ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
30 mai 2013 (*)
" Renvoi préjudiciel - Directive 92/12/CEE - Droits d'accise - Produits mis à la consommation dans un État membre où l'accise a été acquittée - Mêmes produits transportés dans un autre État membre où l'accise a également été acquittée - Demande en vue du remboursement de l'accise acquittée dans le premier État membre - Refus pour non-introduction de la demande avant l'expédition des marchandises - Compatibilité avec le droit de l'Union "
Dans l'affaire C-663/11,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Oradea (Roumanie), par décision du 13 décembre 2011, parvenue à la Cour le 27 décembre 2011, dans la procédure
Scandic Distilleries SA
contre
Directia Generala de Administrare a Marilor Contribuabili,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász (rapporteur), D. váby et C. Vajda, juges,
avocat général : Mme E. Sharpston,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
- pour Scandic Distilleries SA, par Me C. F. Costas, avocat,
- pour le gouvernement roumain, par M. R. H. Radu ainsi que par Mmes I. Bara et R.-I. Munteanu, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement polonais, par MM. M. Szpunar et B. Majczyna, en qualité d'agents,
- pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes et Mme M. Rebelo, en qualité d'agents,
- pour la Commission européenne, par M. W. Mölls ainsi que par Mmes L. Keppenne et C. Barslev, en qualité d'agents,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 31 janvier 2013,
rend le présent
Arrêt
1. - La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des dispositions de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 (JO L 390, p. 124, ci-après la " directive 92/12 ").
2. - Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Scandic Distilleries SA (ci-après " Scandic ") à la Directia Generala de Administrare a Marilor Contribuabili (Direction générale pour l'administration des grands contribuables, ci-après la " Directia Generala ") au sujet du remboursement des droits d'accise après la livraison de produits, soumis à de tels droits, destinés à la consommation dans un État membre autre que la Roumanie.
Le cadre juridique
Le droit de l'Union
3. - Aux termes du dix-huitième considérant de la directive 92/12, " l'acquittement de l'accise dans l'État membre où a eu lieu la mise à la consommation doit pouvoir donner lieu au remboursement de l'accise lorsque les produits ne sont pas destinés à être consommés dans cet État membre ".
4. - L'article 6, paragraphe 1, de ladite directive dispose :
" L'accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise [...].
Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise :
a) toute sortie, y compris irrégulière, d'un régime suspensif ;
b) toute fabrication, y compris irrégulière, de ces produits hors d'un régime suspensif ;
c) toute importation, y compris irrégulière, de ces produits lorsque ces produits ne sont pas mis sous un régime suspensif. "
5. - Aux termes de l'article 7, paragraphes 1 à 6, de la directive 92/12 :
" 1. Dans le cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre, les droits d'accises sont perçus dans l'État membre dans lequel ces produits sont détenus.
2. À cette fin, sans préjudice de l'article 6, lorsque les produits ayant déjà été mis à la consommation telle que définie à l'article 6 dans un État membre sont livrés ou destinés à être livrés à l'intérieur d'un autre État membre ou affectés à l'intérieur d'un autre État membre aux besoins d'un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique ou aux besoins d'un organisme de droit public, l'accise devient exigible dans cet autre État membre.
3. L'accise est due, selon le cas, auprès de la personne qui effectue la livraison, qui détient les produits destinés à être livrés ou auprès de la personne où a lieu l'affectation des produits à l'intérieur d'un autre État membre que celui où les produits ont déjà été mis à la consommation, ou auprès de l'opérateur professionnel ou de l'organisme de droit public.
4. Les produits visés au paragraphe 1 circulent entre les territoires des différents États membres sous le couvert d'un document d'accompagnement qui mentionne les éléments principaux du document visé à l'article 18 paragraphe 1. La forme et le contenu de ce document sont définis selon la procédure prévue à l'article 24 de la présente directive.
5. La personne, l'opérateur ou l'organisme visé au paragraphe 3 doit se conformer aux prescriptions suivantes :
a) effectuer, préalablement à l'expédition des marchandises, une déclaration auprès des autorités fiscales de l'État membre de destination et garantir le paiement des droits d'accises ;
b) acquitter les droits d'accises de l'État membre de destination selon les modalités prévues par cet État membre ;
c) se prêter à tout contrôle permettant à l'administration de l'État membre de destination de s'assurer de la réception effective des marchandises et du paiement des droits d'accises dont elles sont passibles.
6. Les droits d'accises acquittés dans le premier État membre, visé au paragraphe 1, sont remboursés conformément à l'article 22 paragraphe 3. "
6. - L'article 22 de la directive 92/12 est libellé comme suit :
" 1. Les produits soumis à accise et mis à la consommation peuvent, dans des cas appropriés et à la demande d'un opérateur dans l'exercice de sa profession, faire l'objet d'un remboursement de l'accise par les autorités fiscales de l'État membre où a lieu la mise à la consommation, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être consommés dans cet État membre.
Toutefois, les États membres peuvent ne pas donner suite à cette demande de remboursement lorsqu'elle ne satisfait pas aux critères de régularité qu'ils établissent.
2. Pour l'application du paragraphe 1, les dispositions suivantes sont applicables :
a) l'expéditeur doit introduire préalablement à l'expédition des marchandises une demande de remboursement auprès des autorités compétentes de son État membre et justifier que les droits d'accises ont été acquittés. Toutefois, les autorités compétentes ne peuvent refuser le remboursement pour la simple raison de non-présentation du document établi par ces mêmes autorités attestant du paiement initial ;
b) la circulation des marchandises visées au point a) s'effectue conformément aux dispositions du titre III ;
c) l'expéditeur présente aux autorités compétentes de son État membre l'exemplaire de renvoi du document visé au point b) dûment annoté par le destinataire qui doit être accompagné d'un document attestant de la prise en charge des droits d'accises dans l'État membre de consommation ou être muni d'une mention qui doit comporter :
- l'adresse du bureau concerné des autorités fiscales de l'État membre de destination,
- la date de l'acceptation de la déclaration par ce bureau ainsi que le numéro de référence ou d'enregistrement de cette déclaration ;
d) les produits soumis à accise et mis à la consommation dans un État membre et à ce titre munis d'une marque fiscale ou d'une marque de reconnaissance de cet État membre peuvent faire l'objet d'un remboursement de l'accise due auprès des autorités fiscales de l'État membre qui a délivré ces marques fiscales ou de reconnaissance, pour autant que la destruction de ces marques soit constatée par les autorités fiscales de l'État membre qui les a délivrées.
3. Dans les cas visés à l'article 7, l'État membre de départ doit procéder au remboursement de l'accise qui a été acquittée à la seule condition que l'accise a déjà été acquittée dans l'État membre de destination selon la procédure prévue à l'article 7 paragraphe 5.
Toutefois, les États membres peuvent ne pas donner suite à cette demande de remboursement lorsqu'elle ne satisfait pas aux critères de régularité qu'ils établissent.
[...]
5. Les autorités fiscales de chaque État membre déterminent les procédures et les modalités de contrôle applicables aux remboursements effectués sur leur propre territoire. Les États membres veillent à ce que le remboursement de l'accise n'excède pas le montant effectivement acquitté. "
Le droit roumain
7. - Aux termes de l'article 192-6 du code fiscal, relatif à la restitution de l'accise pour les produits dont les droits d'accise ont été acquittés :
" 1. Un commerçant, dans l'exercice de sa profession, peut demander la restitution de l'accise pour les produits soumis à accise ayant été mis à la consommation en Roumanie, lorsque ces produits sont destinés à être consommés dans un autre État membre, sous réserve de remplir les conditions suivantes :
a) avant l'expédition des produits, le commerçant expéditeur doit effectuer une demande de restitution auprès de l'autorité fiscale compétente, en apportant la preuve du paiement des droits d'accise ;
b) la livraison des produits vers l'État membre de destination est faite conformément aux dispositions de l'article 192-4 ;
c) le commerçant expéditeur doit présenter à l'autorité fiscale compétente la copie qui lui a été retournée du document prévu par l'article 192-5, certifiée par le destinataire, accompagnée par un document qui atteste que les droits d'accise ont été acquittés dans l'État membre de destination. Le commerçant expéditeur mentionne aussi l'adresse de l'autorité fiscale compétente dans l'État membre de destination, la date à laquelle la déclaration du destinataire a été acceptée par l'autorité fiscale compétente de l'État membre de destination, ainsi que le numéro d'enregistrement de cette déclaration.
2. Pour les produits soumis à accise qui ont été marqués et mis à la consommation en Roumanie, l'accise peut être restituée par l'autorité fiscale compétente, à condition que celle-ci établisse que les marquages ont été détruits dans des conditions réglementaires.
3. Dans les cas visés à l'article 192-3, l'autorité fiscale compétente restitue l'accise à la seule condition que l'accise ait déjà été acquittée dans l'État membre de destination, selon la procédure prévue à l'article 192-3, paragraphe 5.
4. Dans les cas visés à l'article 192-8, paragraphe 1, l'autorité fiscale compétente peut, à la demande du vendeur, restituer les droits d'accise acquittés lorsque le vendeur a suivi les procédures prévues à l'article 192-8, paragraphe 4. "
8. - Le point 18-4 des normes méthodologiques d'application du code fiscal, approuvées par la décision du gouvernement roumain n° 44/2004 (ci-après le " point 18-4 des normes méthodologiques "), qui concerne l'article 192-6 du code fiscal, est libellé comme suit :
" 1. Le commerçant expéditeur qui souhaite demander la restitution de l'accise pour des produits qui seront expédiés pour la consommation dans un autre État membre doit, préalablement à l'expédition des produits, déposer auprès des autorités fiscales territoriales où il est enregistré en tant que contribuable une demande de restitution, selon le modèle prévu dans l'annexe n° 11, et apporter la preuve du paiement des droits d'accise pour les produits en question.
2. Après la réception des produits par le destinataire et le paiement des droits d'accise dans l'État membre de destination, le commerçant expéditeur dépose les documents prévus à l'article 192-6, paragraphe 1, sous c), du code fiscal auprès de l'autorité fiscale territoriale où il est enregistré en tant que contribuable, en vue de la restitution de l'accise.
3. L'accise restituée correspond aux quantités expédiées et effectivement réceptionnées.
4. La restitution de l'accise est faite conformément aux dispositions du code de procédure fiscale.
5. Pour les produits soumis à accise ayant été marqués et mis à la consommation en Roumanie, et qui sont destinés à être consommés dans un autre État membre, l'accise peut être restituée par l'autorité fiscale territoriale seulement dans la limite d'une valeur qui correspond aux droits d'accise afférents à la quantité de produits expédiée. Le décollement des marquages se fait sous la surveillance des autorités fiscales, à la demande du commerçant expéditeur.
6. Dans le cas où un commerçant de Roumanie doit recevoir des produits soumis à accise mis à la consommation dans un autre État membre, il doit en faire la déclaration auprès de l'autorité fiscale territoriale, avant l'expédition des produits par le fournisseur. Sur la base de cette déclaration, l'autorité fiscale territoriale prend acte de l'opération future, pour laquelle les droits d'accise deviennent exigibles à la réception des produits, le délai de paiement étant le premier jour ouvrable suivant le jour de réception des produits. "
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9. - Scandic, une société roumaine, commercialise des produits alcooliques en Roumanie et dans d'autres États membres. Aux mois de février, de mars, de mai, de juin et de juillet 2009, elle a mis à la consommation en Roumanie des produits alcooliques destinés à être consommés en République tchèque et elle a payé des droits d'accise sur ces produits en Roumanie.
10. - Entre le mois de septembre 2009 et le mois de février 2010, Scandic a demandé à la Directia Generala, sur le fondement de l'article 22 de la directive 92/12 et de l'article 192-6 du code fiscal, le remboursement de ces droits. Les demandes de restitution ont été déposées conformément audit article du code fiscal et au point 18-4 des normes méthodologiques. Scandic a respecté l'ensemble des exigences figurant à l'annexe n° 11 du titre VII du code fiscal, puisqu'elle a fourni des informations concernant le nom et le numéro fiscal du destinataire, la description des produits expédiés, la date de réception des produits, la quantité réceptionnée et le paiement des droits d'accise dans l'État membre de destination.
11. - Les demandes de restitution ont été déposées après l'arrivée des produits en République tchèque. Scandic a expliqué ce retard par le fait qu'elle ne disposait pas de tous les documents prévus à l'annexe n° 11 du titre VII du code fiscal avant l'arrivée des produits à destination et le paiement des droits d'accise dans l'État membre de destination. Scandic a affirmé que, en agissant de la sorte, elle a voulu éviter le risque de voir ses demandes de restitution rejetées faute de preuves suffisantes, même si cela supposait le remboursement assez tardif des sommes qu'elle avait avancées.
12. - Selon Scandic, puisque les informations mentionnées à cette annexe n° 11 concernent, notamment, la date de réception des produits et la quantité réceptionnée, ces informations et les documents y afférents ne pouvaient de toute évidence être fournis qu'après la livraison des produits dans l'État membre de destination. Elle soutient que, ainsi, le dépôt d'une demande de restitution complète n'était possible qu'après la livraison et la réception des produits concernés en République tchèque. Scandic relève également qu'il ressort du modèle de demande de restitution, figurant à ladite annexe n° 11, que les demandes de restitution devaient être déposées mensuellement, et non avant l'envoi des produits soumis à accise dans un autre État membre.
13. - Étant donné que la Directia Generala n'a pas donné suite aux demandes de restitution de Scandic, celle-ci a introduit un recours devant le Tribunalul Bihor, en demandant que la Directia Generala soit condamnée à restituer les droits d'accise en cause et à payer les intérêts y afférents.
14. - Dans le cadre de sa défense, la Directia Generala a indiqué que tous les documents nécessaires requis à l'article 192-6 du code fiscal ont été fournis. Toutefois, elle a précisé qu'elle refusait de donner une suite favorable à la demande de restitution de l'accise au motif que Scandic n'a pas demandé cette restitution avant d'expédier les produits dans un autre État membre, conformément à l'article 22 de la directive 92/12.
15. - Le Tribunalul Bihor ayant rejeté le recours de Scandic, cette dernière a interjeté appel du jugement rendu par cette juridiction devant la juridiction de renvoi.
16. - La Curtea de Apel Oradea, estimant que l'interprétation des dispositions de la directive 92/12 est nécessaire pour rendre sa décision, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) Le refus des autorités fiscales roumaines de donner une suite favorable à une demande de restitution de l'accise est-il contraire au droit de l'Union (articles 7 et 22 de la directive 92/12 [...] ainsi que ses considérants), alors que :
a) le commerçant qui demande la restitution de l'accise a apporté la preuve qu'il remplit toutes les conditions techniques auxquelles la législation nationale subordonne l'admissibilité de la demande de restitution, et notamment celles qui concernent :
i) la preuve du paiement des droits d'accises en Roumanie, et
ii) la preuve de l'expédition des produits soumis à accise dans un autre État membre ;
b) il résulte des exigences de la législation fiscale roumaine (article 192-6 du code fiscal, point 18-4 des normes méthodologiques [...] et annexe n° 11 du titre VII du code fiscal) que certains documents qui devaient accompagner la demande de restitution ne pouvaient être fournis qu'après la livraison des produits soumis à accise dans un autre État membre ;
c) la législation fiscale roumaine (article 18-4, paragraphe 4, des normes méthodologiques, qui renvoie à l'article 135 du code de procédure fiscale) prévoit un délai de droit commun de 5 ans pour toute demande de restitution/remboursement?
2) L'article 22, paragraphe [2], sous a), de la directive 92/12 [...] doit-il être interprété en ce sens qu'un commerçant qui ne présente pas de demande de restitution de l'accise dans l'État membre où elle a été payée, avant la livraison des produits soumis à accise vers un autre État membre où les produits sont destinés à être consommés, perd son droit d'obtenir le remboursement de l'accise?
3) Dans l'hypothèse où la Cour répondrait par l'affirmative à la deuxième question, la perte du droit pour un commerçant d'obtenir la restitution de l'accise, dans le contexte d'une double imposition des mêmes produits soumis à accise (dans l'État membre où les produits soumis à accise ont été initialement mis à la consommation et dans l'État membre où ces produits sont destinés à être consommés), est-elle conforme au principe de neutralité fiscale?
4) Dans l'hypothèse où la Cour répondrait par l'affirmative à la deuxième question, le délai extrêmement court entre la date de paiement des droits d'accise pour les produits mis à la consommation dans un État membre et la date d'expédition des produits soumis à accise vers un autre État membre, où ils sont destinés à être consommés, peut-il être considéré comme étant conforme aux principes d'équivalence et d'effectivité? Le fait que le délai de droit commun pour demander la restitution/le remboursement d'un impôt, d'une taxe ou d'une contribution dans l'État membre en question soit nettement plus long a-t-il une incidence à cet égard? "
Sur les questions préjudicielles
17. - À titre liminaire, il convient de relever que la directive 92/12 a été abrogée par la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO L 9, p. 12). Toutefois, selon l'article 48, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2008/118, les États membres ne doivent se conformer à celle-ci qu'avec effet au 1er avril 2010. Dès lors, l'affaire au principal demeure régie par les dispositions de la directive 92/12.
18. - Le gouvernement roumain estime que la première question n'est pas recevable, en tant que telle, étant donné qu'elle vise la constatation d'une évidence, à savoir que la directive 92/12 s'oppose à une pratique nationale consistant à rejeter une demande de remboursement de l'accise alors que toutes les conditions prévues par la législation nationale, adoptée en application de cette directive, dont la transposition n'est pas contestée, ont été remplies.
19. - Ce gouvernement soutient que le contexte factuel du litige est différent et indique que la question de droit à laquelle il est nécessaire de répondre afin de pouvoir résoudre le litige au principal se trouve dans les autres questions préjudicielles.
20. - Étant donné qu'il convient de traiter conjointement les questions posées et d'apporter une réponse commune à celles-ci, il n'y a pas lieu d'examiner la recevabilité de la première question.
21. - Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 92/12 doit être interprétée en ce sens que, lorsque des produits soumis à accise et mis à la consommation dans un État membre, l'accise y ayant été acquittée, ont été transportés dans un autre État membre où ces produits sont soumis à accise, une demande de remboursement de l'accise acquittée dans l'État membre de départ peut être rejetée au seul motif que cette demande n'a pas été introduite avant l'expédition desdits produits.
22. - La directive 92/12 vise à établir un certain nombre de règles en ce qui concerne la détention, la circulation et les contrôles des produits soumis à accise, et ce notamment afin d'assurer que l'exigibilité de l'accise soit identique dans tous les États membres (voir arrêt du 23 novembre 2006, Joustra, C-5/05, Rec. p. I-11075, point 27 et jurisprudence citée).
23. - Cette harmonisation permet, en principe, d'écarter les doubles impositions dans les relations entre États membres (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alevizos, C-392/05, Rec. p. I-3505, point 38).
24. - Afin d'assurer que le prélèvement des droits d'accise s'effectue dans un seul État membre, celui où a lieu la consommation, l'article 22 de la directive 92/12 prévoit, sous certaines conditions, le remboursement des droits d'accise acquittés dans un autre État membre.
25. - Il ressort des dispositions de l'article 22, paragraphes 1 à 3, de la directive 92/12 qu'elles établissent deux régimes distincts de remboursement.
26. - Cette distinction ressort du libellé, d'une part, des paragraphes 1 et 2 de l'article 22 de ladite directive et, d'autre part, du paragraphe 3 de cet article 22.
27. - Le régime de remboursement prévu à l'article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/12 s'applique aux situations dans lesquelles les produits soumis à accise dans un État membre, l'accise y ayant été acquittée, sont transportés en régime suspensif dans un autre État membre où les produits sont également soumis à accise, sans qu'il soit nécessaire que l'accise y ait déjà été acquittée. En revanche, dans des situations relevant de l'article 22, paragraphe 3, de cette directive, l'accise n'est remboursée que lorsqu'elle a été acquittée tant dans l'État membre de départ que dans celui de destination.
28. - Il paraît raisonnable que le législateur de l'Union ait prévu des exigences plus strictes dans les situations où le remboursement est demandé avant que l'accise n'ait été acquittée dans l'État membre de destination. Parmi ces exigences figure celle selon laquelle la demande de remboursement doit être introduite préalablement à l'expédition des marchandises concernées. L'autre exigence figure à l'article 22, paragraphe 2, sous b), de la directive 92/12, selon laquelle la circulation des marchandises doit s'effectuer conformément aux dispositions du titre III de cette directive, à savoir que ces marchandises doivent être en régime suspensif.
29. - En revanche, l'article 22, paragraphe 3, de la directive 92/12 ne prévoit aucune obligation quant au moment où la demande de remboursement doit être introduite. En outre, les marchandises sont soumises non pas à l'obligation de circuler en régime suspensif, mais seulement à celle d'être accompagnées d'un document mentionné à l'article 7, paragraphe 4, de cette directive.
30. - La circonstance selon laquelle, d'une part, l'article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/12 et, d'autre part, l'article 22, paragraphe 3, de cette directive prévoient deux régimes distincts est aussi démontrée par le fait que les seconds alinéas desdits paragraphes 1 et 3 contiennent la même disposition, laquelle énonce que, " [t]outefois, les États membres peuvent ne pas donner suite à cette demande de remboursement lorsqu'elle ne satisfait pas aux critères de régularité qu'ils établissent ". Une telle répétition ne serait pas nécessaire si les paragraphes 1 à 3 dudit article 22 décrivaient un seul régime de remboursement.
31. - Par ailleurs, l'existence de ces deux régimes distincts est expliquée et mise en exergue dans la proposition de directive du Conseil, du 7 novembre 1990, relative au régime général, à la détention et à la circulation des produits soumis à accise [COM(90) 431 final], présentée par la Commission des Communautés européennes et ayant donné lieu à l'adoption de la directive 92/12, qui précise, dans sa partie consacrée aux commentaires des articles, que le premier type de procédure de remboursement offre la possibilité à tout expéditeur de mettre ou de remettre en régime suspensif des produits soumis à accise, permettant ainsi un remboursement de l'accise dans le premier État membre avant le paiement de l'accise dans un second État membre. Il y est ajouté que, lorsque ce premier type de procédure n'est pas applicable, un second type de procédure prévoit un remboursement postérieur à l'acquittement des droits d'accise dans le second État membre, faculté contraignante financièrement, mais permettant d'éviter la mise ou la remise en régime suspensif.
32. - Dans l'exposé des motifs de ladite proposition de directive, le point 16 énonce que ces deux procédures distinctes permettent d'éviter la double taxation résultant de deux mises à la consommation dans deux États membres différents. Il y est ajouté que, ainsi, la perception des droits d'accise par l'État de consommation réelle est assurée et les opérateurs autres que ceux qui sont détenteurs de l'agrément ne sont pas exclus du commerce intracommunautaire des produits soumis à accise.
33. - Il apparaît que la réglementation roumaine n'a pas tenu compte de cette distinction. En effet, l'article 192-6, paragraphe 1, du code fiscal, qui reprend, en substance, les conditions de remboursement prévues à l'article 22, paragraphes 1 et 2, sous a) à c), de la directive 92/12, diffère de cet article 22 en ce qui concerne son paragraphe 1, sous c), en prévoyant que la demande de remboursement doit être accompagnée par un document qui atteste que les droits d'accise ont été acquittés dans l'État membre de destination, tandis que ledit article 22, paragraphe 2, sous c), n'exige pas qu'une telle condition soit remplie.
34. - Or, il appartient au juge national d'identifier les dispositions de la réglementation nationale transposant une directive de l'Union et, si besoin, les dispositions de cette directive applicables aux circonstances concrètes d'une affaire dont il est saisi.
35. - Dans une situation où l'accise a déjà été acquittée dans l'État membre de destination, ce qui semble être le cas dans l'affaire au principal, c'est l'article 22, paragraphe 3, de la directive 92/12 qui s'applique et qui prévoit que la seule condition du remboursement est que l'accise ait été acquittée dans l'État membre de destination. Cela signifie que l'opérateur économique n'est pas obligé d'introduire la demande de remboursement avant l'expédition des marchandises en cause.
36. - Dans une telle situation, la réserve selon laquelle l'État membre peut ne pas donner suite à la demande de remboursement lorsqu'elle ne satisfait pas aux critères de régularité qu'il établit ne saurait trouver à s'appliquer en cas d'absence d'introduction de la demande de remboursement avant l'expédition des marchandises en cause. La notion de " critères de régularité " ne peut pas recevoir une interprétation qui permettrait d'introduire une condition prévue par la directive 92/12 uniquement dans le cadre d'une autre situation de demande de remboursement et qui contreviendrait ainsi à l'article 22, paragraphe 3, premier alinéa, de cette directive.
37. - En revanche, dans une situation où la demande de remboursement a été présentée avant que l'accise dans l'État membre de destination n'ait été acquittée, c'est l'article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/12 qui s'applique, ce qui signifie que l'État membre de départ peut exiger que la demande de remboursement soit introduite avant l'expédition des marchandises en cause. Dans ce cas, il s'agit d'une condition importante établie explicitement à l'article 22, paragraphe 2, sous a), de cette directive dont l'inobservation peut entraîner le refus du remboursement.
38. - Il ressort de l'économie de l'article 22, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/12 qu'une procédure en deux étapes y est prévue. Après l'introduction d'une demande initiale, l'opérateur économique doit avoir la possibilité de présenter les documents visés à l'article 22, paragraphe 2, sous c), de cette directive.
39. - Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que l'article 22, paragraphes 1 à 3, de la directive 92/12 doit être interprété en ce sens que, lorsque des produits soumis à accise et mis à la consommation dans un État membre, l'accise y ayant été acquittée, ont été transportés dans un autre État membre où ces produits sont soumis à accise et où celle-ci a été également acquittée, une demande de remboursement de l'accise acquittée dans l'État membre de départ ne peut être rejetée au seul motif que cette demande n'a pas été introduite avant l'expédition desdits produits, mais doit être appréciée sur la base du paragraphe 3 de cet article. En revanche, si l'accise n'a pas été acquittée dans l'État membre de destination, une telle demande peut être refusée sur la base des paragraphes 1 et 2 dudit article.
Sur les dépens
40. - La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
L'article 22, paragraphes 1 à 3, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, telle que modifiée par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, doit être interprété en ce sens que, lorsque des produits soumis à accise et mis à la consommation dans un État membre, l'accise y ayant été acquittée, ont été transportés dans un autre État membre où ces produits sont soumis à accise et où celle-ci a été également acquittée, une demande de remboursement de l'accise acquittée dans l'État membre de départ ne peut être rejetée au seul motif que cette demande n'a pas été introduite avant l'expédition desdits produits, mais doit être appréciée sur la base du paragraphe 3 de cet article. En revanche, si l'accise n'a pas été acquittée dans l'État membre de destination, une telle demande peut être refusée sur la base des paragraphes 1 et 2 dudit article.
Signatures
* Langue de procédure : le roumain.