Jurisprudence : Cass. soc., 28-05-2013, n° 12-12.862, F-D, Rejet

Cass. soc., 28-05-2013, n° 12-12.862, F-D, Rejet

A9537KEX

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:SO00963

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027491773

Référence

Cass. soc., 28-05-2013, n° 12-12.862, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8265427-cass-soc-28052013-n-1212862-fd-rejet
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SOC. PRUD'HOMMES IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 mai 2013
Rejet
M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 963 F-D
Pourvoi no D 12-12.862
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par l'association d'avocats Latham et Watkins, dont le siège est Paris,
contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2011 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à Mme Pascale Y, domiciliée Paris,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 16 avril 2013, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Deurbergue, conseiller, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'association d'avocats Latham et Watkins, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de Mme Y, l'avis de M. Finielz, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 novembre 2011), que Mme Y a été engagée par le cabinet d'avocats Latham et Watkins en qualité de secrétaire bilingue français-anglais de nuit, à compter du 17 juin 2002, d'abord à temps partiel puis à temps plein ; que ses horaires étaient, en dernier lieu, du lundi au jeudi de 18 heures à minuit, le vendredi de 18 heures à 22 heures 45 et le samedi de 9 heures 45 à 16 heures 30, outre les heures supplémentaires ; que, par courrier du 16 septembre 2008, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail puis, estimant que cette rupture produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a saisi la juridiction prud'homale, le 4 décembre 2008, de diverses demandes ;

Sur le premier moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de rappel de salaire et heures supplémentaire et de congés payés afférents, ainsi qu'à titre d'indemnité pour repos compensateur alors, selon le moyen
1o/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la salariée réclamait le paiement d'heures supplémentaires qu'elle prétendait avoir effectuées entre le mois de janvier 2006 et le mois d'avril 2007 ; que la société Latham et Watkins ne contestait pas l'accomplissement de ces heures supplémentaires mais indiquait et démontrait par la production des bulletins de paie qu'elles avaient été réglées à la salariée ; qu'en reprochant à l'employeur de n'avoir fourni aucun élément relatif aux horaires de travail effectivement réalisés par la salariée, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2o/ que la salariée reconnaissait dans ses écritures que " les éléments produits par le cabinet Latham permettent certes de constater que certaines des heures supplémentaires effectuées par [elle] figurant sur ses bulletins de salaire ont été réglées " mais prétendait qu'il ne " s'agi[ssai]t aucunement des heures supplémentaires dont le règlement est réclamé dans le cadre des présentes pour lesquelles aucun justificatif n'est apporté et qui ne figurent évidemment pas sur ses bulletins de salaire " ; que le cabinet Latham et Watkins expliquait que, pour des raisons pratiques, les heures supplémentaires effectuées à partir du 15 de chaque mois étaient réglées sur le mois suivant et indiquait qu'au vu des bulletins de paie, il apparaissait que sur la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2007, 180,9 heures supplémentaires avaient été réglées à la salariée ; qu'en se contentant d'affirmer que la mention sur un bulletin de salaire des sommes dues au salarié ne faisait pas la preuve de leur versement, quand la salariée elle-même admettait le contraire, sans rechercher si les heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paie étaient ou non celles dont le paiement était réclamé par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-22 du code du travail ;
3o/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que le cabinet Latham et Watkins indiquait que la salariée avait bénéficié du repos compensateur et produisait les bulletins de paie justifiant du versement d'indemnités de repos compensateur pour la période de janvier 2006 à avril 2007 ; qu'en condamnant l'employeur à une indemnité pour repos compensateur non pris, sans répondre aux conclusions de l'exposante sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, sous couvert des griefs non fondés de modification des termes du litige, défaut de base légale et de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation des éléments de preuve par la cour d'appel qui a constaté, au vu des éléments produits par l'une et l'autre parties, qu'il était justifié d'heures supplémentaires impayées dont le quantum ouvrait droit à repos compensateur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de qualifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser à celle-ci des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen
1o/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que, pour faire droit à la demande de la salariée, la cour d'appel a relevé que de janvier 2006 à mai 2007, son horaire de travail hebdomadaire habituel avait été aggravé par la réalisation de nombreuses heures supplémentaires et que pendant une période de cinq semaines de novembre à début décembre 2006, elle n'avait pas disposé du repos légal hebdomadaire ; qu'il est néanmoins constant que Mme Y n'avait pris acte de la rupture de son contrat de travail que le 16 septembre 2008, soit plusieurs mois après ces faits ; qu'en affirmant que les manquements relevés à l'encontre de l'employeur, dont elle a constaté qu'ils avaient été commis entre janvier 2006 et mai 2007, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail quand la salariée avait attendu plus de 16 mois avant de prendre acte de la rupture de son contrat, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
2o/ que les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que le cabinet Latham et Watkins exposait et justifiait qu'il avait répondu aux plaintes de la salariée, sur ses horaires de travail notamment, par un courrier du 1er juin 2008, dans lequel il lui proposait un aménagement de ses horaires, soit du lundi au vendredi de 18 heures à minuit, soit du mardi au vendredi de 18 heures à minuit et le samedi de 11 heures à 17 heures ; qu'en retenant, pour faire droit aux demandes de la salarié, que " l'absence de réponse de l'employeur aux multiples plaintes à cet égard de la salariée ne permettait pas à cette dernière d'espérer une amélioration de sa situation qui ne pouvait que continuer à se dégrader ", sans tenir compte du courrier de l'employeur du 1er juin 2008, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3o/ que le harcèlement moral suppose l'existence d'actes suffisamment graves et répétés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est contentée de relever que le 27 mai 2008, le supérieur hiérarchique de la salariée lui avait fait des remarques blessantes et menacé de " faire tous les soirs un rapport à la DRH " ; qu'en jugeant que ces propos, bien qu'isolés, étaient constitutifs de harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4o/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le cabinet Latham et Watkins contestait expressément dans ses conclusions le fait que le supérieur hiérarchique de la salariée aurait prétendu faire un rapport quotidien la concernant ; qu'en affirmant que ces propos n'étaient pas contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5o/ que l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise ne peut être qualifiée de harcèlement moral à l'égard d'un salarié si elle s'applique à l'ensemble de la collectivité de travail sans que celle-ci en ressente une atteinte à sa dignité et à sa santé ; qu'en l'espèce, il est constant que, pour optimiser la communication et le travail d'équipe, l'employeur avait décidé en 2006, le regroupement des cinq secrétaires de nuit, dont la salariée, et de leur supérieur hiérarchique dans un même bureau ; qu'en estimant que l' "open space" mis en place, regroupant toutes les secrétaires de nuit, constituait un harcèlement à l'encontre de la salariée dans la mesure où il exposait la salariée à la surveillance permanente de son supérieur, ce qui augmentait son stress et la pression subie, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
6o/ que le seul fait d'avoir attribué à la salariée lors de l'évaluation annuelle une note globale de 3/5, qui correspond, dans la grille de notation, au salarié qui " atteint généralement ses objectifs [et] apporte le niveau de performance attendue dans sa fonction ", quand les fiches d'évaluation comportaient par ailleurs de nombreuses appréciations positives et que, dans le même temps, la salariée avait bénéficié d'une progression salariale régulière et reçu une prime exceptionnelle pour la récompenser de " la qualité et de la constance de [sa] performance ", ne saurait constituer un acte de harcèlement moral " susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité " ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que la salariée avait reçu des avocats qui travaillent avec elle des commentaires élogieux, qu'elle avait vu son salaire progresser et reçu des primes ou bonus ; qu'ainsi la qualité de son travail était incontestablement reconnu au sein de l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins que le fait de lui avoir attribué la note de 3/5 lors des évaluations de 2007 et 2008 constituait, à lui seul, un acte de harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
7o/ que les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'aux termes des évaluations de novembre 2007 et de mai 2008, plusieurs reproches relatifs au comportement de la salariée, expliquant qu'elle n'ait pas obtenu la note maximale, avaient été énoncés parmi lesquels, outre le refus de s'installer à l'accueil pour quelques heures, de fréquents retards, une réaction négative à l'égard de la réorganisation effectuée en 2006, et le refus d'effectuer une traduction en anglais ; qu'en affirmant que le seul reproche concernant son comportement était son refus de prendre le rôle d'hôtesse d'accueil un samedi, la cour d'appel a méconnu les termes des rapports d'évaluation de novembre 2007 et mai 2008 et le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, imposait à la salariée, en dépit de ses
multiples plaintes, des horaires de travail importants ne lui permettant plus de disposer du repos légal hebdomadaire et de nature à compromettre sa santé, la cour d'appel en a justement déduit que de tels manquements étaient d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat à ses torts par la salariée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association d'avocats Latham et Watkins aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association d'avocats Latham et Watkins à payer à Mme Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'association d'avocats Latham et Watkins
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné le Cabinet d'avocat LATHAM ET WATKINS à verser à Madame Y les sommes de 4.708,21 euros à titre de rappel de salaire et heures supplémentaire et de 470,82 euros de congés payés afférents, ainsi que la somme de 2.400 euros au titre d'indemnité pour repos compensateur ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE madame Y soutient qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées et dont elle sollicite le règlement, soit, du 1er janvier 2006 au 30 avril 2007, 16 heures supplémentaires majorées à 25 %, 7 heures supplémentaires majorées à 50 % et 88 heures supplémentaires majorées à 100 %; Que l'association d'avocats Latham et Watkins conteste la réalité de ces allégations en faisant valoir que les heures supplémentaires que l'intimée prétend avoir effectuées résultent d'un calcul non démontré ni expliqué et hasardeux; Attendu que s'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés; Attendu que Mme Y produit au soutien de sa demande des tableaux précis et détaillés établis à partir d'une trame fournie par l'employeur faisant apparaître, avec le visa pour chacune d'entre elles du supérieur hiérarchique qui les lui a demandées, les heures supplémentaires qu'elle a accomplies en 2006 pour les semaines des 16 au 22 janvier, 1er au 21 mai, 4 au 17 septembre et 23 octobre au 3 décembre, ainsi qu'en 2007 pour les semaines des 12 au 18 mars, 16 au 22 avril et 7 au 13 mai ; que ce tableau fait mention pour toutes ces périodes de 16 heures supplémentaires majorées à 25 %, 7 heures supplémentaires majorées à 50 % et 88 heures supplémentaires majorées à 100 %; Attendu que l'association d'avocats Latham et Watkins se borne à faire valoir que ces heures ont été payées à la salariée ainsi qu'il en est fait mention sur les bulletins de salaire; Attendu, cependant, que la mention sur un bulletin de salaire des sommes dues au salarié ne fait pas preuve de leur versement, laquelle incombe à l'employeur; Attendu que l'association d'avocats Latham et Watkins qui se borne à renvoyer de façon inopérante aux sommes mentionnées sur les bulletins de salaire de Mme Y, ne fournit aucun élément relatif aux horaires de travail effectivement réalisés par la salariée, alors qu'il lui incombait de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par l'intéressée; Qu'il résulte des explications respectives des parties ainsi que de leurs explications à l'audience que Mme Y a effectivement réalisé entre les mois de janvier 2006 et mai 2007 un total de 111 heures supplémentaires, soit 107, 50 heures supplémentaires en 2006, à savoir 16 heures supplémentaires majorées à 25 %, 7 heures supplémentaires majorées à 50 % et 84,5 heures supplémentaires majorées à 100 % comme ayant été effectuées après 22 heures et le samedi, 3,5 heures supplémentaires en 2007, majorées à 100 %; Que Mme Y est dès lors en droit de prétendre, au titre de ces heures supplémentaires, à un rappel de salaire de 4.708,20 euros ainsi qu'à la somme de 470,82 euros au titre des congés payés afférents, au paiement desquels les premiers juges ont à bon droit condamné l'association d'avocats Latham et Watkins; Sur la demande relative au repos compensateur Attendu qu'aux termes de l'article L.3121-26 du code du travail, alors en vigueur, dans les entreprises de plus de vingt salariés, les heures supplémentaires accomplies à l'intérieur du contingent annuel d'heures supplémentaires, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire; que la durée de ce repos est égale à 50 % de chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures; que cette durée est portée à 100 % pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent; Que selon l'avenant no 57 1999-06-25 à la convention collective des avocats et de leur personnel, le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 130 heures par an et par salarié; Que Mme Y ayant effectué par ailleurs, entre janvier et décembre 2006, 153 autres heures supplémentaires comme mentionné sur ses bulletins de salaire, les 107,50 heures supplémentaires susvisés effectuées en 2006 ont été accomplies au-delà du contingent annuel de 130 heures supplémentaires; Que sur la base d'un taux horaire de 23,188 euros, elle est dès lors en droit de prétendre, dans les limites de sa demande, à une indemnité pour repos compensateurs non pris de 2.400 euros au paiement de laquelle les premiers juges ont condamné l'association d'avocats Latham et Watkins;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; S'il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe pas spécialement à aucune des parties, il appartient cependant au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; L'employeur doit quant à lui fournir les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié ; Madame Y a été amenée fréquemment à effectuer des heures supplémentaires, et le cabinet LATHAM & WATKINS s'est abstenu à plusieurs reprises de lui régler la totalité des heures supplémentaires mensuelles ; Madame Y établit pour la période du 1er janvier au 30 avril 2007, le décompte suivant 16 heures supplémentaires à 25%, soit 22,8 E/hx 1,25 = 456 E, 7 heures supplémentaires à 50%, soit 22,8 euros/hx 1,50 = 239,4 E, 88 heures supplémentaires à 100%, soit 22,8 E/hx 2 = 4012,8 E, soit un total de 4708,2 euros ; Pour sa part l'employeur ne fournit aucun élément de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée ; En conséquence, le Conseil condamne le Cabinet d'avocat LATHAM ET WATKINS à payer à Madame Y les sommes de 4708.20 euros au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, à laquelle il convient de rajouter la somme de 470.80euros au titre de congés payé afférents ;(...) Le repos compensateur En vertu des articles L. 3121-24 et L.3132-27, le repos compensateur est une contrepartie des heures supplémentaires effectuées par le salarié, ainsi que des heures travaillées par celui-ci le dimanche ; Vu la fréquence des heures supplémentaires effectuées par Madame Y, ainsi que le fait que celle-ci a été contrainte à plusieurs reprises de travailler le dimanche, sans pouvoir bénéficier d'un repos compensateur ; En l'absence d'éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée, de la part de l'employeur; En conséquence, le Conseil condamne le Cabinet d'avocat LATHAM ET WATKINS à payer à Madame Y la somme de 2400 euros au titre d'indemnités pour repos compensateurs ;
1. - ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que madame Y réclamait le paiement d'heures supplémentaires qu'elle prétendait avoir effectuées entre le mois de janvier 2006 et le mois d'avril 2007 ; que la société LATHAM et WATKINS ne contestait pas l'accomplissement de ces heures supplémentaires mais indiquait et démontrait par la production des bulletins de paie qu'elles avaient été réglées à la salariée ; qu'en reprochant à l'employeur de n'avoir fourni aucun élément relatif aux horaires de travail effectivement réalisés par la salariée, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2. - ALORS QUE madame Y reconnaissait dans ses écritures que " les éléments produits par le cabinet LATHAM permettent certes de constater que certaines des heures supplémentaires effectuées par [elle] figurant sur ses bulletins de salaire ont été réglées " mais prétendait qu'il ne " s'agi[ssai]t aucunement des heures supplémentaires dont le règlement est réclamé dans le cadre des présentes pour lesquelles aucun justificatif n'est apporté et qui ne figurent évidemment pas sur ses bulletins de salaire " ; que le cabinet LATHAM et WATKINS expliquait que, pour des raisons pratiques, les heures supplémentaires effectuées à partir du 15 de chaque mois étaient réglées sur le mois suivant et indiquait qu'au vu des bulletins de paie, il apparaissait que sur la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2007, 180,9 heures supplémentaires avaient été réglées à madame Y (concl. p. 13) ; qu'en se contentant d'affirmer que la mention sur un bulletin de salaire des sommes dues au salarié ne faisait pas la preuve de leur versement, quand la salariée elle-même admettait le contraire, sans rechercher si les heures supplémentaires figurant sur les bulletins de paie étaient ou non celles dont le paiement était réclamé par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.3121-22 du code du travail ;
3. - ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que le cabinet LATHAM et WATKINS indiquait que madame Y avait bénéficié du repos compensateur (conclusions p. 14) et produisait les bulletins de paie justifiant du versement d'indemnités de repos compensateur pour la période de janvier 2006 à avril 2007 (pièces no 8-2, 8-3, 8-12, 8-15, 8-16) ; qu'en condamnant l'employeur à une indemnité pour repos compensateur non pris, sans répondre aux conclusions de l'exposante sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de madame Y en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné le Cabinet d'avocat LATHAM ET WATKINS à verser à Madame Y la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués dont il lui appartient d'établir l'existence, constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission; que les griefs mentionnés dans la lettre de prise d'acte ne fixent pas les limites du litige; Attendu que Mme Y fait notamment valoir à l'encontre de son employeur que ses conditions de travail étaient particulièrement fatigantes avec des horaires qui ne lui laissaient pas le temps suffisant pour lui permettre de se régénérer; Attendu que l'horaire de travail hebdomadaire particulièrement lourd, y compris après le 1er avril 2006, auquel Mme Y était astreinte, avec une répartition du temps de travail sur six jours consécutifs du lundi au samedi avec l'exécution de nombreuses heures de nuit, a été aggravé par la réalisation de nombreuses heures supplémentaires, d'un total de 111 heures de janvier 2006 à mai 2007; qu'ainsi, Mme Y a été amenée à travailler, en sus de son horaire de travail hebdomadaire habituel, les dimanches 22 janvier, 14 et 21 mai, 10 et 17 septembre, 29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre et 3 décembre 2006, ainsi que les dimanches 18 mars et 22 avril 2007, pour des durées respectivement de 7,5 heures, 2,5 heures, 1,5 heure, 9 heures, 4 heures, 4,25 heures, 2,25 heures, 4 heures, 3 heures, 4 heures, 6 heures, 3,5 heures et 3 heures; que de tels horaires étaient de nature à la longue à compromettre la santé de l'intéressée qui ne disposait même plus, ainsi pendant cinq semaines d'affilée de novembre à début décembre 2006, du repos légal hebdomadaire dont le respect par l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat concernant la protection de la santé des salariés, est d'ordre public; que l'absence de réponse de l'employeur aux multiples plaintes à cet égard de la salariée ne permettait pas à cette dernière d'espérer une amélioration de sa situation qui ne pouvait que continuer à se dégrader; que la poursuite de ces manquements par l'employeur rendait impossible la poursuite du contrat de travail; Que dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs formulés par Mme Y à l'encontre de son employeur au soutien de sa prise d'acte, celle-ci a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse; Sur les dommagesintérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Attendu que l'association d'avocats Latham et Watkins comportant un effectif d'au moins onze personnes et Mme Y ayant une ancienneté d'au moins deux ans, sont applicables les dispositions de l'article L.1235-3, alinéa 2, du code du travail selon lesquelles le juge octroie au salarié ayant fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois; Que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le préjudice subi par Mme Y du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 60.000 euros au paiement desquelles il convient de condamner l'association d'avocats Latham et Watkins à titre de dommages- intérêts;
1. - ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail ; que, pour faire droit à la demande de la salariée, la Cour d'appel a relevé que de janvier 2006 à mai 2007, son horaire de travail hebdomadaire habituel avait été aggravé par la réalisation de nombreuses heures supplémentaires et que pendant une période de cinq semaines de novembre à début décembre 2006, elle n'avait pas disposé du repos légal hebdomadaire ; qu'il est néanmoins constant que madame Y n'avait pris acte de la rupture de son contrat de travail que le 16 septembre 2008, soit plusieurs mois après ces faits ; qu'en affirmant que les manquements relevés à l'encontre de l'employeur, dont elle a constaté qu'ils avaient été commis entre janvier 2006 et mai 2007, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail quand la salariée avait attendu plus de 16 mois avant de prendre acte de la rupture de son contrat, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail ;
2. - ALORS QUE les juges sont tenus d'examiner toutes les pièces produites par les parties au soutien de leurs prétentions ; que le cabinet LATHAM et WATKINS exposait et justifiait qu'il avait répondu aux plaintes de la salariée, sur ses horaires de travail notamment, par un courrier du 1er juin 2008, dans lequel il lui proposait un aménagement de ses horaires, soit du lundi au vendredi de 18 heures à minuit, soit du mardi au vendredi de 18 heures à minuit et le samedi de 11 heures à 17 heures (concl. p. 10, pièce produite no 4) ; qu'en retenant, pour faire droit aux demandes de la salarié, que " l'absence de réponse de l'employeur aux multiples plaintes à cet égard de la salariée ne permettait pas à cette dernière d'espérer une amélioration de sa situation qui ne pouvait que continuer à se dégrader " (arrêt p. 8 § 1), sans tenir compte du courrier de l'employeur du 1er juin 2008, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE selon l'article L.1152-1 du code du travail " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; Selon l'article L 1154-1 " il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement " ; Le harcèlement peut-être constitué par l'employeur ou son représentant ; L'employeur est l'organe d'autorité dans l'entreprise et est inclus dans les termes généraux utilisés à l'article L.1152-1 du Code du Travail ; Il peut déléguer cette autorité à un cadre qui sera titulaire d'une délégation de pouvoirs et assurera sa représentation à l'égard du personnel placé sous ses ordres ; Est ainsi concerné le personnel d'encadrement ou de maîtrise, investi d'un pouvoir de commandement et/ou de gestion ; Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ; L'atteinte à la dignité est constituée lorsque le supérieur recourt à des propos blessants, des attaques inutiles usant d'un ton excédant celui qu'autorise en certains cas le lien de subordination existant entre les parties ; Il résulte d'une part de l'article L.1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel, d'autre part de l'article L.1154-1 de ce code que la charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; La prise d'acte de rupture de Madame Y du 16 septembre 2008 est formulée ainsi " Maître, Je viens par la présente, prendre acte de la rupture de mon contrat de travail de votre fait et sous votre responsabilité (...) Cette prise d'acte est motivée par les éléments suivants - en premier lieu, les conditions de travail particulièrement pénibles qui m'ont été imposées ont eu une répercussion fâcheuse sur mon état de santé, votre comportement s'assimilant à un harcèlement moral; - en second lieu, mes diverses revendications, récemment relayées par mon Conseil, n'ont jamais reçu de réponse positive au niveau du travail du soir, du respect du repos quotidien de 11 heures, des repos compensateurs et du travail 6 jours sur 7 qui m'était imposé; - enfin, votre refus d'appliquer les règles légales et conventionnelles à ma situation constitue surabondamment un motif de résiliation de votre fait du contrat de travail (...) ". Dans la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail, Madame Y invoque donc trois manquements imputables à son employeur Le fait de lui imposer des conditions de travail particulièrement pénibles, ce comportement s'analysant en un harcèlement moral; le refus de répondre et de satisfaire à ses revendications; le refus d'appliquer les règles l'égales et conventionnelles à sa situation ; En 2007, le cabinet fait l'objet d'une réorganisation interne, et Madame Y est subordonnée à Monsieur D'... et à Madame ... qui conduisent également les entretiens annuels ; Madame Y dit avoir fait l'objet à plusieurs reprises d'un comportement dégradant et humiliant de la part de son supérieur hiérarchique Monsieur Raphaël D'..., Coordinateur du Secrétariat de nuit ; Le 27 mai 2008, il s'est exprimé, ainsi, " Pour qui te prends-tu? Tu n'es qu'une secrétaire ici ! Et moi je suis ton supérieur, donc au boulot dans deux minutes et tais- toi " ; Madame Y a dénoncé par mail le comportement de Monsieur D'... à son supérieur hiérarchique, Madame Sandra Mc ..., Responsable des Ressources Humaines, qui n'a pris aucune mesure d'enquête ou de prévention ; Monsieur D'... a menacé la salariée, de " faire tous les soirs un rapport à la DRH " ; Madame Y souhaitant connaître la raison d'un tel rapport a été convoquée par la Responsable des Ressources Humaines qui n'a fourni aucune explication à ce sujet ; Le Conseil constatant qu'aucun de ces propos n'ont été contestés ni par Monsieur D'..., ni par Madame Sandra Mc ..., Responsable des Ressources Humaines, ni avant la procédure, considère que l'atteinte à la dignité est constituée lorsque le supérieur recourt à des propos blessants, des attaques inutiles usant d'un ton excédant celui qu'autorise le lien de subordination existant entre les parties ; Le Conseil a pris connaissance du constat d'huissier sur les conditions matérielles de cet " open space ", mais à aucun moment Madame Y ne remet en question les locaux ou l'aménagement de ceux-ci ; Elle écrit dans sa lettre du 26 mai 2008 à propos des conditions de travail modifiées " Un " open space " a été créé, réunissant les secrétaires de nuit dans le même espace de travail. Cette nouvelle organisation a engendré un surcroît de fatigue dans la mesure où cet espace est rarement calme (coups de téléphone, avocats venant expliquer le travail, déplacements, discussions, etc.). Nous sommes devenus en que/que sorte un " pool" où les avocats nous sollicitent souvent au pied levé, nous obligeant à interrompre notre travail pour leur répondre et éventuellement satisfaire leur demande, présentant souvent un caractère d'urgence. Ceci, bien sûr, n'est pas sans nuire à la qualité de notre travail. De plus, les avocats font maintenant davantage appel à nous pour des travaux de reprographie et d'impression de courriels. - Alors qu'auparavant nous dépendions de Marie-Karin Hauducoeur, Responsable des Ressources Humaines, nous avons maintenant deux " supérieurs hiérarchiques " intermédiaires, Mme Myriam ... (Responsable des secrétaires) et M. Raphaël D'... (Coordinateur du Secrétariat de nuit), ce dernier étant installé avec nous et gérant notre travail. Du fait de ces nominations (ces personnes ont été promues sans qu'il y ait eu d'ouvertures de poste annoncées au sein du Cabinet), nous avons subi une perte significative d'autonomie et une surveillance accrue (et pas toujours appropriée) de notre travail. " Les propos excessifs et l'instauration d'un "open space" où se trouvaient les bureaux de toutes les secrétaires et celui de Monsieur D'..., permettant d'exposer la salariée à la surveillance permanente dont il l'avait menacée, ne pouvaient qu'augmenter le stress et la pression que subissait Madame Y ; Le Conseil constate - que la progression salariale de Madame Y, l'attribution de primes ou bonus, sont la preuve que celle-ci est particulièrement appréciée; - que depuis son embauche et jusqu'à la nouvelle organisation de 2007, nommant Monsieur D'... et de Madame ... en tant que ses responsables hiérarchiques, Madame Y a toujours obtenu d'excellentes notes lors de ses évaluations (note globale de 5 sur 5) ; Lors de l'évaluation de novembre 2007, les avocats qui travaillent avec elle, sont tous particulièrement élogieux - " Pascale maîtrise les différents outils mis à sa disposition" ; - " un avocat souligne sa capacité à élaborer un organigramme dans le rapport d'audit" ; - " Pascale est organisée et rigoureuse (. .. ) " - " Pascale maîtrise l'ensemble des logiciels, ce qui lui permet de produire des documents de bonne qualité dans un délai court. Celle compétence est reconnue par de nombreux avocats " ; - " Elle est reconnu comme la spécialiste des avancées de Word " - " Pascale est très demandée par de nombreux avocats" ; - " travail de très bonne qualité et très rigoureux" ; - " une excellente secrétaire" ; - " une vision globale des documents et une curiosité qui permet de lui donner des travaux sophistiqués " ; Malgré ses commentaires reconnaissant les qualités de la salariée, Madame ..., sa responsable hiérarchique chargée de l'entretien d'évaluation dégrade sa note à 3 sur 5 ; Les faits reprochés a Madame Y et contestés dans sa lettre du 26 mai 2008 ne peuvent seuls expliquer cette dégradation, alors même qu'il est reconnu qu'elle "n'hésite pas de se rendre disponible si besoin " ; Lors de l'évaluation de mai 2008, Madame Y se voit reprocher une mauvaise communication avec son coordinateur Monsieur D'... ; Au regard des éléments mentionnés ci-dessus le Conseil considère qu'elle n'est pas à l'origine de ces problèmes de communication ; Un seul reproche concernant son comportement est décrit à titre d'exemple, consistant dans le refus de la salariée de prendre le rôle d'hôtesse d'accueil un samedi ; Elle a clairement consenti à rendre un tel service à titre exceptionnel, à savoir remplacer la personne pendant sa pause déjeuner et dans la mesure où la quantité de son travail le lui permettait ; Madame Y a été embauchée en qualité de secrétaire et en tant que telle le Conseil constate sa grande qualification ; Les reproches ainsi formulés ne provenaient pas des associés du cabinet qui en 2008, ont jugé excellents les compétences et le comportement de la demanderesse ; Par ailleurs Madame Y est la seule secrétaire à laquelle n'ont pas été communiqués par avance les évaluations de la part des associés, les courriels de ses collègues en attestent ; Le Conseil, au regard des remarques figurant dans le compte rendu d'évaluation de mai 2008, constate que le travail de Madame Y est toujours d'excellente qualité, et que sa note de 3 sur 5, comme celle de novembre 2007, est injustifiée ; Le harcèlement moral se caractérise également par des méthodes de gestion abusive ; En l'espèce, la dégradation injustifiée des notes de Madame Y, la nature des propos et une surveillance excessive sont " des agissements qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ; Et l'article Ll152-4 précise " L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral" ; L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral exercé par l'un ou l'autre de ses salariés ; L'employeur ne démontre pas ici avoir pris les dispositions nécessaires pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; Concernant les conditions d'exécution du contrat de travail de Madame Y, évoquées dans la lettre du 26 mai 2008, il est établit précédemment que des dispositions légales et conventionnelles n'étaient pas respectées ; A la suite de ce courrier, elle a été convoquée par Madame Sandra Mc ... à un entretien lors duquel aucune solution constructive n'a été proposée ; En l'absence de délégué du personnel au sein du cabinet LATHAM & WATKINS, la demanderesse a du recourir à un avocat pour obtenir une réponse écrite à ses revendications ; Le Conseil constate que Madame ... atteste (pièce 30) des mêmes
difficultés de communication et méthodes de gestion que celles rencontrées par Madame Y ; L'état dépressif provoqué par des insultes, des reproches, des actes de harcèlement moral est également souligné ; Il y a atteinte à la santé quand l'attitude de l'employeur a sur sa santé des répercussions établies par certificat médical ; Madame Y présente deux arrêts de travail pour syndrome dépressif ; Compte tenus des éléments de harcèlement le Conseil considère que ces faits constituent un harcèlement moral et qu'ils ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale, confirmée par les médecins, et de compromettre l'avenir professionnel de Madame Y ; Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; La Cour de cassation a estimé que le harcèlement moral imputable à l'employeur ou à ses employées constitue un motif légitime permettant au salarié de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; En conséquence, le Conseil constate que cet acte de rupture imputable à l'employeur, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne le Cabinet d'avocat LATHAM ET WATKINS à verser à Madame Y la somme de 80.000euros au titre de dommages et intérêts pour rupture du fait de l'employeur ;
3. - ALORS QUE le harcèlement moral suppose l'existence d'actes suffisamment graves et répétés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est contentée de relever que le 27 mai 2008, monsieur D'... avait fait des remarques blessantes à la salariée et menacé de " faire tous les soirs un rapport à la DRH " ; qu'en jugeant que ces propos, bien qu'isolés, étaient constitutifs de harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
4. - ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le cabinet LATHAM et WATKINS contestait expressément dans ses conclusions le fait que monsieur D'... aurait prétendu faire un rapport quotidien concernant madame Y (conclusions p. 7 § 6) ; qu'en affirmant que ces propos n'étaient pas contesté par l'employeur (arrêt p. 6 § 9), la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
5. - ALORS QUE l'organisation du travail mise en place dans l'entreprise ne peut être qualifiée de harcèlement moral à l'égard d'un salarié si elle s'applique à l'ensemble de la collectivité de travail sans que celle-ci en ressente une atteinte à sa dignité et à sa santé ; qu'en l'espèce, il est constant que, pour optimiser la communication et le travail d'équipe,
l'employeur avait décidé en 2006, le regroupement des cinq secrétaires de nuit, dont madame Y, et de leur supérieur hiérarchique, monsieur D'..., dans un même bureau ; qu'en estimant que l' " open space " mis en place, regroupant toutes les secrétaires de nuit, constituait un harcèlement à l'encontre de madame Y dans la mesure où il exposait la salariée à la surveillance permanente de son supérieur, ce qui augmentait son stress et la pression subie, la Cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
6. - ALORS QUE le seul fait d'avoir attribué à la salariée lors de l'évaluation annuelle une note globale de 3/5, qui correspond, dans la grille de notation, au salarié qui " atteint généralement ses objectifs [et] apporte le niveau de performance attendue dans sa fonction ", quand les fiches d'évaluation comportaient par ailleurs de nombreuses appréciations positives et que, dans le même temps, la salariée avait bénéficié d'une progression salariale régulière et reçu une prime exceptionnelle pour la récompenser de " la qualité et de la constance de [sa] performance ", ne saurait constituer un acte de harcèlement moral " susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité " ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations des juges du fond que madame Y avait reçu des avocats qui travaillent avec elle des commentaires élogieux, qu'elle avait vu son salaire progresser et reçu des primes ou bonus (jugement p. 7 § 3-4) ; qu'ainsi la qualité de son travail était incontestablement reconnu au sein de l'entreprise ; qu'en jugeant néanmoins que le fait de lui avoir attribué la note de 3/5 lors des évaluations de 2007 et 2008 constituait, à lui seul, un acte de harcèlement, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
7. - ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'aux termes des évaluations de novembre 2007 et de mai 2008, plusieurs reproches relatifs au comportement de la salariée, expliquant qu'elle n'ait pas obtenu la note maximale, avaient été énoncés parmi lesquels, outre le refus de s'installer à l'accueil pour quelques heures, de fréquents retards, une réaction négative à l'égard de la réorganisation effectuée en 2006, et le refus d'effectuer une traduction en anglais ; qu'en affirmant que le seul reproche concernant son comportement était son refus de prendre le rôle d'hôtesse d'accueil un samedi, la Cour d'appel a méconnu les termes des rapports d'évaluation de novembre 2007 et mai 2008 et le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;

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