Jurisprudence : CA Rennes, 10-06-2022, n° 21/04153, Confirmation

CA Rennes, 10-06-2022, n° 21/04153, Confirmation

A512277T

Référence

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2ème Chambre


ARRÊT N°361


N° RG 21/04153

N° Portalis DBVL-V-B7F-RZ44


M. [G] [U]

Mme [P] [O] épouse [U]


C/


Société LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8]


Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Copie exécutoire délivrée


le :


à :

- Me DRONVAL

- Me RINCAZAUX


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,


GREFFIER :


Madame Aa Ab, lors des débats et lors du prononcé


DÉBATS :


A l'audience publique du 25 Mars 2022,

devant Madame Hélène BARTHE-NARI, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial


ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Juin 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats


***



APPELANTS :


Monsieur [G] [U]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 5]


Madame [P] [O] épouAce [U]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 5]


Représentés par Me Julie DRONVAL de la SELAS LES JURISTES D'ARMORIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT


INTIMÉE :


LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 4]/FRANCE


Représentée par Me Elizabeth RINCAZAUX de la SELARL LE MAGUER-RINCAZAUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT



EXPOSE DU LITIGE


Par acte authentique du 23 mars 2001, la Caisse de crédit mutuel de Lorient Kerentrech-Keryado, devenue Caisse de Crédit mutuel de [Localité 8] (le Crédit mutuel) a consenti à M. [G] [U] et Mme [P] [O] son épouse (les époux [U]), un prêt immobilier d'un montant de 107 888 euros au taux de 3,27 % l'an, remboursable en 268 mensualités de 601,92 euros, assurance emprunteur comprise.


En garantie de sa créance, le Crédit mutuel a inscrit le 21 mai 2001 un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.


Par jugement du 27 mai 2016, le tribunal de commerce de Lorient a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [Ac], puis, par un second jugement du 22 juillet 2016, prononcé sa liquidation judiciaire.



Par jugement du 16 septembre 2016, la liquidation judiciaire a été étendue à Mme [U], et, par jugement du 3 avril 2018, la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actifs.


Entre-temps, suivant commandement du 10 octobre 2016, le Crédit mutuel a fait procéder à la saisie immobilière des biens appartenant aux débiteurs situés [Adresse 6] à [Localité 5] (56), et, sur citation des époux [U] à une audience d'orientation, le juge de l'exécution a, par jugement du 26 octobre 2017, constaté que la créance s'élevait à 70 308,11 euros, en principal, intérêts, frais et accessoires arrêtés au 28 juin 2017, et accordé aux époux [U] un délai d'une année pour s'acquitter de leur dette.


Les époux [Ac] ont alors saisi la commission de surendettement des particuliers du Morbihan qui a déclaré la demande recevable, et, par jugement du 9 octobre 2019, le tribunal d'instance de Lorient a fixé pour les besoins de la procédure de surendettement la créance du Crédit mutuel à la somme de 69 580,15 euros. Néanmoins, les époux [U] ont refusé le plan de surendettement. La procédure a donc pris fin.


A la demande du Crédit mutuel, le juge de l'exécution de Lorient a, par jugement du 8 octobre 2020, constaté la péremption du commandement aux fins de saisie immobilière et ordonné la radiation de l'affaire.


Entre-temps, le 1er juillet 2020, le Crédit mutuel a fait délivrer aux époux [U] un commandement de payer aux fins de saisie-vente, pour obtenir paiement d'une somme de 74 796,88 euros en principal, intérêts et frais.


Contestant la régularité de ce commandement, les époux [U] ont, par acte du 30 juillet 2020, fait assigner le Crédit mutuel devant le juge de l'exécution de Lorient en nullité du commandement, et subsidiairement, aux fins de dire que sa délivrance est privée d'effet, faisant notamment obstacle à la poursuite de la procédure de saisie-vente.


Estimant que sa compétence se limitait, en l'absence d'effet d'indisponibilité de cet acte, aux contestations portant sur sa régularité formelle, le juge de l'exécution a, par jugement du 24 juin 2021 :


débouté les époux [U] de leurs demandes,

condamné les époux [U] à verser au Crédit mutuel la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux dépens.



Les époux [Ac] ont relevé appel de ce jugement le 6 juillet 2021, et aux termes de leurs dernières conclusions du 23 février 2022, ils demandent à la cour de :


infirmer le jugement attaqué,

prononcer la mainlevée des commandements de payer aux fins de saisie-vente qui leur ont délivrés le 1er juillet 2020,

à défaut, dire que les commandements de payer aux fins de saisie-vente qui leur ont délivrés le 1er juillet 2020, sont privés d'effet,

prononcer la nullité de ces commandement aux fins de saisie-vente délivrée le 1er juillet 2020,

débouter le Crédit mutuel de toutes ses demandes,

condamner le Crédit mutuel à leur verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'en tous les dépens.


Aux termes de ses dernières conclusions du 23 novembre 2021, le Crédit mutuel conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué, et sollicite la condamnation des époux [U] au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux entiers dépens.


Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 10 mars 2022.



EXPOSE DES MOTIFS :


Sur les effets tirés du droit de poursuite du créancier :


Le premier juge a considéré qu'en l'absence d'effet d'indisponibilité, sa compétence se limitait aux contestations portant sur la régularité formelle de l'acte de sorte qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les moyens tirés du droit de poursuite du créancier.


Au soutien de leur appel, les époux [Ac] font valoir que le juge de l'exécution, en application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛, est compétent pour statuer sur la régularité des commandements aux fins de saisie-vente, mais également sur tous les moyens de contestation des effets de sa délivrance.


Ils soutiennent que le Crédit mutuel, qui a déclaré sa créance à la procédure collective, laquelle a été admise au passif et n'a pu être réglée totalement, ni même partiellement, est soumis à l'application des dispositions de l'article L. 643-11 du code de commerce🏛, posant le principe d'interdiction de reprise des poursuites contre le débiteur en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, sauf à justifier d'un des cas légaux d'exception à ce principe et sous réserve d'avoir été autorisé par le président du tribunal de commerce, et que, dès lors, une nouvelle procédure de saisie immobilière ne peut en aucun cas être engagée postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, la reprise de toutes actions contre le débiteur étant interdite, que ce soit contre sa personne ou contre ses biens.


Le Crédit mutuel soutient quant à lui que le commandement aux fins de saisie-vente n'est pas un acte d'exécution, et qu'il ne saurait être déclaré nul ou dépourvu d'effets. Il fait valoir également que le principe de l'arrêt des poursuites individuelles ne concerne que le patrimoine soumis à la procédure, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque la créance est relative à un prêt habitat, et a été consentie à titre privé. Elle ne constitue pas une créance née à l'occasion de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La banque considère que disposant d'un titre exécutoire incontestable, sa créance est liquide et exigible, seule condition requise par le code des procédures civiles d'exécution pour permettre la saisie immobilière en vertu d'un titre exécutoire.


Il résulte de la combinaison des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire🏛 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 que, si le commandement à fins de saisie-vente ne constitue pas un acte d'exécution forcée, il engage la mesure d'exécution et que toute contestation portant sur les effets de sa délivrance relève des attributions du juge de l'exécution.

C'est donc à tort que le premier juge a limité sa compétence à la régularité formelle du commandement aux fins de saisie-vente au motif qu'aucune saisie n'était intervenue depuis sa délivrance.


Aux termes de l'article L. 643-11, I, du code de commerce🏛, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 février 2022🏛, le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre les débiteurs, sauf exceptions énoncées dans les alinéas suivants.


S'il est constant que la créance invoquée par le Crédit mutuel à l'encontre des époux [U] est une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective, cette créance ayant été déclarée entre les mains du liquidateur, et admise au passif de la liquidation judiciaire pour un montant de 67 313,62 euros, il n'est pas davantage contesté que cette créance est personnelle puisqu'elle concerne un prêt immobilier effectué par les époux [U] pour l'achat de leur résidence principale. Cette résidence bénéficie en outre de la protection de l'article L. 526-1 du code de commerce🏛. Il s'ensuit que l'immeuble insaisissable n'entre pas dans le gage commun des créanciers de la procédure collective, peu importe que les époux [U] aient exercé leur activité sous la forme d'une entreprise individuelle et du conjoint collaborateur, entraînant la soumission à l'unicité du patrimoine.


Toutefois ainsi que l'admettent les appelants, cette déclaration d'insaisissabilité n'est pas opposable à la banque qui bénéficie d'une sûreté réelle sur le bien. Le Crédit mutuel conserve donc son droit de poursuite sur l'immeuble indépendamment de la procédure collective. En conséquence, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [U], l'article L. 643-11 du code de commerce🏛 n'est pas applicable en l'espèce et le jugement de clôture de la liquidation judiciaire est sans effet sur le droit de poursuite de la banque qui dispose en outre d'un titre exécutoire.


Il s'en déduit que la banque qui expose souhaiter reprendre la procédure de saisie immobilière est tout à fait en droit de le faire, nonobstant la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif. Cependant, ainsi que le soulèvent M. et Mme [Ac], le commandement de payer, objet du litige, n'est pas un commandement aux fins de saisie immobilière mais aux fins de saisie vente. Ils en concluent qu'il ne concerne pas le droit de poursuite sur l'immeuble.


Il sera relevé cependant que le Crédit mutuel ne pouvait délivrer un nouveau commandement aux fins de saisie immobilière avant que la péremption du premier commandement soit constatée par jugement du 8 octobre 2020. Comme l'intimé le précise, la délivrance d'un commandement aux fins de saisie vente le 1er juillet 2020 à chacun des emprunteurs a été faite dans un souci d'interrompre la prescription. La démarche poursuivie par la banque s'inscrit donc dans son désir de reprendre la saisie immobilière pour obtenir paiement de sa créance. Il n'y a pas lieu d'ordonner main levée des commandements de payer valablement délivrés le 1er juillet 2020 ni de les dire privés d'effet.


Sur la nullité des commandements aux fins de saisie -vente :


Chacun des commandements de payer délivrés le 1er juillet 2020 se fonde sur un titre exécutoire à savoir l'acte authentique du 23 mars 2001. La banque qui n'est pas un créancier antérieur au sens de l'article L. 643-11 du code de commerce🏛, n'avait pas à solliciter une ordonnance du président du tribunal de commerce l'autorisant à poursuivre la procédure de saisie. Par ailleurs, le commandement de payer est accompagné d'un décompte des sommes dues, étant précisé qu'aucune disposition n'oblige à mentionner le détail de calcul des intérêts.


Enfin comme l'a pertinemment relevé le premier juge, l'irrégularité alléguée de la notification du commandement de payer aux fins de saisie vente ne peut entraîner la nullité de l'acte puisque l'action engagée par les époux [U] aux fins de le contester démontre que celle-ci, à la supposer établie, ne leur a causé aucun grief.


Le jugement entrepris qui a débouté les époux [U] de toutes leurs demandes sera donc confirmé.


M. et Mme [Ac] succombant en leur appel supporteront la charge des dépens d'appel.


Il serait inéquitable de laisser à la charge du Crédit mutuel les frais non compris dans les dépens occasionnés par l'instance d'appel. Aussi M. et Mme [U] seront solidairement condamnés à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS, LA COUR :


Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 juin 2021 par le juge de l'exécution de Lorient ;


Condamne solidairement M. et Mme [Ac] à payer à la Caisse de Crédit mutuel de [Localité 8] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


Condamne solidairement M. et Mme [Ac] aux dépens d'appel,


Rejette toute demande plus ample ou contraire.


LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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