TA Nantes, du 19-07-2022, n° 1902690
A38768CK
Référence
Par une requête enregistrée le 14 mars 2019 M. C A doit être regardé comme demandant au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 10 décembre 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région des Pays de la Loire a refusé de l'autoriser à télétravailler un jour par semaine non fixé à l'avance à compter de l'année 2019 ;
2°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation et de le rétablir dans ses droits à télétravailler.
Il soutient que :
- la décision attaquée est illégale, dès lors que l'arrêté du 3 avril 2018 portant application, dans les services déconcentrés du ministère du travail, des dispositions du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, prévoit la possibilité d'une mensualisation des jours de télétravail ;
- c'est à tort que l'administration lui a opposé la circonstance qu'il n'exerçait pas des fonctions d'encadrement, la possibilité d'un télétravail mensualisé par jour flottant étant prévue sans distinction de grade ni de fonctions par l'instruction du 4 mai 2018 du ministre de l'économie et des finances et de la ministre du travail, relative aux modalités d'organisation du télétravail dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et dans les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.
Une mise en demeure a été adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire le 15 février 2022.
Par un courrier du 7 juin 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision refusant d'autoriser M. A à télétravailler un jour par semaine non fixé à l'avance à compter de l'année 2019, constitutive d'une mesure d'organisation du service insusceptible de porter atteinte aux droits statutaires du requérant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- l'arrêté du 3 avril 2018 portant application dans les services déconcentrés du ministère du travail des dispositions du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- les conclusions de M. Jégard, rapporteur public,
- et les observations de M. A.
1. M. A, inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays de la Loire, devenue depuis lors la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), a demandé, le 15 octobre 2018, l'autorisation de télétravailler un jour par semaine non fixé à l'avance à compter de l'année 2019. Par une décision du 10 décembre 2018, le directeur régional de la DIRECCTE des Pays de la Loire a rejeté sa demande. Par une décision du 12 février 2019, le préfet de la région des Pays de la Loire a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision. Par sa requête, M. A demande l'annulation de la décision du directeur régional de la DIRECCTE du 10 décembre 2018.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article 133 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " Les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel qu'il est défini au premier alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail. L'exercice des fonctions en télétravail est accordé à la demande du fonctionnaire et après accord du chef de service. Il peut y être mis fin à tout moment, sous réserve d'un délai de prévenance. Les fonctionnaires télétravailleurs bénéficient des droits prévus par la législation et la réglementation applicables aux agents exerçant leurs fonctions dans les locaux de leur employeur public.
Le présent article est applicable aux agents publics non fonctionnaires et aux magistrats. () ".
3. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, dans sa version applicable : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux de son employeur sont réalisées hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication. Le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou, éventuellement, dans des locaux professionnels distincts de ceux de son employeur public et de son lieu d'affectation. () ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine. Les seuils définis au premier alinéa peuvent s'apprécier sur une base mensuelle. ". Aux termes de son article 5 : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées, notamment les jours de la semaine travaillés sous cette forme ainsi que le ou les lieux d'exercice.
Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées, l'intérêt du service et, lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent, la conformité des installations aux spécifications techniques précisées par l'employeur. () ".
4. Si les dispositions précitées instituent, pour les agents publics, la possibilité d'exercer leurs fonctions pour partie en télétravail, le choix par l'administration de ne pas accorder à un agent des jours mensualisés, donc flottants, de télétravail au lieu de jours fixes, ne porte pas atteinte aux droits que tient cet agent de son statut ou aux prérogatives attachées à ses fonctions, et est par suite constitutif d'une mesure d'organisation du service, insusceptible de recours contentieux.
5. M. A conteste la décision du 10 décembre 2018 en tant qu'elle lui refuse l'autorisation de télétravailler un jour par semaine non fixé à l'avance. Une telle décision constitue, ainsi qu'il a été dit au point 4, une mesure d'organisation du service. Par suite, les conclusions à fin d'annulation du requérant doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent jugement, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions présentées en ce sens par M. A ne peuvent qu'être rejetées.
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au préfet de la région des Pays de la Loire.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Tiger-Winterhalter, présidente,
Mme Frelaut, première conseillère,
Mme Martel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.
La rapporteure,
L. B
La présidente,
N. TIGER-WINTERHALTERLa greffière,
F. ARLAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce que requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière.
Loi, 2012-347, 12-03-2012 Loi, 83-634, 13-07-1983 Loi, 84-16, 11-01-1984 Décret, 2016-151, 11-02-2016 Instruction, 04-05-2018, ministre Article, 3, décret, 11-02-2016 Directeur Services déconcentrés du ministère Mise en demeure Moyen relevé d'office Fonctionnaire Locaux distincts Autorité investie du pouvoir de nomination Prérogatives attachées Mesure d'exécution