REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 17 OCTOBRE 2022
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01389 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC63Z
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/05815
APPELANTES
S.A. MMA IARD
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Représentée par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant Me Delphine MABEAU, avocat au barreau de PARIS
S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Représentée par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant Me Delphine MABEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [Aa] [L]
Domicilié au [Adresse 2]
[Localité 3]
né le … … … à [Localité 5]
Représenté par Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2156
L'affaire a été débattue le 29 Août 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Les 9 juin et 28 septembre 2010, M. [F] [Aa], par l'intermédiaire de son conseiller en investissement financier (CIF), a souscrit les sommes de 12.105 euros et 17.982 euros, soit un montant total de 30.087 euros dans un produit « Portefeuille Sunra » commercialisé par la société à responsabilité limitée Gesdom, destinés à financer des centrales photovoltaïques à la Réunion.
Cette souscription a été réalisée afin de lui permettre de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu, prévue par la loi Girardin, selon l'
article 199 undecies B du code général des impôts🏛 (CGI).
Il a souscrit un contrat d'assistance administrative et fiscale nommé « Simpladmi » auprès de la société à responsabilité limitée Diane et a réglé les sommes de 63 et 65 euros correspondant aux frais de dossier.
La société Diane a adressé à M. [F] [Aa] les 23 juillet et 21 octobre 2010 un courrier certifiant la souscription au portefeuille Sunra des sommes et qu'il bénéficierait de crédits d'impôts de 16.140 euros et 23.053,85 euros.
La société Diane a adressé à M. [Aa] le 17 mai 2011, une attestation fiscale certifiant sa souscription de parts des sociétés SEP 054, 055, 056, 133, 134, 135 Sunra ainsi que les documents annonçant une réduction de 39.193,86 euros sur l'impôt sur le revenu 2010.
Le 18 avril 2013, l'administration fiscale a notifié à M. [F] [Aa] une proposition de rectification de son impôt sur le revenu perçu en 2010 portant sur la somme de 39.194 euros, outre 3.449 euros d'intérêts de retard et 3.919 euros de majoration de 10%, soit la somme globale de 45.562 euros. Cette proposition avait été faite au motif que l'avantage n'était éligible qu'à partir du moment où l'investissement conduisait à une exploitation effective des centrales photovoltaïques, cette condition étant réputée remplie lors du dépôt du dossier complet de raccordement auprès d'Électricité de France (EDF) dans l'année de l'investissement, et que ces demandes n'avaient pas été déposées avant le 31 décembre 2010.
A la suite de la réclamation du contribuable, le 23 juillet 2014, l'administration a confirmé la rectification envisagée au titre des revenus de l'année 2010. Néanmoins, elle a accepté de ne pas lui faire payer de majoration.
Par jugement du 24 juillet 2014, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Diane en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 19 août suivant.
La société à responsabilité limitée Gesdom était mise en redressement judiciaire par jugement du 26 avril 2017 du tribunal mixte de Saint Pierre de la Réunion.
Par acte d'huissier de justice en date du 14 mai 2018, M. [F] [Aa] a fait assigner la société MMA Iard en qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle des sociétés Diane et Gesdom devant le tribunal judiciaire de Paris.
* * *
Vu le jugement prononcé le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :
- Reçoit la société anonyme MMA Iard Assurances Mutuelles en son intervention volontaire ;
- Condamne in solidum les sociétés MMA lard et MMA lard Assurances Mutuelles, à payer à monsieur [F] [Aa] la somme de 33.906 euros au titre du sinistre afférent à l'investissement de 2010, en application du contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle numéro 120.137.363 souscrit par la société Diane,
- Dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2018,
- Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêt,
- Dit que le plafond de garantie et la franchise prévus au contrat numéro 120.137.363 sont opposables à M. [F] [Aa] sous réserve qu'ils ne soient appliqués qu'à l'ensemble des réclamations résultant des investissements dans le domaine de la production d'énergie renouvelable dans l'outre-mer commercialisés par la société Gesdom et réalisés par la société Diane,
- Dit n'y avoir lieu à séquestre,
- Condamne in solidum les sociétés MMA lard et MMA lard Assurances Mutuelles aux dépens, dont distraction au profit de Maître Rémi Barousse (société d'exercice libéral par actions simplifiée Tisias), avocat au barreau de Paris,
- Condamne in solidum les sociétés MMA lard et MMA lard Assurances Mutuelles à payer à M. [F] [Aa] la somme de 3.000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- Ordonner l'exécution provisoire.
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Vu l' appel déclaré le 19 janvier 2021 par les sociétés MMA Iard et MMA lard Assurances Mutuelles,
Vu les conclusions signifiées le 13 mai 2022 par les société MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles,
Vu les conclusions signifiées le 6 juin 2022 par MAa [L],
Vu la clôture de l'instruction le 20 juin 2022 ,
Vu les conclusions signifiées le 24 août 2022 2022 par M. [Aa] aux fins de révocation de la clôture,
Vu les conclusions signifiées le 29 août 2022 par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,
La société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de statuer comme suit :
Vu l'
article 378 du code de procédure civile🏛, les
articles 1134 et 1147 du code civil🏛🏛 dans leur version applicable, les
articles L. 112-6, L. 113-1, L. 124-1-1, L. 124-3 et L. 124-5 du code des assurances🏛🏛🏛🏛🏛,
- Rejeter la demande de sursis à statuer formée par MonsAaeur [L].
- Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 15 décembre 2020.
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Gesdom ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'investisseur de ses demandes au titre d'un prétendu manque à gagner, des intérêts de retard et des frais d'avocat fiscaliste ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'investisseur de sa demande au titre d'une prétendue résistance abusive ;
- Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'une perte de chance.
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a écarté l'application du contrat souscrit par la CNCIF auprès de Covéa Risks (police n°112.788.909) qui n'a nullement vocation à s'appliquer dans le cas présent, ni la société Diane, ni la société Gesdom n'ayant exercé une activité de conseiller en investissements financiers.
- Juger que le contrat souscrit par la société Diane auprès de Covéa Risks n'a nullement vocation à s'appliquer dans le cas présent, dès lors que le plafond de garantie d'un montant de 1.250.000 euros est épuisé, aucune condamnation nouvelle ne pouvant être prononcée au titre de cette police (ni directement entre les mains de l'intimé, ni par voie de consignation),
- Condamner Monsieur [Aa] à restituer la part des condamnations qui lui ont été versées en exécution du jugement dont appel, au titre de la police n°112.788.909, soit la somme de 40.202,18 euros sauf à parfaire,
A titre infiniment subsidiaire et si la cour retenait l'application de la police CNCIF (police n°112.788.909) et de la police monteur (police n°120.137.363) :
En ce qui concerne l'ensemble des polices,
- Juger qu'il convient d'appliquer un même et seul plafond de garantie à l'ensemble des réclamations, et ce, quelle que soit l'année de l'investissement ;
- Juger que le plafond de garantie unique applicable est celui en vigueur au jour de la première réclamation.
En ce qui concerne la police n°112.788.909,
- Juger que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles assurent la responsabilité civile professionnelle de la Sarl Diane et/ ou de la société Gesdom au titre du contrat CNCIF dans la limite globale de 3.000.000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation que Diane a montés et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts ;
- Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la Sarl Diane et/ou Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
- Juger qu'en tout état de cause un plafond de garantie unique s'applique pour toutes les réclamations, dont celle de Monsieur [Aa], formées pendant la période de garantie subséquente ;
- Juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 15.000 euros, à la charge de la Sarl Diane et/ou Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles dans le cas où la cour devrait retenir la responsabilité de la Sarl Diane et/ou Gesdom et si le tribunal ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel ;
En ce qui concerne la police n°120.137.363,
- Juger que, dans la mesure où le plafond de garantie de 1.250.000 euros de la police n°120.137.363 est épuisé, aucune condamnation nouvelle ne peut être prononcée au titre de cette police (ni directement entre les mains de l'intimé, ni par voie de consignation),
- Dans l'hypothèse où la cour désignerait un séquestre, Juger que l'intimé ne pourra se prévaloir valoir du titre exécutoire constatant le montant de sa créance que dans le cadre de la répartition des sommes au marc le franc à intervenir sous l'égide du séquestre qui viendrait à être désigné ;
- Subsidiairement : Juger que la réclamation est intervenue au-delà de la période de garantie et que le contrat n°120.137.363 n'a pas vocation à s'appliquer ;
- Juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20.000 euros, à la charge de la Sarl Diane, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, dans le cas où la Cour devrait retenir la responsabilité de la Sarl Diane et si elle ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel ;
En ce qui concerne la police n°114.247.742,
- Juger que la compagnie MMA Iard assure la responsabilité civile professionnelle de la Sarl Gesdom dans la limite globale de 2.000.000 euros dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation qu'elle a commercialisés, et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts ;
- Désigner tel séquestre qu'il plaira au tribunal avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la Sarl Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
- Subsidiairement : Juger que la réclamation est intervenue au-delà de la période de garantie et que le contrat n°114.247.742 n'a pas vocation à s'appliquer ;
- Juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20.000 euros, à la charge de la Sarl Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des compagnies MMA Iard, dans le cas où le tribunal devait retenir la responsabilité de la Sarl Gesdom ;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'investisseur de sa demande fondée sur une prétendue résistance abusive de l'assureur ;
- Débouter l'investisseur de sa demande au titre d'un prétendu appel abusif ;
- Débouter l'investisseur de son appel incident ;
- Condamner Monsieur [Aa] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 6.000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Condamner Monsieur [Aa] aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Baechlin, avocat, conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
M. [F] [Aa] demande à la cour de statuer comme suit :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 15 décembre 2020 en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Diane et le réformer en ce qu'il a exclu celle de la société Gesdom, et, statuant à nouveau, déclarer que M. [F] [Aa] dispose d'une créance de responsabilité à l'encontre de la société Diane et de la société Gesdom ;
- Le réformer s'agissant des préjudices subis, et, statuant à nouveau, fixer les préjudices subis par M. [F] [Aa] à 42.643 euros pour le préjudice matériel au titre de l'investissement 2010 et à 3.000 euros pour le préjudice immatériel ;
- Le confirmer en ce qu'il a condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à garantir la responsabilité civile de la société Diane au titre de la police n° 120.137.363, le réformer en ce qu'il n'a pas appliqué la police CNCIF n° 112.788.909, y ajouter la garantie de la responsabilité de Gesdom, et, statuant à nouveau, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [F] [Aa] les sommes suivantes :
42.643 euros pour le préjudice matériel au titre de l'investissement 2010,
3.000 euros pour le préjudice immatériel,
en garantie de la responsabilité de :
la société Gesdom en application de la police CNCIF n° 112.788.909 et de la police Gesdom n°114.247.742,
la société Diane en application de la police CNCIF n° 112.788.909 et de la police Diane n° 120.137.363, et ce, sans que le plafond de la police CNCIF n° 112.788.909 soit opposable à M. [F] [Aa] et, pour la police n° 112.788.909, avec un plafond de 4 millions euros ;
- Le confirmer s'agissant des intérêts de retard en ce qu'il a déclaré que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit le 14 mai 2018, et seront capitalisés conformément à l'
article 1343-2 du code civil🏛 ;
- Le confirmer en ce qu'il a globalisé les sinistres mais le réformer en ce que cette globalisation s'applique sur trois ans, et, statuant à nouveau, ordonner la globalisation des sinistres par année ;
- Dire que les indemnités allouées à M. [F] [Aa] s'imputeront d'abord sur la police n° 114.247.742 (Gesdom) puis sur la police n° 112.788.909 (CNCIF), et enfin sur la police n° 120.137.363 (Diane) ;
- Le confirmer en ce qu'il a refusé d'ordonner un séquestre ;
- Le réformer en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et, statuant à nouveau, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [F] [Aa] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- Condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [F] [Aa] la somme de 2.000 euros pour appel abusif ;
- Le confirmer en ce qu'il a condamné l'assureur à payer une indemnité pour les frais irrépétibles et, pour la procédure d'appel, condamner in solidum la société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [F] [Aa] la somme de 5.000 euros en application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- Condamner in solidum la société MMA Iardet MMA Iard Assurances Mutuelles aux entiers dépens.
SUR CE, LA COUR
A) Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
M. [Aa] sollicite la révocation de la clôture prononcée le 20 juin 2022 au motif qu'il aurait formé en juillet 2022 13 pourvois en cassation contre des arrêts prononcés par cette chambre dans des litiges strictement identiques , ces pourvois venant s'ajouter à 3 pourvois déposés en avril et mai 2022 contre d'autres arrêts de la présente cour ayant statué sur le même montage. Ces récents pourvois constitueraient une cause grave au sens de l'
article 803 du code de procédure civile🏛 .
Les sociétés appelantes s'y opposent .
Ceci étant exposé,les pourvois en cassation déposés en juillet 2022 se situent dans la suite des précédents pourvoi déposés en avril et mai 2022 et, selon M. [Aa] tendent à contester les décisions prises relatives aux contrats d'assurance applicables et leur plafond.
Aucune cause grave ne résulte du dépôt des derniers pourvois puisque leur conséquence sur le présent litige est identique à celle résultant des pourvois déposés en avril et mai 2000, donc antérieurement à la clôture prononcée le 20 juin 2022. M. [Aa] se trouvait ainsi en mesure de solliciter un sursis à statuer avant le 20 juin 2022.
La demande de révocation de la clôture doit être rejetée .
B) Sur la responsabilité civile des sociétés Gesdom et Diane et le préjudice
Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles font valoir que M. [Aa] ne détient aucune créance de responsabilité à l'encontre des sociétés Diane et Gesdom au motif qu'aucune faute de leur part n'est rapportée. S'agissant de la société Diane, le montage était valide au motif que les conditions d'éligibilité au bénéfice de la loi Girardin étaient réunies au moment où la société Diane a monté le produit fiscal litigieux. Les demandes de raccordement ont été reportées par EDF suite au moratoire imposé par le législateur. M. [Aa] a bénéficié d'une remise d'imposition concernant ses revenus 2010. Aucune faute ne peut être reprochée à la société Diane au titre de l'évolution de l'interprétation fiscale concernant la notion de raccordement. S'agissant de la société Gesdom, sa responsabilité ne peut être recherchée au motif qu'elle n'a pas contracté avec M. [Aa]. Elle n'a commis aucune faute en ce qu'elle n'avait aucune obligation de suivi et d'exécution du programme. Elles contestent les préjudices allégués par M. [Aa].
M. [Aa] fait valoir, au visa de l'ancien
article 1147 du code civil🏛, que la responsabilité civile des sociétés Diane et Gesdom est engagée. Leurs rôles dans le montage étaient interdépendants et elles ont méconnu leur obligation contractuelle principale tenant à s'assurer de la solidité juridique du montage, en raison de l'absence de dépôt auprès d'EDF d'un dossier complet de demande de raccordement au réseau le 31 décembre au plus tard de l'année de l'investissement. Les sociétés Diane et Gesdom ont empêché M. [V] d'obtenir l'intégralité de l'avantage fiscal espéré l'année pour laquelle elle avait contracté. Aucune clause ne saurait exonérer ou limiter la responsabilité des sociétés Diane et Gesdom. L'administration n'a pas opéré un revirement soudain de sa jurisprudence, fruit d'une évolution impropre à caractériser un fait exonératoire. Elle n'a pas déchargé les monteurs de leur responsabilité. Il sollicite, au visa de l'ancien
article 1149 du code civil🏛, la réparation intégrale des préjudices qu'il a subis. Les intérêts moratoires doivent courir à compter de l'assignation.
a) Sur la responsabilité de la société Diane
Il résulte des bulletins de souscription conclus le 9 juin 2010 et le 28 septembre 2010 entre M.[Aa] et la Sarl Diane et de la notice d'information l'accompagnant dont le souscripteur reconnaît avoir pris connaissance que la société Diane se présente comme conseiller en investissement financier. Sa mission porte sur la réalisation au profit de l'investisseur des formalités administratives et fiscales devant lui permettre de souscrireà plusieurs SEP. Le mandat est donné à la société Diane pour assurer les prises de contact relatives à la collecte des informations nécessaires au traitement, à l'analyse et au suivi du contrat .
Il est spécifié que chaque SEP devra investir au moins 60 % des sommes collectées dans un matériel situé dans les DOM /TOM. En contrepartie de son investissement, l'investisseur bénéficiera d'un avantage fiscal à l'exclusion de tout autre gain.
Il est précisé que ces investissements seront réalisés conformément aux
articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts🏛 ; que l'investissement devra être réalisé avant le 30 décembre de l'année de la souscription.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les investissements réalisés par M. [Aa] dans le capital des SEP Sunra 054, 055 et 056 et SEP Sunra 133, 134 et 135 ont été conçus et réalisés sur un plan financier, juridique et fiscal, mais également sur un plan opérationnel par la société Diane qui s'est engagée auprès des souscripteurs à assurer le suivi de l'investissement en Outre-Mer à travers différentes sociétés qu'elle a créées, qui sont animées par ses propres dirigeants et chargées de créer sur place l'activité industrielle ouvrant droit à la réduction d'impôt. Le montant des souscriptions s'est élevé à 12 105 euros et 17 982 euros .
La responsabilité de la société Diane est recherchée sur le fondement de l'
article 1147 ancien du code civil🏛.
Le tribunal a jugé que la société à responsabilité limitée Diane avait engagé sa responsabilité contractuelle, au motif que que le sinistre résultant de la commercialisation des produits montés par la société Diane afférents à l'acquisition de centrales photovoltaïques sur l'île de la Réunion pour bénéficier des dispositions de l'
article 199 undecies B du code général des impôts🏛 résidait dans le fait que l'équipement industriel n'était pas productif l'année de l'investissement, en 2010.
La société Diane est intervenue en qualité de monteur de l'opération en défiscalisation . Elle présenté le montage de l'opération de déficalisation en indiquant la condition de réalisation de l'investissement et en s'engageant à réaliser le suivi administratif et fiscal.
Les contrats litigieux ont été souscrits en juin et septembre 2020 . L'
article 199 undecies B du code général des impôts🏛 prévoyait une réduction d'impôt sur le revenu en raison d'investissement productif. A cette période, l'instruction fiscale 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 applicable fixait la date de la réalisation de l'investissement, l'année au cours de laquelle l'immobilisation était créée, achevée ou livrée, au sens de l'
article 1604 du code civil🏛.
La rectification fiscale qui est intervenue le 18 avril 2013 s'est fondée sur de nouvelles conditions pour pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal. L'administration a exigé une exploitation effective et notamment le raccordement des équipements auprès d'EDF, en invoquant une décision du conseil d'Etat, isolée et ne correspondant pas à l'objet du litige
La condition nouvelle ne figurant ni dans le texte de loi, ni dans l'instruction précitée il ne peut être reprochée à la société Diane de ne pas avoir satisfait à ses obligations en 2010.
L'administration se prévaut également dans sa rectification, d'une absence de dépôt des demande de raccordement au 31 décembre 2010.
La société Diane était également en charge du suivi des demandes de raccordement. A ce titre, elle a adressé à l'investisseur une attestation fiscale, le 16 mai 2011, indiquant qu'il bénéficiait d'une réduction fiscales de 13 900 euros . Or, la demande de réduction d'impôt de M. [Ab] a été rejetée.
Le fait dommageable imputable à la société Diane consiste à avoir délivré une attestation fiscale sans s'être assurée du dépôt des demandes de raccordement, avant le 31 décembre 2020 comme elle s'y était engagée. Il ne s'agit pas d'une perte de chance, mais d'un préjudice matériel résultant d'une négligence fautive la conduisant à délivrer une attestation erronée.
L'indemnisation s'inscrira au titre de la police n° 120 137 363 (responsabilité civile professionnelle de la société Diane).
Le plafond de la garantie étant épuisé, aucune nouvelle condamnation ne sera prononcée .
S'il est acquis que la société Diane est inscrite en sa qualité de CIF et qu'elle a souscrit à ce titre la police d'assurance n°112.788.909, encore faut-il démontrer que cette police couvre les fautes commises par la société Diane dans le cadre de l'opération critiquée.
En l'espèce, la société Diane est intervenue en qualité de monteur et réalisateur d'une opération de défiscalisation à caractère industriel ou immobilier outre-mer. Elle n'a pas eu de contact direct avec le souscripteur. La police vise parmi les activités assurée : 'les activités d'ingénierie financière et l'assistance ou l'accompagnement concernant lesdéclarations fiscales'. Mais, d'une part, l'activité de monteur d'une opération de
défiscalisation ne constitue pas nécessairement une activité d'ingénierie financière, telle que mentionnée dans la liste des activités assurées, d'autre part, le contrat précise que ne sont assurées que les activités qui se rattachent à une activité de conseil en investissements financiers, démarcheur bancaire et financier, intermédiaire en opérations de banque. Ce qui écarte l'application de la garantie au cas présent.
La société appelante n'est donc tenue à aucune garantie dans le cadre de la police CNCIF n° 112 788 909.
b) Sur la responsabilité de la société Gesdom
Considérant que M. [Aa] a été mis en relation avec la société Diane parl'entremise de son conseil en investissement financier ;
La société Gesdom , mentionnée comme société de promotion,est intervenue dans le cadre de la commercialisation du produit mais, à la différence de lasociété Diane, n'a pas été signataire de documents contractuels avec M. [Aa] . Elle n'a pas été en charge de la gestion ni du suivi du montage . Postérieurement à la souscription, la société Gesdom n'avait pas à contrôler les conditions d'éligibilité du produit. Elle est étrangère au défaut de raccordement des centrales au 31 décembre 2010, circonstance dont il a été ci dessus rappelé qu'elle se trouvait à l'origine de rejet par l'administration de la réduction d'impôt. Linvestisseur ne prouve pas en quoi la société Gesdom aurait manqué à son obligation de s'assurer de la solidité juridique du montage.
La responsabilité civile de la société Gesdom n'est dés lors pas engagée;
c) Sur le préjudice
En l'absence d'aléa le préjudice subi par M. [Aa] porte sur la perte de l'intégralité des sommes investies soit 30 087 euros (12 105+ 17982) .
Les majorations et intérêts de retard constituent la contrepartie du paiement différé de l'impôt
La demande au titre du préjudice immatériel doit être rejetée puisqu'elle se rattache au paiement de ses impôts par le contribuable qui ne constitue pas un préjudice.
d) Sur les limitations de garanties
Sur le fondement de l'action directe prévue par l'
article L.124-3 du code des assurances🏛, M. [Ab] est fondé à solliciter la condamnation des assureurs de la société Diane à lui verser les sommes dues par cette dernière. Pour les motifs ci- dessus développés l'indemnisation s'inscrira au titre de la police n° 120 137 363 (responsabilité civile professionnelle de la société Diane).
L'
article L. 124-1-1 du code des assurances🏛 dispose que « constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du
dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.
En l'état du droit positif le fait générateur doit s'entendre, non des circonstances de temps et de lieu propres à chaque réclamation, mais de la cause technique qui est commune.
Les différentes réclamations formées à l'encontre de la responsabilité de la société Diane ont la même cause, à savoir de ne pas s'être assurée de l'éligibilité de son produit au dispositif Girardin et plus précisément de la condition du raccordement au réseau EDF.
Il y a lieu par conséquent de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont retenu une globalisation en application de l'
article L. 124-1-1 du code des assurances🏛.
La police de l'assurance responsabilité civile de la société Diane n°120.137.363 s'applique au litige. S'agissant du plafond de garantie, il résulte de la clause prévue au contrat que le plafond de garantie de 1 250 000 euros est celui en vigueur au jour de la première réclamation et qu'il ne s'applique qu'aux sinistres constituant une succession d'événements trouvant leur origine dans la même cause. Cette plafond est applicable à l'ensemble des sinistres et n'est pas appréciée année par année .
La franchise de 20 000 euros reste à la charge de la société Diane.
La demande de séquestre ne pourra prospérer compte-tenu de l'état d'ancienneté du litige et de son avancée.
En l'espèce, le plafond de 1 250 000 euros est opposable aux tiers lésés et donc Ac M. [V].
La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes.
Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure ne permettent de caractériser à l'encontre des sociétés MMA Iard une faute de nature à dégénérer en abus le droit de se défendre en justice. Il n'est pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par M. [Ab] .
Les sociétés MMA Iard, parties perdantes, au sens de l'
article 696 du code de procédure civile🏛, seront tenues de supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
la cour
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
INFIRME le jugement déféré uniquement sur le montant de la somme allouée ;
Statuant de nouveau de ce chef:
FIXE la créance de M. [F] [Aa] à la somme de 30 087 euros au titre du sinistre afférent à l'investissement de 2010, en application du contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle numéro 120.137.363 souscrit par la société Diane,
CONSTATE que le plafond de la garantie est épuisé.
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE in solidum les sociétés MMA Iard Sa et MMA Iard Assurances Mutuelles
à payer à M. [F] [Aa] une somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
CONDAMNE in solidum les sociétés MMA Iard Sa et MMA Iard Assurances Mutuelles
aux dépens ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S.MOLLÉ E.LOOS