Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 26 JUIN 2013
(n°, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 11/14906
Décision déférée à la Cour Jugement du 18 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 10/04909
APPELANT
Monsieur Marc Z
LEVALLOIS PERRET
représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque L0044, avocat postulant
assisté de Me Israël BOUTBOUL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque BOB184, substitué par Me Pierre BLANCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque G 27, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur Adel Y Y
SAINT-OUEN
représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B1055, avocat postulant
assisté de Me Mustapha KALAA du Cabinet KALAA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque BOB 50, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseillère
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Mme Alexia LUBRANO
ARRÊT
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 8 mars 2006, M. Marc Z est titulaire de sous- baux commerciaux portant sur deux stands 6A d'une part et 21 B d'autre part situés à Saint Ouen, 53 rue Jules ... consentis par la société de Gestion du Marché Malik pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2000, renouvelés à compter du 1er octobre 2009 dans la limite du bail principal renouvelé à effet du 1er janvier 2005, pour y exploiter un commerce de brocante, friperie, prêt à porter et ses dérivés, articles de Paris, de mode et de collectionneurs.
M. Marc Z a donné ces deux stands en sous location à M. Adel Ben Y pour une durée de douze mois à compter du 1er avril 2006, suivant convention renouvelable par tacite reconduction de plein droit par périodes de douze mois, moyennant un sous loyer mensuel de 1 140 euros charges incluses ;
Par acte du 28 décembre 2009, M. Z a donné congé des lieux loués à M. ... à effet du 31 mars 2010 en lui refusant tout droit à une indemnité d'éviction, lui faisant sommation de fournir la preuve de l'établissement d'un contrat d'assurance multi-risques professionnelles pour les stands donnés en sous location et de justifier de la réalisation de travaux de remise en état de l'installation électrique.
Par acte du 24 mars 2010, M. Ben Y a fait assigner M. Z en contestation de la validité du congé du 28 décembre 2009 et afin de faire constater que le bail dont il bénéficie est soumis aux dispositions des articles L145-1 et suivants du Code de commerce.
Par jugement du 18 mai 2011, le Tribunal de grande instance de Bobigny a
- dit que la sous-location, régularisée le 8 mars 2006 entre M. Z et M. ... est un bail dérogatoire de courte durée,
- dit que M. Ben Y étant resté en possession, il s'est opéré un nouveau sous-bail soumis au statut, à compter du 1er avril 2007, pour une durée de 9 ans,
- déclaré irrégulier le congé du 28 décembre 2009, à effet du 31 mars 2010,
- débouté M. Z de sa demande de résiliation judiciaire ou de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et des prétentions qui y sont accessoires,
- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts et de leurs réclamations plus amples ou contraires jugées non fondées,
- condamné M. Z aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Marc Z a relevé appel de ce jugement rendu et par ses dernières conclusions en date du 15 avril 2013, demande à la Cour de
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Qualifier le contrat de sous-location conclu le 8 mars 2006 entre M. Z et M. Ben Y de convention d'occupation précaire,
Constater la validité du congé délivré le 28 décembre 2009, à effet du 1er avril 2010, à Monsieur Ben Y,
Ordonner l'expulsion de M. Ben Y des lieux loués ainsi que de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin est,
Fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 150 euros par jour à compter du 1er avril 2010,
Condamner en conséquence, M. Ben Y au paiement ladite indemnité d'occupation, jusqu'à parfaite libération des lieux,
Dire qu'elle sera indexée,
Subsidiairement,
Constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de sous- location du 8 mars 2006, avec de toutes conséquences de droit,
Très subsidiairement,
Prononcer la résolution judiciaire du contrat de sous-location conclu le 8 mars 2006,
A titre infiniment subsidiaire,
Fixer le montant de la contrepartie financière de M. Ben Y pour l'occupation des locaux à compter du 1er avril 2010, à la somme de 150 euros par jours soit 54.750 euros HT annuels et 4.562,50 euros HT mensuels, indexée sur l'indice du coût de la construction (indice de référence, 1er trimestre 2010, soit 1508),
En tout état de cause,
Débouter M. Ben Y de ses moyens et prétentions,
Condamner M. Ben Y à payer à Monsieur Z la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusives,
Assortir les condamnations de l'intérêt légal,
Dire et juger que le dépôt de garantie, soit la somme de 2.280 euros, restera acquis au bailleur à titre d'indemnité,
Condamner M. Ben Y à payer à M. Z la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner M. Ben Y aux entiers dépens, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
M. Ben Y par ses dernières conclusions en date du 24 avril 2013, demande à la Cour de
Confirmer le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamner M. Z au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
M. Z soutient que les parties sont liées par une convention d'occupation précaire, caractérisée par son caractère provisoire de sorte que "l'occupant commerçant ne peut espérer créer et exploiter dans les lieux un fonds de commerce, lequel se caractérise par la permanence et la stabilité de son installation", que la fixation d'un terme n'exclut pas le caractère précaire, que les parties sont convenues d'un commun accord que la convention était consentie pour une durée de 12 mois renouvelable tacitement, qu'il s'agit d'une très courte durée couramment incluse dans les conventions d'occupation précaire, que la faculté donnée à chacune des parties de mettre un terme à la convention à l'issue de chaque période d'un an constitue le caractère précaire dudit contrat, sans que l'exigence d'un congé ne puisse remettre en cause cette précarité, que M. Ben Y n'a jamais revendiqué à son profit antérieurement au congé le bénéfice du statut des baux commerciaux, que pour qualifier la convention d'occupation précaire, la jurisprudence examine la volonté des parties et les circonstances qui les conduisent à exclure le statut de bail commercial, qu'en l'espèce, M. Z a toujours sous entendu se réserver la possibilité de reprendre l'emplacement, que le statut des baux commerciaux suppose en outre la jouissance d'un local stable et permanent, disposant d'une clientèle personnelle et régulière et jouissant d'une autonomie de gestion, que de simples emplacements sur un marché ou dans un grand magasin dont l'implantation et la superficie sont laissés à la discrétion du propriétaire constituent des installations précaires ne donnant pas lieu à autonomie de gestion, que le stand ne dispose pas de fondation, que M. Ben Y n'a aucune autonomie de gestion, les jours et heures d'ouverture étant réglementés par le bailleur, la société de gestion du marché, qu'il ne dispose que de la clientèle propre au marché Malik, que le statut des baux commerciaux n'est pas applicable en l'espèce, que la convention précaire prend fin d'elle-même par la survenance du terme expressément prévu ou après notification d'une mise en demeure de déguerpir et ce sans que l'occupant ne puisse se prévaloir d'un droit au maintien dans les lieux ou d'un renouvellement, que conformément aux termes de la convention de sous-location, il a été délivrée à M. Ben Y un congé par huissier de justice en date du 28 décembre 2009, soit plus de trois mois avant l'arrivée du terme, que ce congé est valable, qu'en tout état de cause, le contrat conclu le 8 mars 2006 doit être résolu en raison des manquements répétés de M. Ben Y à ses obligations contractuelles, de mettre l'installation électrique en conformité et de payer le loyer indexé.
Or la convention d'occupation précaire se caractérise, quelque soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières, et dont le terme est ainsi marqué par d'autres causes que la volonté des parties ;
En ce qu'il a constaté que la convention passée entre M. Z et M. Ben Y, qualifiée de sous location, ne mentionne aucune circonstance particulière ni aucune cause indépendante de la volonté des parties susceptibles de mettre fin à la convention, M. Z reconnaissant que son intention est de reprendre la disposition des locaux, le tribunal qui en a déduit que les parties n'avaient pas entendu conclure une convention d'occupation précaire, a procédé à une juste appréciation des éléments de la cause en qualifiant la convention de courte durée susceptible, en cas de maintien du preneur dans les lieux au delà du terme convenu, de se trouver soumise aux dispositions du statut des baux commerciaux ;
Le fait pour M. Ben Y de disposer d'un stand, fut-il sans fondation, dont l'emplacement est identifié et délimité au sein de l'ensemble immobilier du marché Malik et non soumis à l'aléas permanent du changement d'emplacement par le gestionnaire du marché, n'exclut pas l'application du statut des baux commerciaux, peu important par ailleurs l'existence d'un 'règlement de marché' définissant, outre les horaires d'ouverture et de fermeture des stands, un ensemble de règles qui ne sont destinées qu'à permettre le bon fonctionnement de l'ensemble commercial ;
M. Ben Y est par ailleurs inscrit au registre du commerce et des sociétés avec l'indication de la création depuis le 1er août 2004 d'un fonds de commerce de vente de tous produits non réglementés, et notamment d'articles de sport, prêt à porter, accessoires de mode, objets de décoration, chaussures ;
M. Z n'opère à cet égard aucune démonstration de ce que M. Ben Y ne disposerait cependant d'aucune clientèle propre, autre que celle du marché Malik, alors qu'aucune clientèle n'est attachée au marché Malik proprement dit, qui se compose d'autant de commerces indépendants les uns des autres, ayant leur autonomie et leur clientèle.
Enfin, il doit être relevé que la convention qui lie M. Z à la société de gestion du marché Malik est elle-même qualifiée de bail commercial et que les parties en cause, dans la convention qui les lie, ont fait renvoi au bail dont le preneur déclare avoir eu connaissance pour toutes les clauses non exprimées.
Il convient en conséquence, de confirmer le jugement déféré et de dire qu'à l'issue de la convention de courte durée et à compter du 1er avril 2007, aucune partie ne contestant sérieusement ce point de départ, M. Ben Y a bénéficié d'un bail soumis au statut des baux commerciaux dans la limite, concernant la durée, du propre sous bail renouvelé dont M. Z est lui-même titulaire à compter du 1er octobre 2009 pour la durée du bail principal renouvelé à effet du 1er janvier 2005, et que le congé délivré par M. Z à M. Ben Y le 28 décembre 2009 à effet du 31 mars 2010 est nul et de nul effet.
Sur la résiliation du bail
M. Z fait reproche à M. Ben Y de ne pas avoir payé les loyers indexés pendant plus de trois ans, ce qui constitue un manquement à ses obligations contractuelles justifiant l'acquisition de la clause résolutoire ou le prononcé de la résiliation du bail, et de ne pas justifier avoir mis l'installation électrique en conformité avec les normes requises par une entreprise ayant pignon sur rue, refusant l'accès aux locaux pour en constater la réalisation ;
Il convient de relever que M. Z n'ayant délivré aucun commandement contenant rappel de la clause résolutoire pour avoir paiement des loyers, il ne peut demander que la résiliation judiciaire du bail.
Le bail liant les parties contient une clause d'indexation annuelle du loyer, le 1er avril de chaque année, en fonction de la variation à la hausse de l'indice insee du coût de la construction ; c'est donc au vu de ces dispositions contractuelles dont la validité n'est pas critiquée que M. Z a réclamé le loyer ainsi indexé, réglé avec retard par le preneur qui affirme être aujourd'hui à jour de ses loyers en ayant effectué le règlement du rappel d'indexation en janvier 2011, ce qui n'est pas sérieusement contesté.
S'agissant des travaux de mise en conformité de l'installation électrique qui sont en principe à la charge du bailleur, et que celui-ci n'a d'ailleurs pas refusé de régler sous réserve de la justification d'une facture en bonne et due forme, M. Ben Y qui n'en réclame pas le remboursement, ne produisant aux débats aucune facture concernant la réalisation desdits travaux, verse néanmoins une attestation émanant d'un cabinet Verdict sise à Romainville 93 230, se présentant comme spécialisé en diagnostics immobiliers et qui a attesté le 15 juillet 2010 que l'installation électrique des stands 6A et 21B est conforme.
Bien que ne soit pas jointe à l'attestation de la société Verdict l'habilitation dont elle doit en principe bénéficier pour établir des diagnostics immobiliers, M. Z qui ne conteste cependant pas la portée de cette attestation échoue à démontrer l'existence de motifs graves et légitimes de nature à entraîner la résiliation du bail.
Sur les autres demandes
M. Z sera débouté de sa demande subsidiaire en paiement d'un nouveau loyer du bail renouvelé alors qu'il ne justifie pas être dans le cadre d'un renouvellement du bail, lequel a pris effet le 1er avril 2007 ;
M. Ben Y qui a formé en première instance une demande de dommages intérêts pour le du harcèlement dont il se dit victime de la part de M. Z pour l'obliger à quitter les lieux, en a été débouté par les premiers juges et il ne forme dans le dispositif de ses conclusions qui énonce ses prétentions, aucun appel incident, sollicitant la confirmation pure et simple du jugement.
M. Z qui succombe en son recours supportera les entiers dépens et sera débouté de sa demande en dommages intérêts pour résistance et procédure abusives. Il paiera à M. Ben Y une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute M. Z de toutes ses demandes,
Condamne M. Z aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et le condamne à payer à M. Ben Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE