Jurisprudence : CA Grenoble, 31-03-2023, n° 21/03096, Confirmation

CA Grenoble, 31-03-2023, n° 21/03096, Confirmation

A96269MH

Référence

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C5


N° RG 21/03096


N° Portalis DBVM-V-B7F-K6YR


N° Minute :


Notifié le :


Copie exécutoire délivrée le :


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 31 MARS 2023

Ch.secu-fiva-cdas


Appel d'une décision (N° RG 14/00484)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambery

en date du 31 mai 2021

suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2021



APPELANT :


M.Aa[S] [L]

[Adresse 1]

[Localité 6]


représenté par Me Christophe THILL de la SCP MILLIAND DUMOLARD THILL, avocat au barreau de CHAMBERY, substitué par Me Lucie THOMAS, avocat au barreau de GRENOBLE


INTIME :


M. [Abc] [E]

né le … … … à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]


représenté par Me Nicolas PARADAN, avocat au barreau d'ALBERTVILLE


CPAM DE LA SAVOIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]


comparante en la personne de Mme [M] [Ad] [Ae], régulièrement munie d'un pouvoir



COMPOSITION DE LA COUR :


LORS DU DÉLIBÉRÉ :


M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,


DÉBATS :


A l'audience publique du 24 janvier 2023


M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en charge du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs plaidoirie et dépôt de conslusions, assistés de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, en présence de Mme Fatma DEVECI, Greffier stagiaire, et de Mme Af A, Juriste assistant, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛, les parties ne s'y étant pas opposées ;


Puis l'affaire a été mise en délibéré au 31 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.


L'arrêt a été rendu le 31 mars 2023.



EXPOSÉ DU LITIGE


Selon une déclaration d'accident du travail du 13 août 2012 rédigée par le salarié, M. [S] [Aa], le 4 janvier 2012, sur un chantier à [Localité 7] (73), a été blessé au bras alors qu'il aidait un collègue qui réalisait un bardage, une disqueuse ayant ripé alors qu'il tenait une planche. L'employeur était identifié comme la société [8] à [Localité 9] (74) et les lésions étaient décrites comme des plaies ouvertes et multiples du poignet et de la main.


Un compte-rendu d'hospitalisation du 6 janvier 2012 rapporte que M. [Aa] a été hospitalisé du 4 au 6 janvier pour la prise en charge d'une plaie par scie circulaire au niveau de la face latérale du poignet droit, et a bénéficié d'une réparation des lésions tendineuses, artérielles et nerveuses le 5 janvier.


A la suite d'une enquête administrative retenant une absence de lien de subordination et de rémunération objectivement prouvés, et après un refus de prise en charge notifié par courrier du 8 novembre 2012 de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie, la commission de recours amiable saisie par l'assuré a décidé le 21 mars 2013 d'accorder la prise en charge d'un accident du travail du 4 janvier 2012 au regard des nouveaux éléments apportés paAa M. [L].


La caisse a notifié une date de consolidation au 15 septembre 2014 par courrier du 10 septembre 2014, et un taux d'incapacité permanente de 20'% (dont 0'% pour le taux professionnel) a été notifié à la victime par courrier du 30 janvier 2015 pour des séquelles de limitation de fonction de la main droite côté dominant par exclusion importante de la main et du membre supérieur due au déficit sensitif sur le territoire du nerf médian, la motricité de la main permettant les prises globales et fines.


Un procès-verbal de non-conciliation a été établi par la caisse le 26 mai 2014 à l'occasion d'une tentative de reconnaissance amiable d'une faute inexcusable.


La cour d'appel de Chambéry, par un arrêt du 13 septembre 2018 devenu définitif et infirmant un jugement du Conseil de Prud'hommes d'Albertville du 8 novembre 2017, a reconnu un lien de subordination entre M. [Aa] et M. [N] [E] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 2 janvier 2012, en s'appuyant notamment sur la condamnation de M. [E] par le tribunal correctionnel d'Albertville le 6 octobre 2017 pour travail dissimulé concernant Aa. [L] et M. [U] [C] entre le 2 et le 4 janvier 2012.


Le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry saisi par M. [Aa] d'un recours contre M. [E] en présence de la CPAM de la Savoie a décidé, par jugement du 31 mai 2021, de':

- débouter le requérant de sa demande en reconnaissance de faute inexcusable,

- condamner M. [Aa] aux dépens,

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



Par déclaration du 12 juillet 2021, M. [Aa] a relevé appel de cette décision.


Par conclusions déposées le 1er juillet 2022 et reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [Aa] demande':

- l'infirmation du jugement,

- la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de son accident du travail du 4 janvier 2012,

- la majoration de la rente ou du capital qui lui a été servie,

- une expertise médicale avant dire droit sur l'évaluation de ses préjudices,

- une provision de 5.000 euros à valoir sur la réparation de ces préjudices à verser par la CPAM,

- la condamnation de M. [E] à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


M. [Aa] fait valoir qu'il aidait son collègue, M. [C], pour la réalisation d'un bardage lorsqu'il a été heurté par la disqueuse utilisée par M. [C], les circonstances de l'accident étant donc déterminées et son employeur n'ayant effectué aucune investigation ni aucune déclaration. Il estime que M. [E] a mis à sa disposition une disqueuse défectueuse, outil dangereux dépourvu de tout système de sécurité, sans lui fournir de formation ni de mode d'emploi, et sans équipements élémentaires de protection (absence de carter de protection sur la machine, et de protection corporelle telle des gants et lunettes). Il lui reproche également de n'avoir pas vérifié le bon état du matériel ni mis à disposition un outillage adapté. La disqueuse n'a jamais été sa propriété, comme le confirme son collègue, et l'employeur ne pouvait pas ignorer que les travaux confiés nécessitaient l'usage d'une disqueuse. Aa. [L] ajoute que l'importance des lésions subies démontre l'absence de protection individuelle et de carter de protection sur la machine.


Par conclusions déposées le 27 décembre 2022 et reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [Ac] demande':

- la confirmation du jugement,

- qu'il soit dit que l'accident n'est pas dû à sa faute inexcusable.


M. [E] répond que les circonstances de l'accident sont indéterminées, et qu'il était absent du chantier, qui se déroulait sur sa propriété, le jour de l'accident, en sachant que le lien de subordination a été décrété par la cour d'appel de Chambéry contrairement aux affirmations de M. [Aa] qui avait déclaré être le salarié de la société [8]. Il souligne que l'accident serait survenu alors que M. [C], charpentier indépendant, aurait ripé avec une disqueuse sur un n'ud d'une planche de bois, donc par un intervenant extérieur et avec un matériel ne lui appartenant pas, M. [E] contestant la propriété de la disqueuse. Il souligne qu'il doit être considéré comme un particulier et que la conscience du danger doit être appréciée en fonction de son expérience et de ses connaissances techniques, en précisant qu'il a une formation de plombier chauffagiste et non de charpentier. Il déclare ne pas avoir donné de consignes particulières et ne pas avoir eu conscience de ce qui n'était pas convenu. Il évoque une imprudence ayant pu être commise par M. [C] ou M. [Aa], ou une malchance, étant difficile d'affirmer qu'un mécanisme de sécurité ait été déficient en l'absence de description plus précise des faits. Il remarque enfin que l'usage de gants n'aurait pas empêché l'accident au niveau de l'avant-bras.


Par conclusions du 14 décembre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CPAM de la Savoie demande':

- qu'il soit pris acte qu'elle s'en rapporte sur la reconnaissance de la faute inexcusable et le quantum de la majoration de la rente qui devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente,

- en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable, que soit ordonnée une expertise,

- et la condamnation de M. [E] à lui rembourser les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance, y compris les frais d'expertise.


En application de l'article 455 du code de procédure civile🏛, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.



MOTIVATION


Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale🏛, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2ème, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021⚖️ ; Civ. 2ème, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677⚖️).


Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ. 2ème 8 juillet 2004, pourvoi no 02-30.984'; Civ. 2ème 22 mars 2005, pourvoi no 03-20.044). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535⚖️).


En l'espèce, il appartient donc à M. [Aa] de prouver un manquement de son employeur qui n'aurait pas pris les mesures adaptées pour éviter l'accident dont il a été victime, et la conscience du danger encouru.


M. [Aa] ne justifie pas que M. [E] a mis à disposition la disqueuse litigieuse, car le seul élément dont il se prévaut sur ce point est le rapport d'enquête administrative de la CPAM qui mentionne': «'M. [C] déclare que la disqueuse appartient à M. [E] puisqu'elle était dans son camion.'» En l'absence de meilleure attestation et de tout autre élément confortant cette assertion, alors que M. [Ac] nie la propriété de cet outil et sa mise à la disposition de M. [Aa], la provenance de l'outil n'est donc pas déterminée entre MM. [E], [Aa], [C] ou la société [8].


Il n'est donc pas possible de retenir un éventuel défaut de fourniture de mode d'emploi ou de formation à son usage, ni une absence de vérification du bon état de l'outil, autant d'assertions qui sont en outre alléguées sans aucun élément probant.


Aucun élément n'est davantage apporté sur la défectuosité éventuelle de la disqueuse, une absence de carter ou de système de protection, ou sur l'absence d'équipement de protection individuel mis à la disposition du salarié pour protéger ses bras et poignets.


Si M. [Aa] apporte les témoignages de M. [V] [T] et M. [C] sur sa présence comme travailleur sur le chantier, aucun détail n'est apporté sur la nature des prestations devant être effectuées par M. [Aa], seule la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry précisant que Aa. [L] «'accomplissait en qualité de maçon et menuisier une prestation de travail dans le cadre de travaux de rénovation d'une maison appartenant'» à M. [Ac]': ceci est insuffisant pour établir une conscience d'un danger lié à l'emploi d'une disqueuse pour des travaux de charpente.


Le défaut d'investigation et de déclaration, intervenu après l'accident, ne peut pas être retenu pour qualifier une faute inexcusable ayant précédé l'accident du travail et en ayant été à l'origine.


Enfin, l'importance des lésions subies ne permet pas de démontrer en soi une défectuosité de la disqueuse, un manquement de l'employeur ou sa conscience du danger encouru.


C'est donc de manière justifiée que les premiers juges ont débouté M. [Aa] de ses demandes.


Le jugement sera confirmé et l'appelant sera condamné aux dépens de l'instance en appel.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi':


Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry du 31 mai 2021,


Y ajoutant,


Condamne M. [S] [Aa] aux dépens de la procédure d'appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier Le président

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