Références
Cour administrative d'appel de ParisN° 12PA04859Inédit au recueil Lebon
2ème chambre lecture du mardi 30 avril 2013REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par MeC... ; M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1112802 du 17 octobre 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités y afférentes, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel il a été assujetti au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2013 :
- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;
1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur les années 2006 et 2007 et du contrôle sur pièces portant sur l'année 2008 dont M.B..., qui exerce la profession d'avocat en qualité de collaborateur au sein de différents cabinets, a fait l'objet, l'administration fiscale a notifié au contribuable les redressements qu'elle se proposait d'apporter à ses revenus imposables au titre de ces années dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ainsi que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; que, devant le Tribunal administratif de Paris, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a prononcé la décharge des rappels d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. B...au titre des années 2006 et 2007 ; que, par le jugement n° 1112802 du 17 octobre 2012 susvisé, le tribunal administratif a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel M. B...avait été assujetti au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2008 ; que M. B...fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été entièrement fait droit à sa demande ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant, en premier lieu, que, si M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que le service n'était pas en droit de procéder à une vérification de comptabilité au motif qu'il aurait exercé son activité d'avocat non pas de façon indépendante, ce qui entraîne l'obligation de tenir une comptabilité, mais, en réalité, en qualité de salarié compte tenu de la façon dont son activité était régie au sein des cabinets d'avocats, ce moyen doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. B...soutient qu'il n'aurait pas reçu les pièces de procédures tant dans les trois cabinets au sein desquels il exerçait son activité qu'à son domicile, il n'apporte aucune précision sur les pièces qui ne lui seraient pas parvenues ; qu'en tout état de cause, il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification, daté du 10 octobre 2008 et indiquant que le contribuable a la faculté de se faire assister durant le contrôle, a été distribué le 13 octobre 2008, ce dont atteste la signature manuscrite figurant sur l'accusé de réception ; qu'il incombe alors à M. B..., qui soutient ne pas être l'auteur de cette signature manuscrite, d'établir que cette dernière ne serait pas la sienne ; que, M. B... n'apportant aucune précision sur l'identité de la personne signataire de l'accusé de réception et ne soutenant même pas que cette personne ne ferait pas partie de celles qui, même non expressément habilitées, auraient toutefois entretenu avec lui des relations susceptibles de leur donner qualité à cette fin, l'avis de vérification du 10 octobre 2008 doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à l'intéressé le 13 octobre suivant ; qu'il résulte également de l'instruction que la proposition de rectification datée du 4 mars 2009 et relative aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 a été expédiée à l'adresse du cabinet Weil Gotshal et Manges et que la proposition de rectification du 18 novembre 2009, relative à l'impôt sur le revenu de l'année 2008, a été envoyée au domicile personnel de M. B... ; que les accusés de réception des plis contenant ces actes de procédure indiquent, pour le premier, une distribution en date du 6 mars 2008 et, pour le second, une distribution en date du 8 décembre 2009 et sont revêtus chacun d'une signature manuscrite ; que, si le requérant soutient ne pas être l'auteur de ces signatures manuscrites, une telle circonstance n'est pas, pour les raisons exposées supra, de nature à faire obstacle à ce que les propositions de rectification en cause puissent être regardées comme ayant été régulièrement notifiées ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables " ; que, si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit, en principe, se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée au 2 rue de la Baume à Paris 8ème, où M. B...exerçait son activité d'avocat au sein du cabinet Weil Gotshal et Manges, en vertu d'un contrat de collaboration signé le 2 juillet 2007, et que le vérificateur s'est rendu dans ces locaux à quatre reprises entre le
4 novembre 2008 et le 22 janvier 2009 ; qu'ainsi, à supposer même que, comme M. B...le soutient, sans d'ailleurs l'établir, le siège de son entreprise personnelle se trouvait en réalité à son domicile, le contrôle mené dans les conditions susrappelées, qui permettaient au contribuable d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, a été régulier ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts " ; qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité mise en oeuvre à l'encontre de M. B... s'est déroulée entre le 4 novembre 2008, date de la première intervention du vérificateur, et le 22 janvier 2009, date de la réunion de synthèse au cours de laquelle ce dernier a exposé à M. B...les conclusions et conséquences de ce contrôle ; que la vérification de comptabilité respectait ainsi le délai de trois mois prévu par les dispositions précitées, alors même qu'elle a été suivie d'un contrôle sur pièces portant sur l'année 2008, dès lors que, si ce second contrôle a été effectué par le même vérificateur, il portait, en tout état de cause, sur une période distincte ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, en particulier, de la proposition de rectification du 18 novembre 2009 relative à l'impôt sur le revenu de l'année 2008, que les suppléments d'imposition litigieux sont issus non pas, ainsi que le prétend M. B..., de la poursuite de la vérification de comptabilité, laquelle n'a concerné que les années 2006 et 2007, mais d'un contrôle sur pièces ayant exclusivement consisté en l'exercice, par le service, de son droit de communication auprès des différents cabinets d'avocats avec lesquels l'intéressé avait conclu un contrat de collaboration ; qu'il suit de là que doit être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait viciée faute pour le service d'avoir informé le contribuable que son activité faisait l'objet, au titre de l'année 2008, d'une vérification de comptabilité ;
Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :
En ce qui concerne la nature de l'activité professionnelle exercée par M. B... :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 : " L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association, d'une société d'exercice libéral (...) Sans préjudice des dispositions du présent article, l'avocat peut exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (...) L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle. Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 2 août 2005 susvisée : " I. Les membres des professions libérales soumises à statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (...) peuvent exercer leur activité en qualité de collaborateur libéral. II.- A la qualité de collaborateur libéral le membre non salarié d'une profession mentionnée au I qui, dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d'un autre professionnel, personne physique ou personne morale, la même profession. Le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle. III. Le contrat de collaboration libérale doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession. Ce contrat doit, à peine de nullité, être établi par écrit et préciser : (...) 2° Les conditions de rémunération ; 3° Les conditions d'exercice de l'activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle (...) V. le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant " ;
8. Considérant que M. B... soutient qu'en imposant les revenus issus de son activité professionnelle dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration a commis une erreur de qualification catégorielle au motif qu'ayant, en réalité, exercé son activité au sein des cabinets d'avocats White et Case LLP, Shearman et Sterling LLP et Weil Gotshal et Manges LLP dans des conditions de subordination ne lui permettant pas de se constituer une clientèle personnelle, lesdits revenus devaient être imposés dans la catégorie des traitements et salaires ;
9. Considérant que le requérant produit des attestations émanant d'une salariée du cabinet Shearman et Sterling et d'un salarié du cabinet White et Case indiquant que la charge de travail de l'intéressé était importante et ne lui laissait pas le temps de développer une clientèle personnelle, la seconde attestation, qui ne concerne en outre que les années 2002 à 2005, ajoutant que M. B... était en situation de subordination ; qu'il ressort cependant des contrats de collaboration que M. B... a conclus respectivement avec chacun des trois cabinets d'avocats susmentionnés, produits par l'administration, que lesdits cabinets non seulement autorisent l'intéressé à développer une clientèle personnelle, mais encore l'y aident en mettant à sa disposition, pour ce faire, l'ensemble de leurs moyens matériels ; qu'en outre, les clauses des contrats de collaboration sont conformes aux dispositions précitées de l'article 18 de la loi du 2 août 2005 aux termes desquelles le collaborateur libéral relève du régime fiscal des professionnels exerçant de façon indépendante ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction que, dans sa déclaration de revenu global souscrite au titre de l'année 2008, seule année restant en litige au titre de l'impôt sur le revenu, M. B... a déclaré ses revenus dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; que, dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le service a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les revenus qu'il a tirés de l'exercice de son activité professionnelle ;
En ce qui concerne le quantum des rectifications relatives à l'année 2008 :
10. Considérant que, malgré la mise en demeure du 16 juillet 2009, qu'il a reçue le
29 juillet 2009, M. B...n'a pas souscrit la déclaration annuelle, prévue à l'article 97 du code général des impôts, de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2008 ; qu'il résulte de l'instruction que, pour procéder, en application de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales, à l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux de M. B..., le vérificateur a fait usage de son droit de communication auprès du cabinet Weil Gotshal et Manges, qui a indiqué, dans sa réponse du 22 juin 2009, avoir rétrocédé à l'intéressé la somme de 132 158 euros toutes taxes comprises, soit 110 500 euros hors taxes, au titre de l'année 2008 ; que le service a retenu des dépenses professionnelles d'un montant global de 10 698 euros ; que, si M. B...soutient que le montant de charges ainsi admis, qui représente 9,68 % de son chiffres d'affaires est " aberrant " et doit être porté à 34 %, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que ce pourcentage de frais professionnels admis en déduction de ses bénéfices imposables aurait été sous-évalué ; qu'il n'est pas davantage fondé à demander un abattement forfaitaire pour frais professionnels, à hauteur de 34 %, en application de l'article 102-ter du code général des impôts, dès lors qu'eu égard aux recettes que lui a procurées son activité au titre de l'année 2008, il n'était pas éligible au régime des micro-bénéfices non commerciaux ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en refusant de lui appliquer un pourcentage de frais inférieur à celui de 34% forfaitairement admis pour les contribuables relevant de ce régime, l'administration aurait méconnu le principe de l'égalité devant l'impôt doit, en tout état de cause, être écarté ;