TA Rennes, du 18-01-2023, n° 2102312
A017389B
Référence
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021, Mme B A, représentée par Me Naïm, demande au tribunal :
1°) l'annulation de la décision du 8 mars 2021 en tant que le directeur régional des finances publiques de Bretagne n'a admis que partiellement sa réclamation préalable ;
2°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle demeure assujettie au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) la mise à la charge de l'État d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- l'administration a utilisé une méthode de reconstitution de son bénéfice manifestement sommaire et viciée dès lors qu'elle n'a pas tenu compte du caractère mixte de ses comptes bancaires, qu'elle exerçait non seulement une activité d'achat-revente de véhicules, mais également une activité de mandataire au titre de laquelle elle ne conservait sur les sommes encaissées que le montant de sa commission ; le pourcentage de charges arrêté forfaitairement à 70 % des recettes ne tient pas davantage compte de l'exercice de ces deux activités ;
- le prix de vente de son véhicule personnel a été intégré au chiffre d'affaires reconstitué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2021, le directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C,
- et les conclusions de M. Fraboulet, rapporteur public.
1. Mme A a fait l'objet, à compter du 13 février 2017, d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2014 et 2015. Parallèlement, le service a diligenté une vérification de la comptabilité de son activité professionnelle, d'achat et de revente de véhicules et d'intermédiaire, exercée à titre individuel sous le régime de l'auto-entreprise. Par une proposition de rectification du 31 mai 2017, faisant suite à la vérification de comptabilité, l'administration a informé Mme A de rehaussements en matière de bénéfices industriels et commerciaux procédant d'une évaluation d'office motivée par l'absence de souscription de déclarations de résultats, malgré l'envoi de mises en demeure, et de l'application de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts🏛. Mme A a également été destinataire d'une proposition de rectification du 5 septembre 2017, faisant suite à l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle l'informant notamment des conséquences au niveau de son revenu global de la proposition de rectification du 31 mai 2017 ainsi que de l'imposition, selon la procédure de taxation d'office, d'autres crédits bancaires, en tant que revenus d'origine indéterminée ou revenus distribués. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été mises en recouvrement le 30 avril 2018. Mme A a présenté, le 10 juillet 2018, une réclamation appuyée par la production de factures que l'administration a admise partiellement le 8 mars 2021.
Sur les conclusions en annulation de la décision d'admission partielle du 8 mars 2021 :
2. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse d'un contribuable n'étant pas susceptible de faire l'objet d'un recours ou de conclusions en annulation, dès lors qu'elle n'est pas détachable de la procédure d'imposition, les conclusions de la requête de Mme A tendant à l'annulation de la décision du 8 mars 2021 sont irrecevables, ainsi que le relève l'administration, et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions en décharge des impositions procédant de la vérification de comptabilité :
3. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales🏛 : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts🏛 n'a pas été déposée dans le délai légal ; / () / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°. ".
4. Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2°, 5° et 6° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure () ".
5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales🏛 : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ".
6. L'administration, après avoir relevé que Mme A avait déclaré exercer l'activité de commerce de véhicules d'occasion, sous le régime de la micro-entreprise, à compter du 15 octobre 2014 et l'avoir cessée au 1er juin 2015, et qu'elle relevait donc, en principe, en l'absence d'option pour le versement provisionnel de l'impôt sur le revenu, du régime de la micro-entreprise, a constaté la présence sur ses comptes bancaires mixtes de recettes professionnelles encaissées dès le début de l'année 2014 et postérieurement au 1er juin 2015, portant son chiffre d'affaires à plus de 90 300 euros pour chacune de ces deux années, plafond au-delà duquel une entreprise relève du régime réel simplifié et doit, par suite, souscrire la déclaration de résultat prévue à l'article 53 A du code général des impôts🏛. Mme A n'ayant pas spontanément souscrit de déclaration de ses bénéfices industriels et commerciaux au titre des deux années en litige, l'administration lui a adressé, le 24 janvier 2017, une mise en demeure de produire ces déclarations, reçue le 1er février 2017 et à laquelle l'intéressée n'a pas répondu. Par suite, l'administration était fondée à procéder à l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office en application des dispositions citées ci-dessus du 1 de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales🏛 et la charge de la preuve incombe, dans le cadre de la présente instance, à Mme A conformément aux prévisions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales🏛.
7. En premier lieu, Mme A soutient que la méthode par laquelle l'administration a procédé à la reconstitution de ses bénéfices industriels et commerciaux est " manifestement sommaire et viciée " dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de ce que les encaissements de son activité professionnelle ont été effectués sur des comptes mixtes et de ce que son activité ne se réduisait pas à l'achat-revente de véhicules d'occasion, mais comportait également des opérations d'entremise au titre desquelles elle ne conservait pas la totalité du prix de vente des véhicules, mais uniquement une commission. Toutefois, l'administration relève, sans que cela soit contesté, que Mme A n'a produit, dans le cadre de la vérification de comptabilité et jusqu'à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, aucun document comptable ou pièce justificative permettant de ventiler les encaissements professionnels constatés sur ses comptes bancaires mixtes entre les deux activités revendiquées ni même de constater l'exercice d'une activité de mandataire, et souligne qu'elle a pris en compte les factures finalement jointes à la réclamation du 18 juillet 2018, qui lui ont permis d'identifier au sein de certains encaissement des recettes correspondant à des commissions perçues, par la requérante, en qualité d'intermédiaire. Par ailleurs, alors que l'administration a joint à sa décision d'admission partielle du 8 mars 2021 un tableau retraçant et qualifiant l'ensemble des encaissements regardés par elle comme des recettes professionnelles, Mme A ne produit ni ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause leur nature professionnelle et leur caractère de recettes. Si la requérante conteste également le montant des charges d'exploitation fixé à 70 % des recettes par le vérificateur, elle se borne à faire valoir qu'il ne comprend pas les sommes versées aux vendeurs des véhicules lorsqu'elle intervenait uniquement en qualité de mandataire et ne confère ainsi à cette contestation aucune portée autre que celle de l'argument tiré de l'intégration aux recettes de ces mêmes sommes. Par suite, Mme A n'établit pas que la méthode mise en œuvre par l'administration pour reconstituer les bénéfices industriels et commerciaux tirés de l'activité professionnelle, qu'elle a exercée durant les deux années en litige, est excessivement sommaire ou radicalement viciée.
8. En deuxième lieu, si Mme A soutient que la vente de son véhicule personnel a été regardée comme une opération réalisée à titre professionnelle et son prix intégré à tort aux recettes de son activité, elle n'identifie pas l'encaissement qui correspondrait à cette opération et n'établit pas ainsi le caractère exagéré des impositions en litige.
Sur les frais d'instance :
9. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ne peuvent qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme A doit être rejetée.
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au directeur régional des finances publiques de Bretagne et du département d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Etienvre, président,
M. Albouy, premier conseiller,
Mme Tourre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2023.
Le rapporteur,
signé
E. CLe président,
signé
F. Etienvre
La greffière,
signé
S. Guillou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Directeur Finances publiques Méthode de reconstitution Comptes bancaires Comptes d'un exercice Vente d'un véhicule Examen contradictoire de la situation fiscale personnelle Vérification de la comptabilité Bénéfices industriels et commerciaux Majorations prévues Procédure de taxation d'office Crédit bancaire Décision d'admission Entreprise industrielle Exploitant agricole Mise en demeure Véhicule d'occasion Chiffre d'affaires Déclaration des bénéfices Procédure d'évaluation d'office Commissions perçues Charges d'exploitation