Jurisprudence : TA Lille, du 28-07-2023, n° 2009372

TA Lille, du 28-07-2023, n° 2009372

A59561CL

Référence

TA Lille, du 28-07-2023, n° 2009372. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/98437031-ta-lille-du-28072023-n-2009372
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Références

Tribunal Administratif de Lille

N° 2009372

8ème chambre
lecture du 28 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n°2009372 le 23 décembre 2020 et le 24 mars 2021, l'association Averroès, représentée par Me Nef Naf, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 2 mars 2020 par laquelle le président du conseil régional a suspendu le versement du forfait d'externat au titre de l'année 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 14 janvier 2020 par laquelle sa demande de subventions à l'investissement immobilier et aux équipements numériques a été rejetée ;

3°) d'annuler la décision verbale du 18 octobre 2020 par laquelle le président du conseil régional des Hauts de France a suspendu les versements de la région à son profit ;

4°) d'annuler la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le président du conseil régional a refusé de retirer sa décision portant suspension du versement du forfait d'externat au titre de l'année 2020 ;

5°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de lui verser le forfait d'externat prévu par la convention cadre du 5 février 2018 ainsi que les subventions liées à l'investissement immobilier et aux équipements numériques, dans un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

6°) de condamner la région Hauts-de-France à lui verser les intérêts au taux légal assortissant les sommes qui doivent lui être versées ;

7°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ;

Elle soutient que :

- les décisions attaquées ont été adoptées par une autorité incompétente ;

- elles méconnaissent l'article L. 442-9 du code de l'éducation🏛 ainsi que l'article 12 du contrat d'association conclu le 18 juin 2008 avec l'Etat et sont entachées d'une erreur d'appréciation ; le versement par la région Hauts-de-France du forfait d'externat et des subventions à l'équipement numérique et à l'investissement est obligatoire ;

- elles méconnaissent la liberté d'association ; en suspendant le versement du forfait d'externat, le président du conseil régional des Hauts-de-France empêche la poursuite de ses activités d'enseignement ;

- elles méconnaissent le droit à l'éducation tel que garanti aux articles 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 151-1 du code de l'éducation🏛 ;

- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation ;

- elles sont entachées d'un détournement de pouvoir ; le président du conseil régional a adopté les décisions attaquées dans le but de connaître les éventuelles contreparties de son financement par l'organisation non gouvernementale Qatar Charity, alors qu'il ne lui appartient pas d'effectuer un tel contrôle ; les décisions attaquées poursuivent une finalité politique étrangère aux objectifs poursuivis par les dispositions de code de l'éducation assurant le financement des établissements privés d'enseignement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2021, la région Hauts-de-France, représentée par Me Jamais, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Averroès une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le forfait d'externat a été versé à l'association Averroès en exécution de l'ordonnance n°2104796 rendue le 6 juillet 2021 par le juge des référés du tribunal, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette question ;

- la requête est irrecevable ; elle présente le caractère d'une requête collective sans que les décisions contestées présentent entre elles un lien suffisant pour faire l'objet d'un recours unique ; les déclarations publiques du président du conseil régional en date du 18 octobre 2020 ne constituent pas une décision susceptible de recours ; en tout état de cause, ces déclarations ne sont que confirmatives et donc insusceptibles de recours ; les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 2 mars 2020, 14 janvier 2020 et 24 novembre 2020 sont irrecevables dès lors, d'une part, qu'elles sont tardives, d'autre part, qu'elles tendent à l'annulation de mesures d'exécution d'un contrat de droit public ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 2104824 le 18 juin 2021, l'association Averroès, représentée par Me Nef Naf, demande au tribunal :

1°) d'annuler la délibération n° 2021.01261 du 22 avril 2021 par laquelle la commission permanente du conseil régional de la région Hauts-de-France a refusé à l'association Averroès le versement du forfait d'externat dû au titre de l'année 2020 ;

2°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de lui verser le forfait d'externat, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, assorti des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération contestée a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, les rapports prévus aux articles L. 4132-18 et L. 4132-18-1 du code général des collectivités territoriales🏛🏛 n'ayant pas été transmis aux conseillers régionaux ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'éducation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2022, la région Hauts-de-France, représentée par Me Jamais, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Averroès une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable, car dirigée contre un acte inexistant, tardive et tendant à l'annulation d'une mesure d'exécution d'un contrat de droit public.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Caustier,

- les conclusions de M. Christian, rapporteur public,

- les observations de Me Jablouski, représentant l'association Averroès, et celles de Me Bosquet, représentant la région Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Averroès, qui assure la gestion du lycée confessionnel musulman du même nom à Lille, a conclu avec l'Etat, le 18 juin 2008, un contrat d'association à l'enseignement public au titre de cet établissement privé d'enseignement dont les coûts de fonctionnement matériel sont pris en charge par la région Hauts-de-France dans les conditions fixées à l'article L. 442-9 du code de l'éducation. A cette fin, la région Hauts-de-France et l'association Averroès ont conclu une première convention-cadre le 24 juin 2013, puis une seconde le 5 février 2018, déterminant les modalités d'accompagnement financier du lycée par la collectivité publique au travers du versement d'un forfait d'externat, de subventions d'investissement et de subventions pour l'acquisition d'équipements numériques.

2. Par une décision du 7 août 2019, le président du conseil régional des Hauts-de-France a informé l'association qu'en raison d' " informations concernant des aides dont aurait bénéficié le Lycée Averroès ", l'instruction de son dossier de demande de subventions aux équipements numériques était suspendue le temps que le ministre de l'éducation nationale confirme " la bonne mise en place des préconisations du rapport de mission du 13 février 2015 ". L'association Averroès a présenté, le 14 novembre 2019, des demandes de subventions, à hauteur de 5 329,50 euros et de 40 000 euros, pour l'acquisition d'équipements numériques, d'une part, et pour la rénovation de la toiture de l'établissement, d'autre part. Le 13 octobre 2019, le président du conseil régional a déclaré, sur une chaîne de télévision, avoir décidé de " bloquer le financement des investissements " du lycée Averroès. Par une délibération n°2019.01954 du 21 novembre 2019, le conseil régional des Hauts-de-France n'a pas attribué au lycée Averroès le forfait d'externat. Par un courrier du 6 février 2020, le président de l'association Averroès a interrogé le président du conseil régional des Hauts-de-France sur le défaut de versement du forfait d'externat au titre de l'année 2020. Par une décision du 2 mars 2020, le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de procéder à ce versement en indiquant être dans l'attente de la communication d'un rapport diligenté par le ministre chargé de l'éducation nationale. Du 20 janvier au 2 mars 2020, un contrôle administratif ainsi qu'un audit financier de la gestion du lycée Averroès a été réalisé par les services de l'Etat. Le rapport d'audit a été rendu le 5 mai 2020. Le 18 octobre 2020, le président du conseil régional a réaffirmé, sur une chaîne radiophonique, sa décision de suspendre les versements de la région Hauts-de-France à l'association Averroès. Par un courrier du 12 novembre 2020, l'association Averroès a mis en demeure le président du conseil régional Hauts-de-France de retirer sa décision de suspendre le versement du forfait d'externat. Par un courrier du 24 novembre 2020, le président du conseil régional Hauts-de-France a indiqué maintenir sa décision.

3. Par une ordonnance n° 2101503 du 31 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de la décision du 2 mars 2020 refusant à l'association Averroès le versement du forfait d'externat dû au titre de l'année scolaire 2019/2020 ainsi que celle de la décision du 24 novembre 2020 refusant de procéder au retrait de la décision du 2 mars 2020, et a enjoint au président du conseil régional Hauts-de-France de réunir, dans le délai d'un mois, l'organe délibérant compétent de la collectivité afin que ce dernier procède au réexamen des droits de l'association Averroès au versement du forfait d'externat. En exécution de cette ordonnance, la commission permanente du conseil régional s'est réunie le 22 avril 2021, et, par une délibération n° 2021.01261, a refusé de verser à l'association Averroès le forfait d'externat au titre de l'année 2020. Par une ordonnance n°2104796 du 6 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de cette délibération et a enjoint à la région Hauts-de-France de verser à l'association Averroès, à titre provisoire, la somme de 274 638,84 euros.

4. Par les présentes requêtes, l'association Averroès doit être regardée comme demandant au tribunal d'annuler la décision du 2 mars 2020 par laquelle le président du conseil régional Hauts-de-France a refusé de lui verser le forfait d'externat au titre de l'année 2020, la décision implicite née le 14 janvier 2020 portant rejet de sa demande de subventions à l'investissement immobilier, à hauteur de 40 000 euros, et aux équipements numériques, à hauteur de 5 329,50 euros, la décision verbale 18 octobre 2020 par laquelle le président du conseil régional des Hauts de France a suspendu les versements de la région à son profit, la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le président du conseil régional a refusé de retirer sa décision portant suspension du versement du forfait d'externat et la délibération n°2021.01261 précitée du 22 avril 2021 par laquelle la commission permanente du conseil régional de la région Hauts-de-France a refusé de lui verser le forfait d'externat au titre de l'année 2020.

Sur la jonction :

5. Les requêtes nos 2009372 et 2104824 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.

Sur le non-lieu à statuer :

6. Lorsque l'administration ne prend une décision faisant droit à la demande d'un administré qu'en vue d'assurer l'exécution de l'ordonnance par laquelle un juge des référés a suspendu l'exécution de la décision de refus initiale et enjoint à l'autorité administrative de procéder à un réexamen de la demande, une telle décision, qui revêt par sa nature même un caractère provisoire, n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions tendant à l'annulation de la décision initiale de refus.

7. La région Hauts-de-France fait valoir qu'elle a versé à l'association requérante, en exécution de l'ordonnance précitée n°2104796 du juge des référés du tribunal, le forfait d'externat au titre de l'année 2020, de sorte qu'il n'y aurait " plus lieu à statuer sur cette question ". Toutefois, cette mesure, intervenue uniquement pour l'exécution de l'ordonnance du juge des référés, revêtant ainsi un caractère provisoire, n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation des décisions lui refusant le versement de ce forfait d'externat. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.

Sur les fins de non-recevoir :

8. En premier lieu, la région Hauts-de-France fait valoir que la requête enregistrée sous le n° 2009372 serait irrecevable dès lors qu'elle présenterait le caractère d'une requête collective. Toutefois, l'ensemble des décisions dont l'association Averroès demande l'annulation sont relatives au refus de la collectivité et de son président de participer au financement, prévu par la convention-cadre du 5 février 2018, du lycée Averroès géré par l'association requérante. Dès lors, les différentes décisions attaquées présentent entre elles un lien suffisant pour faire l'objet d'une unique action en justice. La fin de non-recevoir opposée sur ce point doit, par suite, être écartée.

9. En deuxième lieu, il est constant que, le 18 octobre 2020 sur une chaîne radiophonique, le président du conseil régional des Hauts-de-France a indiqué avoir " décidé de suspendre le versement " des financements de la région au lycée Averroès. Ce faisant, l'autorité précitée n'a pas adopté une décision verbale, ainsi que l'association requérante le soutient, mais a réitéré une information qu'elle avait publiquement délivrée dès 2019. Par suite, la région Hauts-de-France est fondée à faire valoir que les conclusions de la requête dirigées contre une " décision orale du 18 octobre 2020 " sont dirigées contre un acte inexistant. Ces conclusions ne peuvent, pour ce motif, qu'être rejetées.

10. En troisième lieu, la région Hauts-de-France fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée n°2021.01261 de la commission permanente du conseil régional Hauts-de-France en date du 22 avril 2021 seraient irrecevables en ce qu'elles seraient dirigées à l'encontre d'une décision inexistante. Toutefois, la circonstance que les conseillers régionaux appelés à voter se soient prononcés contre l'adoption de la délibération relative au versement à l'association Averroès de la contribution au fonctionnement des établissements privés d'enseignement relevant de l'Education nationale pour l'année 2020 n'a pas pour effet de rendre la décision ainsi adoptée inexistante, seulement de lui conférer la portée d'un refus de versement faisant grief à l'association requérante. La fin de non-recevoir opposée sur ce point doit donc être écartée.

11. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative🏛 : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / () ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code🏛 : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, l'auteur d'un recours juridictionnel tendant à l'annulation d'une décision administrative est réputé avoir eu connaissance de la décision qu'il conteste au plus tard à la date à laquelle il a formé son recours. Lorsqu'un premier recours contre une décision intervenue sans mention des voies et délais de recours a été présenté devant la juridiction effectivement compétente pour en connaître et a été rejeté par celle-ci, son auteur ne peut introduire un second recours contre la même décision que dans un délai de deux mois à compter de la date d'enregistrement du premier au greffe de la juridiction saisie.

12. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

13. La région Hauts-de-France fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 mars 2020 par laquelle le président du conseil régional Hauts-de-France a refusé de verser à l'association Averroès le forfait d'externat au titre de l'année 2020, à l'annulation de la décision implicite née le 14 janvier 2020 portant rejet de la demande, présentée par cette dernière le 14 novembre 2019, de subventions à l'investissement immobilier, à hauteur de 40 000 euros, et aux équipements numériques, à hauteur de 5 329,50 euros, à l'annulation de la décision du 24 novembre 2020 par laquelle le président du conseil régional a refusé de retirer sa décision portant suspension du versement du forfait d'externat et à l'annulation de la délibération n°2021.01261 de la commission permanente du conseil régional Hauts-de-France en date du 22 avril 2021 portant refus du versement du forfait d'externat au titre de l'année 2020 seraient irrecevables car tardives. Toutefois, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de subventions précitée ait fait l'objet d'un accusé de réception faisant mention des délais et voies de recours ni que les décisions précitées comportaient de telles mentions ni, enfin, que les décisions litigieuses aient fait l'objet d'un premier recours juridictionnel, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'est pas opposable à l'association requérante. Par suite, la région Hauts-de-France n'est pas fondée à faire valoir que les conclusions de l'association Averroès tendant à l'annulation des décisions précitées, qui ont été enregistrées au greffe du tribunal avant l'expiration du délai raisonnable cité au point précédent, seraient tardives. La fin de non-recevoir opposée à ce titre doit par suite être écartée.

14. En dernier lieu, compte-tenu de son objet, à savoir l'organisation du versement du forfait d'externat imposé par les dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'éducation et l'octroi de subventions par la région, notamment à l'investissement immobilier et aux équipements numériques, la convention-cadre du 5 février 2018 ne présente pas, malgré sa dénomination, la nature d'un acte contractuel mais constitue un acte administratif unilatéral. Par suite, la collectivité défenderesse n'est pas fondée à faire voir que les décisions en litige constitueraient autant de mesures d'exécution d'un contrat de droit public. La fin de non-recevoir soulevée sur ce point doit, dès lors, être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions du 2 mars 2020 portant refus du versement du forfait d'externat au titre de l'année 2020, du 24 novembre 2020 portant refus de procéder au retrait de cette décision et de la délibération n° 2021.01261 de la commission permanente du conseil régional Hauts-de-France en date du 22 avril 2021 :

15. D'une part, aux termes de l'article L. 442-9 du code de l'éducation : " Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat d'association des établissements d'enseignement privés du second degré sont prises en charge sous la forme de contributions forfaitaires versées par élève et par an et calculées selon les mêmes critères que pour les classes correspondantes de l'enseignement public. / La contribution de l'Etat () est déterminé[e] annuellement dans la loi de finances. / Les départements pour les classes des collèges, les régions pour les classes des lycées et, en Corse, la collectivité territoriale pour les classes des collèges et des lycées versent chacun deux contributions. La première contribution est calculée par rapport aux dépenses correspondantes de rémunération des personnels non enseignants afférentes à l'externat des collèges ou des lycées de l'enseignement public assurés par le département ou la région et en Corse par la collectivité territoriale, en application des dispositions des articles L. 213-2-1 et L. 214-6-1. Elle est majorée d'un pourcentage permettant de couvrir les charges sociales et fiscales afférentes à la rémunération de ces personnels, qui demeurent de droit privé, et les charges diverses dont les établissements publics sont dégrevés. La seconde contribution est calculée par rapport aux dépenses correspondantes de fonctionnement de matériel afférentes à l'externat des établissements de l'enseignement public ; elle est égale au coût moyen correspondant d'un élève externe, selon les cas, dans les collèges ou dans les lycées de l'enseignement public du département ou de la région ; elle est majorée d'un pourcentage permettant de couvrir les charges diverses dont les établissements d'enseignement public sont dégrevés. () ".

16. D'autre part, la convention-cadre signée le 5 février 2018 entre la région Hauts-de-France et l'association Averroès rappelle qu'" au vu du code de l'éducation🏛🏛, la région Hauts-de-France a donc l'obligation de verser deux contributions : le forfait régional d'externat - part matériel - et le forfait régional d'externat - part personnel. ". Aux termes des articles 4 et 8 de la même convention-cadre, relatifs aux " modalités de versement du forfait " : " Le forfait régional d'externat ", que ce soit sa part " matériel " comme sa part " personnel ", " fera, chaque année, l'objet d'une seule décision de la commission permanente pour la région Hauts-de-France " et sera versé en deux fois : un acompte de 70% dès le début de l'année civile et le solde à l'issue du premier trimestre de l'année civile.

17. Il ressort des dispositions citées aux deux points précédents que le forfait d'externat constitue une participation financière des régions au fonctionnement des classes sous contrat d'association des établissements privés d'enseignement du second degré. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'association Averroès n'aurait pas, à ce titre, justifié du respect de ses obligations pour l'année 2020, cette dernière est fondée à soutenir que le refus de la collectivité défenderesse de lui verser cette participation méconnaît les dispositions de l'article L. 442-9 du code de l'éducation.

18. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, la décision attaquée du 2 mars 2020 et, par voie de conséquence, celle du 24 novembre 2020, ainsi que la délibération n°2021.01261 de la commission permanente du conseil régional Hauts-de-France en date du 22 avril 2021 doivent être annulées.

En ce qui concerne la décision implicite du 14 janvier 2020 refusant l'octroi de subventions :

19. Aux termes du chapitre 2 de la convention-cadre du 5 février 2018, intitulé " Le cadre des aides régionales " : " La région Hauts-de-France apporte son concours financier à l'association Averroès, aux lycées et aux familles ayant inscrit leur enfant au sein du lycée Averroès. / Les moyens attribués par la région Hauts-de-France au titre des dépenses d'initiative régionale figurant dans ce chapitre relèvent de sa propre volonté et son arbitrés chaque année en sessions budgétaire ". Aux termes de l'article 9, relatif aux " participations à l'investissement immobilier " : " () / L'attribution d'une subvention ne constitue pas un droit car l'octroi d'une subvention relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité. / () ". Aux termes de l'article 11 : " () / La décision d'attribution de la subvention est prise par l'assemblée délibérante de la Région. () ". Aux termes de l'article 13, relatif aux " participations au titre des équipements numériques " : " Les moyens attribués par la région Hauts-de-France en session budgétaire s'apprécient par année civile et correspondent à un montant maximum. () ".

20. Alors même que la décision attaquée a le caractère d'une décision implicite, née du silence gardé par l'administration sur la demande de subventions présentée le 14 novembre 2019 par l'association requérante, il est néanmoins constant que cette décision a été adoptée par le président du conseil régional qui, dès 2019, notamment le 13 octobre sur une chaîne de télévision, a indiqué publiquement avoir " bloqué le financement des investissements " du lycée Averroès. Sa qualité d'auteur de ladite décision implicite n'est, au demeurant, pas contestée par la région Hauts-de-France en défense, qui fait valoir que le président du conseil régional est compétent pour " décider de ne pas inscrire à l'ordre du jour " de l'organe délibérant " une question, voire d'en décaler l'inscription ". Or, il n'appartenait pas au président du conseil régional, mais à l'assemblée délibérante de la région Hauts-de-France, de rejeter les demandes de subventions présentées par l'association requérante conformément aux articles précitées de la convention-cadre du 5 février 2018. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice d'incompétence de son auteur.

21. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision implicite du 14 janvier 2020 rejetant la demande de subventions présentées le 14 novembre 2019 par l'association Averroès doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Dès lors qu'il n'est pas contesté que le forfait d'externat au titre de l'année 2020 a d'ores et déjà été acquitté par la région Hauts-de-France en exécution de l'ordonnance n° 2104796 du 6 juillet 2021 du juge des référés du tribunal, il n'y a plus lieu d'enjoindre à la collectivité défenderesse de le verser à l'association requérante.

23. Par ailleurs, eu égard au motif d'annulation de la décision du 14 janvier 2020, l'exécution du présent jugement implique seulement que l'assemblée délibérante de la région Hauts-de-France réexamine la demande de subventions présentée par l'association Averroès. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les intérêts :

24. En vertu des dispositions de l'article 1153 du code civil🏛 et compte tenu des modalités de son versement telles que décrites par la convention-cadre du 5 février 2018 et rappelées au point 16 du présent jugement, l'association Averroès a droit à l'application d'intérêts au taux légal sur le montant du forfait d'externat au titre de l'année 2020, soit 274 638,84 euros, courant à compter du 2 mars 2020 en ce qui concerne 70% de ce montant et à compter du 1er juillet 2020 en ce qui concerne les 30% restants.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Averroès, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la région Hauts-de-France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la collectivité défenderesse une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'association requérante et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions attaquées du 2 mars 2020, du 14 janvier 2020 et du 24 novembre 2020 ainsi que la délibération n° 2104796 du 22 avril 2021 sont annulées.

Article 2 : La région Hauts-de-France est condamnée à verser à l'association Averroès les intérêts au taux légal appliquées sur le montant du forfait d'externat au titre de l'année 2020, soit 274 638, 84 euros, courant à compter du 2 mars 2020 en ce qui concerne 70% de ce montant et à compter du 1er juillet 2020 en ce qui concerne les 30% restants.

Article 3 : Il est enjoint à la région Hauts-de-France de procéder au réexamen de la demande de subventions présentée le 14 novembre 2019 par l'association Averroès.

Article 4 : La région Hauts-de-France versera à l'association Averroès une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à l'association Averroès et à la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Marjanovic, président,

M. Larue, premier conseiller,

M. Caustier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juillet 2023.

Le rapporteur,

Signé

G. CAUSTIER

Le président,

Signé

V. MARJANOVIC

La greffière,

Signé

D. WISNIEWSKI

La République mande et ordonne au préfet de région Hauts-de-France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nos 2009372, 2104824

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