TA Marseille, du 21-09-2022, n° 2006290
A50418LB
Référence
Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 août 2020 et 26 mai 2022, Mme D F, représentée par Me Pelgrin, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 16 juin 2020 par laquelle le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont elle a été victime le 24 janvier 2020 ;
2°) d'enjoindre au maire de la commune de Marseille de réexaminer sa situation à compter de la notification du jugement ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
- la commission départementale de réforme n'a pas été régulièrement consultée dès lors qu'elle ne comprenait pas de médecin spécialiste en psychiatrie ;
- le médecin du service de médecine préventive n'a pas été informé de la séance de la commission du 11 juin 2020 et n'a pas remis de rapport écrit ;
- la décision repose sur des motifs erronés dès lors qu'elle satisfait aux critères d'imputabilité au service de son accident du 24 janvier 2020 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa pathologie est en lien direct avec l'altercation qu'elle a subie le 24 janvier 2020 ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que ses troubles ont été contractés dans l'exercice de ses fonctions.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2022, la commune de Marseille conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017🏛 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, rapporteure,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- les observations de Me Pelgrin, représentant Mme F.
1. Mme D F, rédactrice principale de 2ème classe, qui occupait les fonctions de responsable du service de l'état civil de la mairie des 4ème et 5ème arrondissements de Marseille, a été victime, le 24 janvier 2020, à la suite d'une altercation avec une collaboratrice, d'un malaise vagal ayant entraîné sa chute au sol. La commission départementale de réforme a émis le 11 juin 2020 un avis défavorable à l'imputabilité au service de ce malaise. Par une décision du 16 juin 2020 dont Mme F demande l'annulation au tribunal, le maire de la commune de Marseille a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 24 janvier 2020.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 1er avril 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la commune le 1er mai 2019, M. B E, directeur général adjoint des ressources humaines, a reçu délégation du maire de la commune de Marseille à l'effet de signer notamment les arrêtés relatifs à la situation des agents placés en congé pour accident de service ou maladie professionnelle, et en congé de maladie. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, M. E était compétent pour prendre la décision contestée du 16 juin 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
3. En deuxième lieu, si l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004🏛 relatif aux commissions de réforme des agents publics de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière prévoit que la commission de réforme comprend, notamment, deux praticiens de médecine générale auxquels est adjoint, s'il y a lieu, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes, il ne ressort pas des éléments du dossier que le malaise vagal dont Mme F a été victime le 24 janvier 2020, qui ne peut être relié à des difficultés psychiatriques au seul motif de l'existence d'un contexte de stress par ailleurs non établi, requérait nécessairement, pour l'examen de l'imputabilité au service de ce malaise, le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie pour éclairer la commission de réforme. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation de la commission de réforme en l'absence d'un médecin spécialiste doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable à la présente espèce : " Le médecin du service de médecine préventive prévu à l'article 108-2 de la loi du 26 janvier 1984🏛 susvisée compétent à l'égard du fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir s'il le demande communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 24, 33 et 37-7 () ".
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. S'il n'est pas établi en l'espèce que le médecin du service de médecine préventive aurait été effectivement informé de la réunion de la commission départementale de réforme du 11 juin 2020, Mme F n'a, en tout état de cause, été privée d'aucune garantie dès lors que, d'une part, il n'est pas contesté que la commission s'est prononcée au regard du dossier médical de l'intéressée, et que, d'autre part, le médecin de prévention n'était pas tenu de remettre un rapport écrit avant l'examen par la commission de l'imputabilité au service de son accident. En outre, il ne ressort d'aucun élément du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, nonobstant le contexte professionnel conflictuel allégué, ce défaut d'information aurait pu être de nature à exercer une influence sur le sens de la décision attaquée.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, dès lors que les arrêts de travail de Mme F sont postérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017, désormais codifié à l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, (). / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (). II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. () ".
8. Pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, constitue un accident de service. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant les relations normales de collaboration, un entretien entre deux agents ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'un d'eux.
9. D'une part, si la requérante fait état dans ses écritures d'une " violente altercation " qui l'aurait opposée à Mme A C le 24 janvier 2020, il ne ressort ni des termes de sa demande d'imputabilité du 29 janvier 2020, selon lesquels sa collaboratrice l'aurait prise à partie en haussant le ton envers elle lors de cet entretien, ni d'aucune autre pièce du dossier, notamment l'attestation de témoignage du 27 janvier 2020 d'une collègue de travail ou celle d'un syndicat, antérieure à l'évènement en cause, que le comportement ou les propos de Mme A C auraient excédé les relations normales entre un agent et un représentant de la hiérarchie. En particulier, il n'est pas établi que Mme A C aurait proféré des injures ou des insultes ou aurait exercé des violences physiques ou morales à l'encontre de la requérante. Si Mme F soutient que son malaise s'inscrit dans un contexte de relations conflictuelles avec sa hiérarchie et certains agents du service, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation des faits survenus le 24 janvier 2020, de même que la mention, dans son compte-rendu d'entretien professionnel de mai 2021 pour l'année 2020, qu'elle se serait trouvée en situation d'accident de travail. Dans ces conditions, et alors que la commission de réforme a émis à l'unanimité le 11 juin 2020 un avis défavorable concernant l'imputabilité au service de l'accident en raison de l'absence de lien avec l'exercice de l'activité professionnelle, l'entretien du 24 janvier 2020 ne saurait être regardé comme constitutif d'un accident de service au sens des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983🏛.
10. D'autre part, si la requérante fait valoir que la " pathologie " dont elle souffre, qui serait de nature dépressive, doit être reconnue comme une maladie imputable au service, il ne ressort pas, en tout état de cause, des pièces du dossier, en particulier de la demande formée le 29 janvier 2020, que l'intéressée aurait adressé à l'autorité territoriale une demande d'imputabilité au service d'une maladie professionnelle. Dès lors, c'est à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation que le maire de la commune de Marseille a, par la décision attaquée du 16 juin 2020 qui ne repose pas sur des motifs erronés et qui est au surplus suffisamment motivée, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident allégué de Mme F du 24 janvier 2020.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du maire de la commune de Marseille du 16 juin 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 ne peuvent qu'être rejetées.
Article 1er : La requête de Mme F est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme D F et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Hameline, présidente,
Mme Felmy, première conseillère,
Mme Gaspard-Truc, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022.
La rapporteure,
signé
E. Felmy
La présidente,
signé
M.-L. Hameline
La greffière,
signé
B. Marquet
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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