Jurisprudence : TA Melun, du 31-03-2023, n° 2303066


Références

Tribunal Administratif de MELUN

N° 2303066


lecture du 31 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2023, le syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et M. B C, représentés par Me Rousseau, demandent au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative🏛🏛 :

1°) d'ordonner l'annulation des décisions portant refus de leur accorder les autorisations spéciales d'absence pour les 4, 5 et 11 avril 2023 ;

2) d'enjoindre au grand hôpital de l'Est-Francilien de leur accorder les autorisations spéciales d'absence sollicitées pour les 4, 5 et 11 avril 2023 ;

3°) de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est-Francilien une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛🏛.

Ils indiquent que M. C est en poste sur le site de Jossigny (Seine-et-Marne) du grand hôpital de l'Est-Francilien en tant que technicien de laboratoire, qu'il a adhéré au syndicat C.G.T. où il est devenu secrétaire adjoint du syndicat de son établissement, élu au comité social d'établissement en décembre 2022 et, par cette élection, membre de la formation spécialisée en matière de santé, sécurité et conditions de travail, que la secrétaire général du syndicat a alors demandé, le 28 décembre 2022, son détachement à hauteur de 50 % pour mener ses activités syndicales et représentatives du personnel à compter du 30 janvier 2023, qu'il a été informé que cette demande avait été refusée, qu'une demande de motivation de cette décision a été formée auprès de la direction de l'hôpital les 22 février et 7 mars 2023, que cette décision a été contestée devant le tribunal administratif de Melun, qu'il a alors sollicité des autorisations spéciales d'absence pour mener ses mission syndicales, et en particulier pour le 4 avril , date d'installation de la formation spécialisée en matière de santé, sécurité et conditions de travail, ainsi que pour les 5 et 11 avril 2023.

Ils soutiennent que la condition d'urgence est satisfaite, eu égard à la proximité des dates des réunions en cause, et que les décisions contestées portent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale constituée par la liberté syndicale en s'opposant aux autorisations spéciales d'absence sollicitées sur le fondement de l'article 16 du décret du 19 mars 1986🏛🏛, qui sont librement utilisées par les syndicats, la direction de l'hôpital n'ayant pas demandé au syndicat C.G.T. de proposer un autre bénéficiaire, et que les décisions en cause ne sont pas motivées et méconnaissent les dispositions de l'article 76 du décret du 3 décembre 2021🏛🏛 et enfin que ce sont plus de quinze autorisations spéciales d'absence qui ont été ainsi refusées et que la direction du grand hôpital ne peut refuser à M. C de remplir ses missions.

La requête a été communiquée le 28 mars 2023 au grand hôpital de l'Est-francilien, qui n'a produit aucun mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- le code général de la fonction publique ;

- le décret n°86-660 du 19 mars 1986🏛🏛 relatif à l'exercice du droit syndical dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986🏛🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2021-1570 du 3 décembre 2021🏛🏛 relatif aux comités sociaux d'établissement des établissements publics de santé, des établissements sociaux, des établissements médico-sociaux et des groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif de Melun a désigné M. Aymard, vice-président, pour statuer en tant que juge des référés en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative🏛🏛.

Après avoir, au cours de l'audience publique du 29 mars 2023, en présence de Madame Aubret, greffière d'audience, présenté son rapport et entendu les observations de Me Rousseau, représentant le syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et M. B C, ce dernier présent, qui rappelle que sont en causes des refus d'autorisations spéciales d'absence pour le 4, 5 et 11 avril, que la condition d'urgence est donc satisfaite, que M. C doit bénéficier d'autorisations spéciales d'absence pour siéger dans les instances où il a été élu, que l'argument de la visite du COFRAC n'en est pas un, car cet organisme de certification ne doit pas se rendre à Jossigny, et qui indique que les problèmes qui affectent les autorisations spéciales d'absence sont récents au sein du grand hôpital.

Le directeur du grand hôpital de l'Est-Francilien, dûment convoqué, n'était ni présent ni représenté.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 28 décembre 2022, le syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien a saisi la direction de cet établissement d'une demande de décharge à hauteur de la moitié de son temps de travail à titre syndical au profit de M. B C, technicien de laboratoire sur le site de Jossigny (Seine-et-Marne). Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus en date du 13 février 2023, " compte tenu des contraintes d'organisation actuelles du services ". La direction invitait le syndicat à proposer une autre personne pour bénéficier de cette décharge d'activité syndicale. Le syndicat a formé un recours gracieux contre cette décision le 22 février 2023, motivé par l'absence de consultation préalable de la commission administrative paritaire. Des demandes d'autorisation spéciale d'absence pour activités syndicales déposées par le syndicat C.G.T. pour M. C le 17 février 2023 pour les 23, 24 et 28 février et 2, 3, 9, 10, 14, 20 mars 2023 ont ainsi été rejetées avec comme motivation " problème effectifs ". Une nouvelle demande effectuée le 9 mars 2023 pour le 3 avril 2023 a également été rejetée avec comme motivation " visite COFRAC du 7 au 7/4 Ref. hémostase ". Cette même motivation a été formulée pour les demandes formées pour les 4 et 5 avril. Pour le 11 avril en revanche, le refus a été motivé par " formation du 3 et 4 non faites et mode adapté lendemain de fête ". M. C a été nommé par le syndicat C.G.T. membre supplément du comité social d'établissement du grand hôpital de l'Est-Francilien et membre suppléant de la formation spécialisée de ce comité. Le 21 mars 2023, la directrice adjointe de l'hôpital a convoqué pour le 4 avril 2023 la séance d'installation de la formation spécialisée. Après avoir, par une requête enregistrée le 24 mars 2023, contesté devant le présent tribunal la légalité de la décision du 13 février 2023, assortie d'une requête en référé-suspension, le syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et M. C demandent au tribunal, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au directeur du grand hôpital de l'Est-Francilien d'accorder les autorisations spéciales d'absence sollicitées au profit de M. C pour les 4, 5 et 11 avril 2023.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. / Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". L'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à la condition qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention rapide d'une mesure de sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une atteinte grave ou manifestement illégale serait portée.

3. En l'espèce, les autorisations spéciales d'absence refusées au profit de M. C l'ont été pour des absences prévues le 4, 5 et 11 avril 2023. La condition particulière d'urgence de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit donc être considérée comme satisfaite.

4. Aux termes de l'article 16 du décret du 19 mars 1986 susvisé : " I. - Un crédit global de temps syndical est déterminé, au sein de chaque établissement à l'issue du renouvellement général des instances de concertation de la fonction publique hospitalière. Il est exprimé en effectifs décomptés en équivalent temps plein. Les effectifs pris en compte pour le calcul de ce crédit global correspondent au nombre des électeurs inscrits sur les listes électorales pour l'élection au comité technique d'établissement. () III. - Le crédit global de temps syndical est réparti entre les organisations syndicales compte tenu de leur représentativité () IV. - Le crédit de temps syndical attribué est utilisé librement pour les besoins de l'activité syndicale et de la représentation des personnels auprès de l'autorité administrative. Il est utilisable, au choix de l'organisation syndicale, sous forme de décharges d'activité de service ou sous forme de crédits d'heure. V. - Les organisations syndicales désignent les bénéficiaires des crédits de temps syndical parmi leurs représentants en activité dans l'établissement. Elles en communiquent la liste nominative au directeur de l'établissement ou à son représentant. Dans cette liste, sont précisés les volumes de crédit de temps syndical répartis sous forme de décharges d'activité de service et sous forme de crédits d'heures. Les décharges de service sont exprimées sous forme d'une quotité annuelle de temps de travail. Les crédits d'heures sont exprimés sous forme d'autorisations d'absence exprimées en heures, réparties mensuellement. Si la désignation d'un agent est incompatible avec la bonne marche du service, l'autorité administrative, après avis de la commission administrative paritaire, invite l'organisation syndicale à porter son choix sur un autre agent.".

5. Le crédit global de temps syndical constitue l'une des modalités d'exercice de la liberté syndicale, qui présente le caractère d'une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il résulte des dispositions de l'article 16 du décret du 19 mars 1986 citées au point précédent que, dans la fonction publique hospitalière, il est réparti entre les organisations syndicales compte tenu de leur représentativité, celles-ci ayant le choix entre des décharges d'activité de service ou des crédits d'heures. Ces organisations peuvent désigner comme bénéficiaires des crédits de temps syndical, pour les besoins de l'activité syndicale et de la représentation des personnels auprès de l'autorité administrative, les personnes en activité dans l'établissement qu'elles considèrent comme leurs représentants, sans que ne puissent être opposées une condition d'adhésion au syndicat les désignant ou une interdiction en raison d'une appartenance supposée à un autre syndicat, qu'il ne revient pas à l'employeur de connaître ou de contrôler.

6. Aux termes par ailleurs de l'article 76 du décret du 3 décembre 2021 : " I. - Sur simple présentation de leur convocation les représentants du personnel titulaires et suppléants, membres des formations spécialisées en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ou, lorsqu'il n'en n'existe pas, membres des comités sociaux d'établissement, se voient accorder une autorisation d'absence lorsqu'ils sont appelés à siéger dans les instances. La durée de l'autorisation d'absence comprend, outre les délais de route, une durée de temps égale au double de la durée prévisible de la réunion, destinée à permettre aux intéressés d'assurer la préparation et le compte rendu des travaux. II. - En outre, l'employeur laisse à chacun des représentants du personnel à la formation spécialisée, ou au comité en l'absence de formation spécialisée, le temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions et au moins : 1° Deux heures par mois dans les établissements et groupements employant jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf agents ; 2° Cinq heures par mois dans les établissements et groupements employant de cent à cent quatre-vingt-dix-neuf agents ; 3° Dix heures par mois dans les établissements et groupements employant de deux cents à deux cent quatre-vingt-dix-neuf agents ; 4° Quinze heures par mois dans les établissements et groupements employant de trois cents à mille quatre cent quatre-vingt-dix-neuf agents ; 5° Vingt heures par mois dans les établissements et groupements employant mille cinq cents agents et plus. III. - Pour les formations spécialisées de site, les heures de délégation attribuées aux représentants du personnel sont calculées en fonction de l'effectif d'agents relevant de chaque site. IV. - Les représentants du personnel peuvent répartir entre eux les heures de délégation dont ils disposent. Ils en informent l'employeur. V. - Une autorisation d'absence est aussi accordée aux représentants du personnel faisant partie de la délégation de la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ou, lorsqu'il n'en existe pas, du comité social d'établissement, réalisant les enquêtes prévues aux articles 49 et 52 et, dans toute situation d'urgence, pour le temps passé à la recherche de mesures préventives. VI. - Les temps de trajets afférents aux visites prévues à l'article 48 font également l'objet d'autorisations d'absence ".

7. Il ressort des pièces du dossier, que le syndicat C.G.T. du grand hôpital de l'Est-Francilien a formulé des demandes d'autorisation spéciales d'absence au profit de M. B C, d'une part en sa qualité de membre suppléant de la formation spécialisée en matière de santé, sécurité et conditions de travail pour les 4 avril et 11 avril 2023 et d'autre part sur le fondement de l'article 16 du décret du 19 mars 1986 susvisé au titre du crédit de temps syndical qui lui a été alloué pour le 5 avril 2023.

8. Il n'est pas contesté par le grand hôpital de l'Est-Francilien, qui n'a présenté aucun mémoire en défense et qui n'était pas représenté à l'audience, que les refus opposés à M. C ont été motivés, s'agissant des 4 et 5 avril par la mention " visite COFRAC du 7 au 7/4 Ref. hémostase " et de celle du 11 par la mention "formation du 3 et 4 non faites et mode adapté lendemain de fête. Il est toutefois constant que M. C est membre suppléant de l'instance dont la réunion d'installation était prévue le 4 avril, et qu'à ce titre il a droit à une autorisation spéciale d'absence à la fois pour le jour-là mais également pour le 11 avril 2023, date prévue pour le compte-rendu de cette première réunion, et que le refus pour la journée du 5 avril a été prononcé qu'il ait été demandé au syndicat, après avis de la commission administrative paritaire, de proposer un autre agent, à supposer que la présence de M. C dans le service soit indispensable au fonctionnement du service ce jour-là.

9. Par suite, le syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et M. B C sont fondés à soutenir qu'en refusant à ce dernier des autorisations spéciales d'absence pour les journées des 4, 5 et 11 avril 2023, la direction du grand hôpital de l'Est-Francilien a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale dans l'usage du crédit d'heures dont le syndicat dispose de par la loi au sein de l'établissement.

10. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au grand hôpital de l'Est-Francilien d'accorder à M. C les autorisations spéciales d'absence sollicitées pour les 4, 5 et 11 avril 2023.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du grand hôpital de l'Est-Francilien le versement d'une somme de 1 500 euros au syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et à M. B C au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est enjoint au grand hôpital de l'Est-Francilien d'accorder à M. B C les autorisations spéciales d'absence sollicitées pour les 4, 5 et 11 avril 2023.

Article 2 : Le grand hôpital de l'Est-Francilien versera la somme de 1 500 euros au syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien et à M. B C au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat C.G.T. des personnels du grand hôpital de l'Est-Francilien, à M. B C et au grand hôpital de l'Est-Francilien.

Le juge des référés,

Signé : M. A

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2303066

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