N° A 23-80.661 F-B
N° 00648
ODVS
18 AVRIL 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 AVRIL 2023
M. [Aa] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 25 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Aa] [M], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre,et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [Aa] [M] a été placé en détention provisoire le 14 mai 2022.
3. Par ordonnance du 6 janvier 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de cette détention provisoire.
4. M. [M] a relevé appel de cette décision, par apposition d'une mention manuscrite sur l'ordonnance de prolongation, sans demande de comparution personnelle.
5. Lors de la notification de l'avis d'audience devant la chambre de l'instruction, M. [M] a mentionné refuser la visioconférence.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité formulées par la défense et a confirmé l'ordonnance du 6 janvier 2023 par laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [M] pour une durée de quatre mois, alors « que lorsqu'il s'agit d'une audience au cours de laquelle il doit être statué sur la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle ; que ce choix s'impose à la Chambre de l'instruction, sauf si le transport de l'intéressé paraît devoir être évité en raison de risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion qu'il appartient alors aux juges du fond de caractériser ; qu'au cas d'espèce, l'exposant a interjeté appel d'une ordonnance de prolongation de sa détention provisoire ; que le président de la Chambre de l'instruction, puis la Chambre de l'instruction elle-même, ont ordonné la comparution personnelle de Monsieur [M] ; que ce dernier s'est alors explicitement opposé à l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle pour sa comparution ; qu'en affirmant, pour passer outre ce refus et organiser la comparution de Monsieur [M] par visioconférence, puis, suite au refus réitéré de celui-ci, tenir l'audience en son absence, que « la chambre de l'instruction qui ordonne la comparution personnelle, lorsqu'elle n'est qu'une faculté laissée à son appréciation, peut recourir à la visioconférence qui n'est qu'une modalité de cette comparution », quand en matière de détention provisoire, le recours à la visioconférence n'est pas qu'une faculté laissée à l'appréciation de la Chambre de l'instruction, la personne détenue disposant, aux termes de l'
article 706-71 du Code de procédure pénale🏛, du pouvoir de s'y opposer, la Chambre de l'instruction, qui n'a pas établi l'existence d'un risque grave de trouble à l'ordre public ou d'évasion et a ainsi statué au terme d'une procédure irrégulière, a méconnu les dispositions des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, préliminaire, 706-71, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 199 et 706-71 du code de procédure pénale🏛 :
8. Selon le premier de ces textes, en matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée, qui peut être ordonnée par la chambre de l'instruction, est de droit si elle-même ou son avocat en fait la demande selon les modalités qu'il définit.
9. En vertu du second, qui n'opère aucune distinction selon que la comparution personnelle a été ordonnée par la chambre de l'instruction ou demandée par la personne concernée, celle-ci peut, lorsqu'elle est informée de la date de l'audience devant la chambre de l'instruction et du fait que le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle est envisagé, en refuser l'utilisation sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion.
10. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la chambre de l'instruction en raison de l'absence de comparution de M. [M] qui a refusé le recours à la visioconférence, l'arrêt attaqué énonce que, avant tout débat à l'audience, la comparution personnelle de ce dernier a été ordonnée mais qu'il a refusé de quitter sa cellule et fait parvenir au greffe un mot indiquant « je pensais comparaître personnellement devant la chambre de l'instruction ainsi que cela m'avait été notifié ».
11. Les juges ajoutent que, contrairement à ce qui est induit par cet écrit, M. [M], lors de son appel, n'a pas souhaité comparaître et que sa comparution personnelle a été ordonnée par la chambre de l'instruction.
12. Ils retiennent que la chambre de l'instruction qui ordonne la comparution personnelle, lorsqu'elle n'est qu'une faculté laissée à son appréciation, peut recourir à la visioconférence qui n'est qu'une modalité de cette comparution dont la personne mise en examen ne saurait tirer aucun grief.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait passer outre, sans retenir des risques graves de trouble à l'ordre public ou d'évasion, au refus de comparaître par visioconférence exprimé par M. [M] lors de la notification de l'avis d'audience, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
14. La cassation est, par conséquent, encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 25 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit avril deux mille vingt-trois.