TA Pau, du 03-01-2023, n° 2202629
A776988A
Référence
► L'inscription à l'IEJ pour suivre la formation universitaire préparatoire à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat répond aux mêmes conditions que celles qui sont nécessaires pour s'inscrire à l'examen d'entrée au CRFPA ; un candidat étranger non ressortissant européen peut donc utilement se borner à produire un titre ou un diplôme délivré par son pays permettant d'accéder à cette profession réglementée dans ce pays.
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2022 et les 16 et 19 décembre 2022, ainsi que des pièces complémentaires, M. A E, représenté par Me Tucoo-Chala, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le président de l'université de Pau et des Pays de l'Adour a refusé de l'inscrire à la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat ;
2°) d'enjoindre au président de l'université de Pau et des Pays de l'Adour de faire droit à sa demande d'inscription à l'Institut d'études judiciaires en vue de suivre la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente ordonnance ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Pau et des Pays de l'Adour une somme de 3000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la date limite d'inscription à l'institut d'études judiciaires (IEJ) pour suivre la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocat est fixée au 15 décembre 2022 ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaquée dans la mesure où :
Mme F ne justifie pas d'une délégation régulièrement publiée pour prendre la décision au nom du président de l'université ;
le président de l'université ne pouvait revenir sur sa précédente décision du 30 août 2022 qui a fait droit à sa demande d'admission au sein de l'IEJ ;
son courriel du 23 septembre 2022 ne pouvait être interprété par le président de l'université comme un recours gracieux formé contre une décision antérieure de refus d'admission à l'IEJ qui n'existait pas ;
la commission pédagogique n'a jamais été consultée préalablement à la décision attaquée du 28 septembre 2022 ;
le président de l'université a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en refusant son admission à l'IEJ alors qu'il est titulaire d'un diplôme de Master en droit obtenu à l'université de Yaoundé II, dans son pays, le Cameroun, condition nécessaire et suffisante pour suivre en France la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat ; il ne pouvait exiger de lui qu'il justifie de l'obtention dans son pays du diplôme permettant l'exercice de la profession d'avocat ; il ne pouvait davantage lui opposer l'absence d'un diplôme de Master I obtenu en France, ni le défaut d'inscription dans une telle formation en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, l'université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA) conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les conditions posées à l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 ne sont pas remplies.
Par une décision du 6 décembre 2022, M. E a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête enregistrée le 22 novembre 2022 sous le n°2202578 par laquelle M. E demande l'annulation de la décision attaquée.
Vu :
- la loi du 19 décembre 1990🏛 portant organisation de la profession d'avocat au Cameroun ;
- la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971🏛;
- l'arrêté du 17 octobre 2016 ;
- l'arrêté du 25 novembre 1998 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991🏛 ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique du 15 décembre 2022 à 14 heures, Mme B a lu son rapport et entendu :
- les observations de Me Tucoo-Chala, représentant M. E, qui insiste sur le fait que le président de l'université ne pouvait lui demander de produire un diplôme camerounais permettant l'exercice de la profession d'avocat au Cameroun pour conditionner son admission à la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat en France ; la jurisprudence citée en défense est relative à l'exercice de la profession et non à l'accès à la formation de préparation à l'examen d'entrée pour lequel il suffit de justifier d'un niveau de master ; il précise qu'il a demandé et obtenu l'aide juridictionnelle totale et s'en prévaut au titre des frais de procès ;
- les observations de M. C, représentant l'université de Pau et des Pays de l'Adour, qui rappelle que l'urgence n'est pas constituée dès lors que le requérant est admissible à la même formation à Bordeaux ; qu'aucun des moyens n'est de nature à créer un doute sérieux ; en tout état de cause, il demande une substitution de motif en faisant valoir que la demande de M. E peut également être refusée en raison de l'absence de production d'une attestation de l'Etat camerounais permettant de considérer que le master I obtenu à Yaoundé équivaut à un master I obtenu en France.
La clôture de l'instruction a été prolongée, après l'audience jusqu'au vendredi 23 décembre 2022 à 16 heures.
1. M. E, né le 17 septembre 1988 à Yaoundé au Cameroun, de nationalité camerounaise, demande au juge des référés de suspendre l'exécution de la décision du 28 septembre 2022 par laquelle le président de l'université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA) a refusé de l'inscrire à l'institut des études judiciaires en vue de suivre la formation préparatoire à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat (CRFPA), dans l'attente qu'il soit statué sur sa légalité.
Sur les conclusions aux fins de suspension :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".
En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
3. D'une part, l'article 12 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Sous réserve du dernier alinéa de l'article 11, des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée précitée et de celles concernant les personnes justifiant de certains titres ou ayant exercé certaines activités, la formation professionnelle exigée pour l'exercice de la profession d'avocat est subordonnée à la réussite à un examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique d'une durée d'au moins dix-huit mois, sanctionnée par le certificat d'aptitude à la profession d'avocat. / () ". Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 17 octobre 2016🏛 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats : " L'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats, prévu à l'article 51 du décret du 27 novembre 1991 susvisé, a lieu une fois par an. /(). ". L'article 2 de ce même arrêté dispose que : " L'inscription à l'examen d'accès dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats est prise avant le 31 décembre de l'année précédant l'examen. (). Toutefois, le candidat ne peut se présenter à l'examen que s'il obtient, au cours de l'année universitaire, s'ils n'ont été obtenus antérieurement, les 60 premiers crédits d'un master en droit ou l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971🏛 susvisée. Cette inscription est prise auprès de l'université choisie par le candidat comme centre d'examen. / Nul ne peut être inscrit à l'examen auprès de plusieurs universités. / Le dossier d'inscription comporte les pièces suivantes : 1° Les documents justifiant l'identité, la nationalité et le domicile du candidat avec une adresse électronique personnelle valide ; / 2° Les documents justifiant l'obtention des 60 premiers crédits d'un master en droit ou de l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971🏛 susvisée ; / 3° Le formulaire précisant les matières choisies pour les épreuves prévues aux 3° et, pour les candidats concernés, au 4° de l'article 5 du présent arrêté. / Les documents justificatifs prévus au 2° peuvent être fournis jusqu'au 1er août de l'année de l'examen. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut accéder à la profession d'avocat s'il ne remplit les conditions suivantes : () / 2° Etre titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités ; (). ".
5. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 novembre 1998 fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maitrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat : " Sont reconnus comme équivalents à la maitrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat : () / 8° Tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à une profession juridique réglementée dans l'Etat où ce titre a été délivré ; ". En vertu de l'article 5 de la loi du 19 décembre 1990🏛 portant organisation de la profession d'avocat au Cameroun, publiée à l'Official Gazette of the Républic Of Cameroun du 1er januar 1991, l'accès à la profession d'avocat dans ce pays est conditionné à la détention d'un des diplômes dont la liste est fixée et au nombre desquels figure la licence en droit.
6. A défaut pour l'université de Pau et des Pays de l'Adour d'établir qu'il en irait autrement, l'inscription à à l'IEJ pour suivre la formation universitaire préparatoire à l'examen d'entrée au centre régional de formation à la profession d'avocat répond aux mêmes conditions que celles qui sont nécessaires pour s'inscrire à l'examen d'entrée au CRFPA. Ainsi, un candidat étranger non ressortissant européen souhaitant s'inscrire à cette formation préparatoire dispensée par l'UPPA doit notamment établir qu'il a obtenu les 60 premiers crédits d'un master en droit en France ou bien que lui a été délivré l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971🏛, c'est-à-dire, au moins une maîtrise en droit ou, selon l'arrêté du 25 novembre 1998, tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à la profession d'avocat dans l'Etat où ce titre a été délivré.
7. En l'espèce, la décision du président de l'UPPA du 28 septembre 2022 qui refuse d'inscrire M. E à la formation universitaire préparatoire à l'examen d'entrée au CRFPA est fondée sur le motif que celui-ci ne justifie pas avoir obtenu un master 1 français ni être inscrit dans un tel cursus de l'UPPA au titre de l'année universitaire en cours et ne produit aucun titre ou diplôme permettant d'exercer la profession d'avocat au Cameroun.
8. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que le président de l'UPPA a commis une erreur de droit en exigeant de M. E qu'il produise un titre lui permettant d'exercer la profession d'avocat au Cameroun, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée dans la mesure où il résulte des dispositions applicables que le requérant peut utilement se borner à produire un titre ou un diplôme délivré par son pays permettant d'accéder à cette profession réglementée dans ce pays. Dans ses écritures et à l'audience, l'UPPA demande une substitution de motif en faisant valoir que le refus d'inscription pourrait être également fondé sur le fait que M. E n'a pas produit une attestation de l'Etat camerounais permettant de considérer que le master I obtenu à l'université de Yaoundé est équivalent à un master I obtenu en France. Toutefois, un tel motif ne parait pas pouvoir être retenu pour fonder la décision de refus attaquée dès lors que le requérant remplit la condition alternative posée à l'article 1er de l'arrêté du 25 novembre 1988 en établissant être titulaire d'une licence en droit délivrée au Cameroun, diplôme nécessaire pour accéder à la profession juridique réglementée d'avocat dans son pays en vertu de la loi de ce pays du 19 décembre 1990 dont rien n'indique qu'elle aurait été modifiée ou ne serait plus applicable.
9. Il résulte de ce que qui précède que M. E justifie d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le doute sérieux qui résulteraient des autres moyens soulevés.
En ce qui concerne la condition d'urgence :
10. Il ressort des pièces du dossier que M. E a d'abord bénéficié d'une décision favorable le 30 août 2022 avant que le président de l'UPPA ne se ravise et considère, par la décision attaquée du 28 septembre 2022, qu'il ne remplissait plus l'une des conditions requises pour être inscrit à l'IEJ. En ayant saisi le juge des référés avant le 15 décembre 2022, date limite d'inscription à l'institut d'études judiciaires de l'UPPA pour suivre la formation de préparation à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocat, le requérant, que rien ne contraignait à s'inscrire à l'IEJ de Bordeaux, justifie d'une situation d'urgence au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les deux conditions posées à l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 étant réunies, M. E est fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision du 28 septembre 2022 jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa légalité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative🏛 : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. () ".
13. Dès lors que M. E avait d'abord obtenu une autorisation d'inscription à l'IEJ par une décision du président de l'UPPA du 30 août 2022, sur laquelle ce dernier n'est revenu qu'à raison du motif retenu dans la décision attaquée du 28 septembre 2022, il y a lieu de considérer que le requérant remplissait les autres conditions requises pour être inscrit à l'IEJ. Par voie de conséquence, eu égard au moyen retenu au titre du doute sérieux, il y a lieu de prescrire au président de l'UPPA d'inscrire M. E à titre provisoire à l'IEJ au titre de l'année 2023 pour suivre la formation préparatoire à l'examen d'entrée au CRFPA, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de procès :
14. M. E a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative🏛 et 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Tocoo-Chala, avocat de M. E, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'UPPA une somme de 1 000 euros à verser à Me Tocoo-Chala.
O R D O N N E:
Article 1er : La décision du président de l'université de Pau et des Pays de l'Adour du 22 septembre 2022 est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa légalité.
Article 2 : Il est enjoint au président de l'université de Pau et des Pays de l'Adour d'inscrire à titre provisoire M. E à l'institut d'études judiciaires en vue de suivre la formation préparatoire à l'examen d'entrée du CRFPA, dans l'attente du jugement à intervenir statuant sur son recours pour excès de pouvoir formé contre la décision du 22 septembre 2022.
Article 3 : Sous réserve que Me Tucoo-Chala renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, l'université de Pau et des Pays de l'Adour versera à Me Tucoo-Chala, avocat de M. E, une somme de 1 000 (mille euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A E et à l'université de Pau et des Pays de l'Adour.
Fait à Pau, le 3 janvier 2023.
La juge des référés,
Signé
V. B
La République mande et ordonne à la préfète des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition,
La greffière,
M. D
Loi, 91-647, 10-07-1991 Loi, 71-1130, 31-12-1971 Article, L521-1, CJA Article, L511-1, CJA Article, 5, loi, 19-12-1990 Article, 1, arrêté, 25-11-1988 Centres régionaux de formation professionnelle Centre de formation professionnelle des avocats Décision d'admission Titulaire du diplôme Défaut d'inscription Aide juridictionnelle totale Substitution de motifs Moyens propres Professions judiciaires et juridiques Avocat Diplôme étranger Diplômes délivrés Fondement d'une décision de refus Décisions favorables Part contributive de l'etat