COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 avril 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 271 F-D
Pourvoi n° S 19-22.010
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 AVRIL 2022
Mme [N] [X], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 19-22.010 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant :
1°/ au directeur régional des finances publiques [Localité 4], domicilié [… …], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques,
2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2019), [T] [F] est décédé le [Date décès 2] 2007, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [Aa], et ses trois enfants. Le 5 octobre 2011, l'administration fiscale a adressé à Mme [Aa] une proposition de rectification des droits d'enregistrement, maintenue partiellement par lettre du 31 mai 2012. Un avis de mise en recouvrement (AMR) correspondant à ces rappels a été émis le 14 août 2012. Le 7 mai 2013, Mme [X] a formé une demande gracieuse de décharge du paiement des pénalités, qui a été rejetée le 8 juillet 2013. Le 30 décembre 2014, elle a formé une réclamation contentieuse portant sur la régularité de l'AMR du 14 août 2012 au motif qu'il ne faisait pas apparaître les nom et prénom du signataire.
2. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, Mme [Aa] l'a assignée.
3. Le 6 novembre 2015, l'administration fiscale a adressé à Mme [Aa] un nouvel AMR supportant une date erronée. Le 17 juin 2016, lui a été substitué un nouvel AMR, dont il a été soutenu qu'il était tardif.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Mme [X] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de confirmer le rappel d'imposition résultant de la lettre du 31 mai 2012 et mis en recouvrement par avis en date du 17 juin 2016, alors :
« 1°/ qu'un acte par lequel le contribuable se reconnaît débiteur envers le trésor ne saurait valoir reconnaissance de dette s'il a été provoqué par un AMR entaché d'irrégularité ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que le caractère irrégulier de l'AMR n'empêchait pas le courrier du 7 mai 2013 d'être regardé comme une reconnaissance de dette car il n'en était pas le support nécessaire, cependant que dans ce courrier, Mme [Aa] s'était bornée à expliquer avoir procédé au paiement des impositions mises en recouvrement par l'avis irrégulier du 24 août 2012, la cour d'appel a violé l'
article 1134 du code civil🏛, ensemble l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛 ;
2°/ que dans son courrier du 7 mai 2013 adressé au service vérificateur, Mme [X] s'était bornée à informer le service du paiement des impositions mises en recouvrement et à solliciter la décharge des pénalités ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que les termes de ce courrier valaient reconnaissance de sa dette, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 7 mai 2013 en violation de l'
article 1134 ancien du code civil🏛, désormais 1192 du
même code🏛, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les éléments de la cause ;
3°/ que dans son courrier du 7 mai 2013 adressé au service vérificateur, Mme [X] s'était bornée à informer le service du paiement des impositions mises en recouvrement et à solliciter la décharge des pénalités ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que les termes de ce courrier valaient reconnaissance de sa dette, la cour d'appel a violé l'
article 1134 du code civil🏛, ensemble l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛, la prescription du droit de reprise de l'administration fiscale est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun.
7. L'acte comportant reconnaissance de la part des contribuables de leur dette envers l'administration fiscale, qu'elle soit expresse ou tacite, peut résulter de la demande de remise de pénalités ou des intérêts de retard.
8. Après avoir exactement énoncé que, pour les droits d'enregistrement, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration, l'arrêt relève que la déclaration de succession ayant été enregistrée le 11 avril 2008, le délai de reprise de l'administration expirait le 31 décembre 2011, mais que la proposition de rectification du 5 octobre 2011 a fait courir un nouveau délai expirant le 31 décembre 2014. Il relève encore que les termes de la lettre adressée à l'administration fiscale, le 7 mai 2013, par Mme [X], qui rappelle le montant de la somme due, dont elle s'est acquittée, et sollicite la remise gracieuse des pénalités, vaut reconnaissance de sa créance fiscale, peu important qu'elle n'ait pas été précédée d'un AMR régulier.
9. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé l'écrit du 7 mai 2013, a exactement retenu que celui-ci valait reconnaissance, au sens de l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛, de la dette fiscale notifiée à Mme [X] par la proposition de rectification du 5 octobre 2011, modifiée le 31 mai 2012, et que cette reconnaissance avait interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de trois ans expirant le 31 décembre 2016, soit après l'émission de l'AMR du 17 juin 2016.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par Mme [X] et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques [Localité 4], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour Mme [X].
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Madame [X] et D'AVOIR confirmé le rappel d'imposition résultant de la lettre du 31 mai 2012 et mis en recouvrement par avis en date du 17 juin 2016 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'administration fiscale a émis à l'encontre de Mme [N] [X] les 3 avis de mise en recouvrement suivants portant sur la même créance de 417 065 euros correspondant à 353 445 euros en principal et 63 620 euros en pénalités :
Un AMR du 14 août 2012,
Un AMR du 24 août 2012 (en réalité du 7 novembre 2015) n° 120800065M ;
Un AMR du 17 juin 2016 n° 3745 ;
(
)
Considérant que Mme [X] soutient qu'elle doit être déchargée de l'intégralité des impositions et pénalités mises en recouvrement par l'avis en date du 17 juin 2016 en raison de la prescription de l'action engagée par l'administration fiscale ; qu'elle fait valoir que la reconnaissance de dettes en date du 7 mai 2013 qui lui est opposée ne pourrait pas être prise en compte puisqu'elle reposerait sur un titre irrégulier ;
Mais considérant, ainsi que justement relevé par les premiers juges, que la déclaration de succession ayant été enregistrée le 11 avril 2008, le délai de reprise de l'administration expirait le 31 décembre 2011 ; que la proposition de rectification du 5 octobre 2011 a fait courir un nouveau délai expirant le 31 décembre 2014 ; que, par courrier recommandé du 7 mai 2013 adressé aux services fiscaux, Mme [Aa] rappelle le montant de la somme due se chiffrant à 417 065 euros dont elle s'est acquittée et sollicite "la remise gracieuse des pénalités dont le montant total s'élève à 63 620 euros" ; que les termes de ce courrier valent reconnaissance de l'ensemble de la créance fiscale et non pas seulement de la seule partie relative à la pénalité ; que cette reconnaissance porte sans équivoque sur l'intégralité de la dette, peu important qu'elle n'ait pas été précédée d'un AMR ; que la loi ne distingue pas la reconnaissance de dette fiscale selon qu'elle ait été ou non précédée d'un AMR, ce dernier étant finalement intervenu le 17 juin ;
Considérant que cette reconnaissance de dette, conformément à l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛, a interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de 3 ans expirant le 31 décembre 2016 ; que l'AMR a été pris le 17 juin 2016 ; que l'action de l'administration fiscale n'est dès lors pas prescrite ;
Considérant que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ; Considérant qu'une indemnisation doit être allouée à l'administration fiscale sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « La déclaration de succession objet du présent litige ayant été enregistrée le 11 avril 2008, le délai de reprise initial de l'administration expirait le 31 décembre 2011. Une proposition de rectification du 5 octobre 2011 faisait ainsi courir un nouveau délai, expirant le 31 décembre 2014. S'il est constant que l'avis de mise en recouvrement du 14 août 2012 était irrégulier, tout comme celui reçu le 7 novembre 2015, Mme [X] a adressé le 7 mai 2013, après avoir réglé intégralement les sommes dues, un courrier par lequel elle indique avoir « l'honneur de solliciter la bienveillance de l'administration afin de procéder à la remise gracieuse des pénalités dont le montant total s'élève à 63.620 € ».
Une telle lettre valait reconnaissance de la dette et a entraîné une nouvelle interruption du délai de reprise, expirant à la fin de la troisième année suivant l'acte, soit le 31 décembre 2016.
Le caractère irrégulier de l'avis de mise en recouvrement n'entraîne pas l'irrégularité de la reconnaissance de la dette, car il n'en est pas le support nécessaire, la dette fiscale préexistant à l'avis de mise en recouvrement.
L'avis de mise en recouvrement en date du 17 juin 2016 est donc valable, et les demandes de Mme [X] seront en conséquence rejetées. » ;
1°) ALORS QU' un acte par lequel le contribuable se reconnait débiteur envers le trésor ne saurait valoir reconnaissance de dette s'il a été provoqué par un avis de mise en recouvrement entaché d'irrégularité ; qu'en jugeant, par motifs adoptés, que le caractère irrégulier de l'avis de mise en recouvrement n'empêchait pas le courrier du 7 mai 2013 d'être regardé comme une reconnaissance de dette car il n'en était pas le support nécessaire, cependant que dans ce courrier, Madame [Aa] s'était bornée à expliquer avoir procédé au paiement des impositions mises en recouvrement par l'avis irrégulier du 24 août 2012, la cour d'appel a violé l'
article 1134 du code civil🏛, ensemble l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛 ;
2°) ALORS QUE dans son courrier du 7 mai 2013 adressé au service vérificateur, Madame [X] s'était bornée à informer le service du paiement des impositions mises en recouvrement et à solliciter la décharge des pénalités ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que les termes de ce courrier valaient reconnaissance de sa dette, la cour d'appel a dénaturé le courrier du 7 mai 2013 en violation de l'
article 1134 ancien du code civil🏛, désormais 1192 du
même code🏛, ensemble le principe selon lequel les juges du fond ne doivent pas dénaturer les éléments de la cause ;
3°) ALORS QUE dans son courrier du 7 mai 2013 adressé au service vérificateur, Madame [X] s'était bornée à informer le service du paiement des impositions mises en recouvrement et à solliciter la décharge des pénalités ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que les termes de ce courrier valaient reconnaissance de sa dette, la cour d'appel a violé l'
article 1134 du code civil🏛, ensemble l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛 ;
4°) ALORS QU'en considérant, par motifs propres et adoptés, que le courrier du 7 mai 2013 par lequel Madame [Aa] avait sollicité la décharge des pénalités valait reconnaissance de dette, sans rechercher si le fait que les impositions supplémentaires mises en recouvrement aient été contestées par voie de réclamation n'empêchait pas que ce courrier constitue une reconnaissance de dette, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 1134 du code civil🏛, dans sa version applicable à l'espèce, désormais 1192 du
même code🏛, ensemble l'
article L. 189 du livre des procédures fiscales🏛.