TA Rennes, du 15-06-2023, n° 2004639
A141793U
Référence
Par une requête, des pièces complémentaires et deux mémoires, enregistrés les
23 octobre 2020, 18 décembre 2020, et 7 avril 2023, M. B A demande au tribunal :
1°) à titre principal, d'annuler le titre de perception émis le 24 juillet 2020 par le garde des sceaux, ministre de la justice, d'un montant de 3 114,53 euros relatif à un indu sur rémunération ;
2°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de moitié des sommes réclamées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- le titre de perception est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- le titre de perception émis à son encontre est le résultat d'une somme d'erreurs effectuées par l'administration, dont il n'est en rien responsable ; il conteste le bien-fondé du titre et le montant de sa créance ;
- l'administration a commis une faute justifiant une réduction de la somme prétendument due s'élevant à la moitié de la somme réclamée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, la direction régionale des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine, représentée par son directeur, conclut à son incompétence.
Il fait valoir que le grief ne concerne pas la procédure de recouvrement mais le calcul de la somme réclamée, ainsi la direction régionale des finances publiques n'est pas visée par le présent recours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le titre de perception contesté comportait les bases de liquidation qui le fondent, de sorte que le requérant pouvait en comprendre les motifs ;
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à une autorité administrative, avant d'émettre un titre exécutoire, de mettre son destinataire en mesure de faire état de ses observations ;
- le titre de perception concerne un trop-perçu de rémunération pour la période du
27 septembre 2019 au 12 décembre 2019 ; M. A ayant été rémunéré à plein traitement à la suite de la prolongation de son congé de maladie ordinaire ; il n'est pas fondé à contester le bien-fondé du titre de perception.
- les versements par précomptes sur traitement ont été interrompus du 1er janvier 2010 jusqu'en 2014 ; le paiement échelonné est considéré comme suspendu à cette date et le délai d'échelonnement est alors prolongé ;
- les conclusions du requérant qui tendent à engager la responsabilité de l'Etat n'ont
été précédées d'aucune demande préalable indemnitaire de nature à lier le contentieux ; ses conclusions doivent être rejetées.
Par ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°2000-321 du 12 avril 2000🏛 ;
- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Descombes,
- et les conclusions de M. Le Roux, rapporteur public.
1. M. A, ancien fonctionnaire, a exercé les fonctions de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation au centre pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP) de Rennes jusqu'au 1er février 2020, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite. Ayant constaté un indu sur sa rémunération, le garde des sceaux a émis, le 24 juillet 2020, à l'encontre de M. A un titre de perception d'un montant de 3 114,53 euros. Par un courrier du 24 août 2020, M. A a demandé à la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rennes le retrait du titre de perception ou à défaut, une réduction de moitié de la somme réclamée dont elle a accusé réception le 24 septembre 2020. Du silence gardé par l'administration est née une décision implicite de rejet. M. A demande au tribunal l'annulation du titre de perception.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le défaut de motivation :
2. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012🏛 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou
d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite. / L'ordre de recouvrer peut-être établi périodiquement pour régulariser les recettes encaissées sur versement spontané des redevables. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'Etat ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.
4. En l'espèce, le titre de perception émis le 24 juillet 2020 par le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine indique les détails de la somme mise à la charge de M. A, l'informant que le reliquat qu'il lui reste à reverser résulte d'un indu de rémunération issu de la paye des mois de janvier et février 2020 à savoir un montant initial de la dette de 3 620,49 euros, lequel a été déduit d'un recouvrement sur cotisations de 496,36 euros, de 87,30 euros au titre de la cotisation sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale, 204 euros au titre de la mutuelle et d'un recouvrement sur salaire de 445 euros, correspondant à un reste à recouvrer de 2 218,87 euros. Il indique également les trop-perçus sur la période du 18 septembre 2019 au 12 décembre 2019, issue de la paye de janvier 2020 de l'indemnité de sujétions spéciales, dont le reste à recouvrer est de 546,93 euros, l'indemnité forfaitaire dont le reste à recouvrer est de 6,60 euros, d'un rappel d'années antérieures dont le reste à recouvrer est de 293,45 euros, de l'indemnité compensatrice de cotisation sociale généralisée dont le reste à recouvrer est de 0,83 euros et d'un rappel d'années antérieures et de 36,54 euros, ce calcul aboutissant à un total de 3 114,53 euros. Dans ces conditions, M. A dispose des éléments requis pour comprendre les bases et éléments de calcul conformément aux dispositions précitées. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le titre de perception du 24 juillet 2020 est entaché d'un défaut de motivation.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire :
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " () Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents. ".
6. Il ressort de la combinaison de ces dispositions que l'exigence du respect de la procédure contradictoire préalable n'est pas applicable aux relations entre l'administration et ses agents, qu'ils soient en activité ou admis à la retraite.
7. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire est inopérant et doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du titre de perception :
8. En premier lieu, il ressort de l'instruction et plus particulièrement de la décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rennes du 20 janvier 2020 que M. A a été placé en congé maladie ordinaire du 31 janvier 2019 au 31 décembre 2020 et rémunéré à
plein traitement pour les périodes des 31 janvier 2019 au 17 février, 10 mars 2019 au 17 mars 2019,
19 septembre 2019 au 26 septembre 2019, 28 septembre 2019 au 29 septembre 2019,
4 octobre 2019 au 6 octobre 2019, 13 décembre 2019 au 10 janvier 2020, 11 janvier 2020 au
31 janvier 2020, puis à demi-traitement pour les périodes des 18 février 2019 au 9 mars 2019,
18 mars 2019 au 30 avril 2019, 27 septembre 2019, 30 septembre 2019 au 30 septembre 2019 et du 7 octobre 2019 au 12 décembre 2019. Le trop-perçu de rémunération concerne ainsi la période du 27 septembre 2019 au 12 décembre 2019.
9. En deuxième lieu, le garde des sceaux, ministre de la justice a versé aux débats les bulletins de paie de M. A des mois de septembre 2019 à février 2020 correspondant aux périodes de trop-perçus lesquels font apparaître les sommes recouvrées notamment un précompte de 993,36 euros prélevé sur la paie de janvier 2020 au titre de la période du 13 décembre 2019 au 31 janvier 2020.
10. En troisième et dernier lieu, M. A ne conteste pas utilement avoir été placé en congé de maladie ordinaire sur la période litigieuse, et de nature à remettre en cause le bien-fondé de sa créance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation du titre de perception émis le 24 juillet 2020.
Sur les conclusions à fin de décharge :
12. Le présent jugement, qui ne met pas en cause le bien-fondé de la créance dont le titre poursuit le recouvrement, M. A n'est pas fondé à demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 114,53 euros.
13. Par suite, les conclusions à fin de décharge doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
14. M. A n'a pas eu recours au ministère d'avocat et ne justifie pas avoir exposé des frais au titre de la présente instance. En outre, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au garde de sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Descombes, président,
M. Moulinier, premier conseiller,
M. Grondin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.
Le président-rapporteur,
Signé
G. DescombesLe rapporteur le plus ancien
Signé
Y. Moulinier
Le greffier,
Signé
J-M. Riaud
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Décret, 2012-1246, 07-11-2012 Loi, 2000-321, 12-04-2000 Finances publiques Directeur Émission de titres Mesure de faire état Congé ordinaire de maladie Demande préalable Anciens fonctionnaires Centre pénitentiaire Émission d'un titre de perception Silence gardé Décision implicite de rejet Défaut de motivation Émission d'un ordre Déclaration rectificative Dettes sociales Sujétions spéciales Indemnité compensatrice Respect de la procédure contradictoire Relations entre l'administration et les agents Moyen inopérant Poursuite du recouvrement Avocat