Jurisprudence : TA Melun, du 16-03-2023, n° 1908198


Références

Tribunal Administratif de MELUN

N° 1908198

9ème chambre
lecture du 16 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2019 et 23 novembre 2021, M. A B, représenté par Me Wa Nsanga Allegret, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général du Grand hôpital de l'Est Francilien a refusé de lui verser les indemnités compensatrices correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il estime avoir réalisées au cours des années 2016, 2017 et 2018 ;

2°) de condamner le Grand hôpital de l'Est Francilien à lui verser l'indemnité correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il estime avoir réalisées au cours des années 2016, 2017 et 2018 et qui n'auraient pas déjà fait l'objet d'une rémunération pour la somme de 15 559,46 euros bruts ;

3°) de condamner le Grand hôpital de l'Est Francilien à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge du Grand hôpital de l'Est Francilien la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

M. B soutient que :

- sa requête est recevable ; il n'est pas forclos en application des dispositions de l'article R. 421-3 du code de justice administrative🏛, lesquelles subordonnent la forclusion du délai de recours de deux mois dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que sur avis d'un organisme collégial, à l'existence d'une décision expresse de rejet ; en l'espèce, la mesure sollicitée ne pouvait être prise que sur avis de la commission d'organisation de la permanence de soins ;

- depuis son affectation au mois de mars 2011 à l'hôpital de Marne-la-Vallée, il a régulièrement réalisé des heures de travail en sus de ses obligations de service hebdomadaire qui ont été indemnisées ; depuis 2016, le temps de travail additionnel qu'il a réalisé n'a, en méconnaissance des textes applicables à sa situation, fait l'objet d'aucun contrat en bonne et due forme ni d'une indemnisation pour la totalité des heures accomplies ; le manque à gagner s'élève, sur la période 2016-2018, à la somme de 15 559,46 euros bruts correspondant à douze,

soixante-dix et seize demi-journées de temps de travail additionnel au titre respectivement des années 2016, 2017 et 2018 ; contrairement à ce que soutient le Grand hôpital de l'Est Francilien, la question qui se pose est celle de savoir si les tableaux de service établis attestent du temps de travail additionnel qu'il a accompli sur les périodes en litige et non pas celle de l'effectif suffisant pour assurer le fonctionnement du service ; le Grand hôpital de l'Est Francilien ne rapporte pas la preuve qu'il a assurément récupéré le temps de travail additionnel accompli entre 2016 et 2018 ; compte tenu de sa charge de travail, il a récupéré le maximum de demi-journées possibles en 2017, soit vingt-deux et, en 2018, soit dix-neuf sur les quatre premiers quadrimestres ; le reliquat de temps additionnel s'élève, en ce qui le concerne, à six, trente-cinq et huit jours au titre respectivement des années 2016, 2017 et 2018 ; les plannings mettent en évidence le besoin de tous les praticiens ainsi que le recours à deux praticiens du centre hospitalier de Coulommiers, venus en renfort, une fois par semaine, à compter du mois de septembre 2017 ; les tableaux de permanences des soins établissent, en ce qui le concerne, qu'il a réalisé des astreintes puis, à partir des mois d'avril / mai 2017, de nombreuses gardes sur place impliquant la mise en place de plages additionnelles supplémentaires ; l'argumentation du Grand hôpital de l'Est francilien tirée de ce que les praticiens étaient informés de l'impossible indemnisation de leurs plages de temps de travail additionnel et de ce qu'ils avaient seulement la possibilité de les récupérer ou de les verser à leur compte épargne temps est inopérante ; il a accompli des périodes de travail additionnel, ce qu'il établit matériellement, avec l'accord du Grand hôpital de l'Est Francilien, justifiant qu'il en soit indemnisé ;

- l'absence de contrat de temps de travail additionnel et d'indemnisation du temps de travail additionnel réalisé au-delà des quarante-huit heures hebdomadaires sont constitutives d'une faute du Grand hôpital de l'Est francilien ;

- il a subi des troubles dans les conditions d'existence, compte tenu du manque à gagner alors que ses charges fixes n'ont pas été modifiées, qui peuvent être évaluées à la somme de 3 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 4 et 20 novembre 2020, le

Grand hôpital de l'Est Francilien, représenté par son directeur général en exercice, représenté par la Selarl Houdart et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le Grand hôpital de l'Est Francilien soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- à titre subsidiaire, le service d'orthopédie disposait sur la période en litige d'un effectif suffisant pour assurer un fonctionnement optimal du service ; il n'était donc pas nécessaire pour les praticiens de ce service d'accomplir des plages de temps de travail additionnel ; il n'a donc plus entendu proposer, à compter de 2015, de contrat de temps de travail additionnel aux praticiens dans le service d'orthopédie ; la circonstance que ce service a disposé d'un effectif suffisant a eu pour effet de permettre aux praticiens de récupérer les plages de temps de travail additionnel accomplies lorsqu'ils le souhaitaient ; M. B ne fait état d'aucune difficulté qu'il aurait pu rencontrer dans la récupération de ses périodes de temps de travail additionnel ; il n'a jamais donné son accord au requérant pour réaliser des périodes de temps de travail additionnel ; les praticiens étaient conscients qu'en l'absence de contrat de temps de travail additionnel, il leur était seulement possible de procéder, au choix, à la récupération des périodes additionnelles réalisées ou au versement de ces périodes horaires à leur compte épargne temps ;

- M. B ne justifie pas qu'il aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; il ne peut prétendre à aucune indemnisation du préjudice qu'il prétend avoir subi ; il ne justifie pas de ses charges de famille ni du préjudice financier subi.

Par une ordonnance du 11 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté interministériel du 30 avril 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C,

- et les conclusions de Mme Letort, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, praticien hospitalier, exerce ses fonctions à temps plein en qualité de chirurgien au sein du service d'orthopédie traumatologie du centre hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée. Le 9 octobre 2018, il a sollicité du directeur du Grand Hôpital de l'Est Francilien la prise en charge des périodes de temps de travail additionnel qu'il a réalisées au cours des années 2016 et 2017 et des deux premiers quadrimestres 2018. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration pendant deux mois sur sa demande en application des dispositions de l'article L. 234-1 du code des relations entre l'administration et le public. M. B doit être regardé comme demandant au tribunal l'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que la condamnation du Grand hôpital de l'Est Francilien à lui verser, d'une part, l'indemnité correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il a effectuées depuis son affectation et n'ayant pas donné lieu à rémunération pour un montant total de 15 559,46 euros bruts et, d'autre part, la somme de 3 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 6152-23 du code de la santé publique🏛, dans sa rédaction alors applicable : " Les praticiens perçoivent, après service fait, attesté par le tableau mensuel de service réalisé, validé par le chef de pôle ou, à défaut, par le responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne : / () ; / 2° Des indemnités et allocations dont la liste est fixée par décret ". Aux termes de l'article R. 6215-23-1 du même code : " Les indemnités et allocations mentionnées au 2° de l'article R. 6152-23 sont ; / 1° Des indemnités de participation à la permanence des soins ou de réalisation de périodes de travail au-delà des obligations de service hebdomadaires ; / () ; / b) Des indemnités forfaitaires pour tout temps de travail additionnel accompli, sur la base du volontariat, au-delà des obligations de service hebdomadaires ; / () ". Il résulte de ces dispositions que, si le temps de travail additionnel accompli par un praticien attaché associé, avec l'accord de son établissement d'emploi, ouvre à celui-ci droit à indemnisation, c'est à la double condition que l'intéressé établisse par tout moyen de preuve, d'une part, avoir effectivement accompli des services ouvrant droit à rémunération, d'autre part, que le temps de travail additionnel n'ait pas fait l'objet d'une récupération de la part de l'intéressé.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 6152-27 du code de la santé publique🏛, dans sa rédaction alors applicable : " Le service hebdomadaire est fixé à dix demi-journées, sans que la durée de travail puisse excéder quarante-huit heures par semaine, cette durée étant calculée en moyenne sur une période de quatre mois. Lorsqu'il est effectué la nuit, celle-ci est comptée pour deux demi-journées. / Lorsque l'activité médicale est organisée en temps continu, l'obligation de service hebdomadaire du praticien est, par dérogation au premier alinéa, calculée en heures, en moyenne sur une période de quatre mois, et ne peut dépasser quarante-huit heures. / Le praticien peut accomplir, sur la base du volontariat au-delà de ses obligations de service hebdomadaires, un temps de travail additionnel donnant lieu soit à récupération, soit au versement d'indemnités de participation à la continuité des soins et, le cas échéant, d'indemnités de temps de travail additionnel. / Il bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives par période de vingt-quatre heures. / Le repos quotidien après la fin du dernier déplacement survenu au cours d'une astreinte est garanti au praticien. / Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, il peut accomplir une durée de travail continue maximale de vingt-quatre heures. Dans ce cas, il bénéficie, immédiatement à l'issue de cette période, d'un repos d'une durée équivalente. / () ". L'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003🏛 relatif à l'organisation et à l'indemnisation de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de santé et dans les établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans sa version alors applicable au litige, prévoit notamment que lorsque, dans le cadre de la réalisation de ses obligations de service, le praticien a été conduit à dépasser le seuil maximal de quarante-huit heures hebdomadaires en moyenne lissée sur le quadrimestre, le temps de travail effectué au-delà est décompté en heures de temps de travail additionnel qui, cumulées par plages de cinq heures, sont converties en une demi-période de temps de travail additionnel. Le décompte du temps de travail additionnel n'intervient qu'à l'issue de chaque période de référence de quatre mois, après que la réalisation de la totalité des obligations de service hebdomadaires effectuées, en moyenne, sur cette même période a été constatée au vu du tableau de service.

4. M. B soutient avoir accompli des plages de temps de travail additionnel au titre des années 2016, 2017 et 2018 à concurrence respectivement de six, trente-cinq et huit jours.

5. Si M. B, nonobstant l'absence de conclusion du contrat mentionné à l'article 4 de l'arrêté du 30 avril 2003, était en droit d'obtenir paiement de l'indemnité forfaitaire rémunérant des périodes de travail additionnel, il ne rapporte pas la preuve de la réalité et du quantum des heures de travail additionnel réalisées au sein du service d'orthopédie traumatologie du centre hospitalier de Lagny Marne-la-Vallée dont il fait état, pour la période en litige, en se bornant à produire des plannings, peu lisibles et surchargés d'annotations manuscrites et dépourvus du visa du chef de service ou du directeur de l'établissement ainsi que des tableaux de permanence des soins, également, dépourvus de visa du chef de service ou du directeur de l'établissement alors qu'en défense, le Grand Hôpital de l'Est Francilien produit, pour la période en litige, les tableaux de service signés par voie électronique du directeur délégué remettant en cause ses allégations. Dans ces circonstances, M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé de lui verser les indemnités compensatrices correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il estime avoir réalisées au cours des années 2016, 2017 et 2018.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de

non-recevoir opposée par le Grand Hôpital de l'Est Francilien, que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général du Grand hôpital de l'Est Francilien a refusé de lui verser les indemnités compensatrices correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il estime avoir réalisées au cours des années 2016, 2017 et 2018. Il suit de là que ses conclusions aux fins d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2. à 6. du présent jugement que M. B n'est, en tout état de cause, pas fondé à solliciter l'indemnisation correspondant aux périodes de temps de travail additionnel qu'il estime avoir réalisées au cours des années 2016, 2017 et 2018 ainsi que celle du préjudice financier qu'il invoque à défaut d'en justifier.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, que les conclusions aux fins d'indemnisation ne peuvent en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y pas lieu de mettre à la charge du Grand hôpital de l'Est Francilien, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme que le Grand hôpital de l'Est Francilien demande sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Grand hôpital de l'Est Francilien sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au

Grand hôpital de l'Est francilien.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bonneau-Mathelot, présidente,

Mme Réchard, première conseillère,

Mme Luneau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La présidente rapporteure,

S. CL'assesseure la plus ancienne,

J. RECHARD

La greffière,

S. SCHILDER

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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