CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 20619
Mme Carliez (Marie-Christine)
Lecture du 19 Juin 1981
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 2ème Sous-section
Vu la requête sommaire, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 12 octobre 1979 et le mémoire complémentaire, enregistré le 9 janvier 1980, présentés pour Mme Carliez (Marie-Christine), demeurant à Paris (18ème), 2 Boulevard de Rochechouart et tendant à ce que le Conseil d'Etat: 1° - annule le jugement du 11 juillet 1979 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 3 octobre et 29 novembre 1977 par lesquelles le Préfet de Paris a refusé d'autoriser sa fille Marie-Caroline à particper au tournage de films et, d'autre part, au versement d'une indemnité en réparation des préjudices subis de ce fait, 2° - annule pour excès de pouvoir ces décisions, 3° - condamne l'Etat à lui verser une indemnité de 600 000 F
Vu le code du travail;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953;
Vu la loi du 30 décembre 1977.
Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions des 3 octobre et 8 novembre 1977 par lesquelles le Préfet de Paris a refusé à la société "Action Films" et à la société nationale de programmes "France Régions F.R. 3" l'autorisation d'engager la jeune Marie-Caroline Carliez":
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête:
Considérant que l'autorisation à laquelle l'article L. 211-8 du code du travail subordonne l'emploi, dans les spectacles, d'enfants qui n'ont pas dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire est, en vertu de l'article L.211-7, accordée par le préfet sur avis conforme d'une commission formée au sein de la commission départementale de la protection de l'enfance; qu'en ce qui concerne la commission siégeant à Paris, qui est présidée par le Préfet de Paris ou le secrétaire général de Paris et qui comprend notamment le Président du tribunal pour enfants ou son suppléant, l'article R.211-5 du code du travail prévoit que "lorsque le préfet ou le secrétaire général ne préside pas lui-même la commission, la présidence est assurée de plein droit... par le Président du tribunal pour enfants"; qu'il résulte de cet article, ainsi que de l'article R.211-7, qui subordonne la validité des délibérations de la commission à la présence de l'une des personnes chargées d'en assurer la présidence, que le Président du tribunal pour enfants ne peut être légalement suppléé lorsqu'il lui incombe, en l'absence du Préfet et du secrétaire général, d'assurer lui-même la présidence de la commission;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lorsqu'elle a examiné, les 13 septembre et 8 novembre 1977, les demandes présentées par la société "Action Films" et par la société nationale de programmes "France Régions F.R. 3" en vue d'être autorisées à engager la jeune Marie-Caroline Carliez, la commission siégeant à Paris a délibéré en l'absence du Préfet de Paris, du secrétaire général de Paris et du Président du tribunal pour enfants, et était présidée par un suppléant de ce dernier; qu'ainsi, les décisions du Préfet de Paris en date des 3 octobre et 8 novembre 1977 ont été prises sur l'avis conforme d'une commission irrégulièrement composée; que, dès lors, Mme Carliez, agissant en qualité de représentant légal de sa fille mineure Marie Caroline, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 11 juillet 1979, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de ces décisions;
Sur les conclusions de larrequête tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le dommage qu'aurait subi la jeune Marie-Caroline Carliez:
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande d'indemnité soumise aux premiers juges:
Considérant que l'autorisation prévue par l'article L. 211-6 du code du travail est subordonnée à l'existence de dispositions prises, en vertu de l'article R.211-6 e du même code, de nature à assurer à l'enfant une fréquentation scolaire normale; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune disposition particulière n'avait été prise en vue de permettre à la jeune Marie-Caroline Carliez, qui était dans sa dixième année à la date des décisions annulées et pour laquelle d'autres autorisations d'engagement avaient été demandées et accordées, de concilier sa participation habituelle à des entreprises de cinéma et de télévision avec une fréquentation scolaire normale; qu'ainsi, les circonstances de l'espèce étaient de nature à justifier légalement le rejet des demandes d'autorisation présentées par la société "Action Films" et par la société nationale de programmes "France Régions F.R. 3"; que, dès lors, le préjudice qu'aurait subi la jeune Marie-Caroline Carliez du fait de l'obstacle apporté à ses activités de comédienne résulte de l'application même des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et ne saurait, par suite, être regardé comme la conséquence du vice dont sont entachées les décisions du 3 octobre et du 8 novembre 1977; qu'il suit de là que Mme Carliez n'est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la condamnation de l'Etat.
DECIDE
Article 1er - Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 11 juillet 1979, en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme Carliez tendant à l'annulation des décisions du Préfet de Paris en date des 3 octobre et 8 novembre 1977, ensemble lesdites décisions, sont annulés.
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête de Mme Carliez est rejeté.