TA Melun, du 14-04-2023, n° 2104718
A26519PU
Référence
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2021, et un mémoire, enregistré le
8 décembre 2021, la société Entreprise construction bâtiment, représentée par Me Roumens, de la société d' avocats Courteaud - Pellissier, demande au juge des référés, statuant en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative🏛🏛 :
1°) de condamner la commune de Chessy à lui verser une provision de
317 635,83 euros HT sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation de ces intérêts outre l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, conformément à l'article 10.4 du CCAP ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Chessy une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛🏛.
La société soutient :
- que sa requête est recevable ;
- qu'elle est fondée à se prévaloir du caractère définitif du décompte que ce soit celui notifié le 7 août ou le 16 septembre 2020, en application des stipulations de l'article 13.4.4 du CCAG ;
- que le courrier de la commune du Chessy du 26 mars 2021, arrêtant le décompte général du marché à la somme de 20 512,04 euros TTC est tardif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2021, la commune du Chessy conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Entreprise construction bâtiment une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Chessy soutient :
- à titre principal, que la requête de la société Entreprise construction bâtiment est irrecevable dès lors que la société n'indique pas par qui elle est représentée, ni ne justifie à aucun moment qu'une personne est habilitée à la représenter en justice ;
- à titre subsidiaire, que la créance dont la société se prévaut est sérieusement contestable dès lors que la procédure d'établissement du décompte a été interrompue ;
- à titre encore plus subsidiaire, que si le décompte devait être considéré comme définitif, le maître d'œuvre soit appelé en garantie.
Le dossier de la procédure a été communiquée à la société Goudenege et Associés, maître d'œuvre de l'opération, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Gracia, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
1. La commune de Chessy a lancé un marché de travaux ayant pour objet la construction d'ateliers artisanaux dans la zone d'activités de la commune de Chessy. Par acte d'engagement du 23 septembre 2019, notifié le 24 septembre 2019, la commune de Chessy a confié le lot n° 1 du marché de travaux " VRD - GO - Carrelage " à la société Entreprise construction bâtiment. Le marché a été conclu à prix forfaitaire pour un montant de
212 952 euros HT, soit 255 542,40 euros TTC. La maîtrise d'œuvre des opérations a été confiée à la SARL Goudenege et Associés, suivant un acte d'engagement en date du 9 juillet 2015. Les travaux ont été réceptionnés le 22 décembre 2020 avec réserves. Par un courrier en date du
14 janvier 2021, la société Entreprise construction bâtiment a adressé au maître d'œuvre et à la commune de Chessy un projet de décompte final d'un montant de 515 926,40 euros TTC auquel était annexé un mémoire en réclamation actualisé présentant une demande à hauteur de 203 161,60 euros HT. Par des courriers en date du 18 février 2021, la société Entreprise construction bâtiment a adressé au maître d'œuvre et à la commune de Chessy un projet de décompte général en application de l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux. Ce décompte faisait apparaître un solde de 371 886,50 euros TTC à son profit. En l'absence de notification d'un décompte général, la société Entreprise construction bâtiment a sollicité le règlement des sommes dues en exécution de son marché, par un courrier du 5 mars 2021. Par la présente requête, la société Entreprise construction bâtiment demande d'ordonner le versement d'une somme de 317 635,83 euros HT (371 886,50 euros TTC) assortie des intérêts moratoires, de la capitalisation des intérêts et de la somme forfaitaire de 40 euros.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Chessy :
2. Les mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative🏛🏛 ont qualité, devant les tribunaux administratifs, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client.
3. La présentation d'une action par un de ces mandataires ne dispense pas le tribunal administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce🏛🏛 applicables aux sociétés à responsabilité limitée, en vertu desquelles dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. Or il ressort des pièces du dossier que la présente requête est signée par l'avocat mandaté par la société Entreprise construction bâtiment et que l'avocat en question doit être regardé comme indiquant que la requête est introduite pour la SARL Entreprise construction bâtiment, représentée par son représentant légal, à savoir son gérant, dont l'identité au demeurant est fournie par la production d'un extrait Kbis en annexe de son mémoire en réplique. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête ne mentionne pas l'identité du gérant de la société doit être écartée.
Sur le cadre juridique du litige :
5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
Sur les conclusions tendant au versement d'une provision :
En ce qui concerne le solde du marché :
6. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.
7. D'une part, aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales Travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 (" CCAG Travaux 2014 ") : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées () ". Selon l'article 13.3.2 du même CCAG : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus ". Selon l'article 41.6 : " Lorsque la réception est assortie de réserves, le titulaire doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le représentant du pouvoir adjudicateur ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini à l'article 44.1 () ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 13.3.4 du CCAG Travaux 2014 : " En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'œuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire. Ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général tel que défini à l'article 13.4 ". Selon l'article 13.4.2 : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après:/ - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire () ". Aux termes de l'article 13.4.3 : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. La date de sa notification au pouvoir adjudicateur constitue le départ du délai de paiement. / Ce décompte lie définitivement les parties () ". Selon l'article 13.4.4 : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé (). / Si, dans [un] délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif () ".
9. Il résulte des stipulations citées aux points 7 et 8 que, lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application des dispositions de l'article 41.6 du CCAG Travaux relatives à la réception avec réserve des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux constitue le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l'article 13.3.2, quelle que soit l'importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur.
10. Il résulte de l'instruction que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 14 janvier 2021, la société Entreprise construction bâtiment a adressé au maître d'œuvre et à la commune de Chessy un projet de décompte final d'un montant de
515 926,40 euros TTC. Ladite commune n'ayant pas notifié à la société Entreprise construction bâtiment le décompte général à l'expiration des délais prévus à l'article 13.4.2 du CCAG Travaux 2014 précité, dès lors, et en application de l'article 13.4.4. du même CCAG, la société Entreprise construction bâtiment a, le 18 février 2021, transmis un projet de décompte, faisant apparaître un solde total à son profit de 371 886,50 euros TTC, à la commune de Chessy qui l'a réceptionné le 19 février 2021. En l'absence de décompte général notifié par la commune dans le délai de dix jours prévu à l'article 13.4.4 du CCAG Travaux 2014, le décompte général et définitif est né tacitement le 1er mars 2021, en application des stipulations du CCAG Travaux 2014, citées au point 8, faisant apparaître à cette date un solde de 371 886,50 euros TTC
en faveur de la société Entreprise construction bâtiment.
11. Certes, la commune de Chessy se prévaut des courriers qu'elle (le 18 janvier 2021 et le 11 mars 2021) et son maître d'œuvre (le 1er février 2021) ont échangés avec la société Entreprise construction bâtiment postérieurement à l'envoi par cette dernière le 14 janvier 2021, de son projet de décompte. Toutefois, d'une part, de tels courriers survenant pendant la procédure d'établissement du décompte ne sauraient avoir pour effet d'interrompre ladite procédure en l'absence de toute stipulation contractuelle en ce sens. D'autre part, la commune de Chessy ne conteste pas ne pas avoir notifié à la société Entreprise construction bâtiment le décompte général à l'expiration des délais prévus respectivement aux articles 13.4.2 et 13.4.4 du CCAG Travaux 2014. Dès lors, les moyens soulevés par la commune de Chessy pour contester l'existence en l'espèce d'un décompte général définitif tacite doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que le décompte général et définitif faisant apparaître un solde de 317 635,83 euros HT (371 886,50 euros TTC) en faveur de la société Entreprise construction bâtiment est né tacitement le 1er mars 2021.
13. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à demander la condamnation de la commune de Chessy à lui verser cette somme, non sérieusement contestable dans son principe comme dans son montant.
En ce qui concerne les intérêts moratoires et les frais de recouvrement :
14. Aux termes de l'article 10.4 du cahier des clauses administratives particulières relatif au " Délai global de paiement " : " Les sommes dues au(x) titulaire(s) seront payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des demandes de paiement. / En cas de retard de paiement, le titulaire a droit au versement d'intérêts moratoires, ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage ".
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que le décompte général et définitif tacite est né le 1er mars 2021. Par suite, en application des dispositions citées au point 14, le délai de paiement était fixé au 1er avril 2021 et les intérêts moratoires ont ainsi commencé à courir à compter du 2 avril 2021. Ces intérêts moratoires sont dus jusqu'à la date de mise en paiement de cette somme.
16. Dans ces conditions, la commune de Chessy est condamnée à verser à la société Entreprise construction bâtiment, à titre de provision, les intérêts moratoires au taux de 8,00% sur la somme de 371 886,50 euros TTC à compter du 2 avril 2021, ainsi que la somme de
40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :
17. L'article 1343-2 du code civil🏛🏛 dispose que : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend, toutefois, effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
18. La société Entreprise construction bâtiment a demandé la capitalisation des intérêts échus pour la première fois dans sa requête enregistrée le 18 mai 2021. En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts doivent être capitalisés pour porter
eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle à compter du 18 mai 2022. Dans ces conditions, la commune de Chessy est condamnée à verser à la société Entreprise construction bâtiment, à titre de provision, les intérêts capitalisés ainsi calculés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chessy est condamnée à verser à la société Entreprise construction bâtiment une provision de 317 635,83 euros HT
(371 886,50 euros TTC) assortie des intérêts de retard au taux de 8,00% à compter du
2 avril 2021 jusqu'à la date de paiement effectif et à la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées au point 18 ainsi qu'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Sur l'appel en garantie formé par la commune de Chessy :
20. Dans le cadre de la procédure définie à l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le débiteur à l'encontre duquel une demande de provision est dirigée peut présenter une demande tendant à ce qu'un tiers soit condamné à le garantir du paiement de cette provision, lorsque l'existence d'une obligation de garantie de ce tiers à son encontre n'est pas sérieusement contestable. La commune de Chessy demande la condamnation de la société Goudenege et Associés, maître d'œuvre de l'opération, à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en faisant valoir qu'elle n'a pas été en mesure de remplir ses obligations en raison des défaillances du maître d'œuvre.
21. Aux termes de l'article 9.2.4 du CCAP du marché de maîtrise d'œuvre signé le
9 juillet 2015 : " () Etablissement du décompté général / Après réception, le maître d'œuvre établit le décompte général des travaux dans les conditions fixées à l'article 13 du CCAG Travaux./Le décompte général est transmis au maître de l'ouvrage en deux exemplaires ". Ces stipulations imposent au maître d'œuvre d'établir le décompte général du marché pour le compte du maître de l'ouvrage une fois qu'il a été destinataire du projet de décompte final et du projet de décompte général établis par le titulaire.
22. Or, d'une part, en l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Goudenege et Associés, maître d'œuvre de l'opération, a, par un courrier en date du 1er février 2021, confirmé la bonne réception du projet de décompte final du 14 janvier 2021 et précisé que ce projet ne pouvait pas être validé et qu'il devait être repris par la société afin de tenir compte du courrier de la commune en date du 18 janvier 2021 et de l'ensemble des ordres de service transmis par le maître d'œuvre. Ainsi, il résulte de l'instruction, comme il a été dit ci-dessus, qu'à la réception du projet de décompte final, le maître d'œuvre s'est borné à contester ledit projet sans établir, à la signature du maître d'ouvrage, un projet de décompte général. En s'abstenant d'établir ce projet de décompte général, il n'a pas permis au maître d'ouvrage de notifier un décompte général au titulaire dans le délai de trente jours qui lui était imparti. D'autre part, si l'article 13.4.4 du CCAG Travaux prévoit la notification par le titulaire de son projet de décompte général au maître d'ouvrage, une copie est également adressée au maître d'œuvre. Cependant, le maître d'œuvre n'ayant jamais adressé de projet de décompte général au maître d'ouvrage, il a manqué à ses obligations contractuelles en n'apportant pas sa collaboration au maître d'ouvrage, permettant ainsi la naissance d'un décompte général et définitif tacite du marché. Enfin, il résulte de l'instruction que si le maire de la commune de Chessy a effectivement mis en demeure la société Goudenege et Associés d'établir le décompte du marché en cause, c'est seulement par un courrier du 11 mars 2021, soit dix jours après la naissance du décompte implicite tacite.
23. Ainsi, en l'état de l'instruction, alors que la commune de Chessy n'était pas
elle-même censée ignorer les délais fixés par l'article 13 précité du CCAG Travaux 2014, ni les conséquences de leur expiration, notamment sur la naissance d'un décompte général et définitif tacite après réception d'un projet de décompte général adressé par le titulaire, et qu'elle a tardivement mis en demeure son maître d'œuvre, il sera fait une juste appréciation des responsabilités respectives en limitant celle du maître d'œuvre à 30 %. Dans ces conditions, l'obligation de garantie de la société Goudenege et Associés à l'égard de la commune de Chessy n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 30 % des condamnations prononcées ci-dessus, en principal et intérêts.
Sur les frais de l'instance :
24. D'une part, les conclusions de la commune de Chessy tendant à la condamnation de la société Entreprise construction bâtiment à lui verser une somme d'argent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que celle-ci n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
25. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Chessy à verser à la société Entreprise construction bâtiment la somme de
1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La commune de Chessy est condamnée à verser à la société Entreprise construction bâtiment une provision de 317 635,83 euros HT (371 886,50 euros TTC) assortie des intérêts de retard au taux de 8,00% à compter du 2 avril 2021 jusqu'à la date de paiement effectif et à la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées au point 18 ainsi qu'une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Article 2 : La société Goudenege et Associés est condamnée à garantir la commune de Chessy à hauteur de 30 % des condamnations prononcées à l'article 1er.
Article 3 : La commune de Chessy versera à la société Entreprise construction bâtiment une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Entreprise construction bâtiment, à la commune de Chessy et à la société Goudenege et Associés.
Le juge des référés,
J-Ch. Gracia
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Article, 1343-2, C. civ. Article, L223-18, C. com. Article, R541-1, CJA Article, R431-2, CJA Caractère d'un décompte Décompte général d'un marché Représentation par une personne Construction dans une zone Acte d'engagement Somme forfaitaire Mandataire Existence d'une obligation contestable Constitution des garanties Établissement de l'existence Exécution d'un marché de travaux publics Établissement d'un projet Pouvoirs adjudicateurs Absence de notification Expiration du délai Signature du décompte général Délai de paiement Avis de réception Stipulation conventionnelle Versement des intérêts moratoires Taux d'intérêt Payement des sommes Intérêts de retard Paiement effectif Provision Paiement d'une provision Condamnation des sociétés Établissement d'un décompte général Maître d'ouvrage Ordre de service Obligation contractuelle