ARRET
N°
S.A.S. A
C/
[K]
copie exécutoire
le 02/03/2023
à
Me FRUCHART
Me DECRAMER
CPWDDMRIL
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 02 MARS 2023
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N° RG 22/02326 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IODT
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT QUENTIN DU 04 AVRIL 2022 (référence dossier N° RG F 21/00062)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. KILOUTOU agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et concluant par Me Marie FRUCHART de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE substituée par Me Mourad BOURAHLI de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIME
Monsieur [L] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté et concluant par Me Marc DECRAMER, avocat au barreau d'AMIENS
DEBATS :
A l'audience publique du 26 janvier 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des
articles 786 et 945-1 du code de procédure civile🏛🏛 et sans opposition des parties, l'affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l'arrêt sera prononcé le 02 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 02 mars 2023, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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DECISION :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 2 avril 2012, M. [L] [K] a été embauché par société Kiloutou (ci-après la société ou l'employeur), en qualité de chauffeur livreur, statut employé niveau 2 rattaché à l'agence de [Localité 5].
La société, qui emploie plus de 11 salariés, a pour activité la location aux professionnels et particuliers de matériels de chantier et travaux publics. Elle a négocié sa propre convention collective.
Le 30 juillet 2019, M. [K] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué dans le même temps à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 6 août 2019. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié par courrier recommandé le 9 août 2019.
Courant août 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin afin de contester la mesure et obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents ainsi qu'un rappel de salaire au titre d'une retenue injustifiée.
L'employeur a soulevé, in limine litis, l'irrecevabilité de l'action en contestation de la rupture du fait de la prescription intervenue.
Par jugement du 4 avril 2022, le la juridiction prud'homale a :
déclaré les demandes du salarié non prescrites et donc recevables ;
requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamné la société Kiloutou à payer à M. [K] :
- 7 000 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,
-4 148 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 414,80 euros au titre des congés payés afférents,
- 3 981,95 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 89,82 euros à titre de rappel sur salaire pendant la période de la mise à pied conservatoire,
- 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
débouté M. [L] [K] du surplus de ses demandes ;
débouté la société Kiloutou de sa demande au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
condamné la société Kiloutou aux entiers dépens.
Le 11 mai 2022, la société Kiloutou a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées par les parties.
Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2022, dans lesquelles la société Kiloutou demande à la cour de :
1) Sur les demandes relatives au licenciement
A titre principal, in limine litis, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a considéré que l'action de l'intimé n'était pas prescrite, dire que l'action en contestation du licenciement est donc prescrite et débouter M. [L] [K] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement abusif et l'a condamnée à diverses sommes au fond, et statuant à nouveau dire que le licenciement pour faute grave de M. [K] est justifié et débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement abusif et l'a condamnée au paiement de diverses sommes (hors indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents), et statuant à nouveau, dire que le licenciement de M. [K] repose sur une faute simple, débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts, dire que le montant de l'indemnité ne saurait excéder la somme de 3 400,83 euros, dire que le montant des congés payés afférents à sa condamnation à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire ne saurait excéder la somme de 8,98 euros ;
A titre très infiniment subsidiaire, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 3 981,95 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 68,99 euros bruts au titre des congés payés afférents, et statuant à nouveau, dire que le montant de l'indemnité de licenciement ne saurait excéder la somme de 3 400,83 euros, dire que le montant des congés payés afférents à sa condamnation à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire ne saurait excéder la somme de 8,98 euros ;
2) Sur la demande de rappel de salaire au titre de la retenue
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande ;
3) En toute hypothèse
condamner M. [K] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Vu les dernières écritures notifiées par la voie électronique le 24 octobre 2022, dans lesquelles M. [L] [K] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages et intérêts, et statuant à nouveau de débouter la société de toutes ses demandes, et la condamner à lui payer la somme de 14 518 euros au titre des dommages et intérêts ainsi que la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 outre sa condamnation aux dépens, dont distraction au profit de Maître Decramer.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur la retenue sur salaire
La cour n'est saisie d'aucune contestation sur les dispositions du jugement rejetant la demande de M. [K] au titre de la retenue sur salaire, qui seront donc confirmées comme n'étant pas discutées.
Sur la fin de non recevoir concernant la contestation de la rupture du contrat de travail
La société Kiloutou soulève in limine litis la prescription de l'action du salarié en contestation du bien fondé du licenciement alors que le point de départ d'un an imparti était fixé au 9 août 2019, date de la notification de la rupture à l'intéressé, ce délai expirant le 8 août 2020 au soir alors que M. [K] n'a saisi la juridiction prud'homale que le 10 août 2020 au regard de la date tamponnée par le greffe sur la requête reçue, aucun élément versé aux débats par le salarié ni communiqué par le conseil de prud'hommes dans le cadre du débat contradictoire (en particulier le cachet de la poste si la requête a bien été envoyée par courrier comme indiqué), n'accréditant le fait que le greffe aurait commis une erreur concernant la date de saisine. La société ajoute que même si le délai avait commencé à courir à compter de la date de première présentation à M. [K] du courrier lui notifiant son licenciement, soit le 10 août 2019, son action en contestation aurait également été prescrite puisqu'il aurait eu jusqu'au 9 août 2020 au soir pour l'engager.
M. [K] réplique que ses demandes ne sont pas prescrites au regard de la date d'introduction de l'instance le 7 août 2020 comme il l'a indiqué en première instance, le premier juge ayant retenu que la requête avait été expédiée par lettre recommandée le 8 août selon cachet de la poste.
Sur ce,
Il ressort des
articles R. 1452-1 et R. 1452-2 du code du travail🏛🏛 dans leur rédaction applicable au litige que la demande devant le conseil de prud'hommes est formée par requête, faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.
L'
article 668 du code de procédure civile🏛 prévoit que la date de notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l' expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre et l'article 669 du même code dispose que la date de l' expédition d'une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission.
En application de l'
article 2229 du code civil🏛, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli.
Les règles de computation des délais de prescription doivent être distinguées de celles régissant les délais de procédure. Ainsi, les règles de computation des délais de procédure énoncés aux
articles 641 et 642 du code de procédure civile🏛🏛 prévoyant que le délai expire à la fin du jour portant le même quantième que celui du point de départ et doit être prorogé lorsqu'il expire un jour non ouvrable, sont sans application en matière de prescription de l'action portant sur la rupture du contrat de travail.
L'
article L.1471-1 du code du travail🏛 dans sa rédaction applicable au litige, dispose que'toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
En l'espèce, la notification de la rupture est intervenue le 9 août 2019, date d'expédition par l'employeur de la lettre de licenciement au regard du cachet de la poste figurant sur l'accusé de réception produit, qui justifie en outre d'une distribution du courrier dès le lendemain. M. [K], à qui le document a donc bien été délivré, avait ainsi jusqu'au 8 août 2020 à 24h pour saisir le conseil de prud'hommes compétent.
Or, il ressort de la requête du salarié jointe à la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes reçue par la société Kiloutou, qu'elle produit et qui figure également au dossier de la juridiction prud'homale que M. [K] a certes rédigé et signé sa requête à Roisel le 7 août 2020, mais que celle-ci n'a été réceptionnée au greffe du conseil de prud'hommes que le 10 août 2020.
Il figure en effet de façon très lisible sur cette requête le tampon du greffe du conseil de prud'hommes portant cette date sans la moindre référence à un envoi postal, et aucun des éléments versés aux débats par l'intéressé à hauteur de cour (qui ne produit à ce titre que le bulletin de renvoi devant le bureau de conciliation et d'orientation du 15 septembre 2020 ne faisant pas mention d'une autre date de saisine et est inopérant), ni aucun document débattu contradictoirement devant le conseil de prud'hommes à la lecture du jugement, ni même aucun document du dossier de première instance, ne laisse supposer qu'il ne s'agissait pas de la date de dépôt de la requête. Il convient d'ailleurs de relever qu'il résulte du jugement et de la note d'audience en première instance que ni M. [K] ni son conseil n'avait fait référence à envoi par courrier.
A supposer même un envoi par courrier établi, ce qui n'est pas le cas, rien ne permettrait alors en tout état de cause de vérifier les allégations de M. [K] quant à une expédition le 7 août 2020 alors qu'il n'est pas produit le bordereau d'envoi par voie postale de la saisine du conseil de prud'hommes, ni aucun document permettant de retenir cette date.
Quant à la décision du conseil de prud'hommes qui affirme péremptoirement que «la requête de M. [K], adressée par lettre recommandée, a été déposée à la poste de Roisel le 8 août 2020», elle ne peut aucunement faire foi dès lors que :
- cette décision comporte des contradictions puisqu'il résulte au contraire très lisiblement de l'exposé du litige ne reprenant que les faits constants, que la saisine du conseil de prud'hommes est intervenue le 10 août 2020, validant ainsi l'hypothèse du dépôt de la requête ;
- la date du 8 août, qui ne correspond pas même aux déclarations de M. [K], a été retenue sans viser une pièce quelconque du dossier, sans même aucune explication, et sans qu'il ne résulte du jugement qu'un document en la possession du conseil de prud'hommes ait été portés à la connaissance des parties avant l'audience ou en cours de délibéré afin de leur permettre un débat, étant souligné qu'aucun bordereau d'envoi ou enveloppe ne figure d'ailleurs dans le dossier de première instance ni aucun élément permettant de vérifier la date retenue.
Ainsi, au terme de l'analyse de l'ensemble des éléments soumis à son appréciation, la cour retient que la prescription a commencé à courir le 9 août 2019, que le délai pour agir a donc expiré le 8 août 2020 à minuit, et que la saisine du conseil de prud'hommes n'est toutefois intervenue que le 10 août 2020.
Enfin, M. [K] ne justifie ni même n'allègue l'existence d'une impossibilité quelconque de respecter le délai important d'un an auquel son action était soumise.
Par suite, la cour retient que l'action de M. [K] portant sur la rupture du contrat de travail et de ce fait l'ensemble des demandes relatives à la rupture sont prescrites et, partant, irrecevables. Le jugement déféré sera donc infirmé.
Sur les autres demandes
Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [K] succombant, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel. L'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la retenue sur salaire ;
Infirme sur le surplus le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit l'action de M. [K] en contestation de la rupture de son contrat de travail irrecevable comme étant prescrite ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
Condamne M. [L] [K] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.