître Fanny SOLANS, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. ARVA, en sa qualité d'Administrateur judiciaire de la société Ô SORBET D'AMOUR, désigné à ces fonctions suivant jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX du 8 mars 2023 6, rue d'Eghien - 33000 BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. FIRMA, en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la société Ô SORBET D'AMOUR, désigné à ces fonctions suivant jugement du Tribunal de Commerce de BORDEAUX du 8 mars 2023 54, cours Georges Clémenceau - 33000 BORDEAUX
représentées par Maître Corinne LAPORTE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des'
articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛🏛, l'affaire a été débattue le 06 juin 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Ab A
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile🏛.
EXPOSE DU LITIGE
La Société O Sorbet d'Amour dont le gérant est M. [Y] a pour activité la fabrication de glaces, de Sorbets et de gaufres.
Elle dispose d'un atelier de production dans des locaux appartenant à la SCI Kabrousse à La Teste de Buch (Gironde), qu'elle occupe selon bail commercial comportant une clause résolutoire, en date de janvier 2013.
Elle commercialise ses produits dans un lieu de vente situé à [Adresse 6], appartenant à la SCI Pacabear, qu'elle occupe selon bail commercial en date du 1er octobre 2012, qui comporte également une clause résolutoire.
La SCI Kabrousse et la SCI Pacabear ont toutes deux pour gérant M. [O] [N], qui était également propriétaire du fonds de commerce jusqu'en mars 2015.
La Société O Sorbet d'Amour n'a pas réglé certains des loyers afférents au local de production et à l'établissement d'[Localité 5].
Par jugement en date du 23 octobre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société O Sorbet d'Amour.
La société Laurent Mayon a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la société Vincent Mequinion, devenue la société Arva, a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire.
Le 3 janvier 2020, la société Kabrousse a déclaré sa créance à la procédure de redressement judiciaire de la société O Sorbet D'Amour pour un montant de 5 590,39 euros au titre des loyers échus du quatrième trimestre de l'année 2019 et de 17 534,41 euros au titre des loyers échus du premier trimestre de l'année 2020.
Le 14 février 2020, la SCI Kabrousse a demandé au juge-commissaire la résiliation du bail commercial.
Le 24 mars 2020, en raison de la fermeture de son établissement dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, la société O Sorbet d'Amour a sollicité des délais de paiement auprès de la société Kabrousse, qui a proposé le 30 mars 2020 un échelonnement du règlement des loyers des deuxième et troisième trimestres avec paiement du loyer du mois d'avril au 1er juillet 2020. La société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour, a donné son accord le 02 juillet 2020. Les loyers correspondant aux mois d'avril et juillet 2020 ont été versés les 02 et 06 juillet 2020.
Le 28 juillet 2020, le bailleur a présenté une seconde requête au juge-commissaire, tendant à la résiliation du bail.
Par ordonnance du 29 juillet 2020, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société O Sorbet d'Amour a rejeté la demande de la société Kabrousse en date du 14 février 2020 tendant à voir constater la résiliation de plein droit du contrat de bail pour défaut de paiement d'une partie des loyers échus du premier trimestre de l'année 2020.
Par lettre recommandée du 11 août 2020, la société Kabrousse a formé opposition à ladite ordonnance. Cette instance a été enrôlée sous le numéro RG 2020L03251.
Par ordonnance du 23 septembre 2020, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société O Sorbet d'Amour a rejeté la seconde demande de la société Kabrousse en date du 28 juillet 2020 tendant à voir constater la résiliation de plein droit du contrat de bail pour défaut de paiement d'une partie des loyers échus au deuxième trimestre de l'année 2020.
Par lettre recommandée du 05 octobre 2020, la société Kabrousse s'est opposée à cette ordonnance.
La procédure a été enrôlée devant le tribunal sous le numéro RG 2020L03249.
Par jugement réputé contradictoire en date du 10 janvier 2022 (instance n°2020L03251), le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- dit l'opposition recevable en la forme,
Au fond,
- prononcé la résiliation au 14 février 2020 du bail commercial liant la société Kabrousse à la société O Sorbet d'Amour,
- débouté la société O Sorbet d'Amour de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné la société O Sorbet d'Amour aux dépens.
Par déclaration en date du 18 janvier 2022 (instance enrôlée sous le numéro RG 22-00251), M. [V] [Y], la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour ont interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, en intimant la société Kabrousse.
Par jugement réputé contradictoire en date du 10 janvier 2022 (instance n°2020L03249), le tribunal de commerce de Bordeaux a :
- dit l'opposition recevable en la forme,
Au fond,
- prononcé la résiliation au 28 juillet 2020 du bail commercial liant la société Kabrousse à la société O Sorbet d'Amour,
- débouté la société O Sorbet d'Amour de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société O Sorbet d'Amour aux dépens.
Par déclaration du 18 janvier 2022, M. [V] [Y], la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour ont interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, en intimant la société Kabrousse.
Cette procédure a été enregistrée devant la cour sous le numéro RG 22/00249
Par ordonnance de référé du 29 septembre 2022, la première présidente de la cour d'appel de Bordeaux a déclaré irrecevable la demande de la société O Sorbet D'Amour tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire résultant du jugement rendu le 10 janvier 2022.
Par ordonnance en date du 21 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a prononcé l'expulsion de la société O Sorbet d'Amour.
Par jugement en date du 8 mars 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de redressement de la société O Sorbet d'Amour, et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société, en désignant la SELARL Firma venant aux droits de la société Laurent Mayon, en qualité de liquidateur.
Par jugement du 12 avril 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de cession de la société O Sorbet d'Amour au profit de la société Pasaryne, qui incluait la cession des baux commerciaux .
Par actes d'huissier en date du 19 avril 2023, la SCI Kabrousse a fait assigner en intervention forcée la SELARL Firma et la SELARL Arva, en leur qualité respective de liquidateur et administrateur de la société O Sorbet d'Amour .
Par acte d'huissier du 20 avril 2023, la SCI Kabrousse a fait assigner en intervention forcée la société Pasaryne, afin principalement que l'arrêt à intervenir lui soit déclaré commun et opposable.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Procédure d'appel RG n°22-249
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 21 avril 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [Y], la société O Sorbet D'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet D'Amour, demandent à la cour de :
Vu l'
article L 622-14 2° du code de commerce🏛Vu l'
article L 631-14 du code de commerce🏛Vu l'
article L 145-41 du code de commerce🏛 Vu l'ordonnance du juge commissaire du 23 septembre 2020,
Vu le Jugement critiqué,
-déclarer l'appel recevable et bien fondé,
-déclarer l'intervention volontaire de la SELARL Firma et de la SELARL Arva recevable et bien fondée ;
-constater l'absence de délivrance de commandement de payer visant la clause résolutoire,
-constater l'absence de créance locative,
En conséquence,
-réformer le jugement rendu le 10 janvier 2022 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à effet du 28 juillet 2020,
-condamner la société Kabrousse à payer à M. [Y], la Société O Sorbet D'Amour, à la SELARL Arva et à la SELARL Firma la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de rocédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2023, la société Pasaryne demande à la cour de:
-juger que la SARL Pasaryne présente un intérêt à se voir déclarer opposable l'arrêt à intervenir
- condamner la Société Kabrousse à régler à la société Pasaryne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 1er juin 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Kabrousse, demande à la cour de :
-déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la SELARL Firma, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société Ô Sorbet d'Amour et de la SELARL Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour,
-déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la société Pasaryne,
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 janvier 2022 (RG N° 2020 L 03249) en toutes ses dispositions,
-constater la résiliation de plein droit du bail commercial des locaux sis [Adresse 2], à la date du 28 juillet 2020, soit antérieurement à la liquidation judiciaire de la société Ô Sorbet D'Amour intervenue le 8 mars 2023,
-déclarer commun et opposable à la société Pasaryne l'arrêt à intervenir,
-débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
-débouter la société Pasaryne de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum, la SELARL Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour, la SELARL Firma, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour et M. [V] [Y] à payer à la Société Kabrousse la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner in solidum aux entiers frais et dépens.
Procédure n° 22-251:
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 21 avril 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [Y], la société O Sorbet D'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet D'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet D'Amour, demandent à la cour de :
Vu l'article L 622-14 2° du code de commerce
Vu l'article L 631-14 du code de commerce
Vu l'article L 145-41 du code de commerce
Vu l'ordonnance du juge-commissaire du 23 septembre 2020,
Vu le Jugement critiqué,
-déclarer l'appel recevable et bien fondé,
-déclarer l'intervention volontaire de la SELARL Firma et de la SELARL Arva recevable et bien fondée ;
-constater l'absence de délivrance de commandement de payer visant la clause résolutoire,
-constater l'absence de créance locative,
En conséquence,
-réformer le jugement rendu le 10 janvier 2022 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail à effet du 28 juillet 2020,
-condamner la société Kabrousse à payer à M. [Y], la Société O Sorbet D'Amour, à la SELARL Arva et à la SELARL Firma la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2023, la société Pasaryne demande à la cour de:
-juger que la SARL Pasaryne présente un intérêt à se voir déclarer opposable l'arrêt à intervenir
- condamner la Société Kabrousse à régler à la société Pasaryne la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 1er juin 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Kabrousse, demande à la cour de :
-déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la SELARL Firma, en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour et de la SELARL ARVA, en sa qualité d'Administrateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour,
-déclarer recevable l'assignation en intervention forcée de la société Pasaryne,
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 10 janvier 2022 (RG N° 2020 L 03251) en toutes ses dispositions,
-constater la résiliation de plein droit du bail commercial des locaux sis [Adresse 2], à la date du 14 février 2020, soit antérieurement à la liquidation judiciaire de la société Ô Sorbet d'Amour intervenue le 8 mars 2023,
-déclarer commun et opposable à la société Pasaryne l'arrêt à intervenir,
-débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
-débouter la société Pasaryne de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum, la SELARL Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour, la SELARL Firma, en sa qualité de Liquidateur judiciaire de la Société Ô Sorbet D'Amour et M. [V] [Y] à payer à la Société Kabrousse la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-les condamner in solidum aux entiers frais et dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue à l'audience pour les deux procédures susvisées.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la jonction:
1- Selon les dispositions de l'
article 367 du code de procédure civile🏛, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
2- En l'espèce, il convient d'ordonner d'office la jonction des instances d'appel enrôlées sous les numéros RG 22-249 et 22-251, qui présentent un lien de connexité étroit, dès lors qu'elles opposent les mêmes parties, concernant une demande de résiliation du même bail.
Sur les interventions volontaires:
3- En application des dispositions de l'
article 331 du code de procédure civile🏛, il convient de donner acte des interventions à l'instance de la société Pasaryne, de la SELARL Firma, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société O Sorbet d'Amour, et de la SELARL Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société.
Sur la demande tendant à la constatation de la résiliation du bail:
4 - Se fondant sur les dispositions des articles L.622-14 et L.631-14 du code de commerce, la SCI Kabrousse sollicite le confirmation du jugement, et demande à la cour de constater la résiliation de plein droit du bail commercial, en soulignant le caractère autonome de cette procédure devant le juge-commissaire, pour laquelle la requête n'avait pas à être précédée d'un commandement de payer visant la clause résolutoire, et qui ne permettait pas l'octroi de délais par le juge-commissaire.
Elle précise que la société O Sorbet d'Amour était débitrice de la somme de 5844.80 euros à la date de dépôt de la requête du 14 février 2020, et qu'une partie des loyers du second trimestre 2020 n'était pas payée lors du dépôt de la requête du 28 juillet 2020.
5- M. [Y], la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour concluent à la réformation du jugement, et soutiennent que la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire est obligatoire si le bailleur entend voir constater la résiliation de plein droit du bail.
Ils ajoutent qu'en toute hypothèses, cette demande était mal fondée, dès lors que les parties avaient convenu d'un paiement mensuel du loyer (et non trimestriel), compte tenu du caractère saisonnier de l'activité exercée, et qu'elle justifiait s'être acquittée des sommes dues, en compris les échéances reportées avec l'accord du bailleur.
Sur ce:
6- Selon les dispositions de l'
article L.641-12 du code de commerce🏛, sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :
1- Au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail ;
2- Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire ;
3- Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14.
Selon les dispositions de l'article L. 622 -14 du code de commerce, sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 622-13, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :
1° Au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur de ne pas continuer le bail. Dans ce cas, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts ;
2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.
Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.
7- Selon l'
article R.622-13 alinéa 2 du code de commerce🏛, le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation.
8- Il résulte de l'article L. 631-14 du code de commerce que l'article L. 622-14 est applicable à la procédure de redressement judiciaire.
9- Il est constant, en droit, que lorsque le juge-commissaire est saisi sur le fondement de ce texte d'une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d'un immeuble utilisé pour l'activité de l'entreprise, en raison d'un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de redressement judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l'article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail (en ce sens,
Cour de cassation, chambre commerciale, 15 janvier 2020, pourvoi n°17-28127⚖️).
En conséquence, dès lors que par requête du 14 février 2020, la SCI Kabrousse avait bien demandé, après expiration du délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 23 octobre 2019, le constat de la résiliation de plein droit du bail commercial afférent au local de production de la Test de Buch, à raison du non-paiement de loyers postérieurs audit jugement, M. [Y], la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour, ne peuvent utilement soutenir que la délivrance d'un commandement de payer visant la clause résolutoire était, en l'espèce, un préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire.
10- En page 8 de leurs dernières conclusions, la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour, exposent (dans le rappel des faits seulement, et sans en faire un moyen re réformation du jugement) que lorsque l'affaire a été plaidée sur opposition à ordonnance du juge-commissaire, devant le tribunal de commerce de Bordeaux, la SCI Kabrousse aurait indiqué à l'audience ne plus solliciter la résiliation du bail commercial, mais seulement sa non-condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
11- Toutefois, cette affirmation est en contradiction avec les mentions du jugement entrepris, qui font foi jusqu'à inscription de faux, selon lesquelles la SCI Kabrousse a, 'aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à la barre, sollicité du tribunal de (...) prononcer la résiliation de plein droit au 14 février 2020 du bail commercial de janvier 2013".
Elle doit être écartée.
12- Surabondamment, il ne résulte nullement du plumitif d'audience communiqué par les appelants que la SCI Kabrousse ait renoncé de manière non équivoque à sa demande tendant à la résiliation du bail et il est en revanche bien fait mention des moyens developpés par le bailleur, concernant le non-paiement des loyers, le dessaisissement de M. [Y] qui ne pouvait valablement transiger, et l'impossibilité d'accorder des délais.
13- Selon l'article 9 du contrat de janvier 2013, qui faisait la loi des parties en application de l'
article 1134 du code civil🏛 dans sa rédaction applicable au litige, le bail était fait moyennant un loyer annuel de 55 000 euros HT que la société s'engageait à payer par trimestre civil et d'avance.
Selon l'article 2-1-8 de ce contrat, il était expressément stipulé qu'aucun fait de tolérance de la part du bailleur qu'elle qu'en soit la durée, ne pourrait créer un droit en faveur du preneur.
14- Les appelants ne peuvent donc pas utilement se prévaloir 'd'un usage' aux termes duquel le loyer n'était exigible que par mois, compte tenu du caractère saisonnier de l'activité.
Au surplus, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 mai 2019, la SCI Kabrousse a clairement indiqué à la société locataire que 'malgré la tolérance dont (elle) avait fait preuve en accordant la faculté de payer le loyer mensuellement d'avance', la société O Sorbet d'Amour ne respectait pas ses obligations, et que conformément aux articles 2-1-8 et 9 du bail, à compter du troisième trimestre 2019, le loyer serait payable aux échéances contractuelles, soit trimestriellement et d'avance.
15- Il en résulte qu'à la date du 1er janvier 2020, après application de la clause contractuelle d'indexation, la société locataire était redevable des loyers du premier trimestre 2020, soit la somme de 14612.01 euros HT ou 17 534.41 euros TTC.
Ce loyer révisé a été appelé par le bailleur selon courrier et facture du 2 janvier 2020; et par correspondance adressé le 3 janvier 2020 par son conseil à la SELARL Mequinion es-qualités.
Cette dernière n'a nullement contesté l'exigibilité de la créance de loyer au titre du premier trimestre 2020, ni le non-paiement des loyers à bonne date, qu'il a expliqués dans un courriel du 29 janvier 2020 par des tensions de trésorerie de son administrée durant la période de faible activité, en indiquant avoir sollicité l'exécution d'un virement de 11 870.77 euros au profit de la SCI Kabrousse. Elle réclamait en outre la possibilité de régler les loyers de février et mars 2020 par échéances mensuelles.
Elle n'a toutefois obtenu sur ce point aucun accord du bailleur.
16- La SCI Kabrousse reconnait dans ses écritures avoir reçu un paiement partiel de sa créance, et précise qu'une somme de 5844.80 euros restait due à la date de dépôt de la requête, le 14 février 2020.
Alors que cette preuve leur incombait, en application de l'
article 1353 alinéa 2 du code civil🏛, la société O Sorbet d'Amour et les organes de la procédure ne versent au débat aucun justificatif du paiement de ce solde exigible , avant le 14 février 2020.
17 - En raison des circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire, la SCI Kabrousse a bien proposé à la locataire, le 30 mars 2020, un rééchelonnement des loyers du second trimestre 2020 (le loyer d'avril devant être payé le 1er juillet 2020, celui de mai le 1er aout 2020, et celui de juin le 1er septembre 2020, en sus des loyers courants); toutefois cette proposition n'avait aucune incidence sur l'exigibilité de la somme restant due au titre du premier trimestre, pour lesquelles aucun rééchelonnement n'a été convenu, et qui n'a donné lieu de la part du bailleur à aucune renonciation au droit d'agir en résiliation.
18 - Le grief tiré de la mauvaise foi contractuelle du bailleur ne peut être utilement invoqué, dès lors que ce dernier n'a fait qu'user du droit d'agir en justice devant le juge-commissaire en se fondant sur les stipulations du bail, d'autant plus que des précédents incidents de paiement avaient déjà eu lieu durant l'année 2019.
19- Le juge-commissaire devait donc se borner à constater la résiliation du bail dès lors que les conditions de droit et de fait étaient réunies à la date du 14 février 2020, sans pouvoir accorder de délais, le seul délai opposable au bailleur dans le cadre de cette procédure spécifique étant le délai de trois mois précité durant lequel il ne pouvait agir, et qui était expiré lorsqu'il a saisi le juge-commissaire.
20 - Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur le principe de la résiliation du bail à la date du 14 février 2020, sauf à rectifier l'erreur terminologique qui l'affecte, dès lors que le tribunal, statuant sur opposition à l'ordonnance du juge-commissaire, sur le fondement des articles L.622-14 et R.622-13 du code de commerce, devait constater la résiliation de plein droit du bail et non prononcer cette résiliation.
21- Dès lors que la résiliation du bail est constatée à la date du 14 février 2020, la demande tendant aux mêmes fins dans le cadre de la seconde requête déposée le 28 juillet 2020 est sans objet.
22- Le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la société Pasaryne.
Sur les demandes accessoires:
23- Il est équitable d'allouer à la SCI Kabrousse une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour supporteront les dépens d'appel et leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS:
Ordonne la jonctions des instances enrôlées devant la cour d'appel sous les numéros RG 22-249 et RG 22-251;
Donne acte de leur intervention à l'instance à la société Pasaryne, à la SELARL Firma, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société O Sorbet d'Amour, et à la SELARL Arva, en sa qualité d'administrateur judiciaire de cette société,
Confirme le jugement, sur le principe de la résiliation, à la date du 14 février 2020, du bail commercial de janvier 2013 liant la SCI Kabrousse à la société O Sorbet d'Amour,
Rectifiant l'erreur de terminologie affectant le dispositif du jugement,
Constate la résiliation de plein droit du bail commercial des locaux situés [Adresse 2], à la date du 14 février 2020
Y ajoutant,
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la société Pasaryne,
Condamne in solidum la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour à payer à la SCI Kabrousse la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum la société O Sorbet d'Amour, la société Arva, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société O Sorbet d'Amour et la société Laurent Mayon, ès qualités de mandataire judiciaire de la société O Sorbet d'Amour aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Masson, pour le président empêché, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.
Le Greffier Le Président