Jurisprudence : CA Nîmes, 03-08-2023, n° 22/01766, Confirmation


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


ARRÊT N°


N° RG 22/01766 -

N° Portalis DBVH-V-B7G-IOGB


ET - MG


TJ HORS JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP DE CARPENTRAS

15 mars 2022

RG : 21/01309


S.A.S. ARAUJO PEREIRA BATIMENT


C/


Association AGC CENTRE SOCIAL DU TERRITOIRE DE [Localité 3]


Grosse délivrée

le 03/08/2023

à Me Valérie HILD

à Me Nicolas OOSTERLYNCK


COUR D'APPEL DE NÎMES


CHAMBRE CIVILE

1ère chambre


ARRÊT DU 03 AOÛT 2023


Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de CARPENTRAS en date du 15 Mars 2022, N°21/01309



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :


Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile🏛, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.


COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère


GREFFIER :


Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et Madame Audrey BACHIMONT, Greffière lors du prononcé de la décision


DÉBATS :


A l'audience publique du 15 Mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Juin 2023 et prorogé au 03 Août 2023.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.



APPELANTE :


S.A.S. ARAUJO PEREIRA BATIMENT

[Adresse 4]

[Localité 2]


Représentée par Me Valérie HILD de la SCP LEXMAP&ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS


INTIMÉE :


Association AGC

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]


Représentée par Me Nicolas OOSTERLYNCK de la SCP PENARD-OOSTERLYNCK, Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON

Représentée par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE


ARRÊT :


Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, en l'absence du Président légitimement empêché, le 03 Août 2023, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du Code de procédure civile🏛🏛, par mise à disposition au greffe de la Cour



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE


Par devis en date du 4 mars 2020, l'Association de Gestion des Centres de Loisir et Centre Social du Territoire de [Localité 3] (AGC) a confié à la société Araujo Pereira Batiment la réalisation de divers prestations pour une montant de 149 242,50 euros TTC.


Suite à une difficulté relative à la prise en charge des travaux par l'assurance de la SAS Araujo Pereira Batiment, l'AGC a indiqué à la société vouloir mettre fin à la relation contractuelle aux torts exclusifs de cette dernière.


Par acte du 16 Août 2021, la SAS Araujo Pereira Batiment a fait assigner l'Association de Gestion des Centres de Loisirs et Centre Social du Territoire de [Localité 3] (AGC) devant le tribunal judiciaire de Carpentras afin d'obtenir sa condamnation à lui verser les sommes de :


14 924,25 euros correspondant à l'acompte de 10% prévu au contrat

135 675 euros correspondant au montant du devis

65 000 euros correspondant aux sommes engagées inutilement

10 000 euros pour rupture abusive du contrat

3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛


L'AGC a conclu au rejet en faisant valoir que la demanderesse n'avait ni les compétences, ni les garanties d'assurance nécessaires à l'exécution de certaines des prestations objet du devis.


Par jugement contradictoire du 15 mars 2022, le tribunal judiciaire de Carpentras a :

- Débouté la SAS Araujo Pereira Batiment de toutes ses prétentions ;

- Prononcé la résolution du contrat liant l'Association de Gestion des Centres de Loisirs et Centre Social du Territoire de [Localité 3] à la SAS Araujo Pereira Batiment, ayant trait au devis 202027 accepté le 23 Juin 2020 aux torts de la SAS Araujo Pereira Batiment ;

- Condamné la SAS Araujo Pereira Batiment aux dépens ;

- Rejeté les autres demandes.


Le jugement a retenu que la société demanderesse n'était pas assurée pour l'activité litigieuse, estimant alors qu'il y avait un juste motif d'inexécution et par voie de conséquence, a débouté la SAS Araujo Pereira Bâtiment de ses demandes.



Par déclaration du 20 mai 2022, la SAS Araujo Pereira Batiment a interjeté appel de cette décision.


Par ordonnance du 16 décembre 2022, la procédure a été clôturée le 2 mai 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 15 mai 2023.


EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS



Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2022, la SAS Araujo Pereira Bâtiment, appelante, demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS Araujo Pereira Batiment ;

- Reformer le jugement du 15 mars 2020 en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat liant l'Association de Gestion des Centres de Loisirs et Centre social du territoire de [Localité 3] à la SAS Araujo Pereira Bâtiment ayant trait au devis 202027 accepté le 23 Juin 2022 aux torts de la SAS Araujo Pereira Bâtiment, et condamné la SAS Araujo Pereira Bâtiment aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- Juger que l'inexécution contractuelle de l'Association AGC de [Localité 3] est fautive à l'égard de la SAS Araujo Pereira Bâtiment ;

- Condamner l'association AGC de [Localité 3] à verser à la SAS Araujo Pereira Bâtiment à titre de dommages intérêts la somme de 14 924,25 euros correspondant à l'acompte de 10% prévu au contrat ;

- Condamner l'Association AGC de [Localité 3] à verser à la SAS Araujo Pereira Bâtiment la somme de 34 000 euros correspondant aux sommes engagées inutilement par cette dernière et des préjudices subis du fait de la perte de trésorerie ;

- Condamner l'Association AGC de [Localité 3] à verser à la SAS Araujo Pereira Batiment la somme de 10 000 euros pour rupture abusive du contrat et absence de restitution du matériel lui appartenant,

- Condamner l'Association AGC de [Localité 3] à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'association AGC aux entiers dépens.


Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, l'Association AGC, intimée, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Carpentras en toutes ses dispositions ;

- Débouter la société Araujo Pereira Batiment de ses demandes ;

- Condamner la société Araujo Pereira Batiment à payer à l'AGC la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Araujo Pereira Batiment aux entiers dépens ;

- Dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile🏛, Me Jean POLLARD pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

A titre subsidiaire,

- Ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

- Rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIVATION


1- Sur la rupture du marché de travaux litigieux


Selon les prescriptions des articles 6 et 9 du code de procédure civile🏛🏛, il incombe aux parties de prouver les faits qu'ils allèguent.


Aux termes de l'article 1103 du Code civil🏛, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l'article 1104 du même code🏛 les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.


La SAS Araujo Pereira Batiment fait grief au tribunal de l'avoir déboutée de l'ensemble de ses prétentions et demande à la cour de retenir que la rupture des relations contractuelles a été abrupte et abusive, sans motif légitime, alors qu'un accord avait été trouvé pour poursuivre l'exécution du contrat sans la maîtrise d'oeuvre confiée à un tiers M.[R], que le recours à des sous-traitants était possible pour les postes qui ne relevaient pas de sa compétence et que les travaux avaient commencé. Elle demande donc à la cour de prononcer en conséquence la résiliation du contrat aux torts de l'intimée.


Elle prétend que la décision de résiliation est d'autant plus abusive qu'elle était régulièrement assurée et que l'intimée n'a jamais réclamée quelconque attestation , qu'elle lui a interdit le chantier et qu'elle ne l'a pas mise en demeure avant de prononcer la résiliation.


Elle ajoute que l'accord trouvé sur l'exécution des prestations de maîtrise d'oeuvre interdit au maître d'ouvrage de se prévaloir d'un prétendu manquement pour légitimer la résiliation unilatérale du contrat et reproche au tribunal d'avoir retenu un juste motif de résiliation.


Enfin, outre qu'elle n'a jamais perçu l'acompte stipulé au contrat, elle soutient que la rupture du contrat l'a placée dans des difficultés matérielles et financières majeures, que des matériaux ont été achetés pour la réalisation du chantier, des salaires ont été payés pour l'embauche de salariés et qu'elle a perdu la chance, dans l'attente, de pouvoir commencer d'autres chantiers.

L'AGC fait valoir pour sa part que le défaut de souscription d'une assurance de responsabilité décennale comme la justification tardive de l'assurance de responsabilité, constituent un manquement à l'obligation générale de justification d'une assurance obligatoire. Elle rappelle que les relations contractuelles ont effectivement débuté lorsqu'elle a approuvé les devis de l'appelante mais souligne que le chantier n'a pu se poursuivre car l'entreprise Ab Ac Ad ne disposait pas des assurances obligatoires, et qu'à l'ouverture du chantier, elle ne les avait toujours pas produites pour les activités nécessaires à la réalisation de l'ouvrage.


Elle considère ainsi que la résiliation est régulièrement intervenue en raison de la faute commise par l'appelante.


En effet, aux termes de l'article L. 241-1 alinéa 1 du code des assurances🏛 toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil🏛, doit être couverte par une assurance.


Le second alinéa de ce même article précise qu'à l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité.


L'article L. 243-2 alinéa 1 du même code🏛 impose aux'personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code d'être en mesure de justifier qu'elles ont satisfait aux dites obligations.


Enfin, l'article L. 243-2 alinéa 2 énonce que les justifications prévues au premier alinéa, lorsqu'elles sont relatives aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2, prennent la forme d'attestations d'assurance, jointes au devis et factures des professionnels assurés.


Ainsi la souscription par un constructeur et sa justification à l'ouverture du chantier, d'une assurance décennale est une obligation d'ordre public et, il est de jurisprudence constante que le défaut de justifier de la souscription d'une assurance en responsabilité décennale constitue un manquement d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat aux torts de l'entrepreneur, en application de l'article 1224 du Code civil🏛.


Il n'est pas contesté que le chantier s'est ouvert en août 2020, que le maître d'ouvrage a refusé l'accès à ce dernier comme en atteste le constat d'huissier produit aux débats alors que l'attestation d'assurance décennale n'avait pas été produite.


Il n'est pas sérieux de soutenir qu'une entreprise peut commencer un chantier sans que le maître d'ouvrage ne puisse vérifier que sa cocontractante est assurée tout en la laissant procéder à des travaux sans certitude d'une telle assurance.


Si les pièces produites aux débats permettent d'accréditer le fait qu'il y a eu entre les parties une tentative d'accord par recours à un maître d'oeuvre tiers ce que n'était pas la société Araujo Pereira Bâtiment et à un coordinateur des artisans (M.[X]), les difficultés apparues entre les personnes et tel que le rapporte M.[R] dans son courriel du 19 août 2020 (pièce n°5), ne peuvent à l'évidence caractériser l'acceptation par l'AGC d'un commencement des travaux, laquelle a indiqué souhaiter un accord écrit entre les intervenants avant le 21 août 2020 à défaut d'assurance décennale de la société principale pour la maîtrise d'oeuvre et de la mise en oeuvre de l'accord envisagé.


Or tel n'a pas été le cas, la SAS Araujo Pereira Batiment ne pouvant produire aucun accord écrit avec M.[X] et l'AGC a effectivement refusé l'accès au chantier à l'entreprise de maçonnerie générale Araujo.


Le fait que l'appelante ait effectivement souscrit une assurance valable pour le chantier litigieux est sans effet sur l'ignorance dans laquelle elle a laissé sa cocontractante au départ et ensuite démontre que l'activité de maîtrise d'oeuvre n'est effectivement pas couverte. Elle ne rapporte dés lors pas la preuve qu'elle a rempli toutes ses obligations contractuelles et légales comme elle le prétend et elle ne pouvait ignorer que son cocontractant ne pouvait la laisser commencer des travaux sans s'assurer qu'elle était correctement garantie par une assurance à raison des dommages pouvant survenir.


A défaut d'entente avec M.[X] désigné pour suivre la coordination des artisans qui interviendraient sur le chantier et d'accord écrit tel que rappelé par M.[R] architecte pressenti, la SAS Araujo Pereira Bâtiment ne pouvait mener à bien le contrat souscrit.

L'absence d'une assurance décennale prive en effet, dès l'ouverture du chantier, le maître de l'ouvrage de la sécurité qui lui est procurée par un assureur, ce qui lui cause un préjudice certain.


C'est donc a bon droit que par lettre du 8 septembre 2020 elle a réclamé l'attestation d'assurance décennale pour l'exécution du contrat puis du 22 septembre 2020 elle a informé par courrier de son conseil son cocontractant de la rupture des relations contractuelles.


Il sera ajouté que si, postérieurement à la résiliation du contrat pour défaut d'assurance, est apportée la justification d'une assurance antérieurement souscrite, une telle justification tardive est en elle-même fautive et ne peut conduire à imposer au maître de l'ouvrage de remettre en oeuvre un contrat résilié.


C'est également de manière motivée que le maître d'ouvrage a mis un terme au contrat par la lettre du 8 Septembre 2020. L'entreprise appelante était parfaitement informée de ce que son absence de justificatif d'assurance décennale pour l'ensemble des activités prévues au devis litigieux justifiait la résolution du contrat.


Enfin, aucune faute ne peut être reprochée au maître d'ouvrage qui a pu, sans faute, laisser débuter le chantier puisqu'il pensait dans un premier temps que la SAS Araujo Pereira Batiment pourrait accomplir la maîtrise d'oeuvre, puis qu'une solution serait trouvée mais qu'elle a pu aussi sans faute, deux jours après le début du chantier, s'inquiéter aux dires de M.[R] de ne pas avoir reçu la communication des pièces réclamer : l'écrit sur la répartition des taches entre les personnes et l'attestation d'assurance décennale ; et ainsi rappeler au regard de l'échec de la tentative de résolution du problème, le caractère indispensable'd'une assurance décennale pour toutes les activités du contrat.


Elle n'a pas dés lors, de manière abusive et brutale comme injustement soutenu, interrompue les relations contractuelles et au regard de ce qui vient d'être jugé, il y a lieu de retenir que c'est sans aucun abus ni faute que l'intimée a procédé à la résolution du contrat la liant à la SAS Araujo Pereira Bâtiment du 23 avril 2020.


Le jugement de première instance mérite confirmation en toutes ses dispositions soumises à la cour.


2- Sur les mesures accessoires


Partie perdante, l'appelante, qui succombe entièrement en ses prétentions, supportera la charge des dépens d'appel et recouvrement direct sera ordonné au profit du conseil qui en a fait la demande. Elle sera nécessairement déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.


L'équité commande d'allouer à l'AGC la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles que la SAS Araujo Pereira Bâtiment sera condamnée à lui payer.



PAR CES MOTIFS,


LA COUR,


Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;


Y ajoutant,


Condamne la SAS Araujo Pereira Bâtiment à supporter la charge des dépens d'appel et ordonne leur recouvrement direct au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;


La déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


La condamne à payer à l'Association de Gestion des Centres de Loisir et Centre Social du Territoire de [Localité 3] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.


Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère, par suite d'un empêchement du Président et par Mme BACHIMONT, Greffière.


LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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