Jurisprudence : TA Guyane, du 10-11-2022, n° 2001391


Références

Tribunal Administratif de la Guyane

N° 2001391

1ère Chambre
lecture du 10 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 31 décembre 2020, Mme B A doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 par lequel le commandement de la gendarmerie nationale de Guyane ne lui a accordé qu'un seul jour de télétravail par semaine sur les trois jours sollicités ;

2°) d'enjoindre au commandement de la gendarmerie nationale de Guyane de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de la maintenir dans son rythme précédent d'un jour sur deux en télétravail par semaine.

Elle doit être regardée comme soutenant que :

- l'arrêté en litige a été pris à l'issu d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été reçue pour un entretien préalable ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs de fait dès lors, d'une part, qu'elle est affectée à la section de l'immobilier et du logement depuis le 1er avril 2013 et non depuis le 26 octobre 2020 et que, d'autre part, la liste de ses activités réalisées dans le cadre du télétravail sont " partiellement correctes " ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle démontre avoir effectué un travail particulièrement bénéfique durant la période de confinement tout en exerçant ses fonctions en télétravail ;

- il est entaché d'une erreur de droit en lui imposant d'être disponible de 8 heures à 18 heures alors qu'elle doit effectuer une journée à horaires libres l'après-midi.

Une mise en demeure de produire a été adressée au ministère de l'intérieur et des outre-mer le 23 mars 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction de la requête et au rejet de ses conclusions à fin d'annulation.

Il fait valoir qu'un nouvel arrêté autorisant Mme A à exercer ses fonctions en télétravail a été pris le 8 décembre 2021 et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012🏛 ;

- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C ;

- et les conclusions de M. Hégésippe, rapporteur public.

Les parties n'étant ni présentes ni représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Baudrit, secrétaire administrative de classe normale, est affectée à la section de l'immobilier et du logement de la caserne de gendarmerie de la Madeleine à Cayenne. Le 2 septembre 2020, elle a adressé au commandement de la gendarmerie de Guyane une demande de télétravail pour trois jours par semaine. Par un arrêté du 26 octobre 2020, le commandement de la gendarmerie de Guyane lui a accordé une autorisation individuelle d'exercice des fonctions en télétravail pour une journée par semaine. Par la présente requête, elle doit être regardée comme sollicitant l'annulation de cet arrêté qui ne l'autorise à exercer ses fonctions en télétravail qu'une seule journée par semaine sur les trois jours sollicités.

Sur l'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction :

2. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 8 décembre 2021, postérieur à l'introduction de la requête, le commandement de la gendarmerie de Guyane a fait droit à la demande de Mme A en lui accordant le bénéfice de trois jours de télétravail par semaine. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint au commandement de la gendarmerie de réexaminer sa demande et de la placer, dans l'attente, dans un rythme de 3 jours de télétravail par semaine, sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer. L'exception de non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'injonction doit donc être accueillie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012🏛 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail🏛. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public. / Le présent article est applicable aux agents publics non fonctionnaires et aux magistrats. () ".

4. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication () ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine () ". Enfin, aux termes l'article 5 du même décret : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées () / Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service. () / Il peut être mis fin à cette forme d'organisation du travail, à tout moment et par écrit, à l'initiative de l'administration ou de l'agent, moyennant un délai de prévenance de deux mois. Dans le cas où il est mis fin à l'autorisation de télétravail à l'initiative de l'administration, le délai de prévenance peut être réduit en cas de nécessité du service dûment motivé. Pendant la période d'adaptation, ce délai est ramené à un mois. / Le refus opposé à une demande d'autorisation de télétravail ainsi que l'interruption du télétravail à l'initiative de l'administration doivent être motivés et précédés d'un entretien. ".

5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A ait été reçue en entretien par son supérieur hiérarchique préalablement à la décision qui ne l'autorise à exercer ses fonctions en télétravail qu'une seule journée par semaine sur les trois jours sollicités et qui doit s'analyser comme un refus de lui accorder les 2ème et 3ème jours de télétravail sollicités. Toutefois, et dès lors, d'une part, qu'elle ne fait pas état des éléments auxquels elle aurait pu se prévaloir à cette occasion et qui n'auraient pas été portés à la connaissance du commandement de la gendarmerie de Guyane et, d'autre part, qu'il ressort des avis de ses supérieurs hiérarchiques que ces derniers ont fait état des circonstances propres à sa situation et dont elle se prévaut telles que le fait qu'elle est confrontée à des difficultés de déplacement eu égard à son lieu de résidence, justifiant à ce titre l'autorisation d'une journée de télétravail, le défaut d'entretien préalable ne peut être regardé comme ayant été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision ou l'ayant privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

6. En deuxième lieu, et d'une part, en mentionnant que Mme A est autorisée à exercer ses fonctions en partie en télétravail " à compter du 26 octobre 2020 ", le commandement de la gendarmerie de Guyane n'a pas entendu énoncer, par l'arrêté en litige, que l'intéressée a pris ses fonctions à cette date. L'arrêté ne fait par ailleurs aucunement mention de sa date de prise de fonction et la circonstance, au demeurant non établie, qu'elle soit en poste depuis le 1er avril 2013 apparaît sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui porte sur son autorisation à exercer une partie de ses fonctions en télétravail. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la liste des activités exercées dans le cadre du télétravail est erronée, Mme A ne pouvant se prévaloir des fonctions qu'elle exerce " officieusement ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'erreurs de fait doit être écarté.

7. En troisième lieu, si Mme A soutient qu'elle a effectué un travail " particulièrement bénéfique pour la gendarmerie " pendant la période de confinement imposée en raison de la pandémie de Covid-19 alors même qu'elle était en situation de télétravail à domicile tous les jours de la semaine, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des avis de ses supérieurs hiérarchiques, qui reconnaissent la qualité de son travail, que ses fonctions nécessitent une présence au sein de la caserne en raison de ses responsabilités qui incluent notamment l'encadrement des personnels de sa cellule. A cet égard, l'avis favorable du chef du bureau des soutiens et des finances, dont se prévaut la requérante, émet également une " réserve " liée au fait que " le poste prévoit une fonction de management ". Par ailleurs, le contexte particulier de la période d'urgence sanitaire qui a conduit l'administration à prendre des mesures exceptionnelles en plaçant ses agents en télétravail tous les jours de la semaine afin de garantir les intérêts du service dans le respect des objectifs de la protection de la santé, ne saurait à lui seul justifier le recours à plusieurs journées télétravail. La requérante ne peut davantage se prévaloir de son ancienne autorisation de télétravail, accordée par un arrêté du 9 octobre 2019, alors qu'elle relevait d'un autre grade et qu'elle n'exerçait pas les mêmes fonctions. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le commandement de la gendarmerie de la Guyane a pris en compte la situation personnelle de Mme A, et en particulier la circonstance selon laquelle cette dernière réside loin de la caserne, en autorisant le compromis d'une journée par semaine proposé par le chef d'état-major aux termes de son avis du 9 octobre 2020. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en lui accordant une journée de télétravail par semaine sur les trois jours demandés, le commandement de la gendarmerie de Guyane a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En dernier lieu, Mme A se borne à soutenir que la gendarmerie lui impose d'être disponible de 8 heures à 18 heures alors que son travail est organisé selon un dispositif d'horaires variables. Elle n'apporte toutefois aucune précision ni aucun élément relatif à l'organisation de son temps de travail et de nature à démontrer que celle-ci a été méconnue. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A, au commandement de la gendarmerie de Guyane et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président,

Mme Schor, première conseillère,

M. Deleplancque, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

Signé

C. C Le président,

Signé

L. MARTIN La greffière,

Signé

M-Y. METELLUS

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane et au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne et à tous commissaire de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en Cheffe,

Ou par délégation la greffière,

Signé

S. MERCIER

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