Jurisprudence : CA Douai, 08-09-2022, n° 21/00422, Infirmation


République Française

Au nom du Peuple Français


COUR D'APPEL DE DOUAI


CHAMBRE 2 SECTION 1


ARRÊT DU 08/09/2022


****


N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/00422 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMX3


Jugement n°18/01211 rendu le 17 décembre 2020 par le tribunal de grande instance de Douai



APPELANTES


Gan Assurances, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 5]

représentée par Me Marjorie Thuilliez, avocat au barreau d'Arras


Syndicat des Copropriétaires de la Résidence '[Adresse 8]', prise en la personne de son représentant légal en exercice, valablement domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]


représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai


INTIMÉS


Madame [Aab] [D]

née le … … … - décédée le 09 mars 2020


Madame [Ab] [D]

née le … … … à [Localité 7], de nationalité française

demeurant [… …]


Monsieur [Ab] [D]

né le … … … à [Localité 7], de nationalité française

demeurant [… …]


Madame [H] [V] épouAbe [D]

née le … … … à [Localité 9], de … …

… [… …]

[Adresse 4]


représentés par Me David Lacroix, avocat au barreau de Douai


SAS Bourgeois Sylvain, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

ayant son siège social [Adresse 6]

représentée par Me Fabien Chapon, substitué à l'audience par Me Marine Boen, avocats au barreau de Douai


DÉBATS à l'audience publique du 04 mai 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile🏛).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Dominique Gilles, président

Pauline Mimiague, conseiller


ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 après prorogation du délibéré initialement prévu le 07 juillet 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 avril 2022


****


Les consorts [Ab] ayant loué à titre commercial à la SAS Bourgeois Sylvain un local en sous-sol situé dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété, situé dans la [Adresse 8], le locataire a subi, le 30 mai 2016, un dégât des eaux moins d'un mois après son entrée dans les lieux, du fait de la panne d'une pompe de relevage et des précipitations abondantes qui ont fait déborder un puisard donnant dans le local. Le locataire a assigné en responsabilité les consorts [Ab], le syndicat des copropriétaires de la Résidence le Deux Tours et la société Gan Assurances, assureur du syndicat.


C'est dans ces conditions que par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Douai a':

- condamné solidairement M. [Ac] [Ab], Mme [H] [V] veuve [Ab], Mmes [P] et [O] [Ab] à payer 10'000'euros à la SAS Bourgeois Sylvain au titre du préjudice d'exploitation';

- condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence les 2 tours à payer 30'000'euros à la SAS Bourgeois Sylvain';

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 2'120,80 euros aux consorts [Ab], au titre du remplacement de la pompe de relevage';

- rejeté le surplus des demandes';

- condamné solidairement les consorts [Ab] à payer 400 euros à la SAS Bourgeois Sylvain, au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- condamné le syndicat des copropriétaires à payer 1'600 euros à la SAS Bourgeois Sylvain au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- débouté la société Gan Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛';

- condamné les consorts [Ab] et le syndicat des copropriétaires aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 19 janvier 2021, la société Gan Assurances et le syndicat des copropriétaires ont interjeté appel de ce jugement.


Par dernières conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 29 mars 2022, la société Gan Assurances demande à la Cour de':

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il retient un partage de responsabilité entre le syndicat et les bailleurs';

- dire que seuls les bailleurs sont responsables de la défectuosité de la pompe de relevage à l'origine du dégât des eaux, pour en être propriétaires ;

- dire qu'ils ont contribué à la réalisation du sinistre par leur défaut de surveillance et d'entretien de la pompe de relevage';

- dire qu'elle oppose valablement au syndicat une clause d'exclusion de garantie';

- dire que la société Bourgeois ne démontre pas la matérialité et les montants des préjudices qu'elle invoque';

- débouter la société Bourgeois et le syndicat des demandes dirigées contre elle';

- condamner la société Bourgeois, les consorts [Ab] et le syndicat des copropriétaires à lui payer 1'000'euros au titre de l'article 700 code de procédure civile🏛, dépens en sus.

'

Par dernières conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 05 avril 2022, la SAS Bourgeois Sylvain prie la Cour, au visa des articles 14 de la loi du 10 juillet 1965🏛, 1719 du code civil, 1240 et 1241 du code civil, de':

- à titre principal, réformer le jugement entrepris sur le seul montant des préjudices qu'elle a subis';

- condamner solidairement les consorts [Ab] et le syndicat des copropriétaires à lui payer':

. 3'000'euros au titre du trouble de jouissance';

. 62'853 euros au titre du préjudice d'exploitation';

- dire que la société Gan Assurances devra garantir le syndicat des copropriétaires';

- condamner solidairement les mêmes à lui payer 4'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en appel, dépens en sus';

- à titre subsidiaire':

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

- condamner solidairement les mêmes à lui payer 4'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 en appel, dépens en sus';

- à titre plus subsidiaire':

- condamner l'une des parties à défaut de l'autre à réparer son entier préjudice';

- dire que la société Gan Assurances devra garantir le syndicat des copropriétaires';

- condamner l'une des parties à défaut de l'autre aux entiers dépens d'appel et au paiement de 4'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

'

Par dernières conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 05 avril 2022, Mme [P] [Ab], M. [Z] [Ab] et Mme [H] [Ab] demandent à la Cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le syndicat des copropriétaires à leur payer 2'120,80 euros «'sauf à dire que cette condamnation sera prononcée au profit des seuls concluants, du fait du décès Abe [O] [D]';

- réformer pour le surplus';

- débouter la société Bourgeois Sylvain, le syndicat des copropriétaires et la société Gan Assurances de leurs demandes';

- condamner la société Bourgeois Sylvain à leur payer 5'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, dépens en sus.

'

Par dernières conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 20 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires de la Résidence des deux tours demande à la Cour de':

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

- statuant à nouveau':

- rejeter les demandes de la société Bourgeois Sylvain';

- subsidiairement':

- dire que seuls les consorts [Ab] engagent leur responsabilité à l'égard de cette société';

- plus subsidiairement':

- condamner les consorts [Ab] à le garantir de toute condamnation';

- plus subsidiairement':

- rejeter la demande de mise hors de cause de l'assureur';

- en tout état de cause':

- rejeter les appels incidents des consorts [Ab], de la société Bourgeois Sylvain et de l'assureur en ce qu'ils lui sont contraires';

- condamner in solidum la société Bourgeois Sylvain, les consorts [Ab] et la société Gan Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel et lui allouer 10'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛.

'

L'ordonnance de clôture est du 6 avril 2022.



SUR CE,

LA COUR


En droit, dès lors que les premiers juges ont retenu que le syndicat des copropriétaires et le bailleur avaient contribué au dommage, ils ne pouvaient procéder à un partage de responsabilité avant d'examiner les recours entre co-responsables et devaient condamner in solidum les co-responsables à réparer l'entier dommage subi par la victime, sauf à manquer au principe de réparation intégrale du préjudice.


Le jugement entrepris sera donc nécessairement réformé en ce qu'il a ordonné un tel partage de responsabilité.


A l'appui de son appel, l'assureur soutient que's'il n'est pas contesté que la pompe de relevage peut faire partie des parties des équipements communs de la copropriété, il n'en demeure pas moins que nul courrier n'est versé aux débats qui aurait dénoncé au syndic le dysfonctionnement de la pompe et que cet équipement retient également les eaux d'une partie privative, savoir le local commercial objet du litige,'tandis que le syndicat n'a jamais été informé de l'existence de cette pompe dont les propriétaires sont les bailleurs.


Le principe de responsabilité du syndicat des copropriétaires à l'égard du locataire lorsque le dommage a son origine dans un équipement commun résulte tant de la loi du 10 juillet 1965 en son article 14 que de la responsabilité délictuelle de droit commun, dès lors que le locataire est un tiers par rapport au syndicat et que le manquement contractuel de ce dernier est une faute délictuelle à l'égard de ce tiers.


Si la responsabilité du syndicat des copropriétaires, en vertu de l'article 14 précité, est sans faute prouvée, il n'en demeure pas moins que ce syndicat peut s'exonérer en démontrant que le dommage est survenu en vertu d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable et qui ne doit pas pour autant revêtir les caractères de la force majeure.


En l'espèce, il est établi que le dommage subi par la société Bourgeois Sylvain a pour cause le dysfonctionnement d'une pompe de relevage que les bailleurs, eux-mêmes copropriétaires, ne considéraient pas comme un équipement commun, ce qui est démontré par le fait qu'ils ont entrepris de la faire changer avant le sinistre sans même en aviser le syndic et ce qu'ils ont expressément reconnu. La Cour considère comme établi que le syndicat des copropriétaires n'a pas eu connaissance de l'existence de cette pompe de relevage qui, bien que située sur une installation collective d'évacuation des eaux pluviales, recueille spécifiquement les eaux de la descente d'escalier d'accès au local commercial, les eaux usées du local commercial et qui a été installée par la seule initiative des propriétaires de cette partie privative et pour les besoins de son exploitation à usage commercial, sans que le syndicat ne soit jamais mis en situation de pouvoir assurer une obligation d'entretien. La destination commerciale des lieux loués, qui impose des précautions particulières pour la mise hors d'eau en toute circonstance d'un local en sous-sol situé à proximité d'un puisard, ne résulte d'ailleurs pas de la désignation des lieux en tant que lot de copropriété telle qu'elle est reprise au bail commercial. Il s'ensuit que le syndicat des copropriétaires doit être exonéré de toute responsabilité concernant les dommages subis par la société Bourgeois Sylvain.


S'agissant de la responsabilité des bailleurs à l'égard de leur locataire, si ceux-ci admettent que le dysfonctionnement de la pompe de relevage provient d'un défaut d'entretien, pour en imputer la responsabilité au syndicat des copropriétaires - ce qui n'a pas été retenu ainsi qu'il a déjà été dit-, la société Bourgeois Sylvain demande indemnisation à ses bailleurs des conséquences dommageables de la panne ayant affecté la pompe de relevage. Toutefois, la lecture de ses conclusions récapitulatives indique qu'elle invoque uniquement le moyen pris de la responsabilité délictuelle. En effet, elle écrit':'«'Si le tribunal judiciaire de Douai a estimé que les dispositions de l'article 1719 du code civil🏛 ne pouvaient être invoquées en l'espèce au regard des stipulations du bail qui conduisaient à en restreindre l'application, il n'en reste pas moins que la responsabilité des bailleurs doit être engagée au regard des éléments qui précèdent et contrairement à ce que soutiennent les consorts [Ab] dans le cadre de leur appel incident. Le tribunal judiciaire a en effet fait application des dispositions de l'article 1241 du code civil🏛 au regard de la faute commise par le bailleur et a bel et bien estimé que ceux-ci étaient responsables du préjudice subi par la concluante. La Cour confirmera le jugement sur ce point.'» Or, il est constant que les premiers juges, après avoir écarté la responsabilité contractuelle des bailleurs ont retenu leur responsabilité à l'égard du locataire pour la faute ayant consisté à ne pas avoir dit au syndicat des copropriétaires que la pompe de relevage était défaillante et pour ne pas lui avoir permis d'exercer son obligation d'entretien. Or, une telle faute ne peut être retenue compte tenu de ce qui a déjà été indiqué des conditions d'installation de la pompe de relevage et dès lors, en outre, que les obligations du bailleur à l'égard du locataire concernant la mise à disposition de locaux conformes à la destination contractuelle résultent du bail et ne peuvent s'analyser comme une faute délictuelle en vertu du principe de non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle. '

La responsabilité des bailleurs à l'égard du locataire ne peut donc pas être retenue dans le cadre de la présente instance.


Le sens de cet arrêt conduit également à débouter les bailleurs de leur demande en paiement de la pompe de relevage dirigée contre le syndicat des copropriétaires, dès lors que cet équipement, bien qu'il soit placé sur une partie commune, l'a été par des copropriétaires pour l'usage de leur partie privative et sans l'autorisation du syndicat.

Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris sera entièrement réformé.


En équité, seule la société Bourgeois Sylvain devra payer au seul syndicat des copropriétaires une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.


La société Bourgeois Sylvain sera condamnée aux entiers dépens.

'

PAR CES MOTIFS


La cour,


Réforme le jugement entrepris ;


Déboute la société Bourgeois Sylvain de ses demandes contre le syndicat des copropriétaires ;


Déboute la société Bourgeois Sylvain de ses demandes contre les consorts [Ab] ;


Déboute les consorts [Ab] de leurs demandes contre le syndicat des copropriétaires ;


Déboute les parties de leurs demandes contre la société Gan Assurances ;


Condamne la société Bourgeois Sylvain au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 à payer 2'000 euros au syndicat des copropriétaires ;


Déboute du surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


Condamne la société Bourgeois Sylvain aux dépens de première instance et d'appel ;


Rejette toute demande plus ample ou contraire. ''


'

Le greffierLe président


Valérie RoelofsDominique Gilles

'

'

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